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 Sujet du message : Le Socrate d'Aristophane
Message Publié : 15 Juil 2011 20:29 
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Hérodote
Hérodote

Inscription : 15 Juil 2011 20:24
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Bonjour à tous,
le Socrate des Nuées est un personnage bien différent de celui présenté de Platon. Quelqu'un connaîtrait-il d'autres sources anciennes sur Socrate (à part Aristophane et Platon) ? Des études universitaires sur le sujet?
Merci d'avance.


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 Sujet du message : Re: Le Socrate d'Aristophane
Message Publié : 16 Juil 2011 0:05 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile
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Inscription : 27 Avr 2008 15:42
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Je ne crois pas qu'on puisse parler de source, Aristophane déteste Socrate et en fait une caricature. Platon bien sûr n'est pas objectif non plus, lui il admire Socrate, mais il cherche à nous transmettre sa pensée, il s'agit donc bien plus d'une source.
Xénophon parle aussi de Socrate dans l'Apologie de Socrate.

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Que les petites différences entre les vêtements qui couvrent nos débiles corps, entre tous nos langages insuffisants... ne soient pas des signaux de haine et de persécution...

La prière de Voltaire, Traité sur la tolérance, Chapitre XXIII


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 Sujet du message : Re: Le Socrate d'Aristophane
Message Publié : 16 Juil 2011 11:28 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 11 Juin 2007 20:48
Message(s) : 2289
Le problème de Socrate est qu'il n'existe pas : nous ne le connaissons que par une successions de personnages littéraires, à commencer par Platon qui a littéralement créé pour la postérité le personnage qu'il appelle Socrate, mais qui n'exprime que les idées de Platon, et un genre littéraire : le dialogue socratique. Ce personnage n'est pas plus légitime que celui d'Aristophane, si ce n'est que le Comique a écrit plus de 25 ans avant les premiers dialogues socratique de l'Académicien (la pièce est jouée pour la première fois en 423) ; Platon, lui, n'a connu le maître que sur la fin, à l'époque de son déclin. De plus, Socrate est issu de l'école ionienne dont il s'est néanmoins affranchi de toute la physique et des mathématiques qui font toujours leur réputation, pour se concentrer sur la morale. A l'inverse, Platon synthétise l'ionisme de Socrate et le pythagorisme occidentale : en effet, il n'a été disciple de Socrate que quelques années, une décennie à tout casser ; et il a eu d'autre maître de qualité, tantôt ioniens (Cratyle), tantôt éléates (Hermogène), tantôt et surtout Pythagoriciens (Philolaos, Archytas). De tous les disciples de Socrate, Platon m'apparait paradoxalement comme le plus originale, le plus indépendant. Ce qui est gênant quand on constate qu'il est considéré habituellement comme la source de référence sur le fils de Sophronisque...
Quant à Xénophon, qui met en scène Socrate dans l'Apologie et dans le Banquet, il ne l'a que très peu connu, et en tant qu'essentiellement homme d'action, il ne semble pas très doué pour les abstractions : il aime le concret. En tout cas, il était bien entendu absent lors du fameux Banquet, qui ressemble plus à un exercice qu'autre chose ; quant à l'Apologie, non seulement il était absent d'Athènes, mais en plus il réagit à un pamphlet anti-socratique, l'Accusation de Socrate de Polycrate, lui-même d'inspiration très libre; enfin, il rédige 60 ans après la pièce d'Aristophane...

On pourrait ajouter, dans le même genre, Aristote : lui aussi est amené à disserter sur Socrate et sa philosophie, qu'il n'apprécie par beaucoup, mais manque de bol, il n'a jamais connu le maître, ne le connait que par l'intermédiaire Platonicien, et critique en fait ce dernier : encore une fois on se mord la queue et l'on constate la place centrale de Platon dans la construction du personnage de Socrate.

Une autre source réside dans les fragments des Socratiques de la première génération (Eschine, Aristippe, Antisthène, Phédon, Euclide) ; mais il ne s'agit que de fragments, dont on doit toujours s'interroger sur l'origine et le mode de transmission, approximatif très souvent, surtout pour la prose.
Et puis les hostiles : j'en avancerai deux quasi contemporains : Polycrate sus-mentionné, un rhéteur, et Aristoxène de Tarente, fils d'un disciple de Socrate, qui a écrit une Vie de Socrate très virulente.

