Nous sommes actuellement le 25 Avr 2024 1:21

Le fuseau horaire est UTC+1 heure




Publier un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 19 message(s) ]  Aller vers la page 1, 2  Suivant
Auteur Message
 Sujet du message : Parlez-moi de Pyrrhus.
Message Publié : 22 Août 2012 22:26 
Hors-ligne
Salluste
Salluste
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 29 Août 2011 13:21
Message(s) : 284
Salutation à tous.

Bien que plus intéressé par l'histoire romaine, certains des adversaires de la puissante civilisation me fascine. Il y a bien sûr des personnages tel que Hannibal, Attila, Vercingetorix, Alaric, et j'en passe. Mais l'un de ceux qui m'interpelle le plus, c'est le roi d'Epire, Pyrrhus.

Alors bien sûr, j'ai déjà été voir des ouvrages sur lui, je me suis déjà renseigné sur lui sur différent site. Alors j'aimerais que les experts me parlent de chose plus insolite, plus inédite. Par exemple, sa description physique (j'ai trouvé peu de chose là-dessus)? Ou encore, est-ce que son génie militaire est surfait (Hannibal le classe second derrière Alexandre le Grand) ? etc... Bref, que sait-on de lui (ça peut-être des anecdotes sur ses derniers jours, sur son enfance).

Merci d'avance.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Parlez-moi de Pyrrhus.
Message Publié : 23 Août 2012 2:42 
Hors-ligne
Jean Froissart
Jean Froissart
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 24 Mars 2010 16:23
Message(s) : 1054
Localisation : Paris
Vous risquez d'avoir énormément d'informations qui confirmeront son génie tactique et stratégique, malgré tout ce qu'on a voulu en faire au fil des siècles :mrgreen: Je posterai d'ici peu ce que j'ai sur lui mais inutile de vous dire que je suis également fasciné par cette figure, comme bien d'autres adversaires de Rome que l'on relègue trop vite au rang des anecdotes...

_________________
Il n'y a pas de littérature sans liberté politique

Memoriam quoque ipsam cum voce perdidissemus, si tam in nostra potestate esset oblivisci quam tacere


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Parlez-moi de Pyrrhus.
Message Publié : 23 Août 2012 8:50 
Hors-ligne
Jean Froissart
Jean Froissart
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 24 Mars 2010 16:23
Message(s) : 1054
Localisation : Paris
Quelques ouvrages généraux (que vous avez sans doute déjà lus) en vrac :

- GRECO E., La Grande Grèce, Paris, 1996.
- HINARD F. (dir.), Histoire Romaine, t. 1/ Des origines à Auguste, Paris, 2000.
- LEVÊQUE P., Pyrrhos, Paris, 1957.
- WUILLEUMIER P., Tarente, des origines à la conquête romaine, Paris, 1939.

Et quelques ouvrages plus spécifiques :

- GAROUFALIAS E., Pyrrhus, Londres, 1979.
- KIENAST D., "Pyrrhos", RE 24, 1963.
- MOMIGLIANO A., Sagesses Barbares, Paris, 1979.
- PETROCHILOS N., Roman Attitudes to the Greeks, Athènes, 1974.
- SCULLARD H. H., The Elephants in the Greek and Roman World, Londres, 1974.

Je vous suggère en outre l'excellent article de S. Pittia sur la présentation qu'Appien fait de la guerre contre Pyrrhus ; outre son excellente analyse des moyens diplomatiques mis en oeuvre par Rome face à Pyrrhus, elle rappelle notamment le regard qu'avaient les historiens de l'Antiquité sur la période :

- PITTIA S., "La fiabilité des fragments d'Appien sur l'histoire diplomatique et militaire de Rome aux IVème-IIIème siècles", Guerre et Diplomatie romaines (IVème-IIIème siècles av. J.-C.), pour un réexamen des sources, pp. 113-135, Aix-en-Provence, 2006.

Egalement, on trouvera une bonne bibliographie et une présentation très synthétique dans le même ouvrage :

- TAGLIAMONTE G., "Recherches sur l'armement romain à l'époque médio-républicaine : les territoires sabelliques", op. cit., pp. 289-312.


Si vous cherchez des anecdotes et d'autres traits, reportez-vous à Plutarque, la lecture n'en est que plus réjouissante :wink: Mais, à part les ouvrages généraux que j'ai mentionnés, je ne sais pas si une biographie récente a été publiée, j'ignore aussi si les historiens se sont penchés sur cette question des anecdotes qui a souvent fait plus de mal à la réalité du personnage que son hostilité à l'égard de Rome (je pense notamment à l'expression passée dans l'usage, "victoire à la Pyrrhus", nom d'un certain capitaine de galère dans La Zizanie, si je me souviens bien... lol ).

_________________
Il n'y a pas de littérature sans liberté politique

Memoriam quoque ipsam cum voce perdidissemus, si tam in nostra potestate esset oblivisci quam tacere


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Parlez-moi de Pyrrhus.
Message Publié : 23 Août 2012 9:00 
Hors-ligne
Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 11 Juin 2007 19:48
Message(s) : 2289
On ne dispose pas de vrai description physique du roi d’Epire, Plutarque lui-même est très succinct ; deux caractéristiques se dégagent cependant, l’une anecdotique (ses dents de la mâchoire supérieure étaient soudées !), l’autre plus marquante : il avait l’œil du tigre, il foutait les pétoches ! Plutarque, Pyrrhus, 3 : « Pyrrhus avait dans ses traits un air de majesté qui inspirait plus de terreur que de respect » ; 22 : « Il paraissait si terrible aux Barbares, qu'ils n'osaient soutenir ses regards » ; 34 : « Zopyros avait déjà tiré son cimeterre pour lui couper la tête, lorsque Pyrrhus lança sur lui un regard terrible ; Zopyros, effrayé et la main tremblante, voulut cependant l'achever; mais, dans le trouble et l'effroi où il était, au lieu de frapper juste, il lui porta au-dessous de la bouche un coup mal assuré qui lui fendit le menton, et il ne parvint qu'avec peine à lui séparer la tête du corps. »

Et effectivement, sur les deux portraits dont l’authenticité est à peu près assurée que nous gardons de lui, les traits les plus remarquables me semblent être ce regard aux orbites assez enfoncés et aux arcades sourcilières marquées, et son menton fort, charnu, décidé. Qu’il soit représenté en guerrier à la mine patibulaire (à Naples) ou en civil détendu (à Copenhague), l’impression générale reste la même.
Image
Buste de Pyrrhus, Glyptothèque Ny Carlsberg, Copenhague
Image
Buste de Pyrrhus, Musée archéologique de Naples

