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Message Publié : 27 Mars 2011 18:10 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 11 Juin 2007 19:48
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Bon, je vais essayer d'être aimable, ou du moins pédagogue (désolé, mais je ne sais pas enrober de sucre mes discours, surtout quand j'ai l'impression qu'on se paie ma tête).

D'abord tu n'es pas le premier a te pointer avec la rhétorique néo-marxiste butée : tu es le quatrième. Derrière la critique du commerce diabolisé suinte la critique du vilain capitalisme ; la lutte des classe patronat/ouvrier adaptée à la sauce antiquisante sous forme de lutte des classes esclaves/maîtres, etc. Une fois ça passe, quatre fois ça casse, surtout qu'à chaque fois, on repart à zéro : il existe une demi-douzaine de sujets consacrés à l'esclavage antique, des sujets consacrés aux métèques, etc. Mais a chaque fois le gars ce pointe avec sa grille de lecture sans se donner la peine de prendre connaissance de ce qui a été dit. Le plus triste est que pratiquement tous les spécialistes français qui se sont penchés sur la questions de l'esclavage antique sont/étaient sympathisants communistes, voire carrément membres convaincus et militants du PC (les époux Lévêques en particulier, Vernant, etc). Et pourtant, aucun n'a daigné appliqué cette grille absurde, et ce sont eux qui ont renouvelés nos approches de l'esclavagisme antique.

Ensuite, les deux premiers au moins ont fait l'effort de lire des textes, de se chercher des arguments dans les sources et de les présenter. L'interprétation était folklo, mais au moins, il y avait de la matière, ce qui permettait de creuser, de rebondir ou d'ouvrir de nouvelles problématiques. Bref, agaçant, mais intéressant et constructif (jusqu'à un certain point). Toi tu pointes avec que dalle : en quelques messages tu as prouvé ne pas avoir le moindre verni de culture antique ! Mais qu'espères-tu donc comme accueil ?

Enfin, ne te voile pas derrière un soit-disant "esprit critique": on exerce son esprit critique derrière ce que l'on connait et que l'on comprend ; je ne critique pas la physique quantique, je n'y connais rien. Ne vient pas prétendre critiquer la démocratie athénienne, tu n'as pas la moindre idée de ce que c'est, entre "l'Etat complice d'une catégorie aristocratique" et "Athènes fut peut être une démocratie, mais il a fallut écraser les petits propriétaires pour ça"...
Ah oui, évite aussi d'insister bêtement, mais vérifie :"Je maintiens, Solon a bien fait rapatrier les débiteurs qui seront vendus comme esclaves." C'est l'inverse, il interdit dorénavant l'esclavage pour dettes à Athènes afin de protéger les plus pauvres, en particulier les petits propriétaires, qui se faisaient bouffer par l'oligarchie terrienne, et il a fait racheter ceux qui étaient réduits en esclavage pour cette raison. :rool: Par ailleurs, il n'a pas du tout ramener l'ordre, la constitution de Solon a été abrogée à peine parti, et il faudra attendre Pisistrate pour qu'elle soit enfin appliquée; entre temps, un demi-siècle de troubles civiques...

Si tu ne veux pas te prendre de roustes, ne raconte pas de conneries présentées comme des Vérités et des Faits évidents. Ce n'est pas une question d'esprit d'ouverture, mais d'ignorance revendiquée et non soignée. L'histoire se construit, et se débat, à partir de sources et de faits, pas à partir de théories et de certitudes. Tu ne fais pas d'histoire, encore moins preuve d'esprit critique, tu te contente de répéter une propagande complètement dépassée que tu ne comprends pas.


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Message Publié : 27 Mars 2011 18:39 
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Polybe
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Très intéressant :) Je vais me permettre de régir sur deux ou trois petites choses qu'à dit Thersite et qui m'intrigue.
Thersite a écrit :
Dans la même veine, l’Etat va multiplier les colonies, les clérouquies, pour offrir à ses citoyens les plus pauvres des terres qui n’existent pas en Attique (Chersonèse, Naxos, Thrace, Italie, Andros, Scyros, Lemnos, Imbros, Mytilène, etc.) Des milliers de citoyens ont ainsi été dotés.


