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Message Publié : 25 Fév 2004 9:36 
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Grégoire de Tours
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Mais évidemment que la violence fait partie des moeurs d'un empire militaire tel Rome, le nier serait la dernière idiotie.

Mais d'autre part Suétone et Tacite sont otus deux hostiles, pour des raisons différentes, aux empereurs. Et leurs avis et anecdotes ne sont pas toujours, loin de là, objectifs.

Quant aux 15000 prisonniers exécutés, cela ne m'étonne pas, quoique je n'en aie jamais entendu parler. Après une victoire, il faut éliminer toute possibilité de retour à la révolte et quels meilleurs fauteurs de troubles que les défaits. De plus leur exécution permet de faire un exemple et de décourager d'autres tentatives.

En conclusion il me semble que vous confondez ici violence et cruauté.

_________________
"La culture de la pomme de terre est un témoin géographique de la découverte de l'Amérique, comme celle de la betterave est une conséquence du Blocus continental"
* L.-E. Halkin


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Message Publié : 25 Fév 2004 10:33 
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Grégoire de Tours
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Le monde romain est violent et cruel ? Soit, cela relève du bon sens de le dire, car je ne connais guère d'exemple de peuples conquérants qui ne l'aient été, y compris dans l'histoire récente.

Par conséquent, la question est mal posée. Il vaudrait mieux se demander si cette violence et cette cruauté ont quelque chose d'innédit à leur époque. Et là j'en doute fort. Certes, la "violence" propre à Rome a souvent servi à mettre en valeur les moeurs supposés plus "pacifiques" des Grecs. Que l'on pense aux réactions horrifiées des Grecs face aux excès de l'armée romaine en Grèce, notamment contre Corinthe. Mais tout cela revient à oublier un peu vite que l'histoire grecque montre à peine moins de cruauté que celle de Rome. Que l'on pense par exemple à la guerre du Péloponnèse: les sorts de Platée, de Mélos, des prisonniers athéniens à Syracuse ou à Aigos Potamos, les massacres perpétrés par les Thraces employés par Athènes. Ou encore au sort fait à Thèbes par Alexandre le Grand. Bref, la guerre étant ce qu'elle est, je doute fort que les Romains ait montré une violence exceptionnelle pour leur temps. Tout au plus pourrait-on relever que l'équipement du légionnaire (la fameuse épée espagnole) était mieux conçu pour massacrer que celui de l'hoplite ou du phalangite: les blessures d'un genre nouveau que les Grecs découvrient face aux Romains contribuèrent assurément à développer chez eux une image terrifiante de leur adversaire.

Pour ce qui est des empereurs romains tyraniques, il ne faut pas oublier qu'il s'agit quand même en partie d'un topo littéraire chez des écrivains comme Suétone et Tacite. Pour un Romain, le mauvais empereur est celui qui aspire au despotisme, qui méprise la Res Publica et dont le comportement se rapproche de celui d'un roi, c'est-à-dire d'un Tarquin si détesté des Romains. De fait, pour ces écrivains il s'agit de montrer que ces empereurs se rapprochent des souverains orientaux hellénistiques. Et ce ne sont pas les exemples de cruauté ou de débauche qui manque dans l'histoire de ces souverains ! En ce sens, là encore, il n'y a pas d'exception romaine. Les horreurs du règne d'un Caligula ou d'un Néron ne sont guère une nouveauté si on les compare aux sombres histoires des monarchies lagide ou séleucide, ou encore à celles de certains tyrans grecs.

Bref, tout comme il ne me semble guère y avoir d'"exception antique" quant à la violence dans l'histoire, il ne me paraît guère plus y avoir une "exception romaine" dans cette violence antique.


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Message Publié : 25 Fév 2004 12:54 
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Je pense que la perception de la violence varie fortement d'une époque à l'autre.

Elle dépend des valeurs propres à chaque société et il serait absurde de vouloir qualifier l'attitude des romains par référence à nos propres valeurs.

Par exemple nous n'attribuons pas la même valeur à la mort que les anciens.

De même pour la valeur de la vie humaine.

Ainsi l'esclave, même chez les grecs, n'est qu'un objet dont le maître peut disposer à sa guise...

De même, il est admis par les anciens que le droit de la guerre autorise le vainqueur à réduire en esclavage les vaincus et à piller leurs biens.

C'est vrai que les romains ont parfois été décris par les auteurs grecs comme des brutes sanguinaires.