On se retrouve au final avec un panel de sources relativement abondante, mais dont toutes pêchent par un manque flagrant d'authenticité. Le seul moyen de tirer quelque chose d'historique et non de littéraire consiste à chercher des points communs.

Or à ce petit jeu là, Aristophane, la plus ancienne de nos sources rappelons-le, ne s'en sort pas si mal, en dehors du décors théâtrale (faut avouer, avec la tronche et la dégaine de Socrate, il aurait été idiot de laisser passer l'occasion!). Aristophane met l'accent :
- sur l'aspect novateur de l'enseignement de Socrate, en rupture avec l'éducation classique : indéniablement, c'est vrai, et le philosophe surfe sur la vague novatrice des sophistes.
- sur le mépris des dieux traditionnels. Or la défense qu'il présente dans l'Apologie de Platon semble confirmer par omission, de même que les sentiments religieux de ses disciples, assez dédaigneux pour la plupart (et n'oublions pas qu'il fut aussi disciple d'Anaxagore).
- sur l'habilité oratoire, les cheminements tortueux, les sophismes, etc, bref, la maîtrise du Raisonnement injuste (Adikos logos). Or encore une fois, l'Apologie de Platon, que je juge la plus fidèle à la manière du maître de tous les dialogues socratiques, est une succession de sophismes scandaleux, où jamais il ne répond aux sujets évoqués et multiplie les tours de passe-passe pour ne pas se justifier, se concentrant au final à un panégyrique de sa propre moralité, totalement hors sujet, non sans avoir en cours de route manipulé l'accusation sur la personne de Mélétos. La maïeutique socratique, qui consiste à mener par le bout du nez son interlocuteur pour l'amener malgré lui sur le terrain que l'on a choisi, reste l'archétype de la méthode socratique, et symptomatique de son habilité oratoire. Autant les Sophistes ont amené l'art des discours à un premier apogée, autant Socrate a mené à son paroxysme l'art du dialogue ; si la finalité diffère, les moyens restent identiques : manipuler l'interlocuteur ou l'auditoire. D'une manière générale, les Antiques reconnaissent d'ailleurs en lui le plus habile discoureur qui soit...

Sur les points centraux, Aristophane semble bon observateur, contrairement à l'opinion de la critique obnubilée par le mythe platonicien jugé, à tort, plus authentique. Tout au plus peut-on lui reprocher de faire de Socrate un physicien, de tenir école et de faire payer ces leçons, occasions de petites scénettes comiques faciles. Et encore, sur le salaire, ce n'est pas impossible : avant de se trouver des mécènes généreux qui l'entretiennent, il fallait bien qu'il vive (très correctement, encore une fois il sert comme hoplite) après avoir abandonné les ciseaux ! Idem avec la Physique (calculer les sauts de puces !) : en tant que philosophe ioniens, il n'est pas impossible qu'à ses débuts, il s'y soit consacré avant d'y renoncer. Ses débuts de carrière sont très obscurs, on peut imaginer que Platon et Xénophon n'aient pas connu cet état, et dans leur volonté de réhabilitation posthume, il aient passé beaucoup d'éléments sous silence.


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 Sujet du message : Re: Le Socrate d'Aristophane
Message Publié : 18 Juil 2011 11:59 
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Hérodote
Hérodote

Inscription : 15 Juil 2011 20:24
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Merci pour vos réponses. C'est en effet intéressant d'imaginer une évolution du personnage entre sa jeunesse et sa vieillesse, je n'y avais pas pensé.


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 Sujet du message : Re: Le Socrate d'Aristophane
Message Publié : 03 Août 2011 14:03 
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Polybe
Polybe
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Inscription : 04 Mars 2008 16:11
Message(s) : 106
Localisation : chroniqueur du temps qui passe à Nancy
Sans prétention scientifique, mais à titre de détente estivale il y a aussi le roman de Claude Pujade-Renaud, Platon était malade, qui oppose les différentes figures de Socrate selon ceux qui l'ont fréquenté, autant que faire se peut d'après ce qu'il reste d'écrits...

Chez Acte Sud, collection babel, 2002

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to be is to do: socrate
to do is to be: platon
do be do be do: sinatra


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