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Message Publié : 20 Mai 2010 17:48 
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Georges Duby
Georges Duby
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Le Musée, créé par la dynastie grecque des Ptolémée à Alexandrie, et qui comportait la fameuse bibliothèque, était en réalité un centre universitaire et de recherches. Parmi les travaux menés, une place particulière doit être faite à l'école d'astronomie grecque , très ancienne, qui a fait avancer considérablement cette discipline, vouée jusqu'alors à l'accumulation d'observations.
Les Grecs de cette école ont apporté de nombreuses explications aux phénomènes célestes. Ils établissent, spécialemnt les pythagoriciens, dès le 6è siècle avant JC, que la terre est ronde et même sphérique, les éclipses de lune, les raisons de l'alternance du jour et de la nuit ...
Alexandrie perfectionne le raisonnement astrologique et les observations des planètes. On croit généralement que l'illustre Claude Ptolémée, 2è siècle après JC, qui sera admiré jusqu'à la Renaissance, en confirmant le géocentrisme et en ignorant la rotation des planètes, dont la terre, autour du soleil, a montré que les grecs n'avaient pas trouvé le principe de la rotation de la terre autour du soleil . Il a fallu attendre Copernic, confirmé par Galilée.
Il semble que ce dernier point de vue soit erroné. Dès les pythagoriciens, on suppose que la tourne autour d'un feu central en 24 H. avec une anti-terre, point de vue contesté alors. Heraclide au 4è siècle propose que Mercure et Vénus tournent autour du soleil mais pour lui le soleil tourne autour de la terre en 1 an, la terre tournant sur elle-même en 24 H.
C'est alors qu'un nommé Aristarque enseigne au 3è siècle avant JC, au Musée, que "la terre comme les autres planètes tourne autour du soleil", en 1 an. Copernic connaissait Heraclite, Aristarque, leurs hypothèses et il a reconnu qu'il est parti de là dans un ouvrage. Il savait aussi qu' Archimède, Hipparque, Aristote aussi, et d'autres savants grecs avaient réfuté toute rotation de la terre. Ptolémée avait donc repris l'immobilité de la terre, transmettant ce point de vue à la postérité.
On ne peut qu'être admiratif devant la science grecque ancienne et son école d' astronomie.
Ce qui apparait curieux par contre est qu'on ne cite jamais les découvertes d' Heraclite et surtout d' Aristarque, en sautant Ptolémée. La terre tournait déjà autour du soleil pour Aristarque, professeur au Musée d' Alexandrie, au 3è siècle avant JC. Est-ce que la science n'a pas parfois retrogradé après la science grecque ?

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Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses. Virgile.


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Message Publié : 20 Mai 2010 19:34 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 11 Juin 2007 19:48
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Il faut je crois être prudent par rapport à la notion de science appliquée à des théories cosmologiques davantage philosophiques que scientifiques, car non démontrées par des calculs. Ce sont des théories, sans plus, et qui ont été contredites par des autorités (mais bon, perso, je n'ai rien compris ni aux arguments ni au contre-argumentaire).

Pour la théorie héliocentrique d'Aristarque, le seul texte que je connaisse provient de l'Arénaire d'Archimède qui le réfute. Et encore, après plusieurs lectures, je n'ai toujours pas vraiment compris ni le point de vue d'Aristarque ni les reproches que lui adresse Archimède...
Tu sais que le monde est appelé par la plupart des astronomes une sphère dont le centre est le même que celui de la terre et dont le rayon est égal à la droite placée entre le centre de la terre et celui du soleil. Aristarque de Samos rapporte ces choses en les réfutant, dans les propositions qu'il a publiées contre les astronomes. D'après ce qui est dit par Aristarque de Samos, le monde serait beaucoup plus grand que nous venons de le dire; car il suppose que les étoiles et le soleil sont immobiles ; que la terre tourne autour du soleil comme centre; et que la grandeur de la sphère des étoiles fixes dont le centre est celui du soleil, est telle que la circonférence du cercle qu'il suppose décrite par la terre est à la distance des étoiles fixes comme le centre de la sphère est à la surface. Mais il est évident que cela ne saurait être, parce que le centre de la sphère n'ayant aucune grandeur, il s'ensuit qu'il ne peut avoir aucun rapport avec la surface de la sphère. Mais à cause que l'on conçoit la terre comme étant le centre du monde, il faut penser qu'Aristarque a voulu dire que la terre est à la sphère que nous appelons le monde, comme la sphère dans laquelle est le cercle qu'il suppose décrit par la terre est à la sphère des étoiles fixes; car il établit ses démonstrations, en supposant que les phénomènes se passent ainsi ; et il paraît qu'il suppose que la grandeur de la sphère dans laquelle il veut que la terre se meuve est égale à la sphère que nous appelons le monde.
Nous disons donc que si l'on avait une sphère de sable aussi grande que la sphère des étoiles fixes supposée par Aristarque, on pourrait démontrer que parmi les nombres dénommés dans le Livre des Principes, il y en aurait qui surpasseraient le nombre de grains de sable contenus dans cette sphère.

