Kév@n a écrit :
Cependant j'ai du mal à comprendre les intentions d'Isocrate vis à vis du roi de Macédoine ; Isocrate est contre la Grèce divisé, au temps de Philippe.
Isocrate a une vieille marotte qui lui tient à cœur. En brave homme qu’il est, il ne supporte pas de voir la Grèce se déchirer dans des guerres fratricides, se morfondant dans la misère et son corollaire, le mercenariat et le brigandage.
Par conséquent, il rêve de pacifier et pour ce faire d’unir tout ce joli monde. Tâche complexe s’il en est. Mais l’histoire offre à Isocrate deux précédents : d’une part la seconde guerre médique qui a vu l’Hellade unifiée repousser l’ennemi jugé invincible, et d’autre part, la guerre de Troie où la Grèce unifiée par le commandement d’Agamemnon.
Fort de ces deux exemples (peu importe leur portée historique et géographique réelle), Isocrate a compris que le seul moyen d’unir toutes ces cités et peuples est de lancer une vaste guerre « nationale » contre un ennemi commun apte à solidariser tout ce beau monde, et en prime offrant les richesses de l’Asie à la Grèce et ouvrant l’Asie Mineure à la colonisation, permettant de se débarrasser la Grèce de ses troupeaux de mercenaires en maraudes et autres miséreux.
A ces yeux, la tâche sera non seulement glorieuse, mais facile, comme l’ont démontré les exemples récents des 10 000 en 401-400, et surtout des campagnes d’Agésilas en 396-394, et par le fait que les armées perses ne sont victorieuses que sous commandement grec (Conon par exemple en 394).
Vaste programme donc. Au début de sa carrière, il pense qu’Athènes est à même de porter la bannière hellénique, comme en 478. C’est le sens de son Panégyrique en 380. Malheureusement, Athènes n’a ni les épaules ni la stabilité politique pour unir la Grèce derrière sa bannière qui n’a plus le faste d’antant. Aussi, assez vite, Isocrate renonce à son corps défendant d’accorder le rôle primordial à sa bien-aimé patrie, et se cherche des chefs plus fiables, des hommes forts. Il croit y reconnaître d’abord le brillant Jason de Phères, puissant et ambitieux. Il parvient même à le convaincre, puisque ce dernier caresse l’idée d’une campagne contre la Perse… à la veille de son assassinat en 370. Isocrate se tourne alors vers 365 vers Archidamos le roi de Sparte qui opère le redressement de sa patrie après Leuctres. Mais le champion n’est pas de taille, ni sa patrie. Un peu désespéré, Isocrate se tourne vers le moindre candidat potentiel. Pourquoi pas Denys, le tyran de Sicle ? Mais il s’agit du Jeune, pas de l’Ancien, et il n’a pas hérité des qualité de son père. Il perd le pouvoir dès 357. De toute manière, on se demande bien ce que le Syracusains serait allé faire dans une guerre contre la Perse… En désespoir de cause, Isocrate va même jusqu’à faire porter ses espoirs sur Nicoclès, petit roi d’une petite ville de Chypre dont le père s’était distingué en se révoltant contre la Perse.
Mais une nouvelle puissance imprévue se manifeste : la Macédoine et son roi Philippe, de plus en plus puissant et glorieux. Vainqueur des Phocidiens et champion de l’amphictyonie delphique, il domine sans partage la Grèce centrale, mais il a l’inconvénient d’être en guerre contre Athènes. Mais en 346 la paix se fait enfin. Isocrate y voit l’occasion de réaliser son rêve et dans la foulée, rédige la même année son
Philippe, à l’âge de 90 ans ! Il appelle à la réconciliation et fournit ses conseils pour s’attacher les différentes puissances de Grèce, lui rappelle les bonnes vieilles traditions familiales macédonienne (parait-il de tout temps favorables à la Grèce, depuis Caranos et Héralclès), et bien entendu, remet une couche sur ses vieux projets de Guerre persique.
Dans son idéal, si Philippe suit ses conseils, ce dernier se couvrira de gloire en Asie, à la tête d’une vaste coalition où en particulier Athènes est destiné à jouer un rôle important, et la Grèce vivra dans la paix et l’abondance, enrichie des dépouilles perses.
PS: pourrais-tu être plus précis ? A quels passages fais-tu référence ? Les pages 106-107 correspondent uniquement à ton édition. Pour citer un passage, donne plutôt les numéros de § qui divisent l'oeuvre en petits morceaux aisément consultables. Cette numérotation est arbitraire (je ne sais pas d'ailleurs quand elle a été fixés, je présume avec les éditions de la Renaissance), mais très pratiques, surtout que les éditions ont tendance à utiliser tous les mêmes références (ce qui n'était pas le cas auparavant, d'où une certaine confusion, dans les Vies de Plutarque par exemple).