Dans un livre intitulé Nouvelle découverte sur le Jésus de l'histoire, Allan Tramontana a récemment (2012) tenté de démontrer que le veritable Testimonium Flavianum (c'est à dire le témoignage de Flavius Josèphe sur Jésus) est en réalité les deux passages où l'auteur juif cite un personnage appelé par le surnom d'Egyptien.
Ce personnage est connu par ailleurs car il est cité dans les Actes des Apôtres qui fond partie du Nouveau Testament :

« Sur le point d’être introduit dans la forteresse, Paul dit au tribun : « Me serait-il permis de te dire un mot ? » - « Tu sais le grec ? Demanda celui-ci. Tu n’es donc pas l’Égyptien qui, ces temps derniers, a soulevé quatre mille bandits et les a entraînés au désert ? »- ». (Actes, 21, 36)

Selon l'auteur, l'égyptien cité par Luc n'est pas le même que celui cité par Josèphe, pour une simple raison, c'est qu'il ne correspond pas du tout avec les informations donnés par Josèphe. Il correspond plus à un autre personnage cité par ce même auteur, quelques paragraphes après le témoignage sur le mystérieux l'égyptien :

"Festus envoya une troupe de cavalerie et d’infanterie contre ceux [des sicaires] qui avaient été trompés par un imposteur qui leur avait promis le salut et la fin de leurs maux s’ils voulaient le suivre au désert. Les soldats envoyés par Festus tuèrent cet imposteur et tous ceux qui l’avaient suivi. " (Antiquités Judaïques, XX, 8, 10)

Ce n'est donc pas le même personnage ! Selon l'auteur, "on peut émettre l’hypothèse que le passage [sur l'égyptien] n’apparaissait pas à cet endroit dans la version originale de Josèphe à l’époque de l’écriture des Actes des Apôtres.

Il fait ensuite des comparaisons très interresantes avec le texte slavon de Josèphe sur Jésus et les deux récits concernant l'égyptien et en tire la conclusion que le rédacteur slave s'est servit du texte sur l'égyptien pour forger le récit slave sur Jésus.
Il fait aussi d'étonnant parallèles avec les textes évangéliques : l'importance du Mont des Oliviers ; l'arrestation de jésus par la cohorte romaine dans l'évangile de Jean ; la prophétie sur la destruction du Temple ; les liens entre Jésus et l'Egypte, etc.
Il finit par conclure que les textes sur l'égyptien sont en réalité le véritable témoignage de Josèphe sur Jésus et qu'un faussaire déplaça le texte au sein de l'oeuvre de Josèphe pour effacer le temoignage juif sur le Christ jugé trop scandaleux, en particulier parceque l'Egyptien fuit le champ de bataille...

C'est la première fois que je lis une telle hypothèse sur des phrases de Falvius Joseph concernant un Egyptien qui serait en réalité Jésus. Celà me parait être peu crédible, pas vraiment étayé, d'autant qu'à l'époque de Jésus le peuple juif est constamment en ébullition depuis plusieurs décennies et que des personnages comme l'Egyptien, il y en a eu des dizaines. Cet Egyptien est crédible en lui-même dans la Judée de l'époque. Mettre Jesus à sa place dans le contexte décrit par Josèphe ne correspond pas du tout au personnage du prêcheur pacifiste qui commande d'abandonner ses biens pour le suivre.
En conclure alors, que celà a été fait à dessein, par la suite, pour éviter de montrer un autre Jésus, est vraiement très gros ! Celà sent la construction !

_________________
Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses. Virgile.

Je trouve quand même cette thèse assez crédible parce qu'il y à beaucoup trop de point commun avec ce que nous savons de Jésus. Je met la traduction de Josèphe :

Guerre des Juifs :

«Le faux prophète égyptien porta aux Juifs un coup encore plus funeste. Cet individu était un charlatan qui s’était acquis la réputation d’un prophète : arrivé dans le pays, il rassembla environ trente mille dupes. Après les avoir fait tourné dans le désert, il les amena au mont dit des Oliviers ; de là, il était à même de forcer l’entrée de Jérusalem et, la garnison romaine une fois maîtrisée, d’établir sa tyrannie sur le peuple, en prenant comme gardes du corps ceux qui auraient participé à l’assaut à ses côtés. Félix prévint son attaque : il se porta au-devant de lui avec l’infanterie lourde romaine, le peuple entier se joignant à lui pour la défense ; de sorte que, l’engagement ayant eu lieu, l’Egyptien s’enfuit avec un petit nombre de ses gens ; la plupart furent tués ou faits prisonniers ; le reste se dispersa, chacun rentrant chez lui en cachette. »

