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Pierre de L'Estoile |
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Inscription : 11 Juin 2007 19:48 Message(s) : 2289
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Deux remarques préliminaires : - Je n’ai pas trouvé le moindre renseignement sur cet Allan Tramontana… De la même manière qu’on s’intéresse à la personnalité d’une source antique, j’aime bien savoir à qui j’ai affaire, surtout pour des sujets à vocation polémiques
- Septon mène de front trente-six « débats » (sic) sur le net, sous divers pseudo, depuis octobre. Partout la même rengaine et des polémiques futiles qui s’éternisent à longueur de pages… Ce n’est pas de l’information, mais de la propagande.
J’ai peu de temps, je pars en week-end ; je sabre donc pour me concentrer sur les deux postulats qui sont censés justifier tout ce mic-mac : 1) l’Egyptien des Actes diffère de l’Egyptien de Josèphe ; 2) la version slavonne est l’original, qui a été pompée sur le texte de l’Egyptien. Primo : l’Egyptien des Actes diffère de l’Egyptien de Josèphe, matraqué à chaque message. Rappel : Version des Actes des Apôtres, 21.37-38 : 37 Au moment d’être introduit dans la forteresse, Paul dit au tribun : M’est-il permis de te dire quelque chose ? Le tribun répondit : Tu sais le grec ? 38 Tu n’es donc pas cet Égyptien qui s’est révolté dernièrement, et qui a emmené dans le désert quatre mille brigands (σικαρίων) ? Version de la Guerre des Juifs, II.261-263 : Le faux prophète égyptien porta aux Juifs un coup encore plus funeste. Cet individu était un charlatan qui s’était acquis la réputation d’un prophète : arrivé dans le pays, il rassembla environ trente mille dupes (ἠπατημένων). Après les avoir fait tourné dans le désert, il les amena au mont dit des Oliviers ; de là, il était à même de forcer l’entrée de Jérusalem et, la garnison romaine une fois maîtrisée, d’établir sa tyrannie sur le peuple, en prenant comme gardes du corps ceux qui auraient participé à l’assaut à ses côtés. Félix prévint son attaque : il se porta au-devant de lui avec l’infanterie lourde romaine, le peuple entier se joignant à lui pour la défense ; de sorte que, l’engagement ayant eu lieu, l’Egyptien s’enfuit avec un petit nombre de ses gens ; la plupart furent tués ou faits prisonniers ; le reste se dispersa, chacun rentrant chez lui en cachette.Version des Antiquités Judaïques, XX.169-172 : 169 A ce moment là vint à Jérusalem un Egyptien qui se disait prophète et qui conseilla à la populace de monter avec lui au mont appelé le Mont des Oliviers, qui se trouve en face de la ville, à cinq stades de distance. 170 Il répétait, en effet, aux gens qu'il voulait leur montrer de là comment sur son ordre les remparts de Jérusalem s'écrouleraient et il promettait de leur frayer ainsi un passage. 171 Félix, lorsqu'il apprit cela, ordonna à ses soldats de prendre les armes et, s'élançant hors de Jérusalem avec beaucoup de cavaliers et de fantassins, il attaqua l'Égyptien et ceux qui l'entouraient ; il en tua quatre cents et en fit prisonniers deux cents. 172 L'Égyptien lui-même s'échappa de la mêlée et disparut.Premier constat, les versions de Josèphe diffèrent sensiblement, ce qui n’est pas vraiment une surprise puisqu’il suit des sources très différentes dans l’un et l’autre de ses ouvrages, l’un suit exclusivement la tradition juive, l’autre s’inspire d’auteurs de langue grecque ; c’est flagrant par exemple dans les récits sur les Macchabées. Quelles sont donc ces différences proclamées sans cesse ? - d’après Septon, les chiffres sont incompatibles, Luc donnant 4000, Josèphe 30 000. Déjà, quand on connait la valeur des estimations chiffrées dans l’antiquité… mais en plus, la version des Antiquités offre une version bien plus modérée, puisqu’il n’y eut ‘que’ 600 victimes, ce qui est contradictoire avec la Guerre où « la plupart » des 30 000 dupes « furent tués ou faits prisonniers ». Autrement dit, Luc s’oppose à la Guerre, mais s’accorde avec les Antiquités. Pas de contradiction, surtout sur un thème aussi annexe.