Là je ne suis pas d'accord (mais ne vous fâchez pas, j'essaie juste de comprendre). Si j'ai bien compris, vous dites qu'Athènes fait tout son possible pour aider les plus pauvres, que c'est une vraie démocratie... c'est discutable. Quand vous prenez les exemples de Naxos, de Thrace ou de Mytilène pour dire qu'Athènes "dotent ses citoyens de terres", c'est nier la façon dont elle les a obtenu! Les clérouquies dont vous parlez, nous sommes bien d'accord qu'il s'agit de garnisons athéniennes ? or pour les implanter, les Athéniens ont massacrés des centaines, non... des milliers de personnes.
A Mytilène (et on le voit chez Thucydide notamment), les habitants ont seulement voulu rependre leur liberté bafouée par l'impérialisme d'Athènes au sein de la ligue. Comment Athènes réagit ? Elle écrase Mytilène, la désarme, détruit ses murs, lui inflige une amende et l'oblige à verser un phoros. En passant l'épisode de cet "hystérique"(pardonnez moi pour l'expression, mais je ne la trouve pas exagérée) de Cléon, on voit tout de même qu'Athènes massacre les leaders de la révolte (un millier de personnes environ il me semble), pour en faire une clérouquie.
C'est aussi valable pour Naxos en 471.

Alors oui, Athènes offre des terres.... aux Athéniens, et peut importe que pour cela il faille massacrer des alliés qui tentent de mettre le holà à la soif toujours plus grande de territoire dont fait preuve la cité hegemon.

Pour moi, si Athènes fonde des clérouquies, c'est uniquement pour étendre son territoire et montrer sa puissance, afin de faire peur et de conserver les autres alliés de la ligue.

Sans ces quelques "détails", je suis d'accord... Athènes est démocratique, elle favorise la participation de tous avec le misthos, qui d'ailleurs n'équivaut qu'à une demi-journée de travail (les plus pauvres préférant ainsi aller travailler, pour ne rien perdre).

Thersite a écrit :
Idem avec les Grands Travaux entrepris à Athènes après la seconde guerre médique : Athènes se couvre de bâtiments publics somptueux, en partie payés par les alliés… Là aussi l’Etat investit sans compter pour fournir du travail aux plus démunis.
Alors vouloir faire passer l’Etat athénien pour un ‘complice d’une catégorie aristocratique’….


Assez d'accord, bien qu'il ne faille pas non plus se faire trop d'illusions quant aux motivations d'Athènes à construire ce genre de bâtiments. Donner du travail d'accord, mais aussi et surtout montrer sa puissance, célébrer sa victoire.

Citer :
Un citoyen n’est jamais seul, il se définit par rapport à la communauté, que ce soit la cité, la phratrie, la famille, les amis, voir co-religionnaires dans le cadre de cultes corporatifs ou d’initiation ; son existence est définit par cette intégration qui assure un soutien juridique, économique, politique. Ces réseaux de solidarités imposent certaines obligations entre membres, et laisser un proche dans la misère quand on a un boulot à lui filer est très mal vu (voir les discours judiciaires, où l’accusation/diffamation revient très souvent).


D'accord, je rajouterai aussi les hétairies, ces cercles de partisans politiques qui forment des nébuleuses de partisans autour de quelques figures politiques.

Voilà ce que je voulais dire :)


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Message Publié : 27 Mars 2011 19:19 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 11 Juin 2007 19:48
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Wedja a écrit :
pour dire qu'Athènes "dotent ses citoyens de terres", c'est nier la façon dont elle les a obtenu! Les clérouquies dont vous parlez, nous sommes bien d'accord qu'il s'agit de garnisons athéniennes ? or pour les implanter, les Athéniens ont massacrés des centaines, non... des milliers de personnes. [...] Alors oui, Athènes offre des terres.... aux Athéniens, et peut importe que pour cela il faille massacrer des alliés qui tentent de mettre le holà à la soif toujours plus grande de territoire dont fait preuve la cité hegemon.

