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Message Publié : 22 Nov 2011 11:03 
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Georges Duby
Georges Duby
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La démocratie athénienne est finalement assez mal connue en dehors des spécialistes.
Il est habituel de souligner que seuls les citoyens y participaient, ce qui a porté atteinte à son image et pourtant elle demeure le modèle.
Un modèle qui a pourtant connu des faiblesses, amenant les grands auteurs à ne pas en recommander l'exercice.
Quelles étaient ces faiblesses, en dehors du reproche habituel concernant les esclaves ? A t-elle sombré en raison de ces faiblesses ? Des questions de débutant.

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Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses. Virgile.


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Message Publié : 22 Nov 2011 11:57 
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Thucydide
Thucydide

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Ce sont les sociétés modernes qui ont pointé du doigt l'injustice d'un système où seule une minorité participait aux décisions politiques. Pendant l'Antiquité, les détracteurs de la démocratie ne se servaient pas de la question des esclaves comme reproche, au contraire, ils estimaient que trop de monde participait à la politique, et ils auraient préféré que l'on réduise encore le nombre de citoyens. Platon n'avait aucun problème avec l'existence des esclaves.

On reprochait à la démocratie de donner le pouvoir au peuple, constitué de gens incapables de prendre des décisions intelligentes. Tu remarqueras que démocratie est construit sur "-cratie", "kratos" (pouvoir), contrairement à l'oligarchie par exemple, construite sur "-archie", "archè" (commandement). Or "kratos" a mauvaise réputation en Grèce, c'est le pouvoir violent et irréfléchi : certains historiens croient que le mot "démocratie" a donc été forgé par les détracteurs de ce régime politique, pour mieux le critiquer.

Il y a une autre faiblesse de la démocratie que les Anciens ont relevé, c'est le fait que les décisions politiques sont soumises aux passions du peuple, ce qui oblige les "orateurs" à se comporter en démagogues, parfois au détriment des intérêts réels de la Cité.
Si la démocratie a "sombré" à Athènes à la fin du IVe siècle, c'est à cause de la pression macédonienne. Et effectivement, certaines faiblesses ont ralenti la Cité pendant les guerres contre Philippe. Dès qu'il fallait prendre une décision militaire, qu'il était nécessaire de prendre vite, le peuple devait en discuter à l'Assemblée et cela faisait traîner les négociations. Philippe étant un monarque, il n'avait pas ce problème et prenait les décisions bien plus rapidement. C'est pourquoi certains historiens ont reproché à Athènes son attentisme devant la menace macédonienne au IVe siècle.


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Message Publié : 22 Nov 2011 17:29 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 14 Avr 2005 11:11
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La démocratie athénienne est celle d'une cité, d'un monde clos et connu. C'est sa principal particularité. Elle n'est pas faite pour gérer un empire.
Les métamorphoses de la cité. Flammarion, 2010 de Pierre Manent où il propose un long passage sur la démocratie grecque et athénienne en particulier.

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« Étudiez comme si vous deviez vivre toujours ; vivez comme si vous deviez mourir demain. » Isidore de Séville


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Message Publié : 22 Nov 2011 18:16 
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Georges Duby
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Inscription : 27 Juil 2007 16:02
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Une déformation de la démocratie athénienne, le vote par la majorité du plus grand nombre, a dégénéré en haine des puissants et des riches en particulier avec un abus des proscriptions. Le peuple dédaigne d'exercer son devoir civique, il faudra le payer pour qu'il vote à l'ecclesia, la justice est partiale.
N'est-ce pas une crise économique et politique qui a mis fin à la démocratie athénienne ?