- d’après Septon, les hommes qui le suivent diffèrent, puisque les uns sont « des sicaires », et de l’autre « des disciples » au lieu de dupes, afin de le faire coller à sa théorie. Or les deux descriptions de Josèphe justifient parfaitement le qualificatif de sicaires, puisque le but de leur rassemblement est d’orchestrer un soulèvement armé patriotique contre l’autorité… Qui plus est, ces deux passages se situent dans des paragraphes mettant en exergue « les actes des brigands » à cette époque ; la seule différence est que Josèphe qui les déteste cordialement opte la plupart du temps pour des termes plus méprisants (λῃστῶν par exemples), plus violent que sicaire, terme plus technique et ‘noble’. A remarquer d’ailleurs que le ton diffère dans les deux versions de Josèphe envers ces révoltés : les Antiquités sont beaucoup plus hostiles, ils sont coupables ; alors que la Guerre dédouane la populace, qui a été trompé, elle est victime. Toujours sa sempiternelle hésitation entre deux sources…
- - toujours d’après Septon, l’itinéraire diverge, puisque celui de Luc se promène dans le désert, tandis que celui « Josèphe » monte au mont des Oliviers. Sauf que la Guerre précise bien que « après les avoir fait tourné dans le désert, il les amena au mont dit des Oliviers », là où les Antiquités abrègent directement au Mont. Pour les bienfaits de la Cause, Seption choisit tout simplement de l’ignorer…
Conclusion : il n’y a pas l’ombre d’une contradiction entre les deux versions, juste quelques divergences mineures qui tiennent à leurs sources et à la vitesse du résumé qu’ils font des évènements. Le point de départ est donc totalement déformé… Je passe donc sur la suite aberrante qui éloigne deux textes identiques (vu ci-dessus) pour en rapprocher deux totalement divergents (alias avec le Testimonium : ils ne sont pas contemporains, ne portent pas le même nom, n’ont pas le même destin, etc. Le seul point commun finalement, c’est la mention du mont des Oliviers…). Second postulat, la version slave est la version originale. D’abord, petit rappel, il ne s’agit pas de la version slavonne du Testimonium Flavianum, tiré des Antiquités Judaïques, mais une interpolation chrétienne dans la version slavonne de la Guerre des Juifs. Ensuite, cette interpolation est tardive : le texte date des X-XIe, et toutes les divergences avec la version grecque concernent comme par hasard l’introduction de Jésus dans un récit qui ne le concerne en rien (II.9.3, alias ce Testimonium slave ; II.11.6 ; V.5.2 ; V.5.4 ; VI.5.3). Du coup, prétendre qu’il s’agit là de la version originale est pour le moins cocasse… Aucune des interpolations ne trouve son origine dans les Antiquités Judaïques, et en l’occurrence, seules la première et la troisième phrases particulièrement banales ( En ce temps là apparut un homme, si on peut l’appeler ainsi. [. . .] Il faisait d’étonnants miracles. // Vers le même temps vint Jésus, homme sage, si toutefois il faut l'appeler un homme. Car il était un faiseur de miracles. . .) présentent un vague rapprochement avec le Testimonium Flavianum (à peine 5% du texte !). Le reste n’a rien à voir ni avec le Testimonium, ni avec cet Egyptien (seul points communs : la mention du mont des Oliviers, et encore, le contexte est très différents ; c’est le lieu de passage obligatoire pour qui vient du désert ou s’y rend et plus spécifiquement pour qui veut assiéger la ville, comme les Romain en 70 qui s’y installent ; et d’autre part les souhaits violents de la population, thème commun à l’époque (la littérature juive et particulièrement Josèphe aligne des dizaines de discours ou d’allusions de ce type), et même signalés dans les écrits chrétiens (que je ne maîtrise pas du tout ; de toute façon, c’est par là qu’il faut chercher son inspirations plutôt que dans des fantômes bricolés) ; ni l’un ni l’autre ne sont des spécificités ni de Jésus, ni de l’Egyptien. L’affirmation que « les rédacteurs russe se sont servit de la version grec concernant l'Egyptien pour forger ce témoignage » sur l’argument de ces seules banalités noyées dans un récit sans autre point commun est absurde. Et la mauvaise foi du propagandiste est limpide quand il a le culot d’affirmer, après avoir eu la maladresse de les copier, que « le Testimonium Slavorum […] est un copier-coller du texte sur l'égyptien »… ni le sens général ni le moindre détail ne converge… Jusqu’à nouvel ordre, chacun sait