On n'est complètement d'accord, ils se comportent comme de vrais salopards à l'occasion, il n'existe aucun sous-entendu moral à la démocratie, pas du tout. Un Etat a pour devoir d'assurer le bien être de ses citoyens, si pour cela il faut trucider le voisin, ça n'a jamais posé de problème à qui que ce soit (on en sait quelque chose, non ? Je n'ai pas l'impression que les démocraties actuelles soient plus pacifiques que celles du passé...). Il ne s'agit pas de nier quoi que ce soit. Au contraire, j'essaie de montrer que l'impérialisme est une facette athénienne intrinsèquement liée au régime démocratique, qui s'en nourrit.

Pour le reste, il faut pas oublier le processus de décision : qui décide de partir en guerre ? l'Assemblée. Qui décide d'investir des sommes exorbitantes dans les bâtiments ? l'Assemblée. Qui décide l'installation d'une clérouquie ? l'Assemblée. Et qui domine numériquement l'assemblée ? les citadins, donc aussi les plus pauvres dépourvues de terres à exploiter. Bien sûr chacune de ses décisions obéit aussi à d'autres impératifs, de prestige ou autres. Mais au final, ce qui importe au votant, c'est leur intérêt immédiat ; c'est ce qu'a compris Périclès, qui faisait habilement coïncider intérêts particuliers de la plèbe et intérêt public ; c'est aussi ce qu'ont compris les démagogues, qui sacrifient l'intérêt public aux besoins immédiats de la plèbe et mènent leur politique et soignent leur popularité en flattant leur public, d'où ces excès si célèbres condamnés par les opposants, le massacre de Mélos, l'expédition de Sicile, etc. que rien ne justifie, hormis le goût de la rapine, le besoin vital de numéraire d'une partie des présents.
Quant aux clérouques, certes ils servent de garnison pour tenir l'empire (mais est-ce vraiment le cas à Samos ? à Sybaris ? lors de la tentative à Enneahodoi en 465, etc. Le choix du lieu comme la masse de colons dépasse de très loin le simple cadre d'une garnison), mais comme leur nom l'indique, ce service est assorti d'un cléros, d'un lot de terre. Évidemment, ceux qui bénéficient déjà d'une terre à Athènes ne sont pas volontaires, donc en pratique, la clérouquie dote des hommes jusque là dépourvus : les plus pauvres.
Wedja a écrit :
ne vous fâchez pas, j'essaie juste de comprendre

Psss, m'enfin... Taquin, va !


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Message Publié : 27 Mars 2011 19:53 
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Polybe
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Inscription : 02 Mai 2010 13:59
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Thersite a écrit :


Pour le reste, il faut pas oublier le processus de décision : qui décide de partir en guerre ? l'Assemblée. Qui décide d'investir des sommes exorbitantes dans les bâtiments ? l'Assemblée. Qui décide l'installation d'une clérouquie ? l'Assemblée. Et qui domine numériquement l'assemblée ? les citadins, donc aussi les plus pauvres dépourvues de terres à exploiter.


Effectivement, mais sur les milliers de citoyens présents, ce sont quasiment toujours les mêmes qui monopolisent la parole... ceux qui savent user de rhétorique et qui sont beaux parleurs. Alors évidemment le citoyen moyen suit (de même qu'au XIXe en france, ou finalement les paysans ne font que faire ce que leur dit de faire le notable du village). Les plus pauvres se laissent facilement embobiner, et je ne suis pas sûr qu'ils comprennent bien les enjeux.... cela dit, c'est évident que "leur intérêt immédiat" comme vous le dites, est prédominant.

Citer :
la plèbe

Pardon, mais on peut utiliser ce mot là pour la Grèce antique ? :-|

Citer :
le massacre de Mélos

Et là c'est encore pire ! Quand on regarde les discours rapportés par Thucydide et qu'on se rend compte de l'arrogance, du mépris et de la supériorité dont fait preuve Athènes... c'est affligeant !