On cite parfois l'exemple de la bataille de Magnésie où les hoplites ont été massacrés par les légions romaines alors qu'ils avaient levé leur lance en signe de réddition.

C'est une anedectote qui démontre simplement des usages différents, non une cruauté exacerbée des romains.

Il me semble donc que les romains n'étaient pas plus ni moins cruels ou violents que leurs contemporains... :roll:


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Message Publié : 25 Fév 2004 13:53 
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Grégoire de Tours
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Bien que Cicero ait raison de dire que les Romains ne sont à tout prendre ni plus ni moins cruels que leurs contemporains, quelque chose me gêne dans son raisonnement.

Peut-on relativiser à ce point les notions de violence et de cruauté ?
Un exemple: quand Heydrich déclare à ses officiers SS qu'il est justifié de faire périr des femmes et des enfants slaves afin de leur faire creuser un fossé antichar qui sauvera des vies de soldats allemands, on se retrouve face à une vision toute relative de la cruauté. Pour autant, peut-on dire qu'il n'y a ni cruauté ni violence extrême dans ce cas, sous prétexte que les nazis avaient une autre façon de la percevoir ?

De la même façon, les légionnaires qui massacrent les prisonniers séleucides au nom de la grandeur de Rome se pensent certainement justifiés. Est-ce que cela doit nous conduire à retirer le qualificatif de cruauté exacerbée à ce geste ? SUREMENT PAS ! Et ceci pour deux raison:

1) Quand l'historien parle de violence, il s'appuie sur une définition contemporaine de ce terme, ce qui en fait un outil d'analyse pour qualifier des comportements anciens et nous les rendre compréhensibles. Un meurtre, qu'il soit commis il y a 2000 ans ou maintenant reste un meurtre: le massacre de prisonnier est un geste de violence extrême, qu'il ait lieu au XXème siècle ou sous l'Antiquité. L'historien n'est certes pas là pour juger de la justification du geste, son travail consistant à en comprendre les motivations. Mais il lui appartient à rendre au geste son véritable qualificatif.

2) On pourrait répliquer: et si ces légionnaires ne jugent pas leur geste cruel ? Mais il faudrait alors prouver que le même geste infligé justement à des légionnaires ne serait pas considéré par les Romains comme cruel. Or, il y a assez de textes pour montrer que même sous l'Antiquité, les hommes ont une certaine idée de ce qui est violent et cruel. Massacrer l'homme sans défense est jugé tel dans de nombre de ces textes. En conséquence, quand le légionnaire massacre le prisonnier grec, il est conscient que son geste est très cruel (il le jugerait ainsi s'il le subissait), mais l'estime justifié.

Par conséquent, je trouve parfaitement justifié de parler de violence et de cruauté concernant ces comportements anciens. La seule relativisation possible du phénomène étant dans sa justification par les hommes de cette époque.


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Message Publié : 25 Fév 2004 16:39 
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L'exemple que tu donnes sur les agissements des SS me paraît conforter une analyse relativiste de la violence et de la cruauté.

En effet, cette attitude odieuse personne n'en disconvient, a été jugée comme telle par les contemporains de ces actes de barbarie.

Il n'en va pas de même des actes de guerre commis pendant l'antiquité où encore une fois il n'existait pas de Convention de genève protegeant les prisonniers.

Ces-derniers pouvaient être réduits en esclavage, c'est-à dire réifiés, ce qui impliquait la possibilité de les tuer.

Celà était communément admis, même si c'était peu fréquent car on préférait les vendre pour en retirer un profit substanciel.

Ce que je veus dire, c'est que les romains n'étaient pas SPECIALEMENT cruels.

Pas plus que ne peux l'être un être humain, du moins... :?


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Message Publié : 25 Fév 2004 20:24 
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Je vois une contradiction cependant. Tu dis qu'il n'y avait pas de convention pour protéger les prisonniers mais en même temps il semble y avoir un consensus sur le sort des prisonniers dont on peut faire ce que l'on veut. Je n'en suis pas sûr. Tite-Live donne de bons exemples de sorts malheureux de prisonniers romains qui ont choqué les Romains et les ont entraîné à se venger en retour. Preuve qu'au contraire ni les Romains, ni les Grecs n'acceptent de voir maltraiter les leurs du moment qu'ils sont prisonniers. Que l'on pense aussi au cas des prisonniers lacédémoniens après Sphactérie: Sparte fait tout son possible pour les récupérer vivants.
Ceci montre que pour au moins une partie des combattants (les citoyens, les "nationaux"), il semble y avoir une sorte de conscience d'un "droit" particulier les concernant, ce qui peut expliquer l'horreur que soulève son non respect, et l'on pense-là en particulier aux Grecs. C'est à ce titre que Polybe déplore certains aspects de la politique romaine en Grèce. Bien entendu, ce "droit" est probablement beaucoup moins respecté que ne le sont les conventions de notre temps, compte tenu de la réalité des rapports de force qui pousse les vainqueurs aux excès.