Il est intelligent bien entendu, brillant même dans son genre, fidèle en amitié, incroyablement actif, mais tout ça est finalement assez accessoire. Il vit en guerrier, c’est l’essence du personnage, des pieds à la tête, de l’aube au couché, dans l’action ou dans les loisirs. C’est sa force et sa faiblesse : ses exploits militaires sont indéniables, tant en temps que général ingénieux et audacieux qu’en tant que soldat d’élite (on retrouve ici son imitation de l’idéal guerrier qu’incarnait Alexandre) ; mais à l’inverse, dès que la guerre s’arrête ou qu’il ne peut plus s’y consacrer, il dépérit et commence à faire des conneries, pour finalement chercher fébrilement un exutoire dans une nouvelle aventure qui lui permettrait de s’exprimer. C’est comme ça qu’il perd à chaque fois ses conquêtes, en se mettant à dos ses administrés : il conquiert la Grande Grèce, et après les Italiotes ne veulent plus de lui (ce n’est pas tant les Romains que surtout la mauvaise volonté de ses alliés qui l’ont détourné de l’Italie, d’abord en faveur de la Sicile, puis de la Macédoine et du Péloponnèse) ; il conquiert la Sicile, et après les Siciliotes ne veulent plus de lui ; il conquiert la Macédoine, plusieurs fois, mais ensuite ils ne veulent plus de lui. Et à chaque fois, il saisit alors la moindre occasion, parfois futile, pour se tourner vers d’autres champs de bataille en abandonnant ses conquêtes, ou du moins en ne s’en préoccupant plus le moins du monde. Il court d’un coin à l’autre, de gloire en gloire, mais au final, ne laisse pas grand-chose derrière lui de concret : il ne parvient pas à administrer, et ne sait pas séduire les foules autres que ses soldats. Une anecdote célèbre, sans doute fictive mais d'autant plus représentative de la façon dont il était perçu, le résume assez bien je crois : « On raconte que quelqu'un lui ayant demandé, dans un festin, quel joueur de flûte il préférait de Pithon ou de Caphisias : "Polysperchon, répondit-il, est le meilleur capitaine que je connaisse". »

Bref, un condottière exceptionnel, respecté et craint d’absolument tout le monde, et son bilan militaire est éloquent : il a éclaté tous ceux qu’il a touché dont les trois plus grandes puissances militaires du temps, Rome, Carthage et la Macédoine, le tout avec des moyens militaires somme toute très limités, la minuscule armée épirote complétée par des mercenaires de toute sorte ; mais il n’a pas l’âme d’un chef d’état et a échoué dans tous ses projets à long terme, la plupart du temps simplement par négligence. Ça tient peut-être à son enfance difficile, en particulier son éducation d’exilé auprès du roi d’Illyrie qui ne l’a pas forcément préparé au trône.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Parlez-moi de Pyrrhus.
Message Publié : 23 Août 2012 9:18 
Hors-ligne
Jean Froissart
Jean Froissart
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 24 Mars 2010 16:23
Message(s) : 1054
Localisation : Paris
Merci pour ces anecdotes, Thersite ! Décidément votre connaissance des textes vient toujours fort à propos :wink:

_________________
Il n'y a pas de littérature sans liberté politique

Memoriam quoque ipsam cum voce perdidissemus, si tam in nostra potestate esset oblivisci quam tacere


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Parlez-moi de Pyrrhus.
Message Publié : 23 Août 2012 10:59 
Hors-ligne
Salluste
Salluste
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 29 Août 2011 13:21
Message(s) : 284
Merci pour ces explications, ces anecdotes. :wink:

Bon, nous allons quand même continuer l'analyse du personnage.

1) Est-ce que les bustes que vous nous avez montré Thersite, sont contemporains (donc sculpté de son vivant, ou peu après sa mort)? Question que je pose dans l'optique de savoir si effectivement on peut faire confiance à ces bustes pour se faire une idée de son physique.

2) Question de vocabulaire : qu'est-ce qu'on entend par mâchoire soudée?

3) Encore sur son physique, il me semble avoir lu en cherchant un peu moi-même vite fait (mais je pense que c'était sur wikipedia, je ne trouve pas de source concrète) qu'il était grand et avait le teint pâle. Hélas je ne sais plus de qui ça vient (je retrouverai bien quand j'aurai le temps). Et ce qui m'interpelle c'est que l'on parle de sa taille, est-ce moi où finalement durant l'Antiquité, on parlait très peu de la taille (ici c'est donc une exception) des individus lorsqu'on parlait de leur physique?

4) Pourquoi Rome (et là je rebondis sur ce que dit Arcadius) retiendra moins Pyrrhus que d'autres grands adversaires (par exemple, on sait que Hannibal était carrément un personnage qu'on invoquait pour faire peur aux enfants) ? (du moins c'est aussi une impression que j'ai)

5) Est-ce que Thersite, vous pouvez nous parlé de son enfance (note: lorsqu'on parle de personnage historique, je trouve intéressant de s'intéresser à leur enfance, leur jeunesse, je me pose toujours la question "pourquoi sont-ils devenu ce qu'ils sont devenu?").


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Parlez-moi de Pyrrhus.
Message Publié : 23 Août 2012 12:51 
Hors-ligne
Jean Froissart
Jean Froissart
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 24 Mars 2010 16:23
Message(s) : 1054
Localisation : Paris
Tout d'abord parce qu'Hannibal, lui, parvient tout de même à mettre plusieurs baffes aux forces romaines : Pyrrhus a beau être un tacticien de génie et les Romains ont beau mobiliser de nombreuses armées contre lui, rien n'est comparable au Tessin, à Trasimène ou à Cannes... De plus, il ne faut tout de même pas négliger l'impact qu'a eu Pyrrhus qui, contrairement à Hannibal, parvient bien mieux à soulever les Italiques contre Rome (d'où le fait qu'on considère les guerres pyrrhiques inclues dans les guerres samnites), ce qui est normal vu leur récente conquête. Lors de la Guerre des Alliés, le soutien (théorique ou fantasmé) de Mithridate aux fédérés italiques rappellera le souvenir de Pyrrhus ; idem lorsque Sylla débarque à Brindisium, les Marianistes évoquent le débarquement de Pyrrhus.

Il y a cependant, à mon humble avis, une autre raison : la littérature annalistique romaine et la pratique de l'écriture de l'histoire ne se développe réellement que pendant la deuxième guerre punique, ou du moins dans les années qui suivent la défaite du Métaure. Le plus ancien annaliste, F. Pictor, a vécu dans la seconde moitié du IIIème siècle av. J.-C. : autant dire que Pyrrhus était loin dans la mesure où Rome venait d'affronter Carthage pendant 20 ans... Pour le cas de Cincius Alimentus, il participe activement (il est préteur en -210 en Sicile avec 2 légions) à la deuxième guerre punique : son esprit est donc plus marqué par la terreur qu'Hannibal sème dans l'Italie plutôt que le souvenir de Pyrrhus. Postumius Albinus est lui aussi marqué par Hannibal puisqu'il vit dans la première moitié du IIème siècle av. J.-C. et participe, notamment, aux opérations en Asie et en Grèce. Acilius présente le même cas de figure, excepté qu'on ne sait pratiquement rien de lui... Voilà ce qu'il en est de l'Annalistique ancienne (et de celle des Pontifes).