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Message Publié : 27 Mars 2011 20:09 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 11 Juin 2007 19:48
Message(s) : 2289
Wedja a écrit :
Thersite a écrit :
la plèbe

Pardon, mais on peut utiliser ce mot là pour la Grèce antique ? :-|

Oui, mais pas dans ce contexte. Mea culpa, j'en avais marre de répéter les "pauvres" à tout bout de champs, et j'ai cherché un synonyme ; le choix est plutôt malheureux et ambiguë, je le concède.
Par contre dans le contexte de la lutte contre les oligarchies terriennes aux VIe siècle, le mot ne me dérangera absolument pas et correspond bien aux revendications d'une population économiquement et socialement diverse qui se caractérise que par la seule hostilité aux eupatrides qui monopolisent le pouvoir politique. Mais ce qui est valable pour le VIe ne l'est pas pour le Ve, et en prime, j'employai le mot plèbe dans le sens édulcoré contemporain, non romain.

Enfin bref, désolé, j'ai eu tort, faut que je trouve autre chose... :-|


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Message Publié : 28 Mars 2011 10:12 
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Eginhard
Eginhard

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Localisation : Paris
Thersite a écrit :
L'esclavage athénien n'est pas l'esclavage américain. La propriété est admise pour de nombreuses catégories serviles (d'après toi, comment font-ils pour racheter leur liberté s'ils sont censé de rien posséder ?), en particulier tous ces esclaves qui vivent indépendamment et qui travaillent à leur compte, dans les boutiques, les ateliers individuels, les lupanars, etc. contre le seul paiement régulier d'un pécule au maître absent. Tous les bénefs sont pour leur poche, et ils en font ce qu'ils veulent.

D'ailleurs, je me demandais : dans le cas des esclaves travailleurs indépendants, comme certains devenaient particulièrement aisés (voire riches? les banquiers ne sont-ils pas parfois des esclaves?), qu'est-ce qui empêche le maître de s'approprier sa fortune? Je veux dire : j'ai un esclave que je laisse travailler dans une boutique en échange d'un loyer, mais cet esclave devient assez riche, pourquoi je ne m'approprierais pas ses biens? (Après tout, mon esclave, c'est ma propriété). Est-ce interdit ou bien pas une pratique bien vue?


Autre question : combien d'esclaves a-t-on en moyenne à Athènes? Par exemple, un zeugite moyen ou, à l'autre bout, un pentacosiommédimne moyen? Et quel est le nombre maximal d'esclaves connu pour un seul propriétaire?


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Message Publié : 28 Mars 2011 16:28 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 11 Juin 2007 19:48
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Helios a écrit :
qu'est-ce qui empêche le maître de s'approprier sa fortune?

Je m'étais posé la question, et il faut bien admettre que au fond, rien ne l'en empêche juridiquement, ou pas grand chose. Mais il ne faut pas oublier l'importance du poids du droit coutumier informel ; ainsi, les mariages esclaves ne sont pas enregistrés, et pourtant un père peut exercer son droit paternel sur son fils et l'affranchir en même temps que lui, ce qui montre bien que le maître lui reconnait cette paternité. De la même manière, l'esclave est protégé par la coutume, même un maître ne peut pas se permettre de faire n'importe quoi, il est soumis au jugement moral de ses pairs. Enfin, il existe des sanctuaires ou des autels où un esclave maltraité peut se réfugier et faire appel à la clémence publique... Je n'ai pas d'exemple sous la main, mais j'en ai déjà rencontré, je vais rechercher.

