Pyrrhos a écrit :
Je vois une contradiction cependant. Tu dis qu'il n'y avait pas de convention pour protéger les prisonniers mais en même temps il semble y avoir un consensus sur le sort des prisonniers dont on peut faire ce que l'on veut. Je n'en suis pas sûr. Tite-Live donne de bons exemples de sorts malheureux de prisonniers romains qui ont choqué les Romains et les ont entraîné à se venger en retour. Preuve qu'au contraire ni les Romains, ni les Grecs n'acceptent de voir maltraiter les leurs du moment qu'ils sont prisonniers. Que l'on pense aussi au cas des prisonniers lacédémoniens après Sphactérie: Sparte fait tout son possible pour les récupérer vivants.
Ceci montre que pour au moins une partie des combattants (les citoyens, les "nationaux"), il semble y avoir une sorte de conscience d'un "droit" particulier les concernant, ce qui peut expliquer l'horreur que soulève son non respect, et l'on pense-là en particulier aux Grecs. C'est à ce titre que Polybe déplore certains aspects de la politique romaine en Grèce. Bien entendu, ce "droit" est probablement beaucoup moins respecté que ne le sont les conventions de notre temps, compte tenu de la réalité des rapports de force qui pousse les vainqueurs aux excès.
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Bref, quand un Romain massacre un prisonnier grec, la réaction grecque était-elle de considérer que c'est normal car étant le droit du vainqueur dans le monde antique, ou bien y avait-il une réprobation d'un acte jugé comme de la stricte barbarie et contraire à l'éthique d'un peuple civilisé ?
Non, il existe une "coutume internationale" (bien que le terme soit un peu anachronique) que les auteurs anciens résument en ces termes:
"Les douleurs sont le lot des mortels dont les villes sont prises" (Homère, Illiade, IX, v.592)
ou encore: "c'est une loi universelle et éternelle que dans une ville prise par des ennemis en état de guerre, tout, et toutes les personnes, et les biens, appartient au vainqueur" (Xénophon, Cyropédie, VII, 5, 73).
Les vaincus sont donc au pouvoir des vainqueurs.
Au reste, les romains eux-mêmes refusèrent de payer la rançon de leurs prisonniers après la bataille de Cannes et ces-derniers fûrent vendus comme esclave.
Pyrrhos a écrit :
Bien entendu, dès qu'il s'agit des mercenaires ou des barbares, personnages guère mieux valables que des esclaves aux yeux de nombre de Romains ou de Grecs, le jugement est différent. Mais là encore le comparatif avec le nazisme est éclairant. Les conventions tels que la convention de Genève n'ont aucune valeur aux yeux d'un adepte du national-socialisme, attendu qu'elles reposent sur une aberration philosophique, à savoir l'égalité entre les hommes. Il en va de même pour l'esclave dans le monde antique. Le nazi n'est pas plus violent pour son époque que le Romain ne l'est: dans les deux cas, une vision de l'autre justifie cette violence. Je ne compare pas le Romain au nazi, nous sommes d'accord, ma démarche est d'une autre nature. Elle repose sur la crainte que si l'on absoue la violence de l'un, il me semble que l'on peut tout autant absoudre la violence de l'autre, car dans les deux cas elles reposent sur des représentations mentales du monde et de l'homme parfaitement acceptées comme des vérités, mais qui ne sont vérités que pour ceux qui les professent et sont loin de faire l'unanimité autour d'eux.
Je ne partage pas ton avis.
La différence essentielle entre les nazis et les romains ou les grecs est que les premiers ont enfreint une législation internationale: la convention de Genève.
Cette convention montre ce qui est socialement inacceptable pour l'ensemble de l'humanité à l'instant T: le XXème siècle.
Mieux, l'émoi légitime causé par les actes de barbaries des nazis va susciter de nouvelles normes internes et internationales pour sanctionner les crimes contre l'humanité.
Rien de tout celà dans l'antiquité.
Au contraire les romains sont en totale conformité avec la coutume internationale.
Encore une fois, mon propos n'est pas de légitimer la violence qui, j'en conviens, peut s'apprecier in abstracto.
Mais de mettre en exergue le fait que les romains n'étaient pas plus cruels que le sont les états modernes qui se disent démocratiques.
Je ne citerai pour preuve que l'attitude de la France lors des guerres de décolonisation, celle des USA lors de la guerre du Vietnam, en Afghanistan ou en Irak, etc...
Ces états n'ont pas respecté les conventions internationales, les romains si....