Pour ce qui est de l'Annalistique moyenne, L. Cassius Hemina, Q. Fabius Maximus Servilianus, L. Calpurnius Piso Frugi, C. Sempronius Tudinatus, Fannius, Vennonius, L. Coelius Antipater, Cn. Gellius et Sempronius Asellio sont tous intéressés exclusivement par les origines de Rome et les rares framgents que l'on en sait ne permettent pas de dire exactement comment ils envisageaient l'épisode de Pyrrhus. Après je pense que les guerres pyrrhiques ont été relativement délaissées par l'annalistique dans la mesure où elles se prêtaient moins à la mystification coutumière qui permettait à l'annaliste de glorifier sa gens, mais ce n'est qu'une idée en l'air, je n'ai pas encore eu le temps de vérifier les concordances. Je ferai cela pour la prochaine fois :wink:

Donc, à mon avis, Pyrrhus est victime de deux choses : tout d'abord les hésitations multiples qu'il a alors même qu'il combat en Italie ; ensuite, la proximité de ce conflit avec les grandes guerres puniques - Carthage reste l'ennemie, ce ne sont pas les Eacides qui menacent directement Rome et son hégémonie en Méditerranée occidentale - qui rend les quelques années de guerre contre Pyrrhus nettement moins intéressant pour les annalistes au niveau d'une "épopée nationale".

_________________
Il n'y a pas de littérature sans liberté politique

Memoriam quoque ipsam cum voce perdidissemus, si tam in nostra potestate esset oblivisci quam tacere


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Parlez-moi de Pyrrhus.
Message Publié : 23 Août 2012 15:10 
Hors-ligne
Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 11 Juin 2007 19:48
Message(s) : 2289
Commode a écrit :
1) Est-ce que les bustes que vous nous avez montré Thersite, sont contemporains (donc sculpté de son vivant, ou peu après sa mort)?

Oui, ils sont contemporains ; c’est précisément la raison qui me les a fait sélectionner, et non des œuvres plus tardives, romaines. Le style est typique du début de l’époque hellénistique (même s’il s’agit toute deux de copies romaines du Ier, l’imitation d’un modèle hellénistique semble hors de doute, d’autant que les deux portraits se ressemblent beaucoup), dans le rendu des chairs et de la chevelure en particulier ; compare tout particulièrement la tête de Copenhague avec la tête d’Alexandre du Getty Museum qui j’avais posté ici.
C’est d’ailleurs tellement proche stylistiquement parlant qu’on peut se demander s’il ne s’agit pas d’une imitation consciente de la statuaire d’Alexandre, auquel Pyrrhus était immanquablement comparé… à tort pour le physique :
Lucien, Contre un ignorant bibliomane, 21 : « . . . quand on voit Pyrrhus, roi d'Épire, prince remarquable, du reste, se laisser gâter par ses courtisans, sous prétexte de ressemblance, au point de croire qu'il était tout le portrait d'Alexandre ? Cependant, pour parler avec les musiciens, il y avait entre eux la distance de plus de deux octaves, comme je m'en suis convaincu en voyant un portrait de Pyrrhus ; et, malgré cela, il s'imaginait que chacun de ses traits rappelait ceux du roi de Macédoine. . . . Telle était l'erreur de Pyrrhus, telle l'opinion qu'il avait de lui ; et il n'y avait personne qui ne la partageât, personne qui ne fut atteint de la même maladie, jusqu'à ce qu'un jour à Larissa, une bonne femme étrangère, en lui disant la vérité, le guérît de cette pituite. Pyrrhus, lui ayant montré les portraits de Philippe, de Perdiccas, d'Alexandre, de Cassandre et d'autres rois, lui demanda auquel il ressemblait, convaincu qu'elle allait désigner Alexandre ; mais elle, après quelques moments d'hésitation : "A Batrachion, dit-elle, le cuisinier !" Il y avait, en effet, à Larissa un cuisinier nommé Batrachion qui ressemblait à Pyrrhus. » lol
L’identification à Pyrrhus ne fait pas de doute : la tête de Naples provenait d’une série romaine représentant les grands vaincus des Romains, et toutes deux sont ceintes de feuilles de chênes, le symbole de l’Epire (cf. Zeus de Dodone, et la numismatique).
Maintenant, je ne suis pas historien de l’art, je n’a donc plus d’avis que ça, je fais confiance aux datations proposées par les notices des musées.

Commode a écrit :
2) Question de vocabulaire : qu'est-ce qu'on entend par mâchoire soudée?

Plutarque, Pyrrhus, 3 : « Pyrrhus n’avait pas plusieurs dents en haut ; sa mâchoire supérieure formait un seul os continu, où de légères entailles marquaient la division des dents. »

Commode a écrit :
3) Encore sur son physique, il me semble avoir lu . . . qu'il était grand et avait le teint pâle. . . . Et ce qui m'interpelle c'est que l'on parle de sa taille, est-ce moi où finalement durant l'Antiquité, on parlait très peu de la taille (ici c'est donc une exception) des individus lorsqu'on parlait de leur physique?

On ne parle de la taille que si elle est remarquable, tout simplement. Mais je ne vois pas trop d’où proviennent les détails que tu donnes. Sans source à la clé, je ne leur prêterais aucune créance. Par contre il était carré, un costaud : Plutarque, Pyrrhus, 24 : « Transporté de colère, il traverse ses bataillons, et prévenant le Barbare, il lui porte sur la tête un si grand coup d'épée, qu'autant par la force de son bras que par l'excellente trempe de son arme, la lame pénétra si avant, que dans le même instant les deux parties du corps tombèrent des deux côtés. Un si terrible fait d'armes empêcha les Barbares d'avancer. Frappés de terreur et d'admiration, ils regardèrent Pyrrhus comme un dieu, et ne le troublèrent plus dans sa marche. » A ne pas prendre au sens propre bien sûr ; je présume que la source est Proxénos, son contemporain et sans doute historiographe, qui doit être à l’origine de tous les traits grandiloquents, homériques, concernant l’héroïsme exacerbé de Pyrrhus. (Il m’amuse d’ailleurs particulièrement cet auteur, car il offre un exemple typique de réécriture de la mythologie à des fins politiques : il propose une nouvelle et originale généalogie royale molosse qui valorise notre Pyrrhus et ses ambitions péloponnésiennes.) Au-delà de l’exagération (les romans de chevalerie offrent d’ailleurs mes mêmes illustrations, je songe en particulier à Robert Bruce qui est crédité du même exploit !), Proxénos l’a sans doute connu personnellement ; et puis vu la vie qu’il a mené, nul doute à mes yeux qu’il devait avoir une sacré carrure.

Commode a écrit :
4) Pourquoi Rome . . . retiendra moins Pyrrhus que d'autres grands adversaires (par exemple . . . Hannibal . . .) ?

