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 Sujet du message : Re: Le procès de Socrate
Message Publié : 14 Mars 2011 12:42 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 11 Juin 2007 19:48
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JPCC a écrit :
A-t-on des sources qui nous permettent à nous de connaître la nature de "l'impiété" de Socrate?

L’accusation officielle est de « ne pas reconnaitre les dieux de la cité », le reste n’est que sophisme de la part de Socrate. Platon, présent à Athènes lors du procès (même s’il ne fut pas présent physiquement au procès, alité par la maladie) et qui rédige l’Apologie dans les années qui suivent immédiatement le procès, élude étonnamment la question, présentant sur ce point une défense particulièrement maladroite, toute en sophisme pour ne pas avoir à répondre à l’accusation ; ce qui est troublant. Xénophon lui écrit plus de 30 ans plus tard ; il n’était pas présent sur place, avance une bien meilleure défense, mais sa fiabilité est faible, d’autant qu’il base sa défense non sur l’accusation de 399, mais sur le discours composé par Polycrate et mis dans la bouche d’Anytos (et peut-être de Mélétos), dont les échos et les fragments conservés semblent mettre l’accès essentiellement sur le volet politique du procès ; je ne suis même pas sur que Polycrate abordait vraiment l’accusation religieuse. Mais Xénophon est lui-même très pieux, il se montre donc particulièrement attaché à laver Socrate de tout soupçons sur ce point.
Pour un point de vue opposé, nous avons bien sûr la farce d’Aristophane, mais aussi les idées religieuses des disciples ; or à ce titre, nous constatons que le dédain voire l’athéisme proclamé est très développé parmi les premiers Socratiques, que ce soit les Cyniques, les Mégariques ou les Cyrénéens ; la divinité de Platon elle-même est pour le moins hétérodoxe ; à l’inverse, Xénophon se montre particulièrement bigot et traditionnaliste.
En conséquent, je ne suis pas convaincu que l’on puisse émettre un avis un tant soi peu autorisé sur la question, faute de source de qualité et un minimum concordante, ou au moins croisable. L’opinion retenue selon que l’on favorise telle ou telle source sera diamétralement opposée aux autres, sans être forcément plus valable. Perso, je favorise l’Apologie de Platon, et cette dernière me semble bien donner raison à l’accusation.

JPCC a écrit :
Les cultes civiques sont peu exigeants, mais obligatoires: quelle était la sanction?

Les sanctions des procès sont laissées à l’appréciation des juges, qui choisissent entre la sanction proposée par l’accusation et celle avancée par la défense. Cela pouvait aller de l’atimie (la privation des droits de citoyen) à la condamnation à mort. Néanmoins le crime est grave, puisqu’il menace l’équilibre entre la communauté et ses dieux qui sont le fondement de la cité ; par conséquent les condamnations à morts sont relativement courantes. Les précédents contemporains les plus célèbres s’illustrent par les procès d’Anaxagoras et de Diagoras de Mélos, l’un et l’autre condamnés à mort et contraint de fuir l’Attique à la suite d’accusation d’impiété. Pensez aussi au procès de la mutilation des Hermès, dont la seule menace poussa Alcibiade à l’exil volontaire plutôt que de comparaître (en dépit de son innocence probable), ou aux remous causés par la parodie des Mystères, ou encore l’accusation contre laquelle se défend Andocide dans son Sur les Mystères, en 399, contre une certain… Mélétos (un homonyme) ! … mais épaulé dans sa défense par un certain… Anytos ! Ou même le procès des Arginuses, qui repose sur un scrupule religieux qui entraina la mort des plus brillants stratèges athéniens du moment... Ces accusations sont donc à la fois courantes, et à prendre très au sérieux. Remarquons cependant qu’ils servent souvent de prétexte pour des procès politiques (Diagoras, séide des Oligarques en 411 ; l’affaire des Hermès pour se débarrasser d’Alcibiade qui n’y était pas mêlé ; la parodie des Mystères présenté comme un complot oligarchique, etc.). A Athènes, la religion est omniprésente, aussi bien dans le calendrier liturgique (pratiquement tous les trois jours, les Athéniens fêtent officiellement telle ou telle divinité, sans compter les cultes propres à chaque dème ou à chaque phratrie) que surtout au quotidien, dans les actions les plus communes : une bataille ? de la religion. Du théâtre ? de la religion. Un procès ? de la religion. Chaque action individuelle a une répercussion dans le monde des dieux qui lui-même influe sur la vie des hommes ; or la communauté est responsable collectivement devant ses dieux civiques des fautes individuelles de ses membres, qui sont autant de souillures collectives dont les dieux tiennent le compte et n’hésitent pas à sanctionner. Alors, après un avertissement ou une sanction divine, la cité doit chercher la raison de leur colère, qui n’a souvent qu’une faute individuelle (un meurtre par exemple, ou un sacrilège passé plus ou moins inaperçu).