lire, et cherchera la colle entre ce texte : En ce temps là apparut un homme, si on peut l’appeler ainsi. Sa nature était humaine, mais son apparence plus qu’humaine. Il faisait d’étonnants miracles. Pourtant, vu la nature qu’il partage avec nous, je ne l’appellerai pas un ange. Tout ce qu’il réalisait par une puissance cachée l’était par la force de sa parole. Quelques-uns disait : « Notre premier législateur [Moïse] est ressuscité, il a opéré nombre de guérisons » ; d’autres disaient qu’il était un envoyé de Dieu. Pourtant, en bien des choses, il désobéissait à la Loi et n’observait pas le Sabbat suivant la coutume des ancêtres. D’autre part, il ne faisait rien de honteux, ni [de tour magiques] avec ses mains ; la parole était son seul instrument. Bien des gens du peuple le suivaient et écoutaient son enseignement ; bien des âmes étaient émues, dans la pensée que les tribus juives pouvaient par lui être affranchies du joug romain. Il se tenait d’ordinaire devant la ville, sur le mont des Oliviers, et c’est là qu’il opérait des guérisons. Autour de lui, il avait 150 disciples et une multitude du peuple. Ceux-ci, voyant qu’il pouvait accomplir ce qu’il voulait par la parole, lui révélèrent leur désir : qu’il entrât dans la ville, tua les soldats romains et Pilate et régnât sur eux. Mais lui ne nous méprisa pas [cinq mots douteux et lacune]. Quand les chefs des Juifs furent informés de ce qui se passait, ils se réunirent avec le grand prêtre. « Nous sommes, dirent-ils, trop faibles pour résister aux Romains. Mais puisque l’arc bandé nous menace aussi, allons, communiquons à Pilate ce que nous avons appris, et il nous laissera en paix ; car s’il apprend cela par d’autres, nous serons tués et dépouillés de nos biens et nos enfants seront dispersés. » Ils allèrent donc et firent rapport à Pilate. Celui-ci [Pilate] envoya des soldats et fit tuer nombre de gens. Il fit amener devant lui le thaumaturge et après enquête, prononça le jugement : C’est un bienfaiteur, non un malfaiteur, ni un rebelle, ni un aspirant à la royauté. Et il le laissa partir, car il avait guéri sa femme mourante. Et [Jésus] revint là où il se tenait d’habitude et fit ses œuvres accoutumés. Et quand plus de gens encore s’assemblèrent autour de lui, il se glorifia encore plus par ses actes. Les docteurs de la Loi, dévorés d’envie, donnèrent 30 talents à Pilate pour qu’il le mit à mort. Il prit l’argent et les laissa libres d’agir comme ils le voulaient. Ils mirent la main sur lui et le crucifièrent en accord avec la loi des empereurs.Et ceux-là : « Le faux prophète égyptien porta aux Juifs un coup encore plus funeste. Cet individu était un charlatan qui s’était acquis la réputation d’un prophète : arrivé dans le pays, il rassembla environ trente mille dupes. Après les avoir fait tourné dans le désert, il les amena au mont dit des Oliviers ; de là, il était à même de forcer l’entrée de Jérusalem et, la garnison romaine une fois maîtrisée, d’établir sa tyrannie sur le peuple, en prenant comme gardes du corps ceux qui auraient participé à l’assaut à ses côtés. Félix prévint son attaque : il se porta au-devant de lui avec l’infanterie lourde romaine, le peuple entier se joignant à lui pour la défense ; de sorte que, l’engagement ayant eu lieu, l’Egyptien s’enfuit avec un petit nombre de ses gens ; la plupart furent tués ou faits prisonniers ; le reste se dispersa, chacun rentrant chez lui en cachette. » « C’est vers ce temps qu’un homme vint d’Egypte à Jérusalem. Il disait qu’il était prophète et il conseillait à la masse du peuple de venir avec lui sur le mont dit des Oliviers, qui se trouve en face de la ville à la distance de cinq stades. Car il prétendait vouloir leur montrer à partir de là comment, à son commandement, les murs de Jérusalem tomberaient, de sorte que, leur promettait-il, ils auraient par là une entrée dans la ville. Lorsque Félix apprit cela, il ordonna à ses soldats de prendre les armes et, s’élançant hors de Jérusalem avec un grand nombre de cavaliers et fantassins, il fondit sur ceux qui accompagnaient l’Egyptien, en tua quatre cents et prit vivants deux cents. L’Egyptien lui-même s’échappa du combat et disparut. »Je passe sur le reste du délire, de la poudre aux yeux sans intérêt. Ni le temps, ni l'envie... PS : les traductions sont exactes, au moins elles n’ont pas été bricolées, c’est déjà ça.
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