Traduction Peyrard 1809, disponible chez Remacle, dont je ne garantis pas la traduction, n'ayant pas consulté le texte original.

Quant à Héraclide, c'est pire encore. Sa théorie n'est connue que pas d'obscures commentateurs, qui n'ont jamais été traduit ni en français ni en anglais, et pour le second, je ne sais pas qui l'a édité, je ne dispose même pas du texte original.
- Simplicius, dans son commentaire de la Physique d'Aristote, p.291 de l'édition Diels disponible sur le net (Commentaria in Aristotelem graeca, volume IX, 1882)
-Calcidius, dans son commentaire du Timée de Platon, 108-112.
Les deux passages sont traduits et commentés par Eastwood, B. S., "Heraclides and Heliocentrism - Texts Diagrams and Interpretations", Journal for the History of Astronomy 23, 1992. Honnêtement, si j'ai pris connaissance des textes, je n'ai pas parcouru les commentaires, dont les développements mathématiques et astronomiques dépassent de loin mes capacité, surtout en anglais.

Simplement, pour nos contemporain, normal qu'il soit passé inaperçu : combien ont eu l'occasion de lire ces deux auteurs ?? A plus forte raison pour nos ancêtres !
Ensuite se pose la question de leur écho dans l'antiquité elle-même. Apparemment très faible.
Enfin, se pose la question de leur forme : s'agissait-il de traités mathématiques, de démonstrations, ou de simple élucubrations originales, d'idées vaguement énoncées ? Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'ils n'ont pas convaincus leurs contemporains. Y compris au sein de l'école d'Alexandrie (qu'Archimède a fréquenté).

Bref, attention peut-être à ne pas idéaliser les travaux (disparus) de ces précurseurs.

Par contre, je suis toute ouïe pour des explications simples de ces textes de la part d'initiés, compréhensible même pour les cranes les plus épais. :oops:
Quelles sont tes sources pour les théories pythagoriciennes, apparemment antérieurs au IVe ?


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Message Publié : 20 Mai 2010 20:37 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

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Alain (ou quelqu'un d'autre !), est-ce que tu aurais dans tes bibliographies ou tes notes une édition systématique des fragments astronomiques d'Aristarque ? Je n'en ai trouvé aucune, ce qui est tout de même étonnant, en dehors de son traité Sur les grandeurs et les distances du soleil et de la lune plusieurs fois édité en anglais, en français et bien sur en VO.

J'aimerais trouver d'autres écho de sa théorie héliocentrique. Plutarque en offre par exemple un certain nombre (Sur les opinions des Philosophes, II.891a ; Sur la face visible de la lune, 923a ; Questions Platoniques, 1006c), j'en trouverais davantage en cherchant, mais je doute parvenir à l'exhaustivité par mes propres moyens.

Toujours est-il que l'écho de ses travaux est plus important que ce que je supposais de prime abord. D'où ma curiosité.