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Message Publié : 23 Nov 2011 10:44 
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Georges Duby
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Inscription : 27 Juil 2007 16:02
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Un autre point retient l'attention concernant la démocratie athénienne, c'est son caractère de démocratie semi-directe qui portait en germe son épuisement, ce mode de gouvernement étant incompatible avec une Ecclesia de 5.000 citoyens. Cette assemblée avait bien trop de pouvoirs, notamment pour la nomination des magistrats et la possibilité d'exiler qui tournera parfois au jeu de massacre des meilleurs dans le cas d'Aristide et de beaucoup d'hommes de grandes valeur. Les magistrats n'étaient désignés que pour de courtes périodes, un facteur d'instabilité évident.
C'est donc une démocratie inadaptée à une grande cité que connaitra Athènes, un système bon pour un village tenu par sa structure sociale proche. L'échec était inévitable.
Mais il n'en demeure pas moins qu' Athène a inventé la démocratie et mis en place des institutions comme la Boulée et le collège des archontes qui préfigurent les démocraties modernes.
Athènes est aussi l'inventeur de la démocratie directe telle que Rousseau la définira plus tard en posant un principe de méfiance à l'égard des magistrats et des élus suspectés d'oublier le peuple. Une méfiance qui s'exprimera trop largement à Athènes, fragilisant le régime. Une méfiance éternelle ...

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Message Publié : 23 Nov 2011 12:35 
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Polybe
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Alain.g a écrit :
Les magistrats n'étaient désignés que pour de courtes périodes, un facteur d'instabilité évident.

Je ne suis pas un expert en démocratie athénienne, et mes cours me portent essentiellement sur le Vème siècle mais les stratèges n'étaient-ils pas immédiatement rééligibles, offrant ainsi une continuité dans la politique de la cité ? (le cas de Périclès m’apparaît comme le plus évident mais c'est bien avant la chute de la démocratie). Les archontes étaient certes élus pour un an, et les prytanes changeaient de "chef" tous les jours mais très vite, n'est-ce pas les stratèges qui dominent la cité ?
pour en revenir à Périclès, c'est lui qui réduit l'accès à la citoyenneté, preuve que les grecs trouvaient qu'il y avait déjà trop de monde qui pouvait participer à la vie civique.

Hugues de Montigny

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"L'Histoire est imagination et contrôle de l'imagination par l'érudition"


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Message Publié : 23 Nov 2011 12:55 
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Plutarque
Plutarque

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Normalement on ne pouvait pas réélire les stratèges deux fois d'affilés, mais en période de crises, je crois qu'il était possible d'acquérir les pleins pouvoir pendant une période indéterminé avant de les rendre au peuple.

De mes souvenirs de droit (histoire des antiquités). Le gros problème de la démocratie athénienne vient de ses oppositions fraticides inter-cités, jamais une réelle harmonie n'a pu exister entre ces petites cités grecs, l'un imposant la démocratie, Sparte est sa théocratie militaire, et les autres petites cités allant d'alliance en alliance (avec certaines qui ont pu s'imposer un temps). Une démocratie entouré de théocratie ne pouvait être viable à l'origine, du fait qu'il n'existait pas une unité grecque.
Et enfin, la corruption était de mise, donc une démocratie à ses origines qui s'est vite transformée en une forme de ''dictature''.


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Message Publié : 23 Nov 2011 12:59 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 11 Juin 2007 20:48
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Alain.g a écrit :
la démocratie athénienne (. . .) a dégénéré en haine des puissants et des riches en particulier avec un abus des proscriptions.

8-| Pardon ? Des proscriptions à Athènes, voilà autre chose… Les carrières des Cimon, Périclès, Nicias, Conon, Phocion, pour ne donner que quelques exemple très célèbres, très riches et très puissants devraient suffire pour balayer ce soupçon de haine à l’égard des riches et puissants. La démocratie athénienne a au contraire souvent fait preuve d’une étonnante tolérance à l’égard des aristocrates, comme Phocion élu stratège 45 fois en dépit de ses idées politiques ostensiblement mise en avant par le concerné. Lors des grandes crises, les Athéniens ont le pardon très facile, avec le rappel systématique des exilés qui combattaient au coude à coude avec leurs compatriotes. Et après les graves révolutions oligarchiques, l’épuration s’est réduite au strict minimum, quasi personne n’a été exécuté ou exilé, l’amnistie a été proclamée, ce qui tranche avec la violence des Trente et des effets des guerres civiles dans la plupart des autres cités (je songe par exemple à Corcyre).