Je ne suis pas du tout d’accord : notre Pyrrhis au contraire est l'héritier quasi exclusif de la tradition des Romains, qu’il a fasciné (et qui lui ont forgé une excellente réputation morale, voir par exemple l’anecdote du maître d’école). Les historiens grecs sont beaucoup plus mitigés ou critiques, sans pour autant être hostiles (Hiéronymos de Cardia ou Timée par exemple), et encore de nos jours, seul le volet latin de sa vie est connu (comme en témoigne d'ailleurs tes remarques et celles d'Arcadius), reconnu. Pourtant, ce n’est qu’un épisode parmi d’autres de sa vie d’aventurier, et pas forcément le plus important à ses yeux ; d’ailleurs, il n’a jamais souhaité menacer Rome, seule l’Italie du Sud l’intéresse. Il a vécu un peu plus de 45 ans, mais passe seulement trois ans en Italie, en deux séjours (280-278 ; 275). A titre de comparaison, il guerroie 11 ans en Macédoine, et 3 ans également en Sicile. L’épisode italien n’est qu’une étape, pas forcément majeure à ses yeux. Et pourtant, la mémoire collective ne le retient que comme l’ennemi des Romains ! Et ce parce que pour les Latins, il restera une référence systématique.

Ceci dit, cette impression qu'Arcadius semble partager, tient surtout au hasard de la conservation des sources, puisque aucune monographie latine d’ampleur n’a été conservée, alors que l’épopée d’Hannibal bénéficie des 10 livres de Tite-Live en particulier. Mais rappelons que l’expédition de Pyrrhus en Italie occupait quasi l’intégralité des livres XIII et XIV de Tite-Live, perdus ; sans parler de l’annalistique, sinistrée (où Ennius tient une place de choix, par sa date, par son origine messapienne, et par son influence dans la création de la légende nationale romaine; or il consacre un livre à Pyrrhus, qui doit être la base de notre vulgate).
Notre image reste celle du Pyrrhus des Latins (dont la triste expression « victoire à la Pyrrhus », à l’encontre de laquelle j’avais déjà eu l’occasion de mettre en garde sur le sujet homonyme victoire à la Pyrrhus ; mais aussi son « classement » parmi les plus grand stratèges, qui s’intègre à la geste non tant d’Hannibal que surtout celle de Scipion ; tout le battage sur les éléphants de Pyrrhus est là aussi une spécificité latine, alors que les Grecs étaient déjà blasés à ce sujet) ; a contrario le Pyrrhus vu par les Grecs n’a pratiquement aucune prise sur notre imaginaire, paradoxalement. Les historiens grecs qui se sont penchés sur son cas, nombreux et prestigieux (Hiéronymos, Timée, Phylarque, pour ne citer que les plus célèbres contemporains), ont tous disparus, même les fragments conservés ne concernent que rarement notre bonhomme. Historiographiquement, notre vision est gravement tronquée, tributaires d’un Denys d’Halicarnasse qui ne s’intéresse qu’au volet romain, et d’un Plutarque d’époque impérial déjà victime de la vulgate latine, et qui ne s’intéresse guère à l’histoire proprement dite. Heureusement Pausanias et quelques autres sortent un peu du lot, mais que d’intermédiaires pour finalement si peu !

D’ailleurs, la comparaison avec l’image d’Hannibal dans l’historiographie latine tourne largement en faveur de Pyrrhus, le roi chevaleresque par excellence, digne adversaire des vertueux Romains dont il est bien entendu, en tant que champion de la vertu, amener à célébrer lui-même sans cesse la si remarquable cité du Latium et ses ô combien vertueux habitants (sic !), alors qu’Hannibal reste un vil, sournois, fourbe et cruel barbare, en dépit de ses qualités.
Il faudrait cependant se pencher plus en détail sur l’historique de l’image de Pyrrhus auprès des Romains : au fur et à mesure des siècles, la menace qu’a fait peser le petit roi d’Epire sur la capitale de l’empire universelle a été de plus en plus minimisée, et c’est ainsi qu’on arrive aux « victoires à la Pyrrhus » absurdes (Frontin, II.3.19, au sujet de la victoire de l’Epirote à Ausculum : « Il y avait quarante mille hommes dans chaque armée ; les ennemis perdirent la moitié de leur monde, et les Romains cinq mille hommes. ») ( lol ) Il est possible que sa place dans l’histoire romaine ait baissée avec le temps, sous l’empire, davantage que celle d’Hannibal ; mais il n’a jamais été effacé, et surtout, il reste surévalué par rapport à la menace réelle et sa place dans l’histoire de la péninsule (encore une fois, il n’a jamais eu de visée sur Rome elle-même, qui reste périphérique dans ses ambitions, et l’Italie n’est qu’un chapitre de son histoire, et pas forcément le plus important à ses yeux, loin de là). Mais Hannibal est aussi d’une autre envergure, quantitativement parlant (il est resté 15 ans, et la guerre était d’une toute autre ampleur).

Commode a écrit :
5) Est-ce que Thersite, vous pouvez nous parlé de son enfance . . .?