Par conséquent, j’aimerai bien savoir sur quoi repose les jugements de Jean R. « les histoires de procès religieux à Athènes ne sont pas forcément fiables » et de YetAnotherYves « les sources des procès religieux à Athènes ne sont pas fiables mais la principale source est Plutarque », alors que les sources contemporaines abondent, historiques et juridiques, à commencer par les très sérieux Thucydide et Andocide.

JPCC a écrit :
"Absence de juridiction d'instance": qu'est-ce à dire Socrate aurait-il pu prendre "quelque chose" qui ressemble à un avocat? Faire appel??

Dans notre système, un condamné qui rejette le jugement peut faire appel. Ce n’est pas le cas à Athènes : la sanction est immédiate et l’accusé ne peut s’y opposer. Seul le plaignant, s’il le souhaite, peut relancer un procès, à ses risques et périls. Pour ce qui concerne les avocats, la loi veut que le plaignant parle lui-même ; néanmoins, dans certains cas, rares, un parent proche peut parler à sa place, mais c’est plutôt mal vu ; cependant, tant l’accusé que l’accusateur sont associés à deux autres co-accusateur et co-défenseurs (Anytos par exemple est co-accusateur contre Socrate, mais co-défenseur pour Andocide), et la tribu à laquelle appartient l’accusé a elle aussi la possibilité de présenter des orateurs issus de ses rangs. Enfin n’oublions pas la pratique devenu courante en cette fin du Ve d’utiliser des logographes, à la foi rhéteurs de talent mais aussi juristes compétents, qui préparent en détail la défense de leur client, jusqu’à le cas échéant leur faire apprendre par cœur un discours que ces professionnels ont rédigés pour eux. La tradition, peu probable, veut que Lysias ait proposé à Socrate une défense que ce dernier aurait refusée.

JPCC a écrit :
Que se serait-il passé si l'accusation s'était limitée à l'un des deux motifs, soit le politique, soit le religieux?

L’accusation religieuse a un double effet : tout d’abord elle permet tout simplement d’amener Socrate devant les tribunaux, car elle est précise et définie, alors que l’accusation de « corruption de la jeunesse » est bien floue, et pour cause, l’amnistie empêche de s’exprimer clairement… Ensuite, elle autorise juridiquement à demander une condamnation lourde, la peine de mort ou l’exil, contrairement à l’autre volet de l’accusation qui seul n’aurait pas pu exiger grand-chose, éventuellement une atimie (privation des droits de citoyens), ce qui n’aurait pas du tout résolu le problème Socrate ; or le procès a pour objectif de se débarrasser du personnage. Il s’agit donc d’un facteur juridique déterminant, au cœur de l’accusation (il va donc sans dire que je démens formellement l’interprétation de Jean R « les accusations religieuses n'étaient que des incidentes lancées par ce balourd de Mélétos, et que Socrate n'a eu aucun mal à réfuter » : il s’agit de l’acte d’accusation principal, et le Socrate de Platon n’a rien réfuté du tout, il a éludé, d’où sans doute la condamnation.
Quant à l’accusation de corruption de la jeunesse, elle est celle qui mobilise les citoyens, donc les jurés, dont tous connaissent le passé de Socrate et la clique oligarque qui gravite autour de lui. Sans aller jusqu’à dire avec Jean R. qu’il était le « maître à penser des Trente Tyrans » (on n’en sait rien, on ne connait pas le parcours intellectuel de la plupart, et tous suivaient aussi des leçons ailleurs que chez Socrate), il était néanmoins fortement impliqué auprès de trop nombreux leaders (Alcibiade d’abord, puis Critias, Charmide, Xénophon) et après la chute des Trente, il restait à la tête du dernier « club » ouvertement oligarchique d’Athènes, populaire auprès d’une certaine jeunesse, et donc menace pour l’avenir de la démocratie qui avait déjà bien morflé ces derniers temps.
Bref, avec l’accusation politique seule, Socrate avait toute les chances d’être condamné, mais pour une peine trop légère étant donné le prétexte, qui aurait été sans incidence réelle. Avec l’accusation « religieuse », la sanction pouvait être au contraire très lourde, mais une condamnation sur la base de rumeurs (il n’y a pas eu de sacrilège définit et matériellement constatable) avait peu de chance d’être arrachée, du fait justement de la gravité des conséquences qui amène les jurés à se montrer prudent. En combinant les deux tableaux, l’accusation améliore à la fois ses chances de victoires et s’assure d’extirper le dernier théoricien oligarque charismatique d’Athènes.