Bien entendu, dès qu'il s'agit des mercenaires ou des barbares, personnages guère mieux valables que des esclaves aux yeux de nombre de Romains ou de Grecs, le jugement est différent. Mais là encore le comparatif avec le nazisme est éclairant. Les conventions tels que la convention de Genève n'ont aucune valeur aux yeux d'un adepte du national-socialisme, attendu qu'elles reposent sur une aberration philosophique, à savoir l'égalité entre les hommes. Il en va de même pour l'esclave dans le monde antique. Le nazi n'est pas plus violent pour son époque que le Romain ne l'est: dans les deux cas, une vision de l'autre justifie cette violence. Je ne compare pas le Romain au nazi, nous sommes d'accord, ma démarche est d'une autre nature. Elle repose sur la crainte que si l'on absoue la violence de l'un, il me semble que l'on peut tout autant absoudre la violence de l'autre, car dans les deux cas elles reposent sur des représentations mentales du monde et de l'homme parfaitement acceptées comme des vérités, mais qui ne sont vérités que pour ceux qui les professent et sont loin de faire l'unanimité autour d'eux.

Bref, quand un Romain massacre un prisonnier grec, la réaction grecque était-elle de considérer que c'est normal car étant le droit du vainqueur dans le monde antique, ou bien y avait-il une réprobation d'un acte jugé comme de la stricte barbarie et contraire à l'éthique d'un peuple civilisé ?


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Message Publié : 26 Fév 2004 22:10 
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Pyrrhos a écrit :
Je vois une contradiction cependant. Tu dis qu'il n'y avait pas de convention pour protéger les prisonniers mais en même temps il semble y avoir un consensus sur le sort des prisonniers dont on peut faire ce que l'on veut. Je n'en suis pas sûr. Tite-Live donne de bons exemples de sorts malheureux de prisonniers romains qui ont choqué les Romains et les ont entraîné à se venger en retour. Preuve qu'au contraire ni les Romains, ni les Grecs n'acceptent de voir maltraiter les leurs du moment qu'ils sont prisonniers. Que l'on pense aussi au cas des prisonniers lacédémoniens après Sphactérie: Sparte fait tout son possible pour les récupérer vivants.
Ceci montre que pour au moins une partie des combattants (les citoyens, les "nationaux"), il semble y avoir une sorte de conscience d'un "droit" particulier les concernant, ce qui peut expliquer l'horreur que soulève son non respect, et l'on pense-là en particulier aux Grecs. C'est à ce titre que Polybe déplore certains aspects de la politique romaine en Grèce. Bien entendu, ce "droit" est probablement beaucoup moins respecté que ne le sont les conventions de notre temps, compte tenu de la réalité des rapports de force qui pousse les vainqueurs aux excès.

/.../

Bref, quand un Romain massacre un prisonnier grec, la réaction grecque était-elle de considérer que c'est normal car étant le droit du vainqueur dans le monde antique, ou bien y avait-il une réprobation d'un acte jugé comme de la stricte barbarie et contraire à l'éthique d'un peuple civilisé ?


Non, il existe une "coutume internationale" (bien que le terme soit un peu anachronique) que les auteurs anciens résument en ces termes:

"Les douleurs sont le lot des mortels dont les villes sont prises" (Homère, Illiade, IX, v.592)

ou encore: "c'est une loi universelle et éternelle que dans une ville prise par des ennemis en état de guerre, tout, et toutes les personnes, et les biens, appartient au vainqueur" (Xénophon, Cyropédie, VII, 5, 73).

Les vaincus sont donc au pouvoir des vainqueurs.

Au reste, les romains eux-mêmes refusèrent de payer la rançon de leurs prisonniers après la bataille de Cannes et ces-derniers fûrent vendus comme esclave.