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Message Publié : 21 Mai 2010 16:57 
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Georges Duby
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Merci Tersite de tes recherches. Je n'ai pas de références à t'offrir et ai trouvé les précisions rapportées dans un ouvrage général très vivant sur la Grèce d' André Bonnard, ancien professeur de civilisation grecque à Lausanne. Avoir découvert dès les pythagoriciens que la terre est sphérique et tourne sur elle-même en 24 H, même sans preuves, uniquement par le raisonnement, est assez remarquable.
Mais qu' Aristarque ait énoncé que la terre est une planète comme les autres et que toutes, contrairement aux étoiles, tournent auour du soleil, est incroyable et en avance de 1700 ans ! :P
Effectivement, pas trace de l'ouvrage d' Aristarque cité par Archimède d'une manière non équivoque sur la rotation de la terre et aussi par Plutarque qui connaissait sa théorie. Si Plutarque évoque la proposition, 400 ans après son énoncé, et sa contestation, il appert ainsi qu'elle était connue. Mais on coyait alors Aristote!
Copernic se réfère à Aristarque dans "des révolutions célestes" de 1539. Il cite tous les astronomes qui ont cru soit au géocentrisme, soit à la rotation autour du soleil et il mentionne " ces passages m'engagèrent moi aussi à songer à un mouvement de la terre", en parlant de Philolaus, Heraclite et Aristarque de Samos. Modeste, Copernic qui ne fut guère cru à son époque, y compris par le grand Tycho-Brahé célébré aujourd'hui pourtant, alors même qu'il revient à l'immobilité de la terre, dans un curieux système: les planètes tournent autour du soleil mais celui-ci tourne autour de la terre !!
Bonnard relate par ailleurs des systèmes mixtes ayant eu la faveur des scientifiques, dits d'épicycles successifs ! Je comprends mieux de ce fait que c'est toujours dans un climat de contestation que Galilée affrme la rotation; malgré Aristarque, malgré Copernic et Képler, elle est en effet , en 1615, encore contestée et pas seulement par l'église sur laquelle notre époque se focalise peut-être un peu exagérément.

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Message Publié : 21 Mai 2010 17:22 
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Salluste
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En effet les astronomes grecs étaient très forts.
Ils calculèrent aussi;
- Le diamètre de la terre, avec une très bonne précision. Un calcul célèbre donné en exercice aux élèves de 3°/2° à l'école dans la partie sur l'étude de la trigonométrie.
- La distance terre/lune avec une précision acceptable
- La distance terre/soleil avec cette fois ci une grosse erreur.

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Dans ces meubles laqués, rideaux et dais moroses,
Danse, aime, bleu laquais, ris d'oser des mots roses.

Charles Cros


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Message Publié : 21 Mai 2010 22:37 
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Polybe
Polybe

Inscription : 07 Avr 2009 15:00
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Voici à ce propos les éléments que j’avais recueillis sur internet.
Eratosthène.
Vers 230 avant JC, l'astronome et mathématicien Ératosthène confirme avec brio la rotondité de la Terre et, qui plus est, mesure sa circonférence avec une
remarquable précision. Pour cela, il repère l'heure à laquelle, au solstice d'été, le soleil atteint le fond d'un puits à Syène (aujourd'hui Assouan, en

Égypte) puis, le même jour, à la même heure, mesure à Alexandrie, plus au nord, l'ombre portée par un bâton. Connaissant la distance entre les deux villes
et négligeant la différence d'inclinaison des rayons du soleil, il en déduit que notre planète a une circonférence de 250.000 stades, soit pratiquement
40.000 km, valeur aujourd'hui admise !

- Aristarque de Samos ( 310 – 230) astronome et mathématicienn grec.
Aristarque eut l'intuition du mouvement de la Terre sur elle-même et autour du Soleil.
Ses mesures du diamètre et distance de la Lune et du Solei sont remarquables davantage pour leur ingéniosité et les méthodes mathématiques utilisées que pour leur exactitude


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Message Publié : 22 Mai 2010 18:18 
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Salluste
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Inscription : 19 Août 2009 11:18
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Localisation : A droite de la courbe
Pour le calcul de la distance Terre/Soleil, Aristarque utilisa les connaissances de l'époque en trigonométrie, notamment les propriétés des triangles rectangles.
Il calcula l'angle formé par la direction Terre/Soleil et la direction Terre/Lune au moment ou le disque lunaire est partagé en deux demi cercles, l'un limineux, l'autre obscur (dichotomie de la lune).
Au moment de cette 'dichotomie' il y a un triangle rectangle; Terre/Lune/Soleil
En connaissant l'un des angles de ce triangle et une distance on peut en déduire la distance Soleil/Terre.

