Je suis désolé pour ma réponse tardive, je réfléchissais justement sur ce texte et, pour me faire pardonner, je vais essayer d'être le plus exhaustif possible.
Je vois que vous avez mis en lumière de nombreux thèmes du texte, ils sont tous à prendre en compte. J'espère que mes remarques vous permettront de les compléter et surtout de les mettre en forme. Il faut voir qu'il y a 3 temps de décrits dans le texte, 3 temps bien distincts : le songe d'Alexandre qui intervient peu de temps après sa victoire sur Cambyse en Egypte ; l'arrivée sur le site de la future Alexandrie et les premiers pas de la fondation d'Alexandrie (l'épisode des oiseaux et les premiers tracés par les architectes) ; la route puis l'arrivée au sanctuaire d'Ammon dans l'oasis de Siwa.
Pour moi, 3 grandes idées se dégagent du texte (bien que je doute que la première puisse faire une partie complète) : Alexandrie, une fondation (pour ne pas dire "colonie") grecque ; Alexandre et la propagande ; Alexandrie et son site remarquable.
La première idée est visible assez aisément dans le texte : référence à Homère (considéré comme le père de l'hellénisme) qui, si je me souviens bien, fait référence dans l'Odyssée à la première fondation grecque en dehors de Grèce continentale, le début de la diaspora grecque en Méditerranée. Il s'agit de Schérie fondée par les Phéaciens. Ensuite, on a tout le discours sur les fondations grecques : Alexandre n'est pas le premier à le faire (des apoikoi ont été fondées depuis le VIIIe siècle avt., depuis Pythécusses, selon ce qu'on s'accorde à dire), mais il en change totalement le code. Avec Alexandre, ce n'est plus une "métropole" qui décide de fonder une "colonie", mais là, il s'agit d'un homme. Ceci étant les prémices des fondations des monarques hellénistiques. D'ailleurs, c'est à ce moment là que dans les textes, on ne parle plus d'Oïkiste (vous rechercherez plus en détail) comme on parlait des hommes conduisant les apoikoi depuis le VIIIe s. avt., mais de Ktistes ("fondateur"). Pour fonder une apoikia, l'oïkiste allait auparavant consulter l'oracle de Delphes (en général, bien qu'il y avait aussi celui de Didymes). On consultait Apollon Archégète qui rendait son oracle et désignait l'oïkiste qui fonderait l'apoikia ainsi que le lieu même de la future apoikia. Ne pas le consulter rendait l'opération très risquée et surtout serait quasi-rédhibitoire. Cela permettait donc aux apoikiai de se revendiquer d'un héritage grec. Ici, dans le texte, on ne parle pas d'Apollon, on parle d'Homère, c'est une référence certaine vis-à-vis d'une hellénité revendiquée.
Le site d'Alexandrie est remarquable. Cf. P. Ballet, vous aurez tout. Pharos, la bouche canopique, l'épisode des oiseaux qui présagent une future cité cosmopolite et habitée par un grand nombre. Je me permets de vous donner une autre référence pour faire un parallèle avec cette idée : Hérondas dans ses Mimes. Je n'ai plus la référence précise en tête, mais il compare Alexandrie à une grande fourmilière. Diodore parle aussi des grandes avenues d'Alexandrie, ouvertes sur la mer, donc permettant le passage des vents étésiens (venant de la mer), rafraîchissant l'air chaud. Le tracé de farine montre que l'on est dans une "colonie" grecque : délimitation de l'espace dès le début de la fondation, tracés rectilignes. Efficacité de l'occupation de l'espace. Alexandre comme oïkiste/ktistes, c'est lui qui délimite le territoire de la future cité, il s'agit d'un topos des récits de fondation.
Enfin, la propagande d'Alexandre. La partie la plus "facile" à exploiter selon moi. Alexandre est la figure centrale du texte. En général, lors d'une fondation de cité, certes on met en avant la figure de l'oïkiste, mais on parle aussi des premiers colons (les apoikoi). Ici, les autres personnes sont éclipsées, on le les nomme pas, on parle des architectes, de son armée ... Mais pas de noms. On a seulement 4 noms : Homère (figure même de l'hellénisme en terre "barbare" dans le sens "non-grec"), Alexandre (bien entendu), Cambyse et Zeus-Ammon. Pourquoi Zeus-Ammon ? Propagande-type : Alexandre comme fils de Zeus. Ammon a été "hellénisé", il est intégré au panthéon grec comme étant un autre nom de Zeus. C'est typique des monarchies hellénistique que d'helléniser des divinités locales. Pour l'Egypte lagide, Isis, Osiris seront aussi hellénisés, mais l'exemple le plus connu est bien entendu le dieu Sérapis pour les Lagides. D'ailleurs, Alexandre est protégé par les dieux, aidé par la Fortune, expliquant de fait la rapidité de sa conquête. Une biographie d'Alexandre vous en dira certainement davantage, et surtout, ce sera mieux expliqué. Cambyse, double lecture. Il s'agit d'un Perse, donc d'un "barbare" (ne parlant pas le grec). Il faut montrer que la fondation d'Alexandrie est la suite logique de la campagne militaire initiée par Alexandre depuis sa victoire sur Darius à Issos. Depuis l'Asie Mineure, Alexandre et son armée descendent vers le Sud vers l'Egypte, par la Coïlè-Syrie. Ils descendent par la mer, car contrôler les accès à la mer permet d'éviter des ravitaillements des Perses par les côtes, donc les priver de leur accès à la mer les affaiblit considérablement. Sa campagne en Egypte est donc toute logique, il suit la côte et arrive au dernier territoire occidental contrôlé par les Perses : l'Egypte. Mais on peut y voir aussi une deuxième lecture : dans les récits de fondations de "colonies", les apoikoi et l'oïkiste ne purent s'établir sans heurts avec les populations locales barbares. C'est un topos de ces récits, montrer la victoire de l'hellénisme sur ces territoires. Même chose décrite ici dans le texte, les Perses sont les barbare, l'hellenisme est victorieux (les figures d'Alexandre et Homère). A partir de l'époque hellénistique, les rois sont des fondateurs actifs. Mais contrairement au passé, les rois donnent souvent des noms dynastiques à leurs fondations : les Alexandrie, Ptolémaïs pour les Lagides, Antigonéïa pour les Antigonides, les Séleucie et Antioche pour les Séleucides ... Donc on a ici un Alexandre fondateur d'une cité grecque.
Mes remarques valent ce qu'elles valent, je vous donne cela en désordre, comme les idées me venaient. J'en ai certainement oublié, mais je pense vous avoir donné quelques pistes à approfondir. Mais, je vous conseille donc la lecture de l'Atlande sur les Diasporas grecques, une biographie d'Alexandre et La vie quotidienne à Alexandrie de Pascale Ballet. Vous aurez tous les éléments importants. J'espère vous avoir aidé. N'hésitez pas au besoin.
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