Néanmoins, plus prosaïquement, dans le cas que tu évoques d'un maître qui confisque arbitrairement les économies d'un esclave, il existe un recours juridique: la graphê hubreôs, assez floue, qui condamne l'hubris, quelle soit le fait d'hommes libres ou d'esclaves, qu'elle s'exerce aux dépends des hommes libres ou des esclaves. La plupart du temps, lorsqu'elle est mentionnée, elle s'applique à des disputes entre libres (par exemple la baffe de Midias à Démosthène), mais son extension à l'ensemble de la population est signalée au moins par trois sources :
Démosthène, Contre Midias, 46-47 :
« Si tel ou tel a outragé quelqu’un, enfant, femme, homme, de condition libre ou servile, ou commis un acte illégal à l’égard d’un de ceux-là, tout Athénien, jouissant de ses droits, peut, s’il le veut, le dénoncer aux thesmothètes, et ceux-ci l’assigneront devant les héliastes dans les trente jours qui suivront la dénonciation, à moins que quelque affaire publique n’y fasse obstacle, et, dans ce cas, le plus tôt possible. Les héliastes, s’ils condamnent, préciseront aussitôt la peine ou l’amende qui leur semblera méritée. Si celui qui a dénoncé, suivant la loi, se désiste ensuite, ou, ayant poursuivi l’affaire, ne recueille pas le cinquième des suffrages, il paiera mille drachmes au trésor public. Celui qui aura été frappé d’une amende pour outrage, sera emprisonné, si l’outragé est un homme libre, jusqu’à ce qu’il se soit acquitté. »
Quelle loi humaine, Athéniens, qui défend d’outrager même les esclaves ! Grands dieux ! si l’on faisait connaître cette loi aux barbares des pays d’où nous tirons nos esclaves, et qu’en faisant l’éloge de notre ville, on leur dît : « Il y a des hommes grecs, de mœurs si douces et si humaines, que, malgré tout le mal que vous leur avez fait, malgré leur haine patriotique contre vous, ils ne laissent pas même outrager les esclaves qu’ils ont achetés à prix d’argent, mais ils ont établi une loi qui prohibe de tels actes, et ont puni de mort plus d’une fois ceux qui l’avaient enfreinte ; » si ces barbares entendaient et comprenaient un tel langage, ne pensez-vous pas qu’ils vous décerneraient à tous le titre d’hôtes publics ?


Eschine, Contre Timarque, 15-17 :
Oui, la loi concernant l'outrage, qui couvre de ce seul mot tous les attentats de cette nature. D'après son texte formel, toute personne qui outragera un enfant (et l'acheteur est dans ce cas), ou un homme, une femme, soit libre, soit esclave, ou qui se portera contre l'un d'eux à des excès criminels, pourra être accusé d'outrage ; et elle indique la peine afflictive ou fiscale qui sera infligée. — Lis cette loi.
16 Tout Athénien qui fera violence à un enfant libre sera traduit devant les thesmothètes par celui qui a autorité sur l'enfant. Ce dernier prendra des conclusions. S'il y a condamnation capitale, l'accusé, livré aux Onze, sera mis à mort le jour même. Si la peine est une amende, elle sera payée dans les onze jours qui suivront la sentence. Ce terme écoulé sans payement, le condamné ira en prison jusqu'à ce qu'il ait satisfait. Le viol commis sur un esclave donnera lieu aux mêmes poursuites judiciaires.
17 Peut-être vous étonnerez-vous qu'une loi sur l'inviolabilité des personnes fasse aussi mention des esclaves : mais, à l'examen, vous trouverez là, ô Athéniens, l'intention la plus sage. Ce n'est pas que le législateur s'intéresse à l'esclave : mais, pour mieux nous accoutumer au respect des personnes libres, il l'étend, ce respect, là même où cesse la liberté. Règle générale : toute violence, dans une démocratie, exclut du gouvernement celui qui l'a commise.


Hypéride, Contre Mantithéos, Fgt.1 :
They legislated not only for free men but for slaves too, ruling that if anyone did violence to the person of a slave there should be an indictment against the party guilty of violence.

Les textes de lois tels qu'ils sont transmis ne sont pas à prendre à la lettre, ce sont des ajouts d'éditeurs tardifs qui les reconstituent d'après le texte du procès et éventuellement de recueils de décrets dont la fiabilité n'est pas garantie : on voit bien d'ailleurs la différence entre les deux lois soit-disant cités, même si celle de Démosthène est plus vraisemblable. Je les ai laissé en italique, mais il vaut mieux se contenter de ce qui précède et de ce qui suit pour se faire une idée.
Par contre, évidement, l'esclave ne peut lui-même porter plainte ; il lui faudra trouver un Athénien qui porte le cas devant les tribunaux, ce qui relativise la portée de la loi.