Pyrrhos a écrit :
Bien entendu, dès qu'il s'agit des mercenaires ou des barbares, personnages guère mieux valables que des esclaves aux yeux de nombre de Romains ou de Grecs, le jugement est différent. Mais là encore le comparatif avec le nazisme est éclairant. Les conventions tels que la convention de Genève n'ont aucune valeur aux yeux d'un adepte du national-socialisme, attendu qu'elles reposent sur une aberration philosophique, à savoir l'égalité entre les hommes. Il en va de même pour l'esclave dans le monde antique. Le nazi n'est pas plus violent pour son époque que le Romain ne l'est: dans les deux cas, une vision de l'autre justifie cette violence. Je ne compare pas le Romain au nazi, nous sommes d'accord, ma démarche est d'une autre nature. Elle repose sur la crainte que si l'on absoue la violence de l'un, il me semble que l'on peut tout autant absoudre la violence de l'autre, car dans les deux cas elles reposent sur des représentations mentales du monde et de l'homme parfaitement acceptées comme des vérités, mais qui ne sont vérités que pour ceux qui les professent et sont loin de faire l'unanimité autour d'eux.



Je ne partage pas ton avis.

La différence essentielle entre les nazis et les romains ou les grecs est que les premiers ont enfreint une législation internationale: la convention de Genève.

Cette convention montre ce qui est socialement inacceptable pour l'ensemble de l'humanité à l'instant T: le XXème siècle.

Mieux, l'émoi légitime causé par les actes de barbaries des nazis va susciter de nouvelles normes internes et internationales pour sanctionner les crimes contre l'humanité.

Rien de tout celà dans l'antiquité.

Au contraire les romains sont en totale conformité avec la coutume internationale.

Encore une fois, mon propos n'est pas de légitimer la violence qui, j'en conviens, peut s'apprecier in abstracto.

Mais de mettre en exergue le fait que les romains n'étaient pas plus cruels que le sont les états modernes qui se disent démocratiques.

Je ne citerai pour preuve que l'attitude de la France lors des guerres de décolonisation, celle des USA lors de la guerre du Vietnam, en Afghanistan ou en Irak, etc...

Ces états n'ont pas respecté les conventions internationales, les romains si.... :roll:


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Message Publié : 26 Fév 2004 23:11 
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Je ne vois pas le sens de discuter de ce problème en fonction de l'existence de conventions internationales. C'est une vision extrémement légaliste qui n'a pas vraiment de sens.
La cruauté ou la violence ne se mesure pas en fonction du respect ou non de normes internationales, il me semble... bien qu'elles puissent être justifiées...

Keikoz

_________________
Dubitando ad veritatem pervenimus
Cicéron, De officiis


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Message Publié : 26 Fév 2004 23:44 
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Ne t'en fais pas, Cicero, j'ai bien compris que tu ne cherchais pas à légitimer une quelconque violence. C'est surtout une question de raisonnement.

Et de ce point de vue, il faudrait définir ce que l'on entend par "convention", car tu fais deux usages de ce terme qui ne sont pas équivalents.
Il n'existe sous l'Antiquité aucune convention correspondant à la convention de Genève: là je suis d'accord avec toi. Mais cela veut dire, pas d'accord non plus au sujet du sort épouvantable que l'on réserve aux prisonniers.

Car quand Xénophon ou Homère parle d'une "loi" s'abattant sur les villes prises, il faut faire attention à bien traduire ce propos: "loi" ne veut pas dire ici convention écrite entre des Etats, mais plutôt "loi naturelle", qui correspond tout simplement à ce qu'on appelle un rapport de force, bref en caricaturant, la "loi de la jungle" ou "loi du plus fort", c'est-à-dire ce qui est quand il n'y a précisément pas de convention, convention qui protégerait nécessairement le "faible" (comme Platon en discute dans un de ses dialogues). Et là je suis totalement d'accord avec ton propos: les auteurs grecs avaient fort bien compris qu'à la guerre celui qui a la force dicte de lui-même la loi: clémence ou massacre.
Et pourtant, l'histoire grecque montre bien peu de massacres de prisonniers: d'après Pierre Ducrey, sur 120 batailles, 24 seulement furent suivies d'un tel massacre. De la même façon, Ducrey reprend les deux phrases que tu as cités, mais montre qu'en fait il y eut très peu de carnages de villes prises, vu que la meilleure façon de les faire tomber était par accord ou trahison.
Il n'y avait donc pas de convention précise concernant le sort du vaincu en Grèce, mais cela dit une certaine convenance tendait à limiter les conséquences d'un désastre pour le perdant. Ce ne sont pas les Athéniens qui s'en plaignirent, eux qui échappèrent à la destruction grâce à la clémence des Spartiates.