JPCC a écrit :
Quels étaient les bénéfices attendus du procès par l'accusation? Bilan?

Débarrasser Athènes de la menace oligarque, autrement dit rétablit la concorde dans une cité qui en avait bien besoin. Les démocrates ont gagné le procès, et pour près de 20 ans, les oligarques seront muselés et se tiendront à carreau. Les Socratiques les plus politisés s’exilent (Platon, Xénophon) ou rentrent chez eux quand ils sont métèques (Phédon rentre à Elis, Euclide à Mégare, Aristippe à Cyrène, tous dans la foulée du procès en 399…), et ceux qui restent deviennent apolitiques (les Cyniques). Quant aux sympatisants oligarques, ils deviennent très prudents et ne laissent plus rien transparaître de leurs opinions politiques profondes (Andocide et Isocrate, par exemple). Ce procès est le triomphe des démocrates après deux révolutions oligarchiques et ouvre la voie à 15/20 ans d’effacement complet des oligarques de la vie politique et culturelle athénienne, permettant la réconciliation les Athéniens entre eux (à ce titre, le procès d’Andocide, défendu probablement par le même Anytos seulement quelques mois après le procès de Socrate me semble symptomatique de la volonté de concorde des dirigeants démocrates, qui cherchent à mettre un terme à ces règlements de compte politiques hérités de ce passé proche).

JPCC a écrit :
Pourquoi choisit-il l'arrogance et la mort?

Hum… je n’ose pas trop m’aventurer là dedans, il faudrait consulter un psy…
Ce qui me semble assuré, c’est qu’il avait parfaitement conscience des risques et des enjeux, et qu’il s’est engagé dans ce procès avec la vocation d’un martyr, d’où aussi une tirade toute entière consacrée à sa vertu, ce qui est pour le moins hors sujet.
Je vais néanmoins m’autoriser quelques constats qui ont pu peser sur son état d'esprit et sur sa décision :
Il s’agit d’un vieux bonhomme casanier de 70 ans, qui n’a jamais quitté Athènes en dehors de ses campagnes militaires (en Chalcidique, à Samos et en Béotie, mais toujours ponctuellement) ; on peut donc comprendre qu’il ait méprisé la possibilité d’un exil qu’il savait définitif.
A cette âge, on ne se tourne plus vraiment vers l’avenir, mais on fait le bilan ; et le sien en 399 n’est vraiment pas brillant…
  • Son mariage est malheureux, époux d’une Xanthippé tyrannique et acariâtre ; on prétend la femme grecque enfermée dans son domicile ; ici c’est plutôt le mari qui se faisait jeter de son logis… (J’ai de très très gros doutes sur l’histoire de la bigamie du philosophe)
  • Il en a eu un fils, Lamproclès, et peut-être quelques autres, encore enfants à sa mort ; ils apparaissent au mieux effacés, au pire, abrutis selon Aristote, dans tous les cas, décevants (voilà ce qui arrive quand on se décide à se marier sur le tard et de pondre ses premiers gosses à plus de 50 ans…)
  • Il est complètement ruiné en 399 : d’après l’Apologie de Platon, il ne peut plus guère rassemblée qu’une mine d’argent, ce qui le place effectivement parmi les plus pauvres. Mais attention, ce n’était pas le cas auparavant : il combattait dans les hoplites, ce qui suppose un patrimoine confortable, et recevait moult cadeaux de la part de ses disciples, comme le généreux Alcibiade qui lui distribue terres et maisons, ou Criton qui l’entretien grassement depuis des années ; il vivait depuis des décennies comme un parasite (au sens grec) des plus riches et généreux citoyens d’Athènes ; il pouvait pavoiser de ne pas être payé pour ses leçons : il se faisait entretenir par des mécènes ! Entre temps se sont écoulés une grosse décennie de guerre, deux révolutions et contre-révolutions : lors de ces remous, il a apparemment tout perdu.
  • Il a perdu beaucoup de ses proches, soit tués lors des guerres et révolutions, soit éloignés pour x raisons, soit… qui l’évitent désormais, comme personna non gratia.
  • Il est détesté par une large frange de la population qui lui reprochent ses accointances avec les Tyrans honnis ; mais en plus, il est probable que même parmi les oligarques, beaucoup de ceux qui avaient été mêlés au régime des Trente devaient eux aussi lui reprocher de ne s’être pas engagé à leur côté au moment crucial. Et les Athéniens n’ont pas la langue dans leur poche, les remarques devaient commencer à être éprouvantes. Bref, il est pour le moins isolé, seuls quelques fidèles inconditionnels le fréquentent encore.