Helios a écrit :
Autre question : combien d'esclaves a-t-on en moyenne à Athènes? Par exemple, un zeugite moyen ou, à l'autre bout, un pentacosiommédimne moyen? Et quel est le nombre maximal d'esclaves connu pour un seul propriétaire?

Je ne vais pas trop m'appesantir, le sujet a déjà été abordé avec exemples à la clé. La proportion générale est difficile à établir, puisque l'estimation du nombre d'esclaves porte à d'interminable discussions. A la louche, sur la base du recensement de Démétrios, entre 2 esclaves par libre et la parité, un pour un, dans les deux cas cela concerne hommes femmes et enfants, et pour les libres je ne sépare par les citoyens des métèques. Vraiment pour donner une idée.

Pour les cas par cas, le maximum qui soit attribué aux plus riches ne dépasse pas quelques dizaines (ouvriers et esclaves domestiques) ; Platon donne le maxi me semble-t-il lorsqu'il met en scène dans la République IX.578d "un de ces hommes qui ont cinquante esclaves et davantage". Les discours judiciaires qui énumèrent les possessions de l'un ou l'autre ne montent jamais autant (35 ouvriers pour l'un, une dizaine pour l'autre, plus quelques serviteurs à la maison...). On reste donc à Athènes très très loin des masses serviles des villa romaines qui se chiffrent par milliers.
A l'inverse, quasi tout le monde en dispose : c'est un bien de consommation courant, cher, mais pas tant que ça (un peu comme l'automobile de nos jours, présente dans la plupart des foyers, même si elle n'est pas donnée). Comme j'ai déjà abordé le sujet, je me contente d'un copié-collé :
Thersite a écrit :
Je redonne deux exemples représentatifs que j'ai déjà présenté ailleurs:
- dans le Ploutos d’Aristophane, Chrémylos est l’exemple type de ces petits propriétaires honnêtes et laborieux qui ont du mal à joindre les deux bouts. Mais il est accompagné de son esclave Carion, et son épouse est aidée dans les tâches ménagères par une adolescente. Et pourtant, c’est un citoyen lambda dans lequel le public peut se reconnaître. Sans être miséreux, ils sont pourtant pauvres, d'où l'intrigue.
- l'Invalide mis en scène dans le discours judiciaire homonyme de Lysias. Cet homme demande la charité publique auxquels ont droit les invalides à Athènes, à condition de prouver et leur handicap et leur pauvreté. A hauteur d'une obole par jours. Et comment ce bougre défend-il sa misère, telle qu'il ne peut vivre sans le secours public ? "Je n'ai pas encore pu me payer un esclave" (XXIV.6) ! Même lui, qui larmoyant mendie son pain au prytanée, trouve scandaleux n'avoir même pas encore pu s'en offrir un, mais ne désespère pas d'y arriver un jour !


Pour 180 drachmes, tu t'offres un brute sans formation mais en bonne santé capable de bosser au Laurion. Les femmes, les enfants, les difformes seront encore moins cher : bref, l'équivalent de quelques mois de travail pour un ouvrier, rien d'inaccessible. A cela s'ajoute une source d'approvisionnement gratuite, courante mais dans une proportion que j'ignore complètement : les enfants abandonnés et exposés, que ce soit des fils d'esclaves que le maître ne veut pas entretenir, ou très souvent, des enfants de libres qui ne souhaitent pas mettre en péril l'héritage de l'aîné. La situation était assez grave pour préoccuper Polybe par exemple: une petite recherche en interne devrait te fournir rapidement quelques exemples déjà donnés.


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Message Publié : 03 Fév 2012 22:02 
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Citer :
En théorie l’asservi pour dette peut être libéré quand il rembourse sa dette initiale. A Athènes Solon met fin à cette pratique. Aristote dans la constitution d’Athènes fait parler Solon :
« J’ai ramené à Athènes, dans leur patrie fondée par les dieux, bien des gens vendus plus ou moins justement, subissant une servitude indigne et tremblant d’humeur de leur maîtres, je les ai rendus libres. » Ainsi il était désormais considéré a Athènes immoral de rendre un concitoyen en statut de servitude,


Est ce qu'un esclave pour dette pouvait être vendu dans d'autres cités-état ou bien était-il juste esclave de son créancier ?


