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Message Publié : 17 Sep 2011 12:20 
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Jean Froissart
Jean Froissart
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Localisation : Galaxie d'Andromède, Système solaire Zeta
Que reste t-il des dizaines de villes créées par Alexandre le grand ?
La plus célèbre et la plus importante aujourd'hui est Alexandrie en Egypte, mais les autres ?
On t-elles survécu aux siècles ?

_________________
"L'histoire me sera favorable car j'ai l'intention de l'écrire". Winston Churchill.


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Message Publié : 17 Sep 2011 12:50 
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Fustel de Coulanges
Fustel de Coulanges
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Localisation : Lorrain en exil à Paris
Ce petit récapitulatif vous aidera peut-être : http://fr.wikipedia.org/wiki/Villes_fond%C3%A9es_par_Alexandre

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"[Il] conpissa tous mes louviaus"

"Les bijoux du tanuki se balancent
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Message Publié : 17 Sep 2011 14:39 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

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Plusieurs facteurs expliquent la disparition de beaucoup de ces fondations.

D'abord, pour beaucoup, il ne s'agit que de petites villes de garnison, chargées de tenir une province plus ou moins grande. C'est le cas par exemple d'Alexandropolis, sa première fondation, sur le territoire des Maidoi, après sa première campagne victorieuse en 340 à l'âge de 16 ans. Il fonde une ville pour se la péter et pour faire enrager papa, mais son importance est minime : un point d'appui au milieu d'un peuple peu important. Il y avait peu de chance qu'elle bénéficie d'un essor considérable...

Ensuite, leur nom indique bien un de leur rôle principale : le prestige. Elles sont les vitrines d'un nouvel empire triomphant, un message adressé au monde et à ses voisins. C'est particulièrement net pour les cités fondées sur les frontières, comme Alexandrie du Tanaïs dite L'Ultime (Eschatè) sur la frontière nord, face au Scythes, ou les nombreuses Alexandrie qui s'égrainent sur sa frontière orientale, sur les rives de l'Hyphase (avec les fameux Autels qui accentuent ce rôle de prestige) et de l'Indus. Très bien. Sauf quand ils perdent la ville très vite. Or à la mort d'Alexandre, ses successeurs ne conserveront pas longtemps ces marges, et leur symbolisme tourne alors en leur défaveur : les populations se hâtent de débarrasser le paysage du souvenir de l'envahisseur (n'oublions pas que l'image d'Alexandre dans l'imaginaire populaire des Asiatiques s'approche de celle d'Attila, une aventure militaire sanglante et ponctuelle ; c'est la violence de la conquête qui a marqué l'inconscient collectif, et pas les ambitions culturelles). Toutes ces cités se sont donc effacées très vite.
A ce facteur doit s'ajouter pour l'Inde les difficultés topographiques et historiques qui empêchent l'identification des sites, ou du moins rend les investigations très compliquées, du fait de l'absence d'une littérature indienne contemporaine qui permettrait d'établir des filiations avec la géographie des siècles postérieurs (on essaie de bricoler des concordances avec le Mahabarata et quelques autres poèmes épiques anciens, mais ce n'est pas évident). Pour l'essentiel, il faut se contenter des indices topographiques données par les sources grecques ; or les fleuves de l'Inde ont des lits variables, en particulier l'Indus et ses affluents quand il paresse dans les plaines du Pendjab et du Sind; avec les variations de débit incroyables occasionnés par la mousson, il ne faut pas grand chose pour que le fleuve change d'itinéraire. D'où les résultats souvent décevants des tentatives d'identifications des aventures indiennes d'Alexandre.