JPCC a écrit :
Comment caractériser "l'intolérance religieuse" manifestée par les Grecs à l'occasion de ce procès?

Comme déjà dit, il n’existe aucune séparation laïque / religieux dans le monde grec, les deux s’entremêlent. La question des dieux civiques est une question d’identité ; la cité résulte de l’association d’un peuple, d’un territoire (lui-même sacralisé) et de ses dieux propres : la disparition d’une des trois composantes entrainera la disparition de tous. Les citoyens rendent des comptes aux Dieux de la cité, et si une faute est commise, si la rupture est consommée, la cité disparaîtra, que ce soit par des calamités publiques (épidémies, famines, défaites, par exemples) ou plus nettement encore par la disparition de la Concorde entre les citoyens, symptôme clé de la discorde entre les dieux et la communauté citoyenne. Les défaites extérieures (Sicile puis Grèce) et les deux guerres civiles qu’a connu Athènes en moins de 15 ans témoignent d’une telle rupture, d’où une vague de bigoterie et un regain d’attention aux questions religieuses : il s’agit au plus vite de comprendre la faute, de l’identifier, et d’y remédier pour renouer avec les dieux en colère : la survie de la cité en dépend. Les procès de Socrate et d’Andocide en sont une des manifestations les plus évidentes de cette quête effrénée, paniquée, de réconciliation.


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 Sujet du message : Re: Le procès de Socrate
Message Publié : 14 Mars 2011 13:56 
Merci infiniment pour cette réponse si riche, si fine, si claire et si argumentée!
Thersite a écrit :
JPCC a écrit :
Comment caractériser "l'intolérance religieuse" manifestée par les Grecs à l'occasion de ce procès?
Comme déjà dit, il n’existe aucune séparation laïque / religieux dans le monde grec, les deux s’entremêlent. La question des dieux civiques est une question d’identité ; la cité résulte de l’association d’un peuple, d’un territoire (lui-même sacralisé) et de ses dieux propres : la disparition d’une des trois composantes entrainera la disparition de tous. Les citoyens rendent des comptes aux Dieux de la cité, et si une faute est commise, si la rupture est consommée, la cité disparaîtra, que ce soit par des calamités publiques (épidémies, famines, défaites, par exemples) ou plus nettement encore par la disparition de la Concorde entre les citoyens, symptôme clé de la discorde entre les dieux et la communauté citoyenne. Les défaites extérieures (Sicile puis Grèce) et les deux guerres civiles qu’a connu Athènes en moins de 15 ans témoignent d’une telle rupture, d’où une vague de bigoterie et un regain d’attention aux questions religieuses : il s’agit au plus vite de comprendre la faute, de l’identifier, et d’y remédier pour renouer avec les dieux en colère : la survie de la cité en dépend. Les procès de Socrate et d’Andocide en sont une des manifestations les plus évidentes de cette quête effrénée, paniquée, de réconciliation.

Peut-on à votre avis distinguer l'attitude des Grecs:
- à l'intérieur de la cité, où, pour les raisons identitaires que vous expliquez, il est déconseillé ou interdit de ne pas honorer les dieux,
- à l'extérieur de leurs frontières: les Grecs (et les autres peuples polythéistes) ont-ils cherché à détruire les dieux aux autres peuples, en particulier les peuples qu'ils ont vaincus, pour les remplacer par les leurs?
Il me semble que non (sauf exceptions?) et que ceci différencie radicalement la violence religieuse polythéiste de la violence religieuse monothéiste abrahamique (judaïsme, christianisme, islam). Qu'en pensez-vous ?