Le problème c'est qu'Aristarque calcula mal cet angle, de plus il se basait sur une mesure erronée de la distance Terre/Lune et obtint un chiffre final largement inexact pour la distance Soleil/Terre.

Pour le calcul de la distance Terre/Lune, c'est Hipparque au 2° siècle qui le premier trouva une valeur acceptable.
Observant des éclipses de Lune, il nota la durée du phénomène, c'est à dire le temps que mettait l'astre a traverser l'ombre de la terre. Il en conclut que le diamètre lunaire valait le tiers du diamètre terrestre (il vaut en réalité 0,27)
Ce résultat acquis il était possible de calculer la distance Terre/Lune, connaissant le diamètre de la terre, en utilisant les formules de trigonométrie.
Il calcula que la Lune était à une distance de 33,66 diamètres terrestre de la Terre, ce qui est un chiffre proche de la vérité.

Il calcula aussi la distance Terre/soleil mais comme Aristarque, se trompa de beaucoup.

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Charles Cros


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Message Publié : 23 Mai 2010 7:57 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 11 Juin 2007 19:48
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Si vous souhaitez approfondir directement avec les textes de nos astronomes alexandrins :
  • Aristarque, Traité sur les grandeurs et les distances du Soleil et de la Lune :
    • Traduction anglaise de référence, dans Heath, Aristarchus of Samos, the Ancient Copernicus, 1913, texte et traduction du traité pp. 351-414
    • Traduction française de [url=http://remacle.org/bloodwolf/erudits/aristarque/soleil.html]Fortia d’Urban, 1823. A première vue, pas mauvaise, mais sans texte en vis-à-vis.
  • Fragments d’Eratosthène, un peu vieillot, mais je n'en connais pas de plus récent.
  • Pour Hipparque, je ne connais qu’une édition de ses fragments géographiques, Edition Teubner 1869. Mais j’ignore si ses travaux astronomiques, disparus, ont été compilés. Apparemment non, il faudra donc se rabattre sur Ptolémée essentiellement.
A été cité plus haut aussi Philolaos, bien que non Alexandrin. Ses fragments sont édités par Diehls, Die Fragmente der Vorsokratiker, T1 1903, p.233sq., texte et traduction allemande. Je ne sais pas si c’est toujours l’édition de référence, il me semble. Il aurait été traduit dans le volume des présocratiques de la Pléiade (si quelqu’un peut confirmer)

Alain a écrit :
Effectivement, pas trace de l'ouvrage d' Aristarque cité par Archimède d'une manière non équivoque sur la rotation de la terre et aussi par Plutarque qui connaissait sa théorie. Si Plutarque évoque la proposition, 400 ans après son énoncé, et sa contestation, il appert ainsi qu'elle était connue. Mais on coyait alors Aristote!

Disons qu'Aristote se montrait plus convainquant ; Aristote était beaucoup plus contesté dans l'Antiquité qu'au Moyen Age, même s'il fait déjà figure de référence.
L'œuvre est connue et appréciée, mais l’héliocentrisme n’est vraiment pas son élément le plus important. J’ai continué un peu ma collecte, je n’ai rien trouvé d’autre que les trois textes de Plutarque. La plupart des allusions à son travail (en particulier dans Vitruve), font référence à son traité conservé, très admiré, et ses observations sur la lune.
D'ailleurs,
Azur a écrit :
Pour le calcul de la distance Terre/Lune, c'est Hipparque au 2° siècle qui le premier trouva une valeur acceptable.
Observant des éclipses de Lune, il nota la durée du phénomène, c'est à dire le temps que mettait l'astre a traverser l'ombre de la terre. Il en conclut que le diamètre lunaire valait le tiers du diamètre terrestre (il vaut en réalité 0,27)
Ce résultat acquis il était possible de calculer la distance Terre/Lune, connaissant le diamètre de la terre, en utilisant les formules de trigonométrie.