A Rome, les choses sont differentes. Le droit des gens au niveau international pour les Romains reposait sur la fameuse Deditio. Le vaincu s'en remet totalement au vainqueur qui est libre d'agir à sa guise. Ce concept pris dans sa forme stricte était inconnu aux Grecs tout comme aux Carthaginois il semble: alors que ceux-ci pouvaient rechercher un compromis ou un accord en cours de conflit, les Romains les surprirent par leur entêtement et leur obstination à n'accepter d'autre paix que celle par laquelle le vaincu s'en remettait à eux. Et le sort que Rome réserva au vaincu ne fut souvent pas tendre. Véies, Carthage ou Corinthe face aux Romains n'eurent donc pas la chance d'Athènes face aux Spartiates (alors que le conflit fut assurément tout aussi violent). D'où aussi cette incompréhension des Grecs face à la violence des Romains lors de leurs campagnes en Grèce: les Romains, agissant conformément à leur propre conception de la guerre et du "droit international", ont choqué des Grecs dont la conception du droit des gens devait sensiblement différé.

Mais j'insiste bien sur ce point: il s'agit du rapport entre Romains et Grecs. Comparés aux autres peuples antiques, les Romains ne semblent guère plus cruels. On pourrait même dire que leur approche juridique du droit international est plus abouti que la plupart de ces peuples. Il n'en reste pas moins vrai qu'en certaines occasions, et le contact avec la Grèce est le plus net, Rome se montra bien en décalage sensible avec ce que pouvait être une approche plus "civilisée" de ce droit des gens sous l'antiquité.

Pour finir, mais c'est une parenthèse, les très bons exemples que tu as donné de non-respects des conventions à notre époque m'incitent à penser que la guerre reste encore très largement une question de rapport de force: le respect des accords internationaux dépendant largement de la bonne volonté du vainqueur, voir de la bonne santé de son régime démocratique, s'il en a un...

Bien entendu, pour reprendre la remarque de keikoz, du point de vue de l'historien, la violence reste un concept qui n'est pas attaché à une définition juridique liée aux différentes époques. C'est un qualificatif que l'on "colle" aux actes en fonction du système de valeurs qui est le nôtre aujourd'hui...Car le but de l'historien reste quand même d'expliquer le passé aux hommes d'aujourd'hui.


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Message Publié : 27 Fév 2004 10:25 
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Polybe
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C'est précisément pourquoi je parle de cruauté et non de violence.

Car la cruauté suppose un jugement de valeur.

Or les normes juridiques sont le reflet de la morale à l'instant où elles sont prises.

Pour revenir à la notion de convention internationale dans l'antiquité, je ne dis pas qu'il existe de texte écrit et négocié par plusieurs états au sens moderne du terme.

Mais une coutume non écrite en vigueur non seulement dans le bassin méditérranéen (cf par exemple plusieurs passages de l'Ancien Testament), mais également en Inde et en Chine pour ne citer que les régions sur lesquelles nous avons des témoignages écrits.

Platon est un philosophe, c'est même le précurseur de la théorie du droit naturel qui sera longement dévellopée par Gotius à la Renaissance.

Or le théorie du droit naturel a fortement imprégnée la philosophie des lumières dont est issue la Déclarations des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789.

Malheureusement, nul n'étant prophète en son pays, la pensée de Platon n'eut pas d'écho antique sur les moeurs guerrières ou la coutume internationale.


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Message Publié : 27 Fév 2004 11:43 
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Grégoire de Tours
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Inscription : 18 Fév 2004 22:53
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"Mais une coutume non écrite en vigueur non seulement dans le bassin méditérranéen (cf par exemple plusieurs passages de l'Ancien Testament), mais également en Inde et en Chine pour ne citer que les régions sur lesquelles nous avons des témoignages écrits."

Hmm... Cela reste trop vague, surtout si l'on considére qu'il existe tout autant des témoignages du contraire.