C’est un peu compliqué… Encore bébé, il se retrouve « réfugié politique », pour être balloté ensuite d’un coin à l’autre, dépendant du bon vouloir de souverains étrangers qui le manipulent selon leur propre besoin. Il a passé 20 ans à devoir avaler des couleuvres et à serrer les dents… Son père Eacide (le neveu d’Olympias) se retrouve de fait impliqué dans les remous de la succession d’Alexandre ; manque de bol, c’est dans le camp des vaincus et il est chassé du trône… En 317, voilà donc Pyrrhus âgé d'à peine deux ans menacé de perdre la vie précocement ; mais il eut la chance de trouver un protecteur dans Glaucias, le roi d’Illyrie, qui le recueille et l’élèvera. Je cède la parole à Plutarque, qui nous livre un récit épique des premières aventures de Pyrrhus : « 2 Les Molosses s'étant révoltés, chassèrent Éacides, mirent sur le trône le fils de Néoptolème, et firent périr les amis d'Éacides qu'ils avaient en leur pouvoir. Pyrrhus était encore à la mamelle, et les meurtriers le cherchaient pour le faire mourir. Mais Androclidès et Angélos l'ayant dérobé à leurs recherches, prirent la fuite, accompagnés de quelques esclaves et de nourrices, dont l'enfant avait besoin. Ce cortège nécessaire mettait de l'embarras et de la lenteur dans leur marche; et, se voyant près d'être atteints par leurs ennemis, ils remirent l'enfant entre les mains d'Androcléon, d'Hippias et de Néandrès, trois jeunes gens robustes et fidèles, en leur ordonnant de fuir le plus vite qu'ils pourraient, et de gagner Mégare, ville de Macédoine. Pour eux, en employant tour à tour les prières et la résistance, ils arrêtèrent jusqu'au soir ceux qui les poursuivaient. Après s'en être délivrés avec beaucoup de peine, ils coururent rejoindre les jeunes hommes qu'ils avaient chargés de Pyrrhus. Vers le coucher du soleil, ils se croyaient au terme de leur espérance, lorsqu'ils s'en virent tout à coup plus éloignés que jamais. La rivière qui baigne les murs de la ville coulait avec une effrayante rapidité. Ils cherchèrent un gué pour la passer; mais partout ils la trouvèrent impraticable : enflée par des pluies abondantes, elle roulait avec violence ses eaux troubles et bourbeuses ; et l'obscurité de la nuit rendait encore les objets plus horribles. Ils désespéraient de pouvoir seuls passer l'enfant et les femmes, lorsqu'ils entendirent, de l'autre côté de la rivière, des gens du pays, qu'ils prièrent de les aider à la traverser: ils leur montraient Pyrrhus, et, criant de toutes leurs forces, ils les conjuraient de venir à leur secours. Mais le bruit causé par la rapidité du fleuve les empêchait d'être entendus de ces gens-là; et ils furent quelque temps, les uns à crier, les autres à prêter l'oreille inutilement. Enfin, quelqu'un de la suite de Pyrrhus imagine d'arracher une écorce de chêne, sur laquelle il écrit, avec l'ardillon d'une agrafe, la situation du prince et le besoin qu'il avait d'être secouru : ensuite, roulant l'écorce autour d'une pierre, afin de lui donner du poids, il la lance à l'autre rive. Selon d'autres, il la darda avec un javelot, autour duquel il l'avait attachée. Les gens arrêtés à l'autre bord ayant lu ce qui était écrit sur l'écorce, et voyant combien le danger était pressant, coupèrent à la hâte des arbres qu'ils lièrent ensemble, et sur lesquels ils traversèrent la rivière. Le premier qui aborda à l'autre rive se nommait par hasard Achille; il prit l'enfant, et le passa; ses compagnons firent passer les autres comme ils se trouvaient.
3. Sauvés ainsi du péril, et hors de la poursuite de leurs ennemis, ils se rendent en Illyrie, auprès du roi Glaucias, qu'ils trouvent assis dans son palais avec sa femme, et ils posent l'enfant à terre au milieu de la salle. Le prince, qui redoutait Cassandre, ennemi déclaré d'Éacides, resta longtemps pensif, gardant le silence, et délibérant en lui-même sur le parti qu'il devait prendre. Pendant ce temps-là Pyrrhus, s'étant traîné de lui-même, saisit de ses mains la robe de Glaucias, et, se dressant sur ses pieds, atteignit les genoux du roi, qui d'abord se mit à rire, et ensuite fut touché de pitié, croyant voir dans cet enfant un suppliant qui lui demandait la vie les larmes aux yeux. Quelques auteurs disent que Pyrrhus ne se traîna point vers Glaucias; mais qu'ayant gagné l'autel des dieux domestiques, il se leva, et l'embrassa de ses mains. Glaucias, trouvant quelque chose de divin dans cette circonstance, prit le jeune Pyrrhus, le mit entre les mains de sa femme, et lui ordonna de l'élever avec ses enfants. Peu de temps après ses ennemis l'ayant redemandé, et Cassandre même ayant offert deux cents talents pour le ravoir, Glaucias refusa de le rendre; et lorsque ce jeune prince eut atteint l'âge de douze ans, il le ramena en Épire à la tête d'une armée, et le remit sur le trône. »

Ou plus sobrement, Justin, XVII.3.17sq. : « . . . et envoyé en exil pour cette raison, il laissa sur le trône son fils Pyrrhos, un bébé de deux ans à peine. Alors qu'on le recherchait pour le tuer par haine de son père, il fut enlevé en cachette et apporté chez les Illyriens; il fut remis pour être élevé à Béroè, l'épouse du roi Glaucias, qui était aussi elle-même de la famille des Éacides. Soit qu'il eut pris pitié de son sort, soit qu'il eut été séduit par la gentillesse du bébé, le roi l'y protégea longtemps contre Cassandre, le roi de Macédoine, qui le réclamait sous menace d'une guerre; il l'aida aussi en lui rendant le service de l'adopter. »
Je ne sais pas trop s’il faut parler de chance ou de malchance dans ce cirque, en tout cas ça commençait fort. Heureusement que les Illyriens ne portent pas les Macédoniens dans leur cœur, et que le marmot pouvait être un atout pour les ambitions de Glaucias sur la côte adriatique (Epidamne et Apollonie, contre lesquelles ils se cassent les dents depuis des siècles)… Ce qu’il faut retenir, c’est que ce sont les Taulantiens qui s’occupent de son éducation ; leur cour est très hellénisée, mais il est vraisemblable qu’il n’a pas pu bénéficier des mêmes maîtres que s’il avait pu rester en Grèce, même exilé (comme Philippe de Macédoine à Thèbes, où il découvre la philosophie pythagoricienne entre autres, dont il saura tirer partie à son retour). Ce n’est pas pour autant qu’il est un « barbare », il sera capable de citer Homère, donc son éducation dû être tout ce qu’il y a de plus classique, hellénique, mais plus sobre et simple qu’à la cour des diadoques. Et il grandit selon toute vraisemblance en nourrissant une hostilité évidente à l’égard de la Macédoine et de Cassandre, dont il n’était pas prêt d’oublier l’action.
Pendant ce temps, son père tente de profiter des querelles intestines épirotes pour tirer son épingle du jeu, mais ne réussit qu’à se faire tuer en 313. Le voilà orphelin. . . Il lui reste par contre une gentille maman, thessalienne (d'où l'importance de la Thessalie dans sa carrière).

En 307, à l’âge de 12 ans, une nouvelle révolution chez les versatiles Epirotes ramène Pyrrhus sur le trône, avec le soutient intéressé de son père adoptif, en profitant de l’arrivée de Démétrios Poliorcète qui vient caresser les reins de Cassandre. Enfin, sur le trône… à moitié, puisqu’il est trop jeune pour régner et d’anonymes tuteurs prennent les choses en main. En particulier, sa sœur Deidamie épouse Démétrios, ce qui ouvrir de belle perspective pour le jeune prince, mais qui est à double tranchant, puisque le cas Cassandre n’est pas réglé.

Et donc en 302 (il a alors 17 ans), à l'occasion d'une visite à Glaucias (pour le mariage d'un de ses fils), tandis que son allié Démétrios est rappelé en Asie, à nouveau une révolution éclate et paf, le voilà une fois de plus exilé tandis que son cousin Néoptolème, proche de Cassandre, récupère le trône. Il ne reste donc plus qu’une chose à faire pour Pyrrhus : rejoindre seul son beau-frère et combattre contre leur ennemi commun. Et c’est ainsi qu’il fait ses premières armes en participant à la bataille d’Ipsos, où il se fait déjà remarquer. Ce qui est intéressant, c’est qu’il a l’occasion de côtoyer pendant plusieurs mois directement de très grands stratèges, Démétrios lui-même et son père Antigonos Monophthalmos, héritiers de la science militaire macédonienne portée à son apogée par Alexandre. Il a pris là des leçons de stratégie et de tactique auprès de maîtres en la matière, et il saura en tirer le meilleur parti à l'avenir. Manque de pot, une fois de plus, il est dans le camp des vaincus, mais reste néanmoins fidèle à Démétrios qu’il accompagne en Grèce.

