Marx assimile l’esclave au prolétariat, voulant absolument en faire exclusivement un instrument de production. C’est archi-faux : l’esclave est très loin d’être un outil de production : il offre un service, et ce service est extrêmement variable, d’où la désunion de ces esclaves dont les aspirations divergentes ont tendance à les dresser les uns contre les autres. De plus, la force de travail n’est en aucun cas réduite ou réservée aux esclaves, le travail n’est pas répartit en fonction du statut juridique mais de la formation de l’individu, libre ou esclave. Si tu faisais tes boutiques à Athènes, en achetant ta paire de sandalettes, tu serais incapable de reconnaître le statut de l’artisan, citoyen, métèque ou esclave.
Alors j’aimerai bien que les Marxistes du XXIe siècle qui jugent toujours ses analyses parfaitement intouchables m’expliquent ce qu’il y a en commun entre des esclaves publiques au service de l’état (scribes, police, etc.), un mineur du Laurion, un banquier qui officie au Propylée, un fabricant de vase qui vit seul dans son échoppe du Céramique avec femme et enfants, un pauvre type enchaîné au moulin, un contremaitre d’une exploitation agricole qui règne sur ses ouvriers et voit son maître une fois tous les trente-six du mois, un médecin, un pêcheur qui livre chaque jour une partie de sa pêche, un valet d’arme, une prostituée, et un pédagogue.
Puis qu’ils m’expliquent en quoi le métèque qui n’a rien trouvé d’autre que servir à Laurion, que l’Athénien sans un rond qui passe sa journée à traîner au soleil devant l’office des barbiers en attendant que quelqu’un lui propose un boulot, la maquerelle du Pirée qui prostitue ses filles pubères, le pecnot qui loue sa terre et ses outils à son cousin, la cohue des parasites le ventre creux qui guettent une bonne poire qui les invitera à dîner contre deux bons mots et une faveur, que l’Aitolien qui sert comme peltaste dans une armée miteuse au fin fond de la Bactriane, que le bronzier voisin de notre esclave potier qui loue son échoppe au même proprio et qui vit dans le même 15m² au milieu de ses outils, bref que tous ces pauvres bougres par contre ne sont en aucun cas des prolétaires et mais sont de gras capitalistes…
Le prolétariat est un concept économico-professionnel ; l’esclavage n’est pas un concept économique ; c’est un statut juridique, ou plutôt des statuts juridiques, très défavorable certes. Mais au sein de cet ensemble disparate, on retrouve une organisation socio-économique parallèle à celle des libres, avec ses hiérarchies, avec des classes moyennes, des privilégiés, des misérables. Tout comme les femmes ont aussi un autre statut juridique, et leur propre hiérarchie sociale. Idem pour les métèques. Et dans une cité comme Sparte, la situation sera encore plus confuse étant donné la multiplicité des statuts entre hommes libres et même entre esclaves-marchandise et hilotes…
La hiérarchie qui s’opère entre le maître et l’esclave existe bien entendu, mais au sein de l’économie domestique, non à l’échelle de la société en son ensemble : ce n’est pas l’ensemble des libres qui dominent l’ensemble des esclaves, mais des libres qui dominent leurs esclaves, libres eux-mêmes éventuellement dépendants d’autres libres, et esclaves eux-mêmes dépendants éventuellement d’autres esclaves.
Darbamont a écrit :
En outre, que sait-on de la conscience des esclaves antiques ? Une chose est sûre, les libres les considéraient bel et bien comme un groupe cohérent réuni par leur statut d'esclave. Si les Athéniens, même dans la déroute, s'interdisaient d'armer les esclaves, n'était-ce pas parce que ceux-ci avaient conscience d'eux-mêmes ? Maintenant, il est exact que Spartacus n'avait pas lu Marx...
Et c’est reparti pour un tour…. C’est sûr que ni on ne prend pas la peine de lire les antiques, on ne risque pas de savoir grand-chose…
D'abord, Spartacus, ce n’est pas en Grèce, où tu peux toujours t’accrocher pour y chercher des latifundia immenses peuplées de milliers d’esclaves aux mains d’un richissime maître absent. Ensuite j’aimerai bien qu’on me dise où Spartacus a remis en cause le principe de l’esclavage : lui et ses hommes se sont emparés manu militari de leur liberté, n’ont qu’une seule aspiration, trouver une terre où ils pourront vivre en hommes libres (avec leur propres esclaves…). Lors des grandes révoltes serviles siciliennes, dans ces éphémères royaumes serviles, les anciens esclaves se sont hâtés de réduire en esclavage leurs anciens maîtres, et de l’autre se sont cruellement acharnés sur les esclaves domestiques et les contremaitres… Sacré sentiment d’unité… Par contre, ils ont été rejoint pas tous les miséreux libres qui espéraient une part du gâteau et un nouveau départ. Bref, encore une fois, la répartition n’est pas liée au statut juridique, mais au statut économique.
Et pour les Grecs, comme j’en ai un peu marre de devoir sans cesse ânonner la même chose, avec les mêmes arguments et les mêmes exemples, voir entre autres :
Parler d’une classe servile prolétarienne est un postulat, faux, et comme par hasard, nos héritiers théoriciens demandent aux autres de démontrer son inexistence, plutôt que de démontrer la validité de leurs définitions, ou même simplement de chercher à les mettre à l'épreuve... Bref, de la pure rhétorique, une discussion sans matière, uniquement polémique… Sans intérêt...