Il y a quelques siècles, était assez évident pour tout le monde ce que Montesquieu a écrit dans "L'esprit des lois", à savoir que : Etat de petite taille : république Etat de taille moyenne : monarchie. Etat de très grande taille : despotisme. La raison fondamentale de la première équation est que, avant l'alphabétisation et le journal, celui qui est loin est incompétent : il ne peut donc pas être citoyen. La république, en fait, ne peut pas vraiment dépasser la taille d'une ville, où il y a contact entre les citoyens (en fait, la ville et un territoire rural qu'elle domine). Dans l'Antiquité, le bassin méditerranéen était largement organisé en cités : une ville et un petit territoire. Ces cités étaient, d'après nos critères, aristocratiques : une petite minorité de citoyens. A l'intérieur de ce cadre aristocratique, les contemporains distinguaient les cités démocratiques (tous les citoyens sont égaux), et les cités aristocratiques. Pourquoi ce cadre aristocratique ? Il ne faut pas tellement voir là l'effet d'une lutte de classes : les aristocrates avaient plus le temps et le goût des affaires publiques, et, dans une large mesure, ils travaillaient gratuitement et même cela pouvait leur coûter (évergétisme). (Cela dit, lutte de classes il y avait, les "masses populaires", peu capables d'exercer directement le pouvoir, penchant pour la tyrannie (la monarchie)). Pourquoi cette dimension républicaine ? Pour la même raison que nous, nous vivons en démocratie : parce que les habitants se sentaient compétents et n'avaient pas envie d'obéir à un roi ou à un despote.
Il était donc impossible d'avoir des institutions républicaines à une autre échelle que celle de la cité-Etat. Cette cité pouvait en assujettir d'autres - c'est le cas d''Athènes, de Carthage. Ne pouvait pas se produire ce qui s'est produit lors de la formation de l'Italie ou de l'Allemagne au XIXème siècle : des institutions largement aristocratico-démocratiques qui passent d'un relativement petit Etat à un Etat national. (En fait, le Piémont ou la Prusse, comparés à une cité antique, étaient déjà a) beaucoup plus grands b) beaucoup plus démocratiques). La transformation de Rome en Empire a correspondu à une prise en compte du poids et des intérêts des non-Romains. La transformation de la Grèce en monarchie ou en Empire aurait peut-être pu emprunter le chemin romain : la république subsiste formellement, mais en fait une dynastie exerce le pouvoir dans la "république". Mais la monarchie macédonienne a mis fin à l'indépendance des cités-Etats indépendantes - elles ont subsisté mais sans la pleine souveraineté, comme elles ont subsisté ensuite dans l'Empire romain.
Le problème de l'Empire est qu'il ne faut pas qu'une partie opprime le reste ou fasse sécession. L'Empire est donc caractérisé par une grande extériorité de l'appareil d'Etat par rapport à la population, particulièrement par rapport à la haute noblesse (à "l'aristocratie"), laquelle a forcément un ancrage local. D'où, par exemple, le système turc des janissaires : le corps d'élite est issu d'enfants d'étrangers et d'infidèles, qui plus est coupés de leurs familles. D'où aussi le système des eunuques, typiquement impérial (Byzance, Chine) : les hauts fonctionnaires sont des châtrés, donc méprisés. Cette extériorité de l'appareil d'Etat constitue le caractère despotique de l'Empire (exagéré par Montesquieu), caractère qui est pénible à la noblesse, et a aussi des coûts en termes d'efficacité de l'appareil d'Etat. Par contraste, on voit ce qu'est une monarchie : la noblesse participe aux hautes fonctions. Les problèmes de la monarchie : l'Etat est de taille moyenne ; les nobles ne sont pas sélectionnés comme des fonctionnaires peuvent l'être ; l'inégalité irrite les roturiers.
Poour que la Grèce devienne une République, une Cité, il aurait fallu qu'Archimède invente l'imprimerie et le papier - et encore : l'imprimerie et le papier bon marché.
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