J'ai l'impression que vous vous fondez pour partie sur des erreurs glanées du côté de Wikipédia (il y a beaucoup de boulot à faire de ce côté en matière d'histoire antique), pour partie sur l'idée que vous vous faites de ce qu'aurait pu être Marius le jeune et enfin sur des contresens.
Première erreur absolue et incontestable : Quintus Mucius Scaevola. Aucun Quintus Mucius Scaevola n'a jamais été le beau-père de Marius le jeune, vu que Marius le jeune a épousé une Licinia. En revanche, un Quintus Mucius Scaevola a bien été le grand-père de l'épouse de Marius le jeune : la Licinia précitée.
Mais ce Quintus Mucius Scaevola, ce n'est pas le consul de 95, grand pontife, effectivement massacré par les marianistes et Cinna en 87. C'est l'homonyme qui a été consul en 117, qui était un jurisconsulte particulièrement respecté, qui a tenté d'empêcher la première proscription de Marius et de son fils par Sylla en 88, et qui est mort de vieillesse peu après sans jamais être inquiété par l'époux de sa petite-fille.
Je précise que cette Licinia, épouse de Marius le jeune, n'était pas la fille de Publius Licinius Crassus, le consul de 97, qui a effectivement été victime des massacres marianistes de 87 avec son fils aîné Publius, et dont Marcus Licinius Crassus le triumvir a été le seul fils survivant. Au contraire, elle était la fille du consul de 95 et censeur de 92, Lucius Licinius Crassus, qui a soutenu les projets de Marcus Livius Drusus visant à accorder la citoyenneté romaine aux italiens, et qui est mort en 91 quelques semaines avant l'assassinat de Drusus et le déclenchement de la guerre sociale.
Marius le jeune n'était pas le véritable patron de la coalition dite "marianiste" au pouvoir à Rome au moment du retour d'Asie de Sylla. Il ne s'est pas fait "premier consul", vu que cette notion n'existait pas juridiquement à Rome (c'est une création institutionnelle de Napoléon) : les 2 consuls étaient des pairs juridiquement parlant, c'est le principe même de la collégialité.
Et surtout, Marius le jeune était à tous les sens du terme le "junior partner" dans l'équipe de consuls de 82 puisque c'est Carbo qui l'a persuadé de se faire élire consul à ses côtés. Pourquoi ? Parce que Carbo qui était devenu le principal patron des populares après la mort de Cinna avait besoin de remobiliser toutes les clientèles du défunt Marius le père, ses partisans et ses vétérans pour faire face au retour de de l'armée de Sylla (et de ses alliés Pompée, Metellus et Crassus qui avaient leurs propres troupes) en Italie depuis 83.
De ce point de vue, outre sa cruauté incontestable et son adhésion à des mesures incontestablement terroristes/criminelles, le véritable et seul tort du jeune Marius, ça a été de ne pas écouter les conseils de sa mère Julia qui l'exortait à ne pas accepter le consulat que Carbo lui proposait.
Je ne vois pas en quoi on peut en conclure que sa mère n'a pas été à la hauteur de Cornelia (mère des Gracques) ou d'Aurélia (mère de César).
Après tout, toutes les sources et les recherches historiques montrent que Servilia, la mère de Brutus et maîtresse de César, a été une femme tout à fait exceptionnelle et une véritable "femme" politique de tout premier plan à l'influence considérable. Elle s'est cependant arraché les cheveux quand son fils a divorcé pour épouser Porcia, la fille de Caton qui avait été le pire ennemi de César. Elle a tout fait pour l'empêcher d'épouser Porcia. Sans succès. De même qu'elle aurait vraisemblablement tout fait pour l'empêcher d'assassiner César (contrairement à la présentation romancée que fait la très mauvaise série Rome, de HBO) si elle avait été tenue au courant.
Simplement, de même qu'un fils de 41 ans n'obéit à sa mère que s'il le veut bien, un fils de 26/27 ans, également chef de famille depuis le décès de son père, n'obéit à sa mère que s'il le veut bien.
En 44, Atia et son second mari Lucius Marcius Philippus ont conseillé au jeune Caius Octavius de refuser le testament par lequel son grand oncle César lui léguait l'essentiel de ses biens et en faisait son fils adoptif. Octavien n'a peut-être pas été un bon fils mais il a construit son succès politique en commençant par accepter ce testament.
Pour revenir à Marius le jeune, je ne vois même pas comment on peut lui reprocher d'avoir accepté le consulat avant même d'avoir exercé la questure. Après tout, en 83, à tout juste 23 ans, le jeune Pompée levait tout seul une armée parmi ses clients et parmi les vétérans de son père dans le Picénum et se faisait saluer du titre d'"impérator" par Sylla, ce dernier étant trop content de pouvoir ainsi bénéficier du renfort de 3 légions privées.
Pompée, lui, s'est avéré avoir un grand talent militaire, et peut-être aussi ce qu'il fallait de chance. Par ailleurs, aucune source ne mentionne qu'il aurait eu un père ou une mère aux qualités d'éducateurs remarquables.
Une chose est sûre, en revanche, c'est que Pompée, lui, a très bien retenu la leçon de l'opportunisme particulièrement cynique de son père (universellement décrit comme un intriguant sans scrupule et détesté) et a très bien su utiliser les immenses terres et clientèles acquises par son père.