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Message Publié : 04 Fév 2012 13:28 
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Pierre de L'Estoile
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Le créancier en fait ce qu'il veut, il peut le garder ou bien le vendre, et pourquoi pas à l'étranger. Solon est allé les chercher à l'étranger pour les libérer : cf. Solon, Trimètres iambiques XXIV, v.8-15: Combien en ai-je ramenés, dans Athènes, leur patrie fondée par les dieux, qui avaient été vendus, les uns injustement, les autres avec justice, ceux-là exilés par contrainte, à cause de leurs dettes, et qui ne parlaient plus la langue attique, en hommes ayant erré en tous lieux, les autres, ici même, subissant une indigne servitude, et qui tremblaient devant l'humeur de leurs maîtres : je les ai faits libres .
A l'époque classique, on trouve à Athènes des esclaves pour dettes, béotiens, thessaliens, etc. Mais les Athéniens sont dorénavant protégés par la loi.


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Message Publié : 04 Fév 2012 13:47 
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Merci pour ta réponse.

Je comprends pas comment techniquement Solon a pu ramener les esclaves pour dette qui étaient à l'étranger.
Il a usé de menaces ou bien les a racheté ? Puisque les lois d'Athènes ne s'appliquaient qu'à Athènes j'imagine.


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Message Publié : 04 Fév 2012 14:09 
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Pierre de L'Estoile
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Non, non, il n'a pas du tout les moyens de menacer qui que ce soit ; ce sont des rachats, aux frais de l'état.
Maintenant, il ne faut pas trop se faire d'illusions sur la portée réelle de la mesure à l'étranger.
D'une part parce que Athènes à l'aube du VIe est loin d'avoir la richesse et la puissance qu'elle aura au Ve, voire même sous Pisistrate. Pour l'instant, elle en bave ne serait-ce que que pour tenir Egine et Mégare à distance ; la mesure ne peut être que très partielle, et surtout du concerner ceux qui étaient restés en Attique, même si les réseaux d'alliances publique et familiales peuvent donner plus d'ampleur aux rachats, via les proxènes et les relations d'hospitalités individuelles des grandes familles athéniennes, comme les Alcméonides, qui gagnent aussi prestige et clientèle en y participant.
D'autre part, parce que Solon et ses mesures sont en bonne partie mythiques ; le personnage est devenu un archétype, et est très mal connu comme la plupart des Sept Sages de la Grèce archaïque (cf. La Vie de Solon de Plutarque, qui se contredit souvent et accumule beaucoup d'erreurs manifestes). Même sa poésie, partiellement conservée, doit être en partie apocryphe. Quant à ses mesures dont la fameuse "constitution solonienne", elle n'a pas été appliqué avant le coup d'état de Pisistrate... plus de trente ans après sa promulgation !


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Message Publié : 06 Fév 2012 10:37 
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Majesté a écrit :

Je pense avoir compris le lien , Athènes comptait au total environ 90 000 citoyens libres, 365 000 esclaves, 45 000 métèques. Il y avait 18 esclaves pour un citoyen libre.

Bien à vous.


Chiffres complètement farfelus. Et contradictoires.

EN EFFET
1) 18 esclaves par citoyen libre --> 18x90 000 = 1 620 000 esclaves
soit une population totale de 1 755 000 pour l'Attique !!!
Ce qui ferait une densité de 650 hab/km2...!!!

Or en calculant les surfaces de blé cultivées, la productivité à l'hectare et la consommation par habitant, on estime que le déficit alimentaire pouvait commencer dès que la densité dépassait 36 hab./km2 !

2) 365 000 esclaves pour 90 000 citoyens libres --> 4 esclaves par citoyen !!!

Ya comme un os dans vos chiffres.

_________________
Amicalement. Chaeréphon

"Je n'espère rien, je ne crains rien, je suis libre."
http://chaerephon.e-monsite.com

Bailly = Liddell-Scott = Pape : http://chaerephon.e-monsite.com/pages/litterature/grec-ancien/bailly.html


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