Alain.g a écrit :
Le peuple dédaigne d'exercer son devoir civique, il faudra le payer pour qu'il vote à l'ecclesia

Il ne faut pas confondre dédain et impossibilité matérielle. Participer à l’ecclésia ne se réduit pas à se pointer 5 minutes une fois tous les trente-six du mois pour glisser un caillou dans une urne. Il s’agit de débattre plusieurs heures, souvent toute la journée. Rares sont ceux qui peuvent s’offrir une journée chômée : il faut nourrir et nourrir sa famille. En conséquent, Athènes a mis en place un dédommagement, calculé au plus juste, inférieure à celle d’une journée de travail d’un ouvrier : il n’y a pas de gain, cela paie le repas, c’est tout, et cela permet aux plus démunis d’exercer leurs droits.
Tout ce qu'on demande à nos concitoyens, c'est de consacrer à la politique un quart d'heure un ou deux fois par ans ; seul une minorité qui se réduit d'élection en élection s'y soumet. Athènes exigeant plusieurs fois par mois de participer à ces délibérations interminables, exigeaient aux citoyens d'exercer tout un tas de responsabilité comme les centaines de bouleutes ou les milliers héliates tirés au sort, pour ne donner que les plus célèbres. Ce sont des 100aines d'heures par an que les Athéniens consacrent à leur cité. Et ils le faisaient, contre un dédommagement modique, un RMI... C'est un peu comique dans ce contexte d'entendre qu'ils dédaignent leur devoir civique...

Alain.g a écrit :
la justice est partiale

Ah bon. Ben il va falloir démontrer ce lourd jugement…

Alain.g a écrit :
la possibilité d'exiler qui tournera parfois au jeu de massacre des meilleurs dans le cas d'Aristide et de beaucoup d'hommes de grandes valeur.

Jeu de massacre ? Ben voyons… Il est fait ici allusion je présume à l’ostracisme, qui consistait lorsque un conflit entre deux personnalités politiques antagonistes devenaient trop dangereux, paralysant pour des raisons partisanes la bonne marche des institutions, et surtout menaçant pour la concorde entre les citoyens, pouvant mener dans le pire des cas à des guerres civiles ou des coups d’état. Dans ce cas, lorsque la situation devenait trop instable, les citoyens tranchaient entre les deux champions : l’un était exilé, et le second avait alors les coudées franches pour appliquer sa politique avec l’aval des citoyens. Le système a fait ses preuves, facteur justement de stabilité et d’évolution pour la cité. Les vaincus n’étaient pas déshonorés, n’étaient pas ruinés, mais ils étaient chassés de l’Attique. Cela peut sembler arbitraire, un homme étant condamné alors qu’il n’a commis aucun crime ; c’est vrai ; mais cela permettait de suivre des politiques efficacement à moindre frais, sans risque pour la cité. L’essentiel est de préserver la Concorde, vitale, l’essence même de la cité ; l’éloignement forcé d’un homme contre la paix sociale et des vagues de réformes, le jeu en vaut largement la chandelle. La situation se détériorera d’ailleurs lorsque l’ostracisme sera abandonné : un ostracisme voté entre Eschine et Démosthène aurait sérieusement renforcé Athènes contre Philippe, quelqu’ait été le vainqueur. Si le vote entre Nicias et Alcibiade s’était déroulé normalement, la face de la guerre du Péloponnèse aurait été changée. Bref les départs exigés étaient vitaux ; cruel pour le vaincu certes, mais aucun « massacre ». Chaque ostracisme a été l’occasion d’inflexion majeure de la politique athénienne. Pour reprendre l’exemple d’Aristide, il était le chef du parti oligarchique, son ostracisme en 483 assure le triomphe de Thémistocle et des impérialistes démocrates. Résultat des courses, Athènes se dote de la plus puissante flotte de Grèce la même année, pari sur l’avenir qui ne serait jamais passé avec Aristide. Et dès 480, suite à l’invasion perse, la sanction est levée et il est élu stratège : l’ostracisme n’est pas une souillure. Et il infléchira dorénavant sa politique dans un sens nettement plus démocratique et impérialiste, retenant les leçons du passé. En d’autre terme, son ostracisme a été vital à un moment clé de l’histoire athénienne, donnant à la cité ce souffle démocratique qui mènera à Ephialte, et surtout ce tournant impérialiste qui portera à bout de bras la démocratie athénienne pour près de 150 ans… et qui sauva Athènes en 480…

Alain.g a écrit :
Les magistrats n'étaient désignés que pour de courtes périodes, un facteur d'instabilité évident.