Ceci débouche sur une autre question, qui sort sans doute du cadre historique proprement dit, ou du moins relève de l'histoire des croyances, si une telle discipline existe. Je suis volontiers Jan Assmann quand, dans le Prix du monothéisme, il oppose différentes "catégories de vérité": les vérités d'expérience, les vérités historiques, les vérités logiques, et...les vérités révélées, au sens des religions monothéistes. Il établit ainsi une différence de nature entre les croyances des polythéistes, en des dieux "dans le monde", dieux "puissances", qui relèvent selon lui de la vérité d'expérience ou historique , alors que la croyance des monothéistes en une vérité révélée, transcendante abstraite, loin de toute expérience (hors les miracles bien sûr: rien n'est jamais absolu dans ce domaine), est d'une autre nature, qui relève plus du libre arbitre que de l'expérience.

N'est-ce pas cette différence de nature de croyance, de catégorie de vérité, qui explique cette différence de comportement vis à vis des dieux des autres, que les monothéistes qualifient d'idoles, assorties de l'ordre biblique de les détruire ? Qu'en pensez-vous?


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 Sujet du message : Re: Le procès de Socrate
Message Publié : 14 Mars 2011 18:09 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 11 Juin 2007 19:48
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J’en pense surtout que ça n’a rien a voir avec Socrate, et qu’il serait bon de ne pas transposer ici les 17 pages d'un débat houleux du forum religieux (débat qui ne m'intéresse d'ailleurs pas, navré)...
Quelques pistes en passant, à exploiter ailleurs : Les cultes à mystères sont toutes des religions révélées; la destruction des sanctuaires de l'île de Mona par les Romains; l'affaire des Bacchanales; la politique juive d'Antiochos IV; les destructions systématiques des sanctuaires d'Erétrie puis d'Athènes par les Perses...


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 Sujet du message : Re: Le procès de Socrate
Message Publié : 14 Mars 2011 19:10 
Excusez-moi. Puis-je néanmoins garder la première question:
Peut-on à votre avis distinguer l'attitude des Grecs:
- à l'intérieur de la cité, où, pour les raisons identitaires que vous expliquez, il est déconseillé ou interdit de ne pas honorer les dieux,
- à l'extérieur de leurs frontières: les Grecs ont-ils cherché à détruire les dieux des autres peuples, en particulier les peuples qu'ils ont vaincus, pour les remplacer par les leurs? Certes, on n'est plus là avec Socrate, mais par exemple avec Alexandre


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 Sujet du message : Re: Le procès de Socrate
Message Publié : 23 Mars 2011 13:11 
Je renvoie à Claude Mossé Le procès de Socrate, excellement écrit, comme d'habitude avec Claude Mossé, magnifiquement documenté. C'est un chef-d'oeuvre à lire, en français en plus lol . La meilleure auteur sur Athènes et le monde grec en général.


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 Sujet du message : Re: Le procès de Socrate
Message Publié : 23 Mars 2011 13:16 
peche a écrit :
Je renvoie à Claude Mossé Le procès de Socrate, excellement écrit, comme d'habitude avec Claude Mossé, magnifiquement documenté. C'est un chef-d'oeuvre à lire, en français en plus lol . La meilleure auteur sur Athènes et le monde grec en général.

Merci beaucoup, j'y cours!


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 Sujet du message : Re: Le procès de Socrate
Message Publié : 05 Avr 2011 23:13 
Lisez aussi Claude Mossé Histoire d'une démocratie : Athènes sur Socrate et son procès p.107-110, très intéressant ; et lisez le livre tout entier tant ça ne fait pas de mal de se faire du bien :mrgreen: . Claude Mossé est vraiment une auteure d'élite ; avec elle et Jacqueline de Romilly on a vraiment eu du bol de les avoir en France :mrgreen:


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 Sujet du message : Re: Le procès de Socrate
Message Publié : 07 Avr 2011 21:10 
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Jean Froissart
Jean Froissart
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Inscription : 24 Mars 2010 16:23
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Localisation : Paris
Entièrement d'accord !!! Claude Mossé est simplement géniale ! ses études montrent une attention extrême au souci de l'historiographie et en même temps arrive à rendre plus qu'agréable la lecture de centaines de pages touchant parfois des sujets très secs... Une réussite française, à n'en point douter ! :wink:

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Il n'y a pas de littérature sans liberté politique

Memoriam quoque ipsam cum voce perdidissemus, si tam in nostra potestate esset oblivisci quam tacere


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 Sujet du message : Re: Le procès de Socrate
Message Publié : 14 Avr 2011 17:34 
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Polybe
Polybe
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Inscription : 02 Mai 2010 13:59
Message(s) : 88
J'vais apporter ma contribution, mais il se peut que ce soit inutile parce que je n'ai pas tout lu !