Antiquités Judaïques :

« C’est vers ce temps qu’un homme vint d’Egypte à Jérusalem. Il disait qu’il était prophète et il conseillait à la masse du peuple de venir avec lui sur le mont dit des Oliviers, qui se trouve en face de la ville à la distance de cinq stades . Car il prétendait vouloir leur montrer à partir de là comment, à son commandement, les murs de Jérusalem tomberaient, de sorte que, leur promettait-il, ils auraient par là une entrée dans la ville. Lorsque Félix apprit cela, il ordonna à ses soldats de prendre les armes et, s’élançant hors de Jérusalem avec un grand nombre de cavaliers et fantassins, il fondit sur ceux qui accompagnaient l’Egyptien, en tua quatre cents et prit vivants deux cents. L’Egyptien lui-même s’échappa du combat et disparut. »

L'égyptien se prend pour le Messie ; il est le seul agitateur des oeuvres de Flavius Josèphe à avoir prêché sur le mont des Oliviers , comme Jésus ; il prophétise la destruction de la ville (et depuis le mont des oliviers les remparts sont en fait les fortification du Temple : comme le discours escathologique de Jésus depuis le mont des oliviers) ; le récit de l'arrestation de l'égyptien est semblable avec celui de Jésus, qui selon Jean fut arrêter par la cohorte romaine ; le surnom d'égyptien correspond tout à fait à Jésus ("d'Egypte, j'ai appelé mon fils" nous dit l'évangile de Matthieu)...

Il s'agit d'un montage grossier comme le montre d'ailleurs la référence d'un faux prophète qui se révéla être un charlatan et fit 30000 dupes. Et ensuite, vous dites, c'est Jésus. Superbe, quelle coincidence.
Comme l'affaire de l'Egyptien est au temps de Félix dont la nomination est postérieure à la mort de Jesus, l'erreur éclate. La substitution Egyptien par Jésus est impossible.
Voici un texte sur Félix qui arrive en 52 en Judée comme procurateur et est remplaçé en 60:
" Cumanus est exilé en 52. Claude envoie son favori Antonius Felix. , un Grec, comme procurateur. Il épouse Drusilla, la sœur d’Agrippa. Sa politique maladroite et injuste entraîne le développement du parti Zélote. Félix arrête leur chef Eléazar par trahison puis doit faire face aux Sicaires armés de poignards qui exécutaient leurs compatriotes ralliés aux Romains, comme le grand-prêtre Jonathan fils d'Anne. À cette époque paraissent plusieurs prophètes rassemblant les foules et leur promettant la liberté, ce qui entraîne la réaction immédiate des Romains. Félix fait ainsi exécuter les partisans de « l’Égyptien » qui voulaient pénétrer dans Jérusalem. "

_________________
Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses. Virgile.

Selon Allan Tramontana, il faudrait remplacé Felix par Pilate et ce pour plusieurs raisons :
- le passage fut déplacé au sein de l’œuvre de Flavius Josèphe par un faussaire pour effacé littéralement le témoignage juif jugé trop scandaleux par les chrétiens.
Pourquoi le déplacé à l'époque de Félix ? Parce que les Actes des Apôtres parle d'un égyptien ayant entrainé des sicaires au désert sous ce même procurateur....alors que l'on sait que ce dernier est en réalité un autre imposteur dont parle Josèphe (voir plus haut la citation de l'auteur juif sur cet imposteur ayant soulevé des sicaires et les ayant entrainés au désert). Ce n'est donc pas le même égyptien et Luc qui écrit les Actes des Apôtres ne sait pas que notre égyptien souleva 30000 disciples afin de prendre Jérusalem...soit celui-ci a mal recopié Josèphe, soit le passage concernant l'Egyptien ne se situait pas à cet endroit dans Josèphe.

