Pédro a écrit :
c'est à mon sens après la fin de la guerre Sociale que Rome commença à incliner son modèle poliade de base vers une dynamique impériale qui impliquait la participation de l'Autre au modèle. Ce fut le garant de la stabilité du monde romain, soumis le plus souvent par le force, mais tenu en transformant d'abord les élites puis les autres, très progressivement, en Romains.
Je serais assez d'accord avec vous pour ce qui est de l'intégration progressive dans les provinces, et notamment en Gaule et en Afrique. Pour autant, si la Guerre des Alliés transforme profondément le schéma d'intégration traditionnel (là, je suis toujours d'accord avec vous), je ne suis pas sûr que l'on puisse en assimiler le résultat avec celui d'une politique impériale dans le reste du monde.
Si la pleine citoyenneté est accordée aux Italiotes entre -89 (et déjà des ouvertures partielles en -90) et -80 (ponctuée par quelques massacres) et que son extension à la Cisalpine entre César et Auguste se concrétise, il ne faut pas pour autant le voir comme un effet de cette dynamique impériale. Au contraire, il me semble bien que cela rejoigne l'idée avancée par Narduccio, à savoir que, tôt ou tard, l'Etat doit unir ses différentes composantes pour s'élaborer. Or, la dynamique consistant à étendre la citoyenneté romaine à l'ensemble de l'Empire et celle qui consiste à regrouper tous les Italiotes en un seul et même ensemble ne me semble pas être de la même nature (sans compter l'écart chronologique manifeste).
Ce n'est justement pas la participation de "l'Autre" qui est jeu lors de la Guerre des Alliés (mais cela me semble bien être le cas, en revanche, pour l'intégration progressive des provinces, mais l'Italie n'est pas et n'a jamais été considérée comme une province - et, du point de vue administratif, C. Nicolet a montré qu'une province pouvait très bien être découpée en régions sans pour autant que cela en fasse un ensemble à part : c'est donc ailleurs qu'il faut chercher la particularité de l'Italie) mais bien plus l'idée d'un creuset qui va provoquer cette "naissance" tout à fait inédite de "l'Italie". Il ne s'agit plus d'une Italie italique, d'une Italie étrusque, d'une Italie grecque et d'une Italie romaine réunies mais bien d'une Italie "italienne", c'est-à-dire d'une entité nouvelle qui se constitue sur les conséquences directes de la Guerre des Alliés, à savoir, un brassage total des ethnies présentes. A partir de là, même s'il ne s'agit pas encore d'une "nation" (puisqu'il faut attendre au moins le XIXème siècle pour cela), on peut bien parler d'un Etat dans l'Etat, plus précisément, d'un Etat dans l'Empire qui gouverne cet Empire.
Je verrais donc deux dynamiques dont une seule serait voulue par la politique impériale : celle de l'intégration des provinces. L'octroi de la citoyenneté romaine aux Italiotes est très différente, de ce point de vue-là.