Enfin, pour les nombreuses colonies fondées dans les Hautes Satrapies, il faut compter sur les guerres intestines. La mort du souverain a été un signal pour les colons grecs de Haute Asie, qui n'étaient pas satisfaits de leur sort, souvent devenu colons sous la contrainte. Alexandre disparu, ils se sont sentis libérés de leurs obligations et se sont organisés pour reprendre en main leur destin, entre autre retourner chez eux. Ils se soulèvent masse dès 322, rassemblent une armée qui se monte à pas moins de 20 000 hommes et 3000 cavaliers (Diodore XVIII.7). Perdiccas va ordonner leur massacre, ils seront exterminés sans pitié après leur défaite. Je suis convaincu que de nombreuses petites fondations de garnison ne se sont jamais relevé de cette épuration sanglantes.

Pour les autres, celles qui survivent aux remous des premières années qui suivent la succession d'Alexandre, le caractère souvent anecdotique des villes contemporaines (Qui connait Iskenderun en Turquie, Begrâm en Afghanistan, Ucch au Pakistan...?) n'est pas forcément représentatif de leur rôle historique. Les fouilles ont révélé par exemple à Bégrâm (Alexandrie du Caucase) une cité hellénistique florissante; Alexandrie d'Opiène (actuelle Ucch) était encore célèbre au Moyen Age sous le nom d'Askaland Usah; Bucéphalie, dont le site n'est pas identifié, restait florissante à l'époque de Strabon, 3-4 siècles après sa fondation. Un auteur comme Isidore de Charax, qui dresse les itinéraires caravaniers sous Auguste ('Les Etapes parthiques', très fragmentaire) montre la vitalité de nombreuses fondations remontant à Alexandre et célébrées comme telles, visiblement bien placée le long des routes caravanières, comme Alexandrie d'Arie (Hérat), Alexandrie d'Arachosie (Candahar), Alexandropolis (Kalat-i-Ghilzai) aussi en Arachosie, etc.


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Message Publié : 17 Sep 2011 16:32 
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Fustel de Coulanges
Fustel de Coulanges
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Localisation : Lorrain en exil à Paris
Thersite a écrit :
le caractère souvent anecdotique des villes contemporaines (Qui connait Iskenderun en Turquie,



Beaucoup de passionnés d'histoire contemporaine la connaissent très bien sous le nom d'Alexandrette ;)

Sinon, pour tout le reste, on ne peut qu'approuver vos propos, qui ne sont pas valables que pour les villes alexandrines. Combien de villes, en France même, qui étaient autant de centres majeurs au Moyen Age, ne sont plus que villes bien modeste aujourd'hui? (et je ne parle pas d'Iznik, où je suis passé cet été - qui soupçonnerait l'antique Nicée sous cette grosse bourgade rurale?) Les exemples abondent.

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Message Publié : 17 Sep 2011 21:25 
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Pierre de L'Estoile
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Si mes souvenirs sont exacts, Kandahar en Afghanistan s'était vantée un temps de ses origines alexandrines : abréviation de "Iskandahar". Mais cette étymologie et cette aitiologie (histoire des origines) n'avaient jamais convaincu.

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Qui contrôle le passé contrôle l'avenir.
George Orwell


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Message Publié : 17 Sep 2011 21:28 
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Georges Duby
Georges Duby
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Inscription : 27 Juil 2007 15:02
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Localisation : Montrouge
Oui, La ville de Kandahar, qui compte aujoud'hui 358.000 habitants, 3è ville de l' Afghanistan, passe pour avoir été fondée par Alexandre (Iskander). Wiki y fait allusion.

Quels documents, par ailleurs, permettent de présenter Alexandre comme un Attila pour les habitants d' Asie ?
Il me semble qu'une partie de l' orient a subi une influence durable de la civilisation hellénistique qu'il a créée, qui a duré plusieurs siècles et laissé des traces dans l'art oriental. Il se peut néanmoins que les habitants le voient ainsi .
Je n'en suis pas sur: le Coran ne fait-il pas allusion au conquérant mythique ?
Dans un dictionnaire de l'islam on lit en effet:
" Dieu donna à Dhou al-Qarnaïn ( Alexandre le grand pour le Coran ), un grand empire d'où il tira sa puissance. Il lui ouvrit le chemin de l'orient et de l'occident et aplanit devant lui les obstacles pour lui permettre de réaliser ses objectifs : " lls t'interrogeront au sujet de Dhou al-Qarnain. Dis : je vais vous raconter une histoire qui le concerne. Nous avions affermi sa puissance sur la terre et nous l'avons comblé de toutes sortes de biens. Il suivait son chemin" (S. XVIII, 83, 84, 85).
A l'ouest, Dhou al-Qarnaïn vit le soleil se coucher dans une source brûlante et rencontra auprès d'elle une peuplade en adoration devant elle : "et quand il eut atteint le couchant du soleil, il vit que le soleil se couchait dans une source bouillante et il trouva un peuple auprès de cette source" (S. XVIII, 86). "