- d'autre part, le passage de l'Egyptien ressemble très fortement à la version slave du témoignage de Josèphe sur Jésus...ce qui fait penser que les rédacteurs russe se sont servit de la version grec concernant l'Egyptien pour forger ce témoignage, ce qui démontre qu'il s'agit en réalité de la véritable version du témoignage de Josèphe :

Texte vieux russe :

"En ce temps là apparut un homme, si on peut l’appeler ainsi. Sa nature était humaine, mais son apparence plus qu’humaine. Il faisait d’étonnants miracles. Pourtant, vu la nature qu’il partage avec nous, je ne l’appellerai pas un ange. Tout ce qu’il réalisait par une puissance cachée l’était par la force de sa parole. Quelques-uns disait : « Notre premier législateur [Moïse] est ressuscité, il a opéré nombre de guérisons » ; d’autres disaient qu’il était un envoyé de Dieu. Pourtant, en bien des choses, il désobéissait à la Loi et n’observait pas le Sabbat suivant la coutume des ancêtres. D’autre part, il ne faisait rien de honteux, ni [de tour magiques] avec ses mains ; la parole était son seul instrument.
Bien des gens du peuple le suivaient et écoutaient son enseignement ; bien des âmes étaient émues, dans la pensée que les tribus juives pouvaient par lui être affranchies du joug romain. Il se tenait d’ordinaire devant la ville, sur le mont des Oliviers, et c’est là qu’il opérait des guérisons.
Autour de lui, il avait 150 disciples et une multitude du peuple. Ceux-ci, voyant qu’il pouvait accomplir ce qu’il voulait par la parole, lui révélèrent leur désir : qu’il entrât dans la ville, tua les soldats romains et Pilate et régnât sur eux. Mais lui ne nous méprisa pas [cinq mots douteux et lacune].
Quand les chefs des Juifs furent informés de ce qui se passait, ils se réunirent avec le grand prêtre. « Nous sommes, dirent-ils, trop faibles pour résister aux Romains. Mais puisque l’arc bandé nous menace aussi, allons, communiquons à Pilate ce que nous avons appris, et il nous laissera en paix ; car s’il apprend cela par d’autres, nous serons tués et dépouillés de nos biens et nos enfants seront dispersés. » Ils allèrent donc et firent rapport à Pilate. Celui-ci [Pilate] envoya des soldats et fit tuer nombre de gens. Il fit amener devant lui le thaumaturge et après enquête, prononça le jugement : C’est un bienfaiteur, non un malfaiteur, ni un rebelle, ni un aspirant à la royauté. Et il le laissa partir, car il avait guéri sa femme mourante. Et [Jésus] revint là où il se tenait d’habitude et fit ses œuvres accoutumés. Et quand plus de gens encore s’assemblèrent autour de lui, il se glorifia encore plus par ses actes. Les docteurs de la Loi, dévorés d’envie, donnèrent 30 talents à Pilate pour qu’il le mit à mort. Il prit l’argent et les laissa libres d’agir comme ils le voulaient. Ils mirent la main sur lui et le crucifièrent en accord avec la loi des empereurs [texte roumain]. "

Le texte en italique est une interpolation selon S. REINACH. Allan Tramontana en trouve quel qu’autre...

C'est du roman ! La prochaine fois, on lira que Egyptien veut dire galiléen, non judéen.

_________________
Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses. Virgile.

Alors pourquoi certaines communautés juive du passé (comme en témoigne Amolon dans son écrit du 9eme siècle Contre les Juifs) appelait Jésus : "le destructeur égyptien" ? Cette tradition est en outre très ancienne puisque Celse (2eme siècle) en parle déjà et nous dit que Jésus était un sorcier ayant appris son art en Egypte ?

Affirmer que c'est du roman simplement parceque c'est une thèse qui nous gêne ou nous met mal à l'aise n'est pas agir en véritable historien....

Bien sur que cette tradition de critique de Jésus est ancienne, puisqu'elle émane de juifs qui n'ont jamais reconnu Jésus comme Messie et ont répandus parfois sur lui les pires calomnies, sur sa mère supposée, son père (un centurion romain), etc. Il y en a des tonnes et des tonnes et celà depuis des siècles jusqu'à une époque récente. Personne de sérieux n'en parle car ce n'est pas de l'histoire et tout le monde en rit. Les juifs se gardent bien d'ailleurs de relayer ces récits de fantaisie qu'on retrouve tout au long de l'histoire pour discréditer le christianisme.
Votre version est du même tonneau, il s'agit d'en faire un chef de bande en utilisant un récit et en mettant Jésus à la place d'un Egyptien et maintenant Pilate à la place de Jésus. C'est plutot comique !

_________________
Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses. Virgile.

Non c'est Pilate à la place de Félix en fait pour être précis....
Non il ne s'agit en aucun cas de prouver que Jésus était un chef de bande, je ne pense pas ; mais plutot de prouver que les textes évangéliques ont une part d'historicité (enfin je le comprend comme ça). L'auteur insiste d'ailleurs sur les parallèles évangéliques qui peuvent être fait entre Jésus et cet Egyptien...l'Auteur d'ailleurs précise bien qu'il s'agit de l'interprétation juive des action de Jésus.