Ce que tu dis là, c'est un résumé de... Aristarque. Tout cela avait déjà été exposé et calculé, et c'est lui qui a estimé le diamètre de la lune suite à l'observation des éclipses. Hipparque a simplement précisé certaines mesures, en particulier en bénéficiant des travaux d'Eratosthène qui avait correctement estimé le diamètre terrestre.

Pour l’anecdote : Plutarque nous signale qu’Aristarque s’est retrouvé suite à ses théories astronomiques sur la mobilité de la terre victime d’une accusation d’impiété, lancée par Cléanthe de Samos (le philosophe stoïcien, successeur de Zénon), « pour avoir troublé le repos de Vesta et des dieux lares, protecteurs de l'univers, lorsqu'en raisonnant d'après les apparences, il supposait que le ciel était immobile, que la terre faisait une révolution oblique le long du zodiaque, et qu'outre cela elle tournait sur son axe. » (ὡς κινοῦντα τοῦ κόσμου τὴν ἑστίαν, ὅτι τὰ φαινόμενα σῴζειν ἁνὴρ ἐπειρᾶτο μένειν τὸν οὐρανὸν ὑποτιθέμενος, ἐξελίττεσθαι δὲ κατὰ λοξοῦ κύκλου τὴν γῆν, ἅμα καὶ περὶ τὸν αὑτῆς ἄξονα δινουμένην.) !! Et pourtant elle tourne ! lol
C’est la traduction Bertolaud, fournie par Hodoi et Remacle, elle est très maladroite, mais je renonce à la corriger car je ne suis pas sur de la comprendre moi non plus.
En fait, cette référence au « cosmos d’Hestia » (étrangement traduit « le repos de Vesta ») est une allusion je crois au Pythagorisme et aux théories de Philolaos. En effet, ce dernier appelait Hestia le feu primordial qui brulait au centre du cosmos, et autour duquel gravitait les astres, aussi bien la terre que le soleil ; une espèce de super-système solaire (mais sans que cela implique que la Terre tourne autour du soleil, au contraire, puisque Hestia est toujours cachée aux yeux des hommes par ce dernier). Or, vu l’histoire complexe et parfois violente qu’à connue le pythagorisme (d'ailleurs Philolaos, après avoir échappé de peu à la mort quant il n'était qu'étudiant lors du massacre des Pythagoriciens de Métaponte, finit sa carrière exécuté pour avoir aspiré à la tyrannie...), j’ai l’impression que Cléanthe lance surtout une accusation de pythagorisme. Mais je ne connais pas les différents courants philosophiques et leurs histoires complexes, en particulier le Pythagorisme occidental, qui en a vu des vertes et des pas mures. Ce serait surement à creuser...
Toujours est-il qu’il est assez amusant (ou navrant, selon l'humeur) de constater qu’à 18 siècles d’intervalle, deux précurseurs affirmant que la terre tourne se sont retrouvés devant des tribunaux pour impiété !

Ce système de Philolaos est assez amusant d’ailleurs. Je renvois aux fragments de Diels précités. Platon avait suivi son enseignement, et de mauvaises langues disent même que son Timée est un plagiat d’un ouvrage de Philolaos. L’Académicien le respectait beaucoup, il déboursa même une somme incroyable (mais variable selon les auteurs qui rapportent l’anecdote) pour acquérir trois de ses livres. D’après Théophraste, sur sa fin, Platon était revenu sur ses idées d’immobilité terrestre et s’était rallié aux théories du philosophe de Tarente, ou du moins misait sur une terre qui se mouvait dans l'univers.