Tous les musulmans lisent donc et apprennent qu'Alexandre etait le protégé de Dieu, lequel lui avait conféré la puissance.

_________________
Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses. Virgile.


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Message Publié : 18 Sep 2011 11:23 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 11 Juin 2007 19:48
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Alfred Teckel a écrit :
Beaucoup de passionnés d'histoire contemporaine la connaissent très bien sous le nom d'Alexandrette

Oui, l'exemple n'était vraiment pas le mieux choisi... et qualifier d'anecdotique une ville de près de 200 000 habitants...
Je réagissait surtout aux réactions qu'on lit souvent, y compris dans des ouvrages sérieux, que l'entreprise coloniale d'Alexandre a été un échec, que la plupart de ses fondations sont tombées dans l'oubli. Le "problème" provient du destin exceptionnel d'Alexandrie d'Egypte, qui a éclipsé toutes les autres. Mais n'oublions pas que les royaumes hellénistiques puis parthes se sont bâtis en partie sur ce réseau urbain alexandrin, Isidore de Charax par exemple en témoigne. Il suffit de jeter un œil sur la carte urbaine de l'Afghanistan pour comprendre la pérennité des choix d'Alexandre, préservés par l'intermédiaire des rois greco-bactriens et maintenu jusqu'à nous.

Nebuchadnezar a écrit :
Si mes souvenirs sont exacts, Kandahar en Afghanistan s'était vantée un temps de ses origines alexandrines : abréviation de "Iskandahar". Mais cette étymologie et cette aitiologie (histoire des origines) n'avaient jamais convaincu.

L'identification de Kandahar à Alexandrie n'est pas remise en question, autant que je sache. Il est indéniable qu'une grande ville hellénistique se cache sous elle : on y a trouvé du matériel hellénistique dont des bases de statue, etc. De plus, c'est à Kandahar qu'Ashoka a fait dresser l'un de ses édits en grec. Mais bon, on est pas près d'y faire des fouilles...
Par contre, l'étymologie est remise en question : le nom de Kandahar serait déjà attesté sur les tablettes de Persépolis. La ville aurait donc soit repris, soit conservé son nom antérieur. Après tout, ce n'est pas la première fois qu'une cité se fait connaître par deux nom, l'un officiel, l'autre local et/ou antérieur, comme par exemple Byzance/Constantinople/Istanbul.

Alain.g a écrit :
le Coran ne fait-il pas allusion au conquérant mythique ? . . . . Tous les musulmans lisent donc et apprennent qu'Alexandre etait le protégé de Dieu, lequel lui avait conféré la puissance.