En 299, nouveau tournant capital : il est envoyé comme otage par Démétrios à Alexandrie, afin de dissocier les vainqueurs de la veille, avec succès. C’est une aubaine pour Pyrrhus (mais qui n'a pas forcément apprécié de se faire jeter de cette manière...), qui va avoir l’occasion d’une part de faire des rencontres importantes, à commencer par Bérénice, l’épouse royale dont il eut l’intelligence de comprendre l’influence (Bérénice et les princesses macédoniennes en général sont de sacrées bonnes-femmes, très éloignées de l’image que l’on a des femmes grecques effacées et soumises), qui ira jusqu’à lui offrir en mariage Antigona, la fille qu’elle avait eu d’un premier mariage ; et Ptolémée lui-même qui va beaucoup l’apprécier. Mais aussi d'autre part, il va être immergé dans la brillante vie intellectuelle d’Alexandrie, déjà particulièrement active à cette date. Il va y polir sont éducation un peu frustre qu’il avait reçu en Illyrie et en Epire.

Toujours est-il qu’après avoir été la marionnette de Glaucias, puis de Démétrios, le voilà tombé sous la coupe (bienveillante certes, mais toujours intéressée) du puissant roi d’Egypte. Par chance, la mort de Cassandre en 298 redistribue les cartes, et Pyrrhus voit enfin l’occasion de reprendre son héritage. A force d’insister, et grâce tout particulièrement au zèle de sa nouvelle épouse dévouée, il parvient à arracher quelques sous et troupes à Ptolémée. Autrement dit, Pyrrhus passait officiellement du camp de Démétrios (son épouse Deidamie, la sœur de Pyrrhus, était morte entre temps, ce qui les a encore un peu plus éloigné l'un de l'autre) à celui de Ptolémée. Arrivé comme otage, il repart comme hôte, allié et membre de la famille ! Il s’empare du trône définitivement en 297, à l’âge de 22 ans. Les choses sérieuses vont pouvoir commencer, et entre autres il ne tardera pas à se brouiller ouvertement avec Démétrios qui avait lui saisit le trône de Macédoine.

PS: je découvre le message d'Arcadius rédigé en même temps. Je ne suis pas du tout d'accord sur la part négligeable accordé à Pyrrhus dans l'analistique républicaine, bien au contraire, je suis convaincu que ce sont eux qui l'ont sur-valorisé et lui ont accordé une place disproportionée dans la geste nationale romaine en cours d'écriture. Absence de données (Tite-Live, snif) ne signifie pas silence des sources perdues. Faut que j'y réfléchisse et que je ressorte le Peter...


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Parlez-moi de Pyrrhus.
Message Publié : 28 Août 2012 19:21 
Hors-ligne
Salluste
Salluste
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 29 Août 2011 13:21
Message(s) : 284
Cher Thersite, je vous rassure, j'ai bien lu ce que vous avez écrit la semaine dernière (je dois même avoué que je l'ai fais en deux fois :mrgreen: ). Je laisse un petit peu ce sujet en friche afin de trouver de nouvelle matière à analyser.

Pour la description physique, j'avais lu qu'il était grand et pâle, ce qui était assez rare apparemment pour quelqu'un de sa région. Je vais cherché où j'avais trouvé cette description (sur le moment je ne la pensais pas intéressante, mais peut-être qu'elle vaut le coup, car ça pourrait complété ce que vous avez dit).

En passant, lorsque je posais des questions sur la taille, je précise que même si ça peut sembler anecdotique, moi je pense qu'on peut y voir un intérêt : dans notre société, où on mesure tous, si un politicien est très grand ou petit, ce sera tout de suite relevé. Tandis que chez les grecs de l'Antiquité, ça semble moins important, donc ça nous éclaire sur la mentalité de l'époque.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Parlez-moi de Pyrrhus.
Message Publié : 09 Sep 2012 22:03 
Hors-ligne
Jean Froissart
Jean Froissart
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 24 Mars 2010 16:23
Message(s) : 1054
Localisation : Paris
Bon, j'ai commencé à regarder (très / trop) rapidement les sources et, d'après les classements accordés aux annalistes anciens et récents (je n'ai pas eu le temps encore d'aller voir chez les moyens... l'ami Thersite me tappera sur les doigts !) je n'ai trouvé que 4 occurrences : deux chez Quadrigarius (40a = Gellius, III,8.5 ; 40 b = Gellius, III,8.8), une chez Macer (21 = Priscianus, Gramm., XIII, II.) et une chez Antias (22 = Gellius, III,8,1-4). Pas sûr que des fragments soient en plus chez Macer (au moins deux ou trois sont difficiles à interpréter), mais il me reste les annalistes moyens à regarder.

En tout état de cause, on constate qu'aucun annaliste ancien ne donne d'indications pour Pyrrhus, mais, comme l'a fait très justement remarquer Thersite, Tite-Live est perdu pour ces décades... et je me joins à ses pleurs. Il semble - mais j'attends les versions des annalistes moyens - que l'annalistique récente ait prêté plus d'attention à Pyrrhus, mais pour des raisons plus rhétoriques, visiblement.

_________________
Il n'y a pas de littérature sans liberté politique

Memoriam quoque ipsam cum voce perdidissemus, si tam in nostra potestate esset oblivisci quam tacere


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Parlez-moi de Pyrrhus.
Message Publié : 18 Sep 2012 10:10 
Hors-ligne
Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 11 Juin 2007 19:48
Message(s) : 2289
J'avais consulté Peter et n'avait pas trouvé d'avantage de fragments. Mais cela ne change rien : 80-90% des fragments des annalistes sont tirés de Tite-Live, 5-10% d'Aulu-Gelle, et le reste se partage entre les grammairiens. Tite Live perdu, il ne reste que Aulu-Gelle, justement. Imagine l'étude des guerres samnites sans Tite Live ! En déduirait-on également que les annalistes ne se sont pas intéressés au sujet ?