Pas forcément, les postes clés qui nécessite un savoir-faire ou un talent particulier sont élus et renouvelable, d’où l’importance des plus importantes, la stratégie chère à Périclès, et au IVe, la surintendance des revenus publique clé du pouvoir de Lycurgue. Mais la merveille athénienne est qu’un particulier peut influencer profondément et durablement sa cité sans exercer la moindre fonction publique, comme Démosthène. Comment parler d’instabilité de la démocratie athénienne, alors qu’au contraire la paix civile y a régné pendant près de deux siècles, mis à part les deux courts accidents de 411 et 404 ? Quelle autre cité grecque peut se prévaloir d’une telle stabilité ? Thèbes ? Mégare ? Syracuse ? Corinthe ? Corcyre ?


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Message Publié : 23 Nov 2011 14:06 
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Polybe
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Le problème de l'ostracisme Thersite n'est pas dans le duel entre deux personnalités antagonistes mais son aspect trop "simple". Chaque citoyen pouvait demander l'ostracisme pour un autre citoyen, et cela quant bien même il n'y ait pas de réelle raison apparente ; ces demandes là n'aboutissaient presque jamais mais souligne bien que l'ostracisme devient une mesure dangereuse et presque populiste.

Un autre problème de la démocratie athénienne se trouve dans les statuts sociaux ; je ne m'exprimais pas là sur les esclaves ou les femmes mais les métèques. De nombreux métèques avaient un poids économique et social important pour la cité mais ne pouvaient pas obtenir la citoyenneté et n'avaient aucun droit politique ; pourtant, ils avaient pour plusieurs d'entre un pouvoir certain et une habileté que trop peu reconnue ; la filiation était plus importante que les capacités. L'exemple de Lysias, métèque, est très démonstratif de cette non acceptation d'autres individus que les "fils de citoyen et de fille de citoyen". Lysias a oeuvré pour le retour de la démocratie en 404, offert des moyens financiers aux démocrates... et même avec tous ses sacrifices et ses relations, il n'a pas été reconnu comme acteur véritable de la vie de cité. Et ce métèque des plus connu n'est pas le seul.

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Message Publié : 23 Nov 2011 14:47 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

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Hugues a écrit :
Le problème de l'ostracisme Thersite n'est pas dans le duel entre deux personnalités antagonistes mais son aspect trop "simple". Chaque citoyen pouvait demander l'ostracisme pour un autre citoyen, et cela quant bien même il n'y ait pas de réelle raison apparente ; ces demandes là n'aboutissaient presque jamais mais souligne bien que l'ostracisme devient une mesure dangereuse et presque populiste.

Ce n'était justement pas simple, et aucun citoyen n'avait à demander l'ostracisme d'un autre citoyen. La décision se prenait en deux étapes. La première assemblée décidait si une procédure d'ostracisme, anonyme, était nécessaire. Il faut donc dans un premier temps que la majorité considère que cette mesure d'exception s'impose, ce qui n'est le cas qu'en cas de crise politique.
Dans un second temps seulement, une seconde assemblée votait, sans débat, sans qu'un nom de citoyen soit prononcé. Et pour que l'ostracisme soit accompli, il faut que plus de 6000 des votants l'aient désigné, chiffre énorme. D'où la rareté des ostracisme, alors que la procédure était annuelle.
Le cas de 417 est un accident, personne ne souhait l'ostracisme d'Hyperbolos, pas même Nicias et Alcibiade. Mais ces deux là, qui se sentaient menacés, ont encouragé leurs partisans à voter pour un troisième larons, dans l'espoir que les votes dispersés empêcheraient d'atteindre le quorum de 6000 accord sur l'un d'entre eux. Le problème inattendu, du à l'absence de débat et à l'ignorance de chacun sur la tendance, garantie théorique qui devait éviter les coups foireux, le problème donc est que tout le monde à suivi les consignes, discipline rarissime à Athènes, et voilà le larron "élu"... Un accident idiot qui a sonné le glas de l'ostracisme, remplacé du coup pour se débarrasser de ses ennemis politiques par les procès politiques à répétition souvent mesquins qui pourrissent la vie politique du IVe...