Le Coran ne parle pas d'Alexandre, mais d'un personnage mystique surnommé le Bicornu dont on a bien du mal à voir une analogie avec le célèbre conquérant.
Par contre, très vite, en pratique dès qu'Antioche, Alexandrie et autres villes grecques se sont soumises et en partie converties, des exégètes vont effectivement assimiler le Bicornu à Alexandre. Tandis que les Juifs convertis y verrons Moïse, et les Perses Zoroastre, etc. Néanmoins, grâce à cela, il est vrai qu'Alexandre a bénéficié dans l'Islam d'une bonne image, d'autant que l'hellénisme étant une des composantes majeur de la culture dite arabe, et que l'Arabie elle-même n'a pas eu à subir l'horreur de l'invasion macédonienne. C'est par l'intermédiaire arabe que le Roman d'Alexandre va se populariser dans tout l'Orient, en version arabe, puis persane, puis au-delà encore jusqu'en Extrême Orient, faisant de ce mauvais roman une des œuvres majeure de l'humanité ! Néanmoins, après cela, la Perse musulmane va effectivement monter Alexandre au rang de héros national, déclinant la tradition grecque dans toute une ribambelle d'adaptations, Alexandre devenant un personnage digne des Mille-et-une-Nuit, archétype du souverain bon et généreux. Il sera même intégré aux généalogies princières. Mais il s'agit vraiment d'un retournement d'opinion : nous sommes là au mieux un millénaire après la mort d'Alexandre, alors que je mentionnais les destructions immédiates, entre 323 et 300 pour donner des dates.
Il faut donc se pencher sur l'image d'Alexandre pré-islamique.

Le premier indice est fourni pour la tradition indienne Dans le mahabaratha (et dans quelques autres poèmes plus récetns) apparait un étrange guerrier maléfique nommé Kâlayavana (Yavana est le nom indien donné aux Grecs, Kala signifie "lié au temps de la mort"). Certes, c'est de la poésie indienne, donc un mythe intemporel et sans géographie, et il faut vraiment faire preuve d'imagination pour identifier Alexandre et ce Kâlayavana... s'il n'y avait son nom ! Un Grec qui apporte la mort, les Indiens n'en ont pas connu des masses ! Donc si on admet l'assimilitation, l'image d'Alexandre dans l'Inde archaïque (à la louche, entre le IIIe avant et le VIe après, je n'ose pas être plus précis pour sa rédaction) est celle d'un démon guerrier violent.

Second indice, la littérature persanne pré-islamique, c'est-à-dire la tradition zoroastrienne. Pour les Zoroastrien, Alexandre est un démon maléfique, un monstre qui a entre autres brûlés les écrits de Zoroastre. Pour remonter à eux, nous disposons d'une part de quelques textes d'époque variable, mais aussi de la tradition orale zoroastrienne actuelle, telle qu'elle a été conservée chez les Parsis réfugiés en Inde. Je renvois à leur sujet à La Légende d'Alexandre chez les Parses par J. Darmesteter, 1878. C'est vieux, mais toujours central sur le sujet grâce aux témoignages écrits et oraux qu'il exploite. Pour quelque chose d'un peu plus récent, par exemple l'article de P. Guignou, "La démonisation d'Alexandre le Grand d'après la littérature pehlevie", Iranica 13, 2007, p.87-97 avec une bibliographie récente (la littérature pehlevie désigne la littérature sassanide, donc encore une fois pré-islamique)

J'aurais souhaité donné un troisième exemple avec la tradition orale sur Alexandre en Afghanistan, mais je ne parvient pas à mettre la main sur une référence. J'avais découvert ça je ne sais plus trop où, dans une note en anglais d'une édition d'un historien d'Alexandre, je ne sais plus lequel. Si quelqu'un sait à quoi je fais allusion, ce serait aimable de préciser.

Pour les populations occidentales, le ressenti est différent puisqu'il n'y a qu'un simple transfert de souveraineté : en Asie Mineure, en Egypte, en Babylonie, la conquête fut assez gentille. Pour les Hautes Satrapie et la campagne de la vallée de l'Indus, c'est une paire de manche, et les populations ont subit de plein fouet les exactions macédoniennes, l'aventure militaire était ponctuée d'une nombre de plus en plus importants de massacre dissuasifs contre des populations farouches et rebelles. Les indigènes n'étaient pas près de l'oublier...


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Message Publié : 18 Sep 2011 12:28 
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Pierre de L'Estoile
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Inscription : 09 Juin 2010 14:22
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Thersite a écrit :
l'aventure militaire était ponctuée d'une nombre de plus en plus importants de massacre dissuasifs contre des populations farouches et rebelles. Les indigènes n'étaient pas près de l'oublier...



oui et certains sont allés jusqu'à parler de massacres d'exterminations! Quel crédit leur apporter...Sur quoi s'appuient ils ?


