Yongle a écrit :
Ce genre d’ascendances était-il fréquent dans le Patriciat romain de l’époque ?
Relativement. Les Antonii se présentaient comme les descendants d'un fils d'Hercule, les Caecilii comme ceux d'un fils de Vulcain ; dans certaines versions les Aemilii tiraient leur origine d'un fils d'Ascagne/Iule, tout comme les Iulii donc, tandis que dans d'autres versions ils descendaient du roi Numa Pompilius. De la même manière, une bonne dizaine de familles, à vue de nez, affirmait descendre de tel ou tel roi, dont le souvenir était largement mythifié, et jouir à ce titre d'une sacralité héritée - parmi elles, on compte des
gentes importantes comme les Marcii ou, surtout, les Calpurnii.
A l'époque tardo-républicaine, ce type de fantaisie généalogique est à la mode. Ceux qui prétendaient ainsi descendre de telle ou telle figure divine ou mythique et ceux qui prétendaient avoir les faveurs personnelles d'une divinité particulière se renvoyaient la balle. C'est d'ailleurs sur ce terrain qu'a joué César : aussi bien Sylla que Pompée ont associé leurs victoires et leur
fortuna au soutien de Vénus. En affirmant - dès les funérailles de sa tante, c'est-à-dire lorsqu'il n'est encore pas grand chose - que lui est carrément un descendant de la déesse, César joue sa carte. Ses succès l'autorisent ensuite à cultiver ce thème et à le décliner.
Quant au triomphe... du point de vue religieux, c'est compliqué. Il faut quand même dire que l'
imperator n'est pas tant censé rappeler les rois que Jupiter en personne, qu'il incarne temporairement. Certes, il arbore par la même occasion des symboles jadis réservés aux rois, mais il y eut des triomphes pendant cinq siècles sans que cela pose de problème, de même qu'il y avait des
interreges et des
reges sacrorum. Cela étant dit, il est parfaitement évident que le triomphe en vient à jouer un rôle majeur dans l'élaboration du nouveau régime, puisque le titre du triomphateur devient l'un de ceux du prince.
L'
odium regni, il ne faut pas le comprendre de travers : à part Tarquin le Superbe, les rois de Rome avaient une image très positive. Ce n'est pas parce que l'on ne souhaite pas le retour à une monarchie (surtout quand on est un noble...) que l'on doit forcément conspuer toute forme de passé monarchique. Je pense qu'aujourd'hui beaucoup de républicains convaincus visitent avec plaisir Versailles, Fontainebleau, Chambord et la basilique Saint-Denis, non ?