ene a écrit :
Le sujet des esclaves est toujours lieux 100% à l'éthique et au moral modernes
Sûrement pas, nous faisons de l’histoire, pas de la morale. Nous n’avons pas à juger le passé, mais à le comprendre ; nous ne devons pas juger le passé si nous voulons espérer le comprendre. Ni en le blâmant à l’aune de nos cultures, ni en l’idéalisant pour je ne sais quelle raison.
Le sujet est l’esclavage en Grèce aux époques classiques et hellénistiques, pas l’opinion de M. X ou Mme Y sur le bien-fondé ou non de cette institution.
ene a écrit :
Moi tous ce que je dit simplement est que l'analogie citoyen maitre - esclave était la même analogie (si non souvent meilleure) du "chef-ouvrier"
Mais non ! Un esclave peut aussi bien être un ouvrier agricole qu’un régisseur, un ouvrier qu’un chef d’atelier, ou un ouvrier qualifié indépendant qui se contente de verser une dividende à son propriétaire. Il peut même être un intellectuel, maître d’école, scribe, etc.
Ce n’est absolument pas une classe sociale uniforme au sens où nous l’entendons, définie sur l’économie, puisque les conditions économiques qui les caractérisent sont des plus variées, du miséreux à la classe moyenne aisée. L’esclave, contrairement à l’ouvrier ne se définit pas par ses revenus ni par un type de travail particulier : tous les cas se présentent, au même titre que pour un citoyen ou un métèque. Un banquier, un régisseur, un cordonnier, un journalier agricole peuvent aussi bien être citoyens ou métèques, qu’esclaves.
La différence tient aux statuts et aux droits. Encore une fois rien à voir avec le diptyque patrons/ouvriers qui ont exactement les mêmes droits politiques et judiciaires.
ene a écrit :
Tu trouvais beaucoup des citoyens qui choisissaient vraiment les femmes comme çà
Oui, du moins pour les hommes, à plus forte raison pour les familles pauvres qui n’avaient rien à gagner ou à perdre à des alliances matrimoniales. Les contraintes familiales sont souples, à 1000 lieues du diktat du maître qui impose sans que le quidam ait son mot à dire, sans oublier que le maître peut tout à fait les séparer selon son bon vouloir, ou accorder la liberté à l’un et pas à l’autre, etc. Ce n'est pas les histoires d'amours heureuses qui manquent dans la littérature grecque...
ene a écrit :
Avoir un/une esclave dans la maison était le lux total (l'équivalent d'acheter une Porche) et seulement les moyenne-haute classe pourraient avoir 1
Absolument pas, c’est un bien de consommation courant (comme la voiture: cher mais généralisée
), cher certes, mais accessible pour la plupart des foyers (surtout qu’il y a d’autre mode d’approvisionnement que l’achat, par exemple en recueillant des enfants abandonnés), largement répandu, d’où leur nombre en dépit de l’absence de très gros propriétaires (fonciers en particulier) ! Lit Aristophane par exemple, ou les discours de Lysias !
Je te renvoie à cette conversation-ci où ces problématiques ont déjà été abordées :
Article sur l’esclavageene a écrit :
parmi eux très très peu pourrait éviter tout type de travail
Evidemment puisque l’esclave, contrairement à l’ouvrier, n’en a pas le monopole d’une activité. Il s’agit dans la majorité des petits foyers de l’homme à tout faire et/ou de la petite bonne qui aide la femme dans ses tâches ménagères. A cette échelle, maîtres et esclaves font à peu de choses prêts exactement le même travail.
ene a écrit :
Le travail manuel n'était jamais considéré comme humiliant
Affirmer « jamais » pour ensuite admettre des exceptions, cela me dépasse… La norme est certes aristocratique, mais comme souvent les normes aristocratiques, elle est aussi acceptée et enviées par les couches plus populaires de la populations. La plupart des invectives politiques tiennent soit à leur hérédité soit-disant douteuses, soit… à des accusations de travail manuel, ou pour mieux dire artisanal le travail agricole lui restant honorable. Je t’invite à lire les joutes verbales d’un Démosthène ou d’un Eschine… Il suffit aussi de regarder le vocabulaire.
Banausia au sens propre est relatif au travail manuel ; au sens figuré par contre il est synonyme de vulgarité et de mauvais goût. On pourrait aussi se reporter aux lois spartiates qui interdisent tout travail manuel aux citoyens. Etc.
Hérodote II.167 :
je vois […] presque tous les peuples barbares refuser eux aussi toute considération à ceux de leurs concitoyens qui apprennent les divers métiers manuels, ainsi qu’à leurs descendants, et juger nobles ceux qui n’ont pas à travailler de leurs mains, et surtout ceux qui se consacrent à la guerre. En tout cas les Grecs ont tous adoptés cette idée,et surtout les Lacédémoniens ; c’est à Corinthe que l’exercice d’un travail manuel rencontre le moins de mépris.Ce n’est pas des exemples isolés, je peux t’en fournir des pages entières de Xénophon, Platon, Aristote… Ce mépris ne s’applique pas forcément aux individus, mais à la fonction, servile dans le sens où elle m’est l’ouvrier au service d’un autre, un patron ou un client.
ene a écrit :
Le contraire, être paresseux était le pire
Mais il y a d’autre types de travaux que le travail manuel ! Grand commerce, chef d’atelier, banque, régisseur, armée, voire enseignement pour ne donner que quelques exemples sont autant d’occupations « nobles » qui ne salissent pas les mains !
ene a écrit :
un texte de Platon ou il explique sa volonté d'éviter le travail manuel
Relit Platon, tu ne l’as pas compris. Il ne s’agit pas d’éviter le travail manuel, qui ne peut être évité et doit être fait, et que d’une certaine manière il célèbre, mais de renier les droits politiques à tous les ouvriers, jugés indignes, fussent-ils citoyens, et sans référence à leur éventuel richesse. Le travail est même jugé abrutissant dans sa bouche :
Platon,
République, VI.495d-e :
leurs corps ont été mutilés, de même [495e] aussi leurs âmes se trouvent brisées et disloquées par le travail manuel ene a écrit :
la plupart des travaux importants (bâtir des bateaux, construire des bâtiments publiques, des temples etc.) étant réalisés par des ouvriers libres (citoyens ou immigrés) et des techniciens (citoyens ou immigrés) pour la même raison que tu ne vas pas employer le travailleur noir de ton resto local pour travailler dans la construction d'un centre de recherche même pour transporter le matériel (ce parallélisme est 100% parfait).
Qu’est ce qui te permet d’affirmer cela ? Evidemment qu’il existait des esclaves sur les chantiers ! Au nom de quoi un esclave ne pourrait-il pas exercer les métiers, courant, de maçon ou d'ouvrier naval ? A plus forte raison dans ce genre de travaux techniques, les entrepreneurs font appel à de petites entreprises d’ouvriers qualifiés encadrés par un contremaitre. Ils peuvent tout à fait être esclaves… il semble même, à vérifier, que c’est confirmé par l’épigraphie, les comptes de l’Erechthéion pour la construction du Parthénon.
Encore un anachronisme qui tombe à l’eau…
ene a écrit :
Donc beaucoup parler pour peu de choses. Il faut pas rester aux titres.
Si, justement, il convient dans la limite du raisonnable de rester aux titres, faute de quoi un sujet part en vrille sur n'importe quoi, ce qui semble bien parti. Si tu veux traiter de l'histoire de l'esclavage en général et de sa conception, reporte-toi par exemple à ce sujet-ci:
Histoire de l'esclavage. Les origines dans le forum Histoire Globale.