Pour revenir sur l’école astronomique d’Alexandrie, j’ajouterai deux pistes qui n’ont pas été levées.
D’une part son rôle dans la popularisation du système zodiacale babyloniens. Certes, c’est Eudoxe de Cnide, puis Aratos de Soloi qui dans la seconde moitié du IVe lancèrent le mouvement, mais les Alexandrins l’appuyèrent de toute leur autorité (Hipparque et Eratosthène en particulier, qui commentent le poème d'Aratos). C’est en bonne partie grâce à eux que les douze signes du zodiaque ont connu un tel essor, et servent de référence jusqu’à nos jours. L’habillage hellène était certes un peu superficiel (pour le taureau ou le lion, ils trouvaient facilement des mythes grecs, par contre, pour le capricorne ou les poissons, par exemple, il fallait se montrer beaucoup plus imaginatif ! :mrgreen: ).
D’autre part, dans la suite de la remarque précédente, l’extraordinaire travail de synthèse de traditions astronomiques disparates, qu’elles soient grecque, chaldéenne ou égyptienne, synthèse à l’origine de cet incroyable développement de l’astronomie et de l'astrologie hellénistique. Un exemple de ce syncrétisme a été présenté il y a peu sur le forum, mais malheureusement de manière complètement fantaisiste (rattaché à l’Egypte des Ramsès… no comment.). Le « disque de Chevroche », du milieu du IVe après, découvert en Gaule. « La plaque hémisphérique percée en son centre d'un orifice est divisée en douze compartiments égaux, dans chacun desquels sont superposés trois mots en lettres grecques. Sur la ligne extérieure, figurent les douze mois égyptiens (thôt, phaophi, hâthyr, choiak...); sur la ligne médiane, les signes du zodiaque (Vierge, Balance, Scorpion, Sagittaire...) et sur la ligne intérieure, les douze mois romains du calendrier julien », le tout écrit en caractère grecs. Ce disque permettait d’établir des horoscopes (comme le mécanisme d'Anticythère, assez proche dans son principe), et cet outil est attesté dès le Ier (à Alexandrie, bien entendu). On y retrouve donc :
  • Des mois égyptiens
  • Un zodiaque d’origine chaldéenne
  • Le calendrier romain
  • Le tout enrobé par l'alphabet, l’ingéniosité et les mathématiques de la culture grecque
Ce n’est certes pas de la grande astronomie cosmique, mais c’est bel et bien issu également de l’école d’Alexandrie, et contrairement finalement au reste, leur astrologie a su toucher en profondeur et durablement toutes les couches de la société, et ce jusqu’au fin fond de la Nièvre.


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Message Publié : 23 Mai 2010 9:57 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 11 Juin 2007 19:48
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Je reviens sur cette accusation d'impiété du stoicien Cléanthe contre Aristarque.
Je termine en effet la lecture d'un très intéressant article consacré précisément à cette querelle : THOMAS BÉNATOUÏL, Cléanthe contre Aristarque ; Stoïcisme et astronomie à l’époque hellénistique, Archives de Philosophie 68, 2005, p.207-222.
J'en recommande la lecture, en particulier pour l'exposé de la doctrine "cosmobiologique" stoicienne, un peu déroutante, mais très intéressante.
J'avais raison sur un point, Bertelaud est passé à coté du sens du texte. J'avais tort sur tout le reste, puisque je m'efforçais d'interprété l'Hestia à la sauce pythagoricienne, alors que les Stoiciens aussi lui donnent un sens astronomique, comme synonyme de Terre, le foyer du monde selon un principe foncièrement géocentrique...
Donc avant toute chose, la traduction du passage :
Cléanthe pensait que les Grecs devaient traduire Aristarque de Samos en justice pour impiété parce qu’il avait mis en mouvement le foyer du monde, puisque [cet] homme cherchait à sauver les phénomènes, en faisant l’hypothèse que le ciel est en repos alors que la Terre se déplace suivant un cercle oblique et tourne en même temps autour de son propre axe.