Ceci dit, même dans cet état archi-fragmentaire, sinistré, deux noms majeurs ressortent, et il s'agit de "pères fondateurs", parmi les plus anciens historiens de Rome :
  • Ennius d'une part, dont le livre VI des Annales est consacré à Pyrrhus. Or Ennius n'est pas seulement historien, il est surtout poète, c'est un chant épique de l'histoire de Rome qu'il rédige, et par ce biais, ses fragments se retrouvent conservés dans un autre corpus, celui des amateurs de poésie, celui des grammairiens, et non plus seulement des historiens stricto sensu. Sa versification nous a permis de conserver une bonne douzaine de fragments concernant Pyrrhus, tirés d'Aulu-Gelle, Macrobe et autres. Ennius séduit d'autant plus pour notre sujet qu'il est messapiens donc osque, et s'est formé à Tarente, autant de raisons qui on favorisé l'image positive de Pyrrhus à ses yeux... J'ai consulté les fragments des éditions de Warmington (Loeb) et de Vahlen (Teubner).
  • tu as cité d'autre part Quadrigarius. Or pour cette période de l'histoire romaine, qui dit Quadrigarius dit Acilius qu'il s'est contenté de traduire (Acilius rédigeant en grec), abrégé et adapté.
Voici deux auteurs majeurs de la première moitié du IIe qui se sont étendus sur Pyrrhus, et l'on retrouve déjà tous les traits spécifiques au Pyrrhus latin, qui ne se retrouvent pas chez les Grecs. Or, le fait que les historiens d'époque impériale suivent une tradition latine totalement indépendante des sources grecques démontre l'existence d'un courant annalistique puissant consacré à Pyrrhus, qui les a dispensés de piocher dans les sources hellènes, pourtant plus fiables et contemporaines.

On peut d'ailleurs aussi regretter le mauvais état des livres XIX et XX de Denys d'Halicarnasse, qui contrairement aux premiers livres ne donne ici quasi jamais ses sources, du moins dans les passages conservés, et comble de la malchance, exclusivement des grecques, qui ne sont pourtant pas celles qu'il a le plus consulté ! Il est pourtant l'héritier de cette tradition annalistique (les espions, la valorisation de Fabricius, les éléphants, les récits des batailles, etc.) ; il est le premier à le reconnaitre : I.7.3: "J'ai reçu oralement des informations d’hommes les plus instruits, à qui je me suis associé; et le reste, je l’ai recueilli dans les Histoires écrites par les auteurs romains reconnus : Porcius Cato, Fabius Maximus, Valerius Antias, Licinius Macer, les Aelii, les Gellii et les Calpurnii, et beaucoup d'autres qui sont loin d’être obscurs; en prenant pour point de départ ces travaux, qui sont comme les annales grecques, j'ai commencé à écrire mon Histoire." On retrouve d'ailleurs dans cette liste Antias et Macer, mais je remarque surtout l'incontournable Caton et Fabius Maximus (Servilianus) du IIe av.
A ton appui cependant : I.6.2 : "Les plus vieux de ces auteurs sont Quintus Fabius et Lucius Cincius, qui tous deux fleurirent lors des guerres puniques. Chacun de ces hommes a raconté les événements auxquels il avait lui-même assisté avec une grande précision, puisqu’ils en étaient bien au courant, mais ils n’ont fait qu’effleurer sommairement les premiers événements qui ont suivi la fondation de la ville." Mais faut-il vraiment les accuser de négliger Pyrrhus, alors que ce n'est pas leur sujet ? Autant jeter la pierre à Polybe !

En gros, on devine dans la première moitié du IIe un très fort courant annalistique (Ennius et Acilius assurément, mais sans aucun doute d'autres pour avoir pu ainsi se passer de l'historiographie grecque) qui se passionne pour Pyrrhus, tradition recueillie par les Antias, Macer and Co., et dont on trouvera la version déjà cristallisée, achevée, au Ier sous Denys d'Halicarnasse et Tite-Live (alias Orose, Frontin, Eutrope, etc.) : mais à cette date, la tradition s'est déjà imposée, il n'y a plus rien à créer, plus qu'à adapter des détails offerts par ce corpus, en l'occurrence amenuiser la menace et les défaites romaines qui par la suite se transformeront imperceptiblement en autant de victoires...


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Parlez-moi de Pyrrhus.
Message Publié : 18 Sep 2012 12:20 
Hors-ligne
Jean Froissart
Jean Froissart
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 24 Mars 2010 16:23
Message(s) : 1054
Localisation : Paris
Heureusement que l'ami Thersite est là pour me remettre en selle lol Merci beaucoup pour cette synthèse très claire ! je crois effectivement que tu dois avoir raison : Pyrrhus est moins délaissé que je ne le pensais.

Je me permets cependant une petite remarque, mais peut-être pourra-t-on ouvrir un nouveau lien, cela risque de faire hors sujet... A propos de Quadrigarius, il me semble que les historiens sont actuellement plus partagés sur l'idée d'une source (voire une simple traduction, comme tu le suggères) exclusivement liée à Acilius : certes, Acilius est la source la plus assurée et la seule que l'on puisse établir avec certitude, mais de là à le réduire à un simple traducteur, je n'en suis pas si sûr. Je cite quelques passages de l'introduction de M. Chassignet à propos de Quadrigarius :
"Il paraît assez probable que Claudius Quadrigarius n'a pas utilisé Polybe [...] Pour expliquer le fait que l'annaliste n'a fait commencer ses Annales qu'en 390 av. J.-C., Frier a avancé l'idée que Claudius Quadrigarius aurait délibérément écarté les Fasti et la chronique pontificale antérieure à la prise de Rome par les Gaulois, car il les considérait comme erronés ; la théorie, plausible, est cependant sujette à caution étant donné les libertés prises par l'annaliste avec la vérité en maints endroits [...] Il est évident que pour la période antérieure à la période syllanienne, l'annaliste a dû s'appuyer sur une tradition littéraire bien établie, qui ne se limitait pas à Acilius."
C'est l'idée que retient D. Timpe (Erwägungen zur jüngeren Annalistik, p. 107).

En revanche, ces hésitations sur les sources de Quadrigarius et également sur la date du commencement de ses Annales attirent l'attention sur un point et te donnent entièrement raison : commencer son récit à partir de la seconde origo de Rome "permet surtout de dépeindre une période dans laquelle tous les Italiens pouvaient se retrouver, du moins à partir de la guerre contre Pyrrhus" (je cite encore Chassignet :mrgreen: ). Donc je me range finalement à ton avis : Pyrrhus a dû occuper une large part de la geste annalistique romaine (je sens que le terme ne plaira pas à tout le monde).

De mon côté, je suis allé observer un peu le pan militaire de ce qu'on a retenu de lui et j'ai été très surpris de retrouver autant de mentions chez Frontin, dans ses Stratagèmes ! Je n'y avais même pas pensé mais il paraît assez évident qu'il a puisé dans une littérature abondamment documentée - ce qui accrédite ton hypothèse :
Livre II : II,1 (-281/-275) ; III,21 (-279) ; IV,9 (-280) ; IV,13 (-280) ; VI,9 (?) ; VI,10 (?).
Livre III : VI,3 (-296/-280).
Livre IV : I,3 (?) ; I,14 (-275) ; I,18 (-279) ; IV,2 (-279).
PS : les dates sont celles qu'indique C. E. Bennett et je n'ai pas eu le temps de les vérifier, mais comme il s'agit de la réédition de 2003, je suppose qu'elles sont correctes.

