Le manque d'engagement de la cité athénienne, vis à vis d'autres cités comme Mégare ou Chalcis, dans le processus de colonisation, n'est-il pas dû au système des
clérouquies ?
Je m'explique : apparemment, il existe une distinction entre
les colonies (lorsque les colons prennent pieds sur un nouveau territoire) et ce que l'on nomme les
"clérouquies" (sortes de garnisons militaires établies sur les possessions de cités alliées).
Athènes a établi de nombreuses garnisons militaires afin de renforcer sa domination, son contrôle sur les cités alliées et sur les routes de commerce, ou pour leur venir en aide en cas de rébellion. Ces garnisons militaires, ou "clérouquies", étaient en fait des lopins de terres accordés à Athènes par ses alliés. Ces bouts de terres étaient ensuite attribués à des citoyens athéniens tirés au sort : cela permettait ainsi aux thètes d'accéder à la propriété, et par conséquent à Athènes d’enrôler de nouveaux hoplites, et par l'établissement de garnisons, d'étendre sa domination et son influence.
De nombreuses clérouquies ont été établies tout autour de la Mer Egée. En vrac : Lemnos, Imbros, Carystos, Andros... Je vous renvoie au lien d'une carte répertoriant toutes ces garnisons :
http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/4/42/Map_athenian_empire_431_BC-fr.svgLe système des clérouquies est attesté par Thucydide, dans son livre la
Guerre du Péloponnèse à propos des évènements de la défection de l'île de Lesbos aux Athéniens (Ve siècle avant J-C) dont voici l'extrait :
Citer :
[...] Par la suite on n'imposa aux Lesbiens aucun tribut ; mais on divisa leur territoire, à l'exception de celui de Méthymne, en trois mille lots. Trois cents de ces lots furent réservés aux dieux. Le reste fut tiré au sort et occupé par des colons d'Athènes. Les Lesbiens s'engagèrent à payer, chaque année, une redevance de deux mines par lot et à exploiter eux-mêmes le sol. Les Athéniens s'emparèrent également de toutes les villes du continent que possédaient les Mytiléniens et les soumirent à leur domination. Tels furent les événements de Lesbos.
Thucydide, Guerre du Péloponnèse, Livre III, 50
Voici un autre passage où cette fois-ci, Plutarque, dans
Vie de Périclès, évoque le procédé :
Citer :
[...] Il établit aussi plusieurs colonies, une de mille citoyens dans la Chersonèse, une de cinq cents à Naxos, une troisième de deux cent cinquante à Andros, une autre de mille au pays des Bisaltes en Thrace. Enfin il en envoya une en Italie pour peupler la ville de Sybaris, qu’on venait de rebâtir, et qui fut appelée Thurium. En déchargeant ainsi la ville d’une populace oisive qui, faute d’occupation, excitait sans cesse des troubles, il soulageait la misère du peuple, contenait les alliés par la crainte, et leur mettait comme autant de garnisons qui les empêchaient de se porter à des innovations.
Plutarque, à propos de Périclès, Vie de Périclès, XI
Ainsi, l'établissement de clérouques à l'étranger est peut-être l'élément qui peut expliquer le manque d'investissement des Athéniens dans l'établissement de colonies. Ces garnisons militaires ont pu répondre à la forte pression démographique de la cité d'Athènes, dispensant ainsi les Athéniens de s'impliquer autant que d'autres cités dans le processus de colonisation.
Reste à distinguer avec précision la différence entre clérouquies et colonies...