Pour moi l'accusation d'impiété n'est pas vraiment la raison de la mise en procès de Socrate.

En fait, je vais déjà remettre un peu le contexte. La fin de la guerre du Péloponnèse, et pendant les troubles civiles de la cité d'Athènes la situation est assez déplorable... les massacres sont tellement violents que les Lacédémoniens eux-même (vainqueurs de la guerre et donc tutélaires d'Athènes) décident d'intervenir en négociant un accord entre les deux partis opposés (les démocrates réfugiés en Béotie sous le "commandement" de Thrasybule et les 30 oligarques avec leur armée, présidés par Critias). Ainsi Pausanias (l'un des deux rois spartiate de l'époque) instaure un traité qui stipule (en gros) la restauration de la démocratie contre l'amnistie et le pardon aux oligarques.

Mais voilà, pour marquer la fin d'un cycle historique il faut un symbole fort, quelque chose qui va permettre de tourner la page.... et le personnage qui va attirer toute la haine des Athéniens, c'est Socrate ! Pourquoi ? Et bien les Athéniens n'ont pas pu se venger de Critias (l'amnistie donne un peu l'impression d'un conflit inachevé, les Athéniens n'ont pas pu obtenir réparation pour toutes les morts qui sont survenues), mort en dehors d'Athènes. Mais en plus, ils n'ont pas pu se venger d'Alcibiade. Alcibiade, celui qui a fuit Athènes pendant l'expédition de Sicile dont il était l'instigateur parce qu'il voulait échapper à son procès (accusé à tort je crois ? je n'en suis pas sur). Alcibiade qui a trahit Athènes et s'est rangé aux côtés des Lacédémonies, qui a donné aux rois de sparte les clés de la victoire parce qu'il connaissait Athènes: ses points faibles, là où il faut attaquer.
De tout cela, les Athéniens gardent rancœur parce qu'ils n'ont pas pu lui faire payer... (étant mort je ne sais plus où).

Quel lien avec Socrate ? Et bien c'était le maitre de ces deux hommes ! Or Socrate lui (qui dispensait des enseignements plutôt anti-démocratiques et qui ne passait pas pour vraiment pieux....) est resté à Athènes.

On va donc le juger lui, en 399, par procuration. On le condamne à mort, officiellement pour corruption de la jeunesse avec ses idées subversives....

Socrate était un ennemi de l'unité Athénienne, cette même unité que les Athéniens cherchent à retrouver après la guerre civile.

Faire boire la ciguë à Socrate, c'est tourner une page de l'histoire.


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 Sujet du message : Re: Le procès de Socrate
Message Publié : 14 Avr 2011 18:05 
Wedja a écrit :
J'vais apporter ma contribution,

Merci infiniment. Il me semble que c'est une brillante synthèse de tout ce qui a été dit auparavant, qui fait bien ressortir les lignes de force. Les autres contributeurs sont-ils d'accord?


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 Sujet du message : Re: Le procès de Socrate
Message Publié : 14 Avr 2011 18:09 
Wedja a écrit :
Alcibiade qui a trahit Athènes et s'est rangé aux côtés des Lacédémonies, qui a donné aux rois de sparte les clés de la victoire parce qu'il connaissait Athènes: ses points faibles, là où il faut attaquer.
De tout cela, les Athéniens gardent rancœur parce qu'ils n'ont pas pu lui faire payer... (étant mort je ne sais plus où).
Alcibiade s'était réfugié chez les Perses, et a été assassiné, à l'instigation du Spartiate Lysandre selon wiki (pas sûr que ce soit aussi clair). Sinon, c'est à peu près ce que j'ai dit pour ma part. Je ne suis toutefois pas sûr que Socrate ait été tellement irreligieux, mais encore une fois, se réclamer de Lycurgue (en rappelant les oracles d'Apollon les concernant), le législateur et l'idéologue de Sparte, dans un pareil contexte, c'était une provocation (parmi d'autres) qui suffit quasiment à expliquer l'issue (je rappelle cette aberration apparente qu'il s'est trouvé une majorité plus forte pour le condamner que pour précédemment le déclarer coupable...).

à+


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