Pédro a écrit :
Je ne suis pas compétent en ce qui concerne la proto-histoire mais ce que je peux néanmoins dire c'est que le processus de formation des aristocraties, puis des pouvoirs "monarchiques" est bien connu de part l'ethnologie. Il n'y a pas de volonté de spoliation de la richesse ni de contrôle dans le sens où l'on pourrait facilement l'entendre.
Ok pour l'utilisation de l'ethnologie, mais attention tout de même à dire que le processus de formation des élites est bien connu, il ne s'agit jamais que de théories, même chez Clastres. On ne peut jamais formuler que des scénarios, et le champ de la recherche sur le processus d'affirmation des élites politiques et en général ce que les chercheurs anglo-saxons très marqués par l'anthropologie qualifient de "complexification" est le cadre de nombreuses théories. Même les critères matériels ne permettent pas de faire consensus, car il y a des débats sur la fonction des bâtiments et objets analysés et la question de savoir qui les utilisait, pourquoi, s'il y avait une oligarchie, un pouvoir unique, ou une "caste" pour reprendre le titre du sujet, etc. Le souci est qu'on est dans des périodes proto-historiques, alors pas de textes, ce qui rend plus difficile la théorisation, mais attention les textes ne permettent évidemment pas de limiter les débats sur les premières formes d'organisation politique et sociale. Le comparatisme avec d'autres sociétés sont complexes à mobiliser, notamment parce que beaucoup de processus d'émergence d'élites que l'on observe plus tard sont en grande partie "exogènes", influencés par des modèles extérieurs, tandis que ceux des sociétés comme l'Égypte, la Mésopotamie, l'Indus ou la Chine antiques sont "endogènes". En plus les différences entre chacune de ces civilisations montre bien qu'il n'y a pas de voie unique vers l'émergence d'une élite et d'un Etat, cf. le débat qui a eu lieu sur ce sujet il y a quelques années :
viewtopic.php?f=84&t=5229En gros, la stratification sociale en Mésopotamie est décelable clairement en premier durant la période d'Obeid, seconde moitié du VIe millénaire av. J.-C. Elle se voit dans la différenciation des tombes et l'apparition de premiers bâtiments "monumentaux". Les sites représentatifs sont Tepe Gawra, Kheit Qasim, Eridu. Mais cela ne veut pas dire que les premières "chefferies" soient datées de cette période, et à chercher dans cette région. En gros on distingue la première stratification sociale avec l'émergence de la céramique puis de la métallurgie du cuivre, sur des critères matériels et leur difficile interprétation symbolique et sociale. Schématiquement, les nouvelles techniques de production mises en œuvre induisent une nouvelle forme d'organisation sociale, plus hiérarchisée. Comment cela se fait et se traduit exactement, on ne peut le savoir. Les modes d'organisation sociale durant les phases du néolithique final du Moyen-Orient semblent encore communautaires et peu hiérarchisés à en juger par l'habitat, mais petit à petit la culture matérielle témoigne de capacités de coordination sociale que l'on peut être tenté d'attribuer à une organisation sociale plus hiérarchisée. La métallurgie du cuivre au VIe millénaire (le début du Chalcolithique) peut être considérée comme une étape cruciale. On arrive alors aux phases de Samarra, de Halaf et d'Obeid en Mésopotamie du nord puis du sud (plus Chogha Mami en Iran occidental), où se produisent les étapes décisives dans l'affirmation des premiers États. Le problème est de savoir comment ça se passe, à partir de quel moment on peut considérer que ce que l'on voit illustre bien l'émergence d'une élite, les formes d'organisation sociale sous-jacentes, et les moyens d'action de celles-ci. Les causes sont encore plus difficiles à trouver : rôle de la guerre, du commerce, de la religion, de l'environnement, etc.