Mais prenons le terme de "coutume": il suppose au moins un accord tacite. Or je persiste à penser que cette "coutume" témoigne plutôt d'une absence d'accord. Je m'explique. Basiquement, la forme première de tout conflit dans le règne animal me semble celle-ci:
1) j'affronte l'ennemi
2) Soit il fuit
3) Soit je l'extermine pour m'en débarasser

Le concept de prisonnier marque une évolution importante par rapport à cela. Pourquoi un homme se rend-il ? Précisément parce qu'il a l'espoir d'échapper à la mort en se donnant à son ennemi. Or si la coutume acceptée de tous est de massacrer ou de torturer le prisonnier, le combattant n'ayant aucun espoir devrait fort logiquement se battre à mort. Quand les Grecs baissent les lances face aux Romains, c'est bien parce qu'ils en espèrent une clémence. Donc la "coutume" de massacrer le prisonnier ne va pas de soi, sans quoi il n'y aurait même pas de mot pour désigner le prisonnier.
Bien sûr, le vainqueur est maître de son choix (la Deditio des Romains). Cependant, il y a une forme de responsabilité de sa part dans le sort qu'il réserve au prisonnier, celui-ci ayant cesser le combat dans l'espoir de conserver sa vie.
Aussi, la "coutume" est de voir le vainqueur maître du destin du vaincu, mais pas forcément de voir ce vainqueur agir cruellement. Par conséquent, l'acte du vainqueur peut être soumis au jugement et à la réprobation des hommes, si ceux-ci considérent que le sort infligé au vaincu n'était pas justifié (et là, les textes anciens sont très clairs: la cruauté de certains vainqueurs vis-à-vis des prisonniers a clairement été dénoncée). Bien entendu, chaque peuple aura ses propres critères de justification (il est probable que la distinction entre Barbare et civilisé joue beaucoup à ce niveau), mais cela montre bien qu'il n'y a pas de "coutume"unanime selon laquelle le vainqueur est justifié dans le massacre du vaincu quelqu'il soit.


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Message Publié : 04 Mars 2004 0:39 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant

Inscription : 17 Oct 2003 18:37
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Je prends le débat un peu en cours; mais à propos du décalage Grecs/Romains il y a un point à souligner je pense ; c'est que pour les Grecs, la guerre entre cités était l'état naturel, il était courant de se faire la guerre entre Grecs, si bien que la coutume grecque, si l'on peut dire, était que les vaincus étaient des gens parlant la même langue et honorant les mêmes dieux, enfin, pratiquement des semblables. D'où des coutumes de clémence et de guerre un peu ritualisée que l'on voyait au Ve siècle, telles que présentées par V D Hanson dans 'Les guerres grecques".
Evidemment, quand l'ennemi a été Perse, Macédonien, Romain, cette vision de l'ennemi comme semblable ne pouvait plus marcher, ni d'un côté ni de l'autre. Si bien qu'on avait, en quelque sorte, des Grecs qui avaient déjà quelques notions -même en théorie limitées à des cas précis - de clémence envers ceux qui se rendent, que les Romains n'avaient pas. D'où l'incompréhension des premiers devant ce qui paraissait "naturel" aux seconds...


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Message Publié : 27 Juin 2004 11:27 
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Polybe
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Inscription : 27 Juin 2004 2:00
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Il faut relativiser la notion de cruauté. A l'époque on peut dire que c'était "normal" car aucun peuple à ma connaissance ne peut-etre épargné de cette adjectif.

La cruxifixion qui pourrait paraitre à nos yeux cruelle était à l'époque une sentence pas plus cruelle qu'une autre, je dirai même "classique" et n'avait pas cette connotation.

«Les grands hommes ne sont jamais cruels sans nécéssité» Napoléon Bonaparte


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Message Publié : 27 Juin 2004 11:39 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines

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Et puis, en termes de cruauté, on peut juger aussi que le Moyen-Age n'était pas mal loti. Le supplice de la roue, c'était jusqu'à il n'y a pas si longtemps. Et je ne suis pas certain que Ravaillac ait été le dernier homme écartelé en France.

Les romains avaient eux aussi la notion de clémence envers ceux qui se rendent. C'est le principe selon lequel le vaincu s'en remettait à la fides du vainqueur. Simplement, la notion de fides donnait lieu à une interprétation plus en faveur du vainqueur chez les romains que chez les grecs.

Mais pour tout le monde, il était normal de faire passer de vie à trépas des esclaves révoltés. Et par ailleurs, pour les romains, ne pas respecter la fides était un crime particulièrement grave, notamment au regard des dieux, qui justifiait la punition la plus sévère.


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Message Publié : 27 Juin 2004 22:42 
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Polybe
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Inscription : 27 Juin 2004 2:00
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Je pense que c'est au moyen age que revient la palme. Pour ceux qui ont le coeur bien accroché: http://www.heresie.com/defini.htm


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