Il n'y a donc pas de demande d'ostracisme contre tel ou tel. N'importe qui pouvait écrire n'importe quel nom sur l'ostracon, mais obtenir 6000 ostraca défavorable est loin d'être à la portée du premier venu. Le cas que tu envisages n'a jamais existé, les précautions qui entouraient la mesure évitaient justement l'arbitraire aveugle. Jusqu'à Hyperbolos, catastrophique et inattendu.


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Message Publié : 23 Nov 2011 15:49 
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Georges Duby
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Sur le Mithos institué en 400 pour pallier l'absentéisme à l'Ecclesia, Pierre Lévêque spécialiste de l'antiquité grecque bien connu, écrit " on mesure sur ce détail la décadence de la moralité publique. " ou encore: " l'affaiblissement de l'esprit civique.".Plus loin dans "l'aventure grecque": " A l'Héliée, les jugements sont de plus en plus partiaux et les confiscations se multiplient." Ailleurs: " l'inique partialité des héliastes dès qu'on met en jeu (les riches) ".
Ailleurs Lévêque évoque "la haine des classes" à Athènes, toujours dans le chapitre sur le IVè siècle avant JC, que j'ai privilégié, c'est vrai, cherchant à démontrer que la démocratie athénienne s'était détruite de l'intérieur, tout en l'admirant d'ailleurs.
Pour le 5è siècle, toujours Lévêque: " le peuple garde vivace sa haine des tyrans, sa méfiance envers les hommes supérieurs. " ... " Aristide, Cimon, Périclès, ont subi tour à tour les rigueurs du peuple, resté jaloux et soupçonneux bien après qu'il eut perdu toute raison de l'être."

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Message Publié : 23 Nov 2011 15:57 
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Thucydide
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Inscription : 28 Juin 2011 19:17
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Par ce que vous citez de Pierre Levêque, vous montrez bien qu'il s'agit d'un historien "du XXe siècle". "Lutte des classes", "crise de la moralité politique", "désintéressement du politique" sont autant de raisons invoquées dans la droite ligne des travaux de Gustave Glotz pour expliquer la "décadence" de la démocratie athénienne, et de la Cité en général. Aujourd'hui, on est largement revenu sur cette vision de l'histoire grecque, et ces raisons feraient ricaner plus d'un historien actuel. J'ajouterais que beaucoup contestent même l'idée de "décadence" de la Cité.


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Message Publié : 23 Nov 2011 16:20 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

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Citer :
Sur le Mithos institué en 400 pour pallier l'absentéisme à l'Ecclesia, Pierre Lévêque spécialiste de l'antiquité grecque bien connu, écrit " on mesure sur ce détail la décadence de la moralité publique. " ou encore: " l'affaiblissement de l'esprit civique.".

Et bien sur ce point je reste en désaccord complet avec Lévêque.
En 400, par rapport à 430, la population athénienne a dramatiquement chuté (la peste à elle seule a emporté le quart ou le tiers de la populations, suivi de 25 ans de guerre quasi continue, dont la sanglante expédition de Sicile). Le chorum pour pouvoir tenir cession lui n'a pas changer. Forcément, il devient plus difficile de l'obtenir.
Ensuite en 400, la situation économique est catastrophique, Athènes a perdu sa flotte et ses marchés, son territoire est ruiné par plus de 10 ans de ravages permanents (depuis la chute de Décélie), la défaite et la paix prive les plus pauvres des revenus de la guerre, tandis que les clérouques rentrent au pays la queue entre les jambes et la faim au ventre. Dans ces conditions, qui peut encore se permettre de glandouiller toute la journée à l'Assemblée ? Démographiquement et économiquement, l'extension du misthos à l'assemblée s'imposait dans la démocratie à peine restaurée, sinon, autant garder l'oligarchie et priver de droit la majorité incapable matériellement d'exercer ses devoirs ou d'avoir une assemblée paralysée par manque de monde....

L'inique partialité des Héliastes serait à démontrer... Les riches sont bien entendu victimes de davantage de procès, puisqu'ils sont davantage en vue et mêlés de fait à davantage d'affaires, dans tous les sens du terme. Sont-ils par contre davantage condamnés ? A voir... Il n'y a pas de chasse aux sorcières ni de décapitation de toutes les têtes qui dépassent...