Bien à vous

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et tout le reste n'est que littérature


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Message Publié : 18 Sep 2011 14:43 
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Pierre de L'Estoile
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Les historiens d'Alexandre, tout simplement ! Ce n'est pas les témoignages qui manquent; bien qu'ils soient favorables en général à Alexandre, ils ne cachent pas cette pratique qui est de toute façon quasi obligatoire, commune à tous les grands conquérants : pour tenir de vastes territoires nouvellement acquis contre des populations hostiles, tu massacres et fais des exemples pour calmer tout le monde, Bisounours s'abstenir. On verra plus tard pour se les gagner autrement...
Je te donne un exemple, je pourrais en donner des dizaines : lorsqu'Alexandre débute sa campagne indienne, sa première action a consisté à s'emparer de la première ville croisée (celle des Assacéniens), d'en exterminer la population, et de donner comme consigne à ses généraux de détruire sans pitié toutes les villes qui résisteront. Arrien, IV.23.3-5 : Ayant attaqué la première de ces villes qui se trouvaient sur sa route, il mit en fuite au premier choc et sans préparatif les troupes rangées en bataille devant la ville, et les enferma dans les murs ; . . . . (une fois la ville prise) les uns périrent dans leur fuite, et, ceux que les Macédoniens prirent vivant, ils les passèrent tous par les armes, dans leur rage de voir Alexandre blessé par eux. . . . Alexandre rasa la ville et marcha contre la cité suivante, Andaca. Celle-ci s'étant rendue sous conditions, il en prit possession et laissa sur place Cratère, avec les autres généraux d'infanterie, et ordre de détruire les autres villes qui ne feraient pas leur soumission volontairement. . . Et la campagne se poursuit, particulièrement sanglante et violente. Le récit provient de Ptolémée, qui participe activement à la campagne et y sera d'ailleurs blessé à deux reprises. Non seulement les villes qui résistent sont systématiquement détruites, mais les habitants qui parviennent à s'enfuir (parfois après avoir eux-même incendié leurs cités) sont impitoyablement traqués et ou bien massacré, ou bien réduits en esclavages et déportés.

On pourrait décrire toute la campagne d'Inde, mais aussi le traitement infligé aux provinces difficiles, comme l'Arie, la Sogdiane, la Bactriane, etc. qui paient au prix fort leur agitation.


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Message Publié : 18 Sep 2011 15:27 
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Thersite a écrit :
ils ne cachent pas cette pratique qui est de toute façon quasi obligatoire, commune à tous les grands conquérants : pour tenir de vastes territoires nouvellement acquis contre des populations hostiles, tu massacres et fais des exemples pour calmer tout le monde, Bisounours s'abstenir. On verra plus tard pour se les gagner autrement...


Ce fut vraiment une pratique commune et pas seulement dans l'Antiquité. Mais, cela s'explique souvent par les méthodes d'enrôlement. Les soldats s'enrôlaient souvent pour une période donnée (il s'agit souvent de soldats-paysans et il faut rentrer pour la moisson et les semailles). De plus, on les rétribuaient sur les tribus perçus ou les prises des pillages. Donc, un long siège représente un manque à gagner et risque de voir certains combattants quitter les lieux pour rentrer chez eux. Les généraux ont horreur des sièges des villes.

Effectivement, la meilleure méthode est de faire un exemple : raser la première ville qui résiste, tuer ses habitants et ne pas laisser pierre sur pierre. Le message est pour les villes suivantes : vous nous payez un tribu, vous nous proclamez allégeance et on vous laisse en paix. De nos jours, on pourrait dire qu'il s'agit d'une forme de racket. Souvent cela marche, le bourgeois préfère payer un tribu, voir des troupes stationner quelques jours aux abords et puis la vie reprend ses droits : il peut même en tirer un profit à moyen ou long terme en commerçant avec l'armée. Mais pour cela, il faut rester en vie, et la vie à un prix : le tribu.