L'auteur démontre donc que loin d'etre lié à un quelconque obscurantisme religieux arcs-bouté sur des préjugés séculaires, la critique de Cléandre repose au contraire sur des idées très novatrices.
Cléanthe combattait d'abord les échos aristotéliciens de la théorie d'Aristarque (disciple de Straton de Lamsaque), qui voient dans le mouvement des astres un mouvement où les dieux sont exclus, niant le rôle de la providence divine.
Ensuite, Cléanthe avait développé une théologie solaire très particulière, et pouvait craindre des amalgames entre son heliocratisme et l'héliocentrisme d'Aristarque. En s'en prenant vigoureusement à lui, il pouvait en fait masquer sa propre hétérodoxie, et lui permettait de se démarquer clairement.
Enfin, Cléanthe ne rejetait pas l'astronomie, au contraire s'y penchait, mais souhaitait l'intégrer à une explication plus complexe que celle de "simples" mouvements cosmiques, dont l'apparence peut être trompeuse. Selon lui, le soleil et les astres sont des brasiers, et comme n'importe quel feu, il ont besoin d'un combustible, or ce combustible ne se trouve que sur Terre, contraignant les astres à ne pas trop s'en éloigner afin de pouvoir se nourrir des exhalaisons terrestres. Ainsi, non seulement la terre est au centre du système, nourrissant au sens propre tout le cosmos qui gravite autour, mais l'univers est bien plus petit que ce qu'Aristarque suppose, puisque même la voute des étoiles ne peut s'éloigner. Par conséquent, si l'héliocentrisme pouvait géométriquement être envisageable, elle est physiquement exclue.

Mais se touchant le crane en criant « j’ai trouvé ! »
La bande au professeur Nimbus est arrivé
Qui s’est mise à frapper les cieux d’alignements,
Chasser les dieux du firmament.

:mrgreen:


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Message Publié : 23 Mai 2010 14:23 
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Georges Duby
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Merci Thersite de ta contribution et des références. L'astrologie était en pleine effervescence et déchainait déjà les passions ce que j'ignorais.

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Message Publié : 24 Mai 2010 9:15 
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Georges Duby
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L'expression de musée remonte au pythagorisme, qui pratiquait le culte des muses dans des établissements appelés musées où l'on pratiquait l'étude et la recherche scientifiques. Aristote a repris l'idée de collaboration des savants dans des regroupements avec des enseignements.
Théophraste, son disciple, a organisé un musée au Lycée d'Aristote, comportant des cours, un hébergement et la conservation de la bibliothèque d' Aristote.
Démétrios de Phalère a mis en oeuvre le projet de Ptolémée Soter d'un musée avec bibliothèque à Alexandrie, qui sera connu pour ses recherches notamment en astronomie mais aussi en médecine et mathématiques: Euclide, Hipparque, Archimède. Il y avait une centaine de pensionnaires dotés d'une pension par Ptolémée. Des milliers d'étudiants assistaient aux cours.

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Message Publié : 13 Avr 2013 8:34 
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Jean Froissart
Jean Froissart

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Thersite a écrit :
Alain (ou quelqu'un d'autre !), est-ce que tu aurais dans tes bibliographies ou tes notes une édition systématique des fragments astronomiques d'Aristarque ?

Probablement rien de bien nouveau pour toi :
Compléments :
Toujours sur le site de REMACLE :
ARISTARQUE DE SAMOS SUR LES GRANDEURS ET LES DISTANCES DU SOLEIL ET DE LA LUNE
http://remacle.org/bloodwolf/erudits/ar ... soleil.htm

La science : genèse d'une théorie
http://remacle.org/bloodwolf/liege1/sci ... ence13.htm


On sait que Séleucus de Séleucie était traduit en arabe, il a repris les travaux d'Aristarque avec des démonstrations, il était bien connu de Strabon que tu affectionnes si ma mémoire est bonne (... Strabon le médisant sur les corses).
Il est très possible que les érudits musulmans soient les mieux placés pour nous éclairer sur les travaux de Séleucus de Séleucie.


"Strabon le nomme Séleucus de Babylonne. Il fut l'un des seuls4,5, voire le seul astronome antique à défendre l'héliocentrisme d'Aristarque de Samos6,7,8. Séleucos est connu par les écrits de Plutarque, Strabon et Aetius. Selon Plutarque, Séleucos fut le premier à conclure à la réalité de l'héliocentrisme par le raisonnement, mais on ignore les arguments qu'il utilisa". (wiki)
http://fr.wikipedia.org/wiki/S%C3%A9leu ... 3%A9leucie


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Message Publié : 13 Avr 2013 8:52 
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Jean Froissart
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Voir : Plutarque, Séleucus de Séleucie, Aristarque.