Pardon pour le lapsus. Comme je vous l'ai dit il y a de nombreux textes juifs, non reconnus par le monde juif, qui s'efforcent dès les premiers siècles de discréditer Jésus, notamment en calomniant sa mère, la vierge Marie des chrétiens, dont ils font une prostituée ayant fréquenté un soldat romain dont le nom est cité, pour faire vrai. Alors vous comprenez que votre texte n'apporte rien de nouveau dans le genre.

_________________
Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses. Virgile.

Donc, si on vous suit bien, il faut lire Pilate à la place de Félix et Jésus de Nazareth à la place de l’Égyptien. Mais, dans ce cas, on peut mettre en doute 100% de l'histoire du monde. Tous les textes sont interprétables. Alors chaque tenant d'une thèse marginale peut décider qu'en fait quand on lit les mémoires de Napoléon, il faut lire Nelson à la place de Wellington, Autzerlitz à la place de Waterloo et que sais-je encore.

Les écrits antiques qui sont arrivés jusqu'à nous sont suffisamment rares. Si en plus, il faut changer les sens des noms qui y sont donnés, autant les jeter tout de suite à la poubelle.

Nous avons bien compris que la thèse d'Allan Tramontana vous a convaincu. Mais pour l'instant, vous n'étayez pas trop de manière historique celle-ci. Vous êtes dans le domaine de la croyance, or l'histoire ce veut une science. Pour croire Allan Tramontana, il faut accepter dès le départ son postulat. Ce n'est pas ainsi que ça marche.

_________________
Une théorie n'est scientifique que si elle est réfutable.
Appelez-moi Charlie

Je ne veux pas m'abriter derrière l'argument d'autorité, mais ce qui devrait être une avancée scientifique se présente d'abord sous la forme soit d'une thèse soutenue devant un jury, soit dans une revue à comité de lecture, soit dans un colloque universitaire. Il y a quand même dans la démarche historique un processus de validation qui passe par le débat scientifique entre experts. Quoiqu'il en soit, j'ai relu ce qui me semble être un texte de référence sur le sujet (Léon Herrmann, Chrestos. Témoignages païens et juifs sur le christianisme du premier siècle, Bruxelles, Latomus, 1970, tome 109) et je n'ai trouvé nulle trace de cette hypothèse alors que Herrmann "décortique" dans tous les sens Flavius Josèphe.
Les sources sont si sujettes à caution sur ce sujet qu'il faut impérativement les croiser. On ne peut valider une hypothèse en utilisant une seule source que l'on accuse d'avoir été trafiquée. Sinon, c'est la porte à toutes les suspicions. Qui ne peut ensuite affirmer que l'Egyptien des Actes des Apôtrees (XXI, 38 et non 36) n'est pas une invention a posteriori pour corroborer ce que dit Flavius Josèphe... ?

_________________
"Denken heisst überschreiten" : Penser signifie faire un pas au-delà. Ernst Bloch (1885-1977)

Et bien tout simplement parce que Luc ne suis pas du tout ce que dit Flavius Josèphe : l'égyptien de Josèphe est un agitateur ayant amener 30 000 juifs à monter sur le mont des Oliviers et les a exhorter à la révolte ; une bataille suivit et l'égyptien fuit le champ de bataille avec plusieurs disciples...en quoi cette description correspond-t-elle avec celle de Luc qui nous dit que l'égyptien souleva 4000 sicaires (et non des disciples) et les a attirés au désert...cette description est en réalité celle d'un autre imposteur anonyme cité par Josèphe à l'époque de Festus :

"Festus envoya une troupe de cavalerie et d’infanterie contre ceux [parmi les sicaires] qui avaient été trompés par un imposteur qui leur avait promis le salut et la fin de leurs maux s’ils voulaient le suivre au désert. Les soldats envoyés par Festus tuèrent cet imposteur et tous ceux qui l’avaient suivi."

Précisons que cet imposteur est le seul à avoir soulevé des sicaires (à l'époque de Felix puisque c'est à l'arriver de Festus en Judée que celui-ci voulut s'en saisir)...

C'est une hypothèse pourtant qui n'est pas nouvelle : dans son ouvrage Allan Tramontana affirme que cette thèse d'identification l'égyptien-Jésus est apparut en 1899 sous la plume d'un certain Gustave LEJEAL, « Histoire naturelle de Jésus », publié dans la revue L’Humanité nouvelle (Volume III, p.56-71) qui pour le coup publie bien dans une revue à comité de lecture...