De toute façon, à ce stade, Marius le jeune n'avait pu le choix. Cinna était mort. Marius le vieux était mort. Il était le fils du pire ennemi de Sylla. Et il avait déjà été proscrit en 88 par Sylla.
Je ne vois pas sur quoi vous pouvez vous fonder pour imaginer Marius le jeune en enfant gâté pourri sans morale qui aurait été jaloux de son père et complexé.
Son père était un homo novus qui avait réussi à s'imposer comme le sauveur de Rome, à se faire élire 7 fois au consulat. Fils d'un consulaire, Marius le jeune était donc un nobilis. Il avait, au contraire, comme tout fils d'un consul et tout fils d'un héros militaire victorieux, tout pour être particulièrement fier de son père. Car le principe qui guidait tous les jeunes fils de sénateurs, c'était de la ramener en permanence (l'anglais emploie le verbe "to boast" qui synthétise merveilleusement ce comportement) à propos de la renommée et des exploits de leurs ancètres.
Marius le jeune pouvait dire, lui, pour schématiser : "Moi je suis le fils du grand Marius, celui qui a gagné la guerre contre Jugurtha en remetttant d'aplomb, par la même occasion, l'armée romaine, celui qui a sauvé Rome lors de l'invasion des cimbres et des teutons, celui qui s'est toujours battu pour les droits des alliés italiens et pour leur faire donner une pleine et effective citoyenneté."
Ce genre de discours devait certainement être très efficace puisque César l'a repris, aux débuts de sa carrière notamment, en disant : "je suis le neveu du grand Marius, ... etc." Il a largement bâti son succès politique là-dessus et l'a remis à l'ordre du jour lors de l'éclatement de la guerre civile de 49, bénéficiant de l'appui de toutes les régions qui avaient été historiquement marianistes lors de la précédente guerre civile.
Tout jeune noble avait bien sûr pour défi d'essayer de se montrer digne des actes de ses ancètres. Cela lui mettait une pression psychologique énorme. Je ne vois pas en quoi vous pouvez affirmer que Marius le jeune aurait été plus complexé ou jaloux au regard des succès de son père, grand-père ou arrière grand-père que n'importe quel rejeton portant le nom de Domitius Ahénobarbus, Cornelius Scipio, Claudius Pulcher, Caecilius Metellus, Licinius Crassus, Valerius Flaccus, Aemilius Lepidus, ...etc.
Je ne vois pas en quoi le suicide de Marius le jeune est plus misérable que celui de Caton d'Utique ou de Metellus Scipio après la bataille de Thapsus. Il y avait une guerre civile. Ils se sont trouvés dans le camp des perdants.
Marius le jeune s'est suicidé parce qu'il savait que Sylla le ferait exécuter, et peut-être pas de manière clinique. Caton et Metellus Scipion se sont suicidés, eux, parce qu'ils ne voulaient surtout pas que César leur laisse la vie sauve.
Pardon pour la longueur de mon propos. J'en termine avec une dernière contestation.
Rien, absolument rien, ne permet d'affirmer que Marius (le père) ait concouru à l'apprentissage militaire de César ni qu'il lui ait apporté une figure paternelle qui lui aurait manqué.
César a eu un père jusqu'en 85. Marius était le jackpot sur lequel sa branche des Julii Cesares avait modestement (compte tenu qu'ils étaient désargentés et relégués au 3ème rang) misé avec un succès inespéré, car personne ne pouvait prévoir au moment du mariage Marius/Julia que Marius réussirait à atteindre le consulat ni encore fois à le faire 7 fois et à devenir le héros de Rome.
Que Marius ait été une figure politique immense et immensément populaire dont César s'est servi pour lancer sa carrière politique et se donner des bases politiques, c'est incontestable. Et cela montre que, malgré la victoire de Sylla, malgré les proscriptions, il restait en Italie une proportion tout à fait importante de gens qui continuaient de révérer la figure de Marius :
- soit parce qu'ils avaient été ses partisans et avaient eu à souffrir de la victoire de Sylla et des confiscations et violences commises à l'encontre des marianistes ;
- soit parce qu'ils n'acceptaient tout simplement pas que la querelle des ambitions concurrentes de Marius et de Sylla en 88 ait dégénéré en une guerre civile et parce qu'ils auraient tout simplement préféré que Rome puisse en paix (intérieure) louer Marius pour ses glorieux exploits militaires au service de Rome et louer Sylla pour ses guère moins glorieux exploits militaires au service de Rome (guerre sociale puis guerre contre Mithridate). Cicéron était assez largement de ceux-là.
En revanche, sur le plan militaire, les tactiques et stratégies militaires mises en oeuvre par César étaient radicalement différentes, pour ne pas dire à l'opposé, de celles mises en oeuvre par Marius.
Quand on regarde ces grands généraux, je dirais plutôt que c'est Pompée qui avait un "style" proche de Marius, marqué par une longue préparation, une prudence méthodique, le déroulement d'un dispositif longuement préparé.
César, lui, était au contraire tout en impulsions, improvisations, céléritas, avec un investissement physique personnel que n'a jamais eu Marius, et donc à mon avis beaucoup plus proche de Sylla que de Marius sur le plan militaire.
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