Un fragment de Séleucus de Séleucie conservé en version arabe
http://www.persee.fr/web/revues/home/pr ... _16_3_4453

@Thersite : désolé je n'avais pas lu tous tes messages


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Message Publié : 13 Avr 2013 9:45 
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Jean Froissart
Jean Froissart

Inscription : 26 Août 2008 7:11
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Localisation : Corsica
Thersite a écrit :
[*]Pour Hipparque, je ne connais qu’une édition de ses fragments géographiques, Edition Teubner 1869. Mais j’ignore si ses travaux astronomiques, disparus, ont été compilés. Apparemment non, il faudra donc se rabattre sur Ptolémée essentiellement.[/list].


VSA Réalité historique a écrit :
VSA Réalité historique - Hipparque de Nicée :
"Il est à noté que Hipparque et Séleucos connaissaient leurs travaux respectifs puisqu’ils s’accordèrent et s’opposèrent sur différents points"

http://realite-histoire.over-blog.com/

... dans les écrits d'Hipparque on aurait du trouver des références aux travaux de Séleucos ?


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Message Publié : 13 Avr 2013 10:15 
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Georges Duby
Georges Duby
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Inscription : 27 Juil 2007 15:02
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Thersite a écrit :
Alain (ou quelqu'un d'autre !), est-ce que tu aurais dans tes bibliographies ou tes notes une édition systématique des fragments astronomiques d'Aristarque ? Je n'en ai trouvé aucune, ce qui est tout de même étonnant, en dehors de son traité Sur les grandeurs et les distances du soleil et de la lune plusieurs fois édité en anglais, en français et bien sur en VO.
J'aimerais trouver d'autres écho de sa théorie héliocentrique. Plutarque en offre par exemple un certain nombre (Sur les opinions des Philosophes, II.891a ; Sur la face visible de la lune, 923a ; Questions Platoniques, 1006c), j'en trouverais davantage en cherchant, mais je doute parvenir à l'exhaustivité par mes propres moyens.
Toujours est-il que l'écho de ses travaux est plus important que ce que je supposais de prime abord. D'où ma curiosité.
Je viens de découvrir l'existence d'un ouvrage en 10 volumes de Pierre Duhem, homme de sciences, récapitulant l'histoire des sciences et spécialement celle de l'astronomie.
Il s'agit de: "Le Système du monde. Histoire des doctrines cosmologiques, de Platon à Copernic", "somme remarquable et véritable monument de l'histoire des sciences des origines à la Renaissance, dont la publication en dix volumes s'est étalée de 1913 à 1958, où il défend une interprétation continuiste du progrès scientifique et réévalue l'importance du Moyen Âge avant l'émergence de la science moderne16. " (wiki)
Cet ouvrage monumental comporte notamment plusieurs volumes consacrés à l'astronomie "hellénique" et répond certainement à votre souhait de références pour approfondir la période d'Alexandrie qui a vu naitre une célèbre école d'astronomie.
J'avais déjà signalé les travaux de Pierre Duhem concernant l'existence d'une recherche latine en astronomie pour l' Europe au Moyen Age et spécialement d'une école de physique de Paris de cette période que l'on dit parfois à tort obscure en matière de sciences.
Il serait intéressant d'approfondir ce que les européens pouvaient penser d'Aristarque, de Ptolémée et des autres grecs au Moyen Age, dans l'avant Copernic. Passionnant !

Voici le plan de Le système du monde; histoire des doctrines cosmologiques de Platon à Copernic (1913) de Duhem:
1. La cosmologie hellénique.--2. La cosmologie hellénique (suite) L'astronomie latine au Moyen Age.--3. L'astronomie latine au Moyen Age (suite)--4. L'astronomie latine au Moyen Age (suite) La crue de l'aristotélisme.--5. La crue de l'aristotélisme (suite)--6. Le reflux de l'aristotélisme; les condamnations de 1277.--7-9. La physique parisienne au XIVe siècle.--10. La cosmologie du XVe siècle; écoles et universités au XVe siècle .
J'avoue être curieux des tomes 7,8,9 et 10 mais aussi des autres sur la crue de l'aristotélisme et ce que Duham appelle son reflux.
Le tome 10 est certainement passionnant sur la cosmologie du XVe siècle; écoles et universités au XVe siècle mais il concerne un autre sujet.

_________________
Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses. Virgile.


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