_________________
Il n'y a pas de littérature sans liberté politique

Memoriam quoque ipsam cum voce perdidissemus, si tam in nostra potestate esset oblivisci quam tacere


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Parlez-moi de Pyrrhus.
Message Publié : 18 Sep 2012 15:32 
Hors-ligne
Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 11 Juin 2007 19:48
Message(s) : 2289
Sur Quadrigarius, ma foi, c'est bien possible, je ne le connais pas bien. Je me basais sur les fragments d'Acilius eux-mêmes, où à deux reprises le rôle de Claudius comme intermédiaire/traducteur est mis en avant : Tite-Live, XXV.39 : Environ trente-sept mille hommes furent tués, au rapport de Claudius, qui a traduit du grec en latin les annales d'Acilius etc. et Tite-Live, XXXV.14.1-12 : L'historien Claudius avance, sur la foi des mémoires grecques d'Acilius, que etc. suit l'anecdote de la "dispute" entre Hannibal et Scipion pour savoir qui tient le premier rang parmi les généraux : Hannibal place Alexandre en premier, et Pyrrhys en second. L'existence de cette anecdote suppose d'ailleurs qu'Acilius avait suffisamment développé le cas Pyrrhus précédemment pour justifier un tel jugement dans la suite de son ouvrage.
Je ne m'étais pas plus posé de questions que cela sur la Quellenforschung de Quadrigarius qui est sans doute plus complexe effectivement. Du coup, je rajoute Quadrigarius à ma liste de lecture en attente, je verrais ça.
A moins, pourquoi pas, qu'il s'agisse carrément d'un tout autre Claudius, et donc que je ferais totalement fausse route ? Il me semble pourtant que cette assimilation est admise en général (?)

Pour les recueils de stratagèmes, l'origine de chaque ruse est passablement complexe, ils piochent n'importe où, dans le vivier d'anecdotes déjà sélectionnées et mélangées par leur prédécesseurs. Frontin s'inspire certes en général de la tradition latine, mais cite également des anecdotes grecques (dans le Péloponnèse, etc.) qu'il a pompé chez des collègues hellènes. A l'inverse, l'hellène Polyen n'utilise aucune source latine, toutes ses anecdotes proviennent de sources grecques (et pour certaines, peut-être directement Pyrrhus ?).
J'en profite pour signaler un énième lapsus tout à l'heure : "Tite-Live (alias Orose, Frontin, Eutrope, etc.)"... il fallait lire Florus, tu avais sans doute corrigé ! :wink: Mais boarf, Frontin a largement pompé TL dans ses Stratagèmes, ce n'est donc pas trop grave cette fois.

Cicéron transmet à son tour la vulgate latine a plusieurs reprises, célébrant tout ces héros latins qui ont boutés l'Epirote hors d'Italie, les Decius, les Curius, les Fabricius, voire Laevinus, qui sont autant de personnages clés de la légende nationale romaine au Ier, témoignant à sa manière du résultat obtenu par cette annalistique latine. A remarquer cependant qu'en tant qu'intellectuel, il a su la dépasser, et on le voit dans ses lettres (Familiers V.12; IX.25) vanter la Guerre de Pyrrhus de Timée et les traités militaires de Pyrrhus et de Cinéas. Mais malgré cela, seul le Pyrrhus latin vient illustrer ses discours.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Parlez-moi de Pyrrhus.
Message Publié : 18 Sep 2012 15:59 
Hors-ligne
Jean Froissart
Jean Froissart
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 24 Mars 2010 16:23
Message(s) : 1054
Localisation : Paris
Non, non, tu as raison, rassures-toi : il s'agit bien du même Claudius ! En tout cas c'est la tendance actuelle chez les historiens : effectivement des historiens comme H. Nissen, B. Niese ou M. von Albrecht ont voulu voir dans les mentions de Tite-Live que tu as citées (qui Acilianos libros ex graeco in latinum vertit : XXV,39.12 ; secutus graecos Acilianos libros : XXXV,14.5) un autre Claudius ou carrément une autre oeuvre que les Annales (là c'est plutôt l'idée de G. F. Unger et de W. Soltau), mais la majorité des historiens rejette actuellement ces deux hypothèses ; en l'occurrence, on trouve A. Klotz (la référence sur Quadrigarius, je ne peux que te recommander l'achat de son Der Annalist Claudius Quadrigarius), T. J. Luce ou D. Timpe (encore une fois :mrgreen: ).

En fait il existe une querelle depuis Mommsen et Peter sur cette question mais les choses semblent bien se concrétiser : Claudius Quadrigarius aurait bien traduit Acilius, mais cela n'en fait pas un simple traducteur, au pire un mauvais historien (comme le considérait Tite-Live qui ne lui fait jamais confiance pour les données chiffrées même s'il constitue, avec Antias, sa source essentielle pour les questions italiennes des 4ème et 5ème décades). Il était par contre admiré pour sa langue et adopte tout de même une position originale qui le distingue assez d'Acilius ; s'il en est bien tributaire, on ne saurait pour autant le réduire à un simple pastiche ou même à une belle traduction d'Acilius.

Pour Frontin, j'avoue que je n'avais même pas corrigé par "Florus" mais "Fronton" qui s'étend beaucoup sur son style et l'admire, comme Aulu-Gelle d'ailleurs - d'où le fait que je n'avais même pas vu le lapsus, croyant que tu avais fait une faute de frappe... lol

Pour Cicéron, effectivement, nous avons bien là un bon paquet de références... Mais d'ici à ce que je me replonge dans toutes ses paperasses, on aura vu plusieurs lunes... :oops:

_________________
Il n'y a pas de littérature sans liberté politique

Memoriam quoque ipsam cum voce perdidissemus, si tam in nostra potestate esset oblivisci quam tacere


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Parlez-moi de Pyrrhus.
Message Publié : 23 Sep 2012 12:54 
Hors-ligne
Hérodote
Hérodote
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 23 Sep 2012 11:17
Message(s) : 2
Image
"Sa mort : Alors qu'il pénétrait suivie de ses troupes dans la cité d'Argos pour intervenir dans un conflit interne, qu'il s'est retrouvé pris d'assaut dans les rues étroites de la cité.Une vieille argienne lui lance alors une tuile depuis le haut d'un toit et l'assomme en le touchant à la tête, ce qui permet à un soldat argien de le tuer."

_________________
Zola, Emile (1840 - 1902)
"La vérité est en marche; rien ne peut plus l'arrêter"


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Afficher les messages publiés depuis :  Trier par  
Publier un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 19 message(s) ]  Aller vers la page 1, 2  Suivant

Le fuseau horaire est UTC+1 heure


Qui est en ligne ?

Utilisateur(s) parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 44 invité(s)


Vous ne pouvez pas publier de nouveaux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas éditer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas supprimer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas insérer de pièces jointes dans ce forum

Recherche de :
Aller vers :  





Propulsé par phpBB® Forum Software © phpBB Group
Traduction et support en françaisHébergement phpBB