Citer :
" Aristide, Cimon, Périclès, ont subi tour à tour les rigueurs du peuple, resté jaloux et soupçonneux bien après qu'il eut perdu toute raison de l'être."

Rigueur toute relative vu leur carrière et les bénéfices qu'ils ont tirés de la confiance de leurs administrés, carrière qui n'a même pas été interrompu par leur ostracisme. Que le peule soit jaloux et soupçonneux envers ses magistrats n'est pas un défaut loin de là, mais une preuve de vitalité, une volonté tenace du peuple de tenir la barre et de ne pas se laisser berner par les beaux parleurs corrompus; les redditions de compte systématiques et publiques sont salutaires, vitales pour lutter contre la corruption inévitable dans l'exercice du pouvoir (qui a dit qu'on ferait bien de s'en inspirer ?... :oops: ). Et à vue de nez, je ne vois pas en quoi cela à gêner la politique des trois concernés, dont aucun n'est tombé pour concussion. Cimon et Aristide ont été ostracisés pour des raisons politiques, ostracisme tout à fait logique d'ailleurs, et temporaires dans les deux cas. Périclès n'est l'objet que de menaces, qui ont échouées ou été abandonnés.


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Message Publié : 23 Nov 2011 22:09 
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Polybe
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Inscription : 06 Avr 2011 11:57
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Localisation : Reims
Tous ces personnages cités précédemment ne sont-ils pas la preuve que la démocratie souffre d'un cruel manque de "réussite" ? Les réformes institutionnelles de Clisthène ont ouvert la gérance de la politeia à tous les citoyens mais on se rend bien compte que seul un groupe restreint d'individus et de familles illustres conservent dans l’ensemble la main mise sur la cité ; l'abandon des classes soloniennes pour l'accès à certaines magistratures ne changent pas grand chose, si ce n'est mettre ces magistratures au second plan (je pense notamment là à l'archontat). Seuls les plus riches, les plus puissants gardent le pouvoir dans la cité ; pourtant, l'Ecclésia avait instauré l'iségoria, droit de parole pour tous les citoyens. Mais ce droit avait-il un poids réel ? Les hautes magistratures, les grandes familles ne formaient-ils pas une sorte d'oligarchie ?

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Message Publié : 23 Nov 2011 23:08 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 11 Juin 2007 20:48
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Ils ne forment pas une oligarchie puisqu'ils n'exerce aucun monopole, mais une aristocratie : leur éducation soignée, leurs relations, leurs loisirs et même leurs traditions familiales les destinent à joueur un rôle politique de premier plan, du moins à essayer, et à réussir SI ils ont le talent qui va avec. Alors que les nouveaux politiques ne peuvent compter que sur leurs propres qualités. D'où leur surreprésentation, reflet de leur préparation physique et intellectuelle dès leur plus jeune âge en vue d'exercer des charges électives prestigieuses. Mais de Thémistocle à Démosthène en passant par Cléon ou Thrasyllos, les exemples de petits qui ont su s'imposer durablement abondent, difficile de parler d'une confiscation du pouvoir par une quelconque minorité. Quant au quotidien, les récits des logographes, les comédies, l'épigraphie montrent la pratique au jour le jour et les interventions publique d'une foule de personnes inconnues, de héros d'un jour, de petits politicaillons, de jeunes ambitieux avides de briller... Le droit de parole était assurément respecté, nonobstant les pressions des partis en présence. Pour un stratège issu d'une grande famille, combien de fils d'inconnus ? La présence des vieilles et grandes familles est normale, attendue même par leurs concitoyens, cela fait partie de leurs devoirs (voir Andocide par exemple, si avide de pouvoir un jour jouer un rôle politique digne de ses ancêtres... et qui ne fit pas grand chose au final, n'ayant jamais eu la confiance des Athéniens) ; c'est leur place réduite et contrôlée qui est remarquable.

L'effacement de l'archontat, et sa conséquence, celle de l'Aréopage, au bénéfice de l'Héliée, de l'Assemblée et des stratèges me semble au contraire changer beaucoup de choses et porte un coup décisif aux derniers monopoles archaïques, en particulier dans l'exercice de la justice et du contrôle des magistrats, plus que symboliques après cette date.


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