Nos sources principales pour cet échange sont Tite-Live, livre XXXVII, et en particulier les §§ 37-44 consacrés à la bataille de Magnésie, et Appien,
La guerre Syriaque, §§ 30-36, complété par les quelques fragments survivants du livre XXI de Polybe, perdu en grande partie (et tout particulièrement son récit de la bataille) mais qui a servi de base aux deux autres, leur source originelle commune, selon toute vraisemblance.
Le problème galate n'est pas évident, car Tite-Live comme Appien, d'accord sur ce point, en font des cavaliers ; autrement dit, Polybe en fait des cavaliers. Tite-Live est plus précis pour leur nombre et leur placement: 40: "
À l'aile droite de cette phalange étaient placés quinze cents cavaliers Gallo-Grecs, soutenus par trois mille cuirassiers, nommés cataphractes, et par un escadron de mille chevaux, appelé agéma. (...) À l'aile gauche la phalange était soutenue par quinze cents cavaliers Gallo-Grecs, et deux mille Cappadociens de la même arme, envoyés au roi par Ariarathe. Puis venaient deux mille sept cents auxiliaires de diverses nations, trois mille cavaliers cataphractes et mille autres cavaliers couverts, eux et leurs chevaux, d'une armure un peu plus légère, ayant du reste la même tenue : ce corps, qu'en appelait l'escadron du roi, était un mélange de Syriens, de Phrygiens et de Lydiens. En avant de cette cavalerie étaient rangés les quadriges armés de faux, et les chameaux, appelés dromadaires, montés par des archers arabes, qui portaient des épées à lames étroites mais longues de quatre coudées, afin de pouvoir atteindre l'ennemi du haut de leurs montures. Puis la foule des auxiliaires, à peu près comme à l'aile droite : d'abord les Tarentins, ensuite deux mille cinq cents cavaliers Gallo-Grecs, mille Néocrétois et quinze cents Cariens et Ciliciens de la même arme, autant de Tralles; enfin quatre mille cétrats, Pisidiens, Pamphyliens et Lyciens."
Appien, Syr.32:
His horse were stationed on either wing, consisting of the mail-clad Galatians and the Macedonian corps called the agema, so named because they were picked horsemen. An equal number of these were stationed on either side of the phalanx. Besides these the right wing had certain light-armed troops, and other horsemen with silver shields, and 200 mounted archers. On the left were the Galatian bands of the Tectosagi, the Trocmi, the Tolistoboii, and certain Cappadocians furnished by king Ariarathes [IV Eusebes], and a mingling of other tribes. There was another body of horse, mail-clad but light-armed, called the Companion cavalry. In this way Antiochus drew up his forces. En tout et pour tout, Tite Live dénombre donc 1500 galates à droite, et 1500+2500 soit 4000 galates à gauche. Or ces données, prises déjà seules sont suspectes, puisque l'aile gauche présente étrangement deux groupes distinctes, un de 1500 et un autre de 2500. Le texte d'Apein explique en partie la confusion de Tite-Live : il est assez évident que Tite Live s'est mélangé les pinceaux, et a dédoublé le corps de l'aile froite, 1500h, en en plaçant un symétrique à droite, 1500 autres qui en fait font double emploi avec les 2500, mais qu'il a supposé de l'expression "an equal number of these were stationed on the either side", sans que ceci fasse référence aux Galates en particuliers. Donc dans les faits, ils ne sont vraisemblablement que 4000, 1500 à droite et 2500 à gauche.
Mais le problème des cavaliers reste entier, puisque Tite Live comme Appien sont très clair là dessus. Néanmoins, les doutes sont permis, pour deux raisons.
- la première, c'est tout simplement le total fournit par nos auteurs. TL, §37: "
Antiochus avait soixante-deux mille hommes d'infanterie et plus de douze mille chevaux"; Appien, §32:
The total force of Antiochus was 70,000. Comme Appien ne précise pas la proportion ni ne détaille les différents corps, restons sur Tite-Live: un peu plus de 12 000 cavaliers donc. Or, dans son décompte total, il dépasse largement ce chiffre (§40): 1500 Galates, 3000 cataphractes, 1000 Agêma, 1200 Dahae, soit 5700 cavaliers à l'aile droite ; 1500 Galates, 2000 Cappadociens, 2700 cavaliers d'origine diverse, 3000 cataphractes, 1000h de l'escadron royal, les Tarentins (nombre non précisés), 2500 Galates. Soit pour l'aile gauche, 12700 cavaliers. En tout et pour tout, 18400 cavaliers, sans compter les Tarentins oubliés dans le décompte.... Il y a donc un sérieux problème. 12 000, c'est déjà énorme; à Raphia, Antiochos aligne le même nombre de fantassins (62 000) mais seulement 6000 cavaliers. 18400 plus les Tarentins, c'est inimaginable...
Ce soucis, je le résoud pour ma part de trois manière:
- d'abord, on l'a vu, j'élimine le doublon de 1500 galates de l'aile gauche, ce qui nous fait 1500h de gagnés assez logiquement (reste encore 4000...)
- ensuite deux pistes. D'une part il est possible que les cavaliers Cappadociens aient été comptabilisés deux fois, d'abord seuls "
deux mille Cappadociens de la même arme, envoyés au roi par Ariarathe" puis dans la foulée mélangés aux autres : "
Puis venaient deux mille sept cents auxiliaires de diverses nations" Evidemment, c'est improuvable, ce n'est qu'une piste.