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Une théorie n'est scientifique que si elle est réfutable.
Appelez-moi Charlie


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Message Publié : 18 Sep 2011 20:27 
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Jules Michelet
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Thersite a écrit :
Nebuchadnezar a écrit :
Si mes souvenirs sont exacts, Kandahar en Afghanistan s'était vantée un temps de ses origines alexandrines : abréviation de "Iskandahar". Mais cette étymologie et cette aitiologie (histoire des origines) n'avaient jamais convaincu.

L'identification de Kandahar à Alexandrie n'est pas remise en question, autant que je sache. Il est indéniable qu'une grande ville hellénistique se cache sous elle : on y a trouvé du matériel hellénistique dont des bases de statue, etc. De plus, c'est à Kandahar qu'Ashoka a fait dresser l'un de ses édits en grec. Mais bon, on est pas près d'y faire des fouilles...
Par contre, l'étymologie est remise en question : le nom de Kandahar serait déjà attesté sur les tablettes de Persépolis. La ville aurait donc soit repris, soit conservé son nom antérieur.


Les fouilles du Vieux Kandahar ont révélé la présence d'une forteresse d'époque achéménide, peut-être dès le temps de Cyrus II. Des fragments de tablettes cunéiforme en élamite (comme à Persépolis) y ont même été mises au jour, signalant la présence d'une administration similaire à celle du centre de l'empire. Donc s'il y a création d'une colonie par Alexandre, c'est une refondation.

Cf : http://www.iranicaonline.org/articles/k ... nd-remains et bien évidemment la somme de P. Briant (aux différentes mention du site).


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Message Publié : 19 Sep 2011 8:23 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

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De toute façon, la plupart de ces fondations ne sont que des refondations, par adjonction de colons gréco-macédoniens et par synœcisme des patelins alentours. Alexandrie d'Egypte est une exception : Alexandre n'a que ça a faire, il s'occupe et il occupe ses dizaines de milliers d'hommes de l'armée et du train pendant l'hiver 331. Lui-même attend les renforts et des nouvelles de l'Egée, car il ne peut pas s'enfoncer dans les terres tant que la situation n'est pas stabilisée en Occident. En attendant, lui-même fait du tourisme, entre croisière sur le Nil et safari à l'oasis d'Ammon avec une petite escorte. Pour occuper les autres, il lance une politique de grands travaux, fortifiant l'Egypte, construisant quelques ponts enjambant le Nil pour facilité son départ en campagne au printemps, et tous les autres bâtissent Alexandrie, sur un espace vierge.

Le reste du temps, Alexandre a rarement du temps à perdre, il ne reste que quelques jours, quelques semaines dans le meilleur des cas (le record semble être son étape aux portes des Scythes, quand il fonde Alexandrie surnommée plus tard l'Ultime : il reste 17 jours pour procéder à la fondation. En général, il reste beaucoup moins, et la plupart des fondations ne sont même pas mentionnées par les historiens d'Alexandre. C'est le cas de cette Alexandrie d'Arachosie, qui n'est connue que par les périégètes et géographes plus tardifs (Ptolémée, Pline, Isidore, Ammien Marcellin, et je crois la Table de Peutinger...). Si ça se trouve, ce n'est même pas lui directement qui l'a fondée, mais un satrape, sur ses recommandations... Sinon c'est vite vu : il procède à l'établissement des rôles, décidant qui sera colon ou pas, alloue des moyens matériels et financies, procède aux cérémonies religieuses, supervise le tracé des remparts et éventuellement des monuments publics futurs, et basta, démerdez-vous. Même en Egypte il n'a fait que ça, ensuite les travaux se poursuivent sans lui pendant qu'il bronze dans le désert ou paresse sur le Nil.