- d'autre part, que les Galates ne soient pas de la cavalerie. En effet, ils combattent au côté d'infanterie légère, "
trois mille hommes de troupes légères, composés de Tralles et de Crétois à peu près en nombre égal, et de deux mille cinq cents archers Mysiens" à droite soutenus par la cavalerie légère Dahae, et "mille Néocrétois et quinze cents Cariens et Ciliciens de la même arme, autant de Tralles" à gauche soutenus par les Tarentins, donc une une autre unité de cavalerie légère. Or cette formation, nous la retrouvons à Raphia, bien connue grâce à la description précise de Polybe (directe cette fois) ; et dans ce combat, les Galates participent au sein de l'armée séleucide, en compagnie des Néocrétois et autres psiloi, et sont définis comme des acontistes (V.82), c'est à dire des lanceurs de javelot, des troupes légères. Logiquement, s'ils combattent à la même place en compagnie des mêmes gugus, c'est que leur armement est identique. Donc qu'il ne s'agit pas de cavalerie, mais d'infanterie légère. Et hop, 4000 cavaliers en moins.
Si on refait les comptes, j'ai donc "effacé" 7500 cavaliers, il n'en reste donc que 10 900. Zut me direz vous, j'en ai trop fait par excès de zèle, il m'en manque maintenant au moins 1100... Et non ! Et les Tarentins ? Faut pas les oublier ! Ils sont placés à l'aile gauche, symétriquement aux Dahae, ils ont la même mission (celle de cavaliers légers), et soutiennent le même nombre d'hommes. Il serait logique qu'ils aient à peu près le même effectif, soit environ 1200 hommes.
Au final, mes corrections m'apportent bien à un peu plus de 12 000 cavaliers, sans avoir fait faire le grand écart au texte.
Ceci dit, le cas Galate reste problématique, puisque nos deux sources les mentionnent comme cavaliers, et que leur rôle comme cavaliers est encore mis en valeur dans les accrochages préliminaires en XXXVII.38 : "
Alors, un corps de mille cavaliers, Gallo-Grecs pour la plupart, avec quelques Dahes et des archers de différentes nations, traversant à grand bruit le fleuve, fondirent sur les postes romains. La surprise causa d'abord quelque confusion (...) la cavalerie du roi, épuisée de fatigue et cédant au nombre, tourna bride ; mais elle fut atteinte sur les bords du fleuve par l'ennemi qui la poursuivait et perdit plusieurs hommes avant d'avoir pu tenter le passage." Remarquons cependant qu'une fois de plus, les Galates combattent avec des troupes légères, les Dahae et les "archers de différentes nations", et que dans le déploiement, les Dahae sont destinés à couvrir les Tralles, les Crétois et les archers Mysiens, autrement dit des psiloi. Si les Galates sont bien les accontistes que je soupçonne, il est logique qu'ils escarmouchent en compagnie des Dahae. Mais on peut évidemment s'appuyer sur ce texte pour soutenir le contraire et démontrer que les Galates sont bien cavaliers dans cette bataille, au moins certains d'entre eux. Bref, rien d'assuré, du bricolage visant essentiellement à conserver les données concordantes d'Appien et de Tite Live, donc les chiffres de Polybe souvent très attentif à la question (même si parfois il se gourre lamentablement, comblant par de savants et audacieux calculs l'absence de données précises de ses sources ; en l'occurrence, ce ne doit pas être le cas, la famille Scipio a pu lui fournir nombre de détails).
Mr-Ionman aura sans doute des choses à dire là-dessus, il y a bossé plus longtemps que moi.
Ashimbabbar a écrit :
1/ quand on entend Macédoniens on pense "phalange"; cependant le fait qu'ils aient été mis à la garde du camp et mêlés à des thraces doit indiquer une infanterie pus légère
Ce n'est assurément pas une phalange, puisqu'il ne s'agit pas d'une unité officielle prêtée par Philippe V, mais un corps de volontaire (même pas qualifiés de mercenaires) recrutés on ne sait trop où ni comment. L'armement doit donc être soit improvisé, soit dans le meilleur des cas fourni par les Romains, donc plus ou moins armés comme les alliés latins.
Ashimbabbar a écrit :
2/ quel genre de troupes étaient les Tarentins ?
Ce sont des corps de cavalerie légère, en général bien équipée mais spécialisées dans le combat à distance, en jetant des javelots tout en évitant le combat. On les trouve à partir du milieu du IVe (autant que je m'en souvienne, ils apparaissent en tant que type de cavalerie, donc sans lien avec la ville de Tarente, sous Philippe II) et connaitront un grand essor à l'époque hellénistique, on les retrouve dans toutes les armées des diadoques et des ligues du IIIe. Les tacticiens antiques comme Asclépiodote les cataloguent au sein de la cavalerie intermédiaire, alliant l'armement et les tactiques à la fois de la cavalerie de choc et de la cavalerie de harcèlement. Asclépiodote, Traité de Tactique, 1.3 : "
Le type intermédiaire se compose de soldats appelés tirailleurs (acrobolistes) qui, en contact avec les flancs, combattent à l’aide d’arcs ou de javelots et ressemblent pour le reste de leur équipement aux uns et aux autres. Certains, après avoir lancés leurs javelots, combattent de près : ce sont eux qui l’on qualifie, tout particulièrement, de cavaliers légers ; mais, quand ils se contentent de lancer leurs javelots de loin, on les nomme Tarentins."
Des historiens comme Polybe ou Diodore les décrivent très souvent.
Il est probable qu'à l'origine, cette tactique s'est développé en Italie du Sud, mais à l'époque hellénistique, cela n'a plus aucun sens ethnique, un peu comme "Macédonien" au IIIe définit un armement (phalangite) et non plus l'origine du combattant, qui peut aussi bien être égyptien, syrien, libyen...
En général ce sont des troupes de qualité, mercenaires, hautement spécialisés.