Bref, les refondations sont monnaies courantes, comme à Tyr, à Gaza, etc. qui n'ont certes pas été renommées pour leur part, mais néanmoins refondées pour servir de point d'appui à la diffusion de l'hellénisme et bien entendu comme villes de garnison.


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Message Publié : 19 Fév 2012 12:20 
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Thersite a écrit :
Le Coran ne parle pas d'Alexandre, mais d'un personnage mystique surnommé le Bicornu dont on a bien du mal à voir une analogie avec le célèbre conquérant.



J'ai lu que des pièces de monnaie de l’époque, qui servirent plus tard de modèle aux pièces arabes, représentaient Alexandre portant les cornes du dieu Ammon. D'ou le surnom.


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Message Publié : 19 Fév 2012 13:20 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 11 Juin 2007 19:48
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C'est une interprétation moderne, inconnue des exégètes médiévaux qui cherchent d'autres explications et d'autres rapprochement.

Le texte est tiré de la sourate XVIII, verset 83 et suivants : rien dans ce récit n'évoque l'Alexandre historique, mais se nourrit de la tradition biblique de Gog et de Magog, à vocation apocalyptique. Mais l'assimilation est acceptée très tôt dans le Proche Orient hellénistique (mais pas forcément ailleurs, en Perse par exemple qui propose d'autres interprétations tirées de leur culture propre, zoroastrienne ; les Juifs proposent aussi leur propre référent ; chacun interprète ce fond commun anonyme et mythique à travers le filtre de sa culture), car au même moment, cette légende a été intégrée au mythe d'Alexandre. On évoque souvent une influence du roman d'Alexandre : c'est un anachronisme. Les premières versions grecques, latines, arméniennes et syriaques, des IIIe au VIIe, ignorent des relations entre Alexandre et Gog et Magog. Par contre, à partir du VIIe (comme par hasard), l'Alexandre christianisé va intégrer ce chapitre : il apparait pour la première fois vers 629-630 (donc à peine postérieure au Coran) dans un petit excursus au Roman d'Alexandre Syriaque, intitulé "Légende chrétienne d'Alexandre", où le conquérant repousse et isole au-delà du Caucase les peuples de Gog et Magog assimilés aux Huns. Le texte a été rédigé en Mésopotamie aux alentours des années 629/630, dans une optique nettement pro-byzantine. On a donc à la même époque, dans une grande proximité géographique, une résurgence de la légende biblique de Gog et Magog, mais interprétée par des cultures différentes. Ce n'est pas parce que un Mésopotamien hellénisé assimile ce combattant de Dieu à Alexandre que c'est le cas des Arabes. Par contre, puisque dans la foulée ces régions hellénisée découvrent le Coran, l'assimilation était évidente et sans doute immédiate dans ces milieux, et l'anecdote sera dorénavant intégrée dans les multiples versions orientales du Roman d'Alexandre, mais aussi en parallèles dans les versions médiévales chrétiennes, qui ne s'inspirent pas du coran mais de cette tradition biblique orientale.

Pour les plus motivés : Wallis Budge E.A., The History of Alexander the Great being the Syriac version of Pseudo-Callisthenes, Cambridge, 1888. L'excursus est traduit p.144sq., en particulier p.150-151 concernant le passage sur Gog et Magog.
http://www.archive.org/details/historyalexande00callgoog


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Message Publié : 31 Mai 2012 2:16 
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Eginhard
Eginhard

Inscription : 12 Mai 2012 3:13
Message(s) : 775
Merci Thersite pour cette enrichissante contribution concernant la ville de Kandahar.

Citer :
Le Coran ne parle pas d'Alexandre, mais d'un personnage mystique surnommé le Bicornu dont on a bien du mal à voir une analogie avec le célèbre conquérant.


Effectivement, certains oulémas ont émis l'hypothèse que Dhu Al Qarynan (l'homme aux deux cornes) serait Alexandre le Grand, mais aujourd'hui cette thèse est largement battue en brèche et ce quelque soit l'école juridique (madhab).


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