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Message Publié : 17 Oct 2008 19:15 
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Salluste
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Inscription : 11 Mai 2008 19:00
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Je crois que Aigle présente une position intéressante : que veut dire "publica" selon toi Batiste ?


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Message Publié : 17 Oct 2008 19:31 
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Jean Froissart
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Inscription : 03 Jan 2008 23:00
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J'interviens à mon tour dans ce passionnant débat.

J'ai tendance à penser que la "res publica" romaine peut être considérée comme une république oligarchique. On peut lui comparer (avec la prudence requise en la matière) avec la république vénitienne du temps de sa splendeur.

Linguistiquement parlant, la res publica romaine, ou chose publique, ce sont en fait les affaires de la cité-Etat, soit son mode de gouvernement et ses institutions, tant civiles et militaires que religieuses.

Non ?

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"Notre époque, qui est celle des grands reniements idéologiques, est aussi pour les historiens celle des révisions minutieuses et de l'introduction de la nuance en toutes choses".

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Message Publié : 18 Oct 2008 15:31 
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Tite-Live
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PhP a écrit :
Je crois que Aigle présente une position intéressante : que veut dire "publica" selon toi Batiste ?

La République s'est logiquement définie comme l'opposé du système politique qu'elle se proposait de remplacer : du gouvernement d'un seul homme ne servant que ses propres intérêts, on voulait passer à un système où le pouvoir politique était régulé par un fonctionnement annuel des magistratures, afin d'éviter que des hommes puissants ne monopolisent et ne conservent le pouvoir. Autrement dit, les Romains pensaient que seule l'absence de roi permettrait de mieux servir les intérêts communs. J'en déduis que la République se caractérisait avant toute chose par le refus de la domination d'un seul.

Auguste a beau gagner des guerres, distribuer de la nourriture ou éteindre des incendies, ça n'en fait pas pour autant un défenseur de la République.


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Message Publié : 18 Oct 2008 17:45 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines

Inscription : 17 Mars 2004 23:16
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Effectivement, plus encore qu'à la monarchie, la res publica s'oppose plus encore à la res privata.

Vous aurez d'ailleurs remarqué que dans son testament, César ne parlait que de ses affaires privées : héritiers, adoption, tutelle éventuelle d'un fils mineur et legs.

Quel était le leitmotiv de la plupart des sénateurs à la mort de César ? Pour résumer, c'était "rendez-nous la res publica".


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Message Publié : 18 Oct 2008 21:41 
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Salluste
Salluste

Inscription : 11 Mai 2008 19:00
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Bravo cher Scipion et cher caesar !!

je traduirais "publica" par "commune" ou "générale" ou peut-être meme par "officielle" - mais sans doute est-ce trop audacieux ...

cela dit Aigle va trop loin en disant que res Publica n'est pas le contraire de regnum...


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Message Publié : 18 Oct 2008 22:58 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines

Inscription : 17 Mars 2004 23:16
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Merci à vous mais n'en jetez pas trop tout de même. ;)

Je vais tenter une petite définition.

Qu'est-ce qu'une res publica ?

La res publica, ce ne sont pas seulement les affaires de la cité.

La seule res publica qui soit digne de ce nom, c'est une res publica constituée (constituta c'est, si mon souvenir est exact, le terme employé par Cicéron), autrement dit, une res publica qui tienne sur des jambes solides, qui fonctionne par le libre jeu de ses institutions, Sénat, tribunaux et assemblées électorales, par opposition à un système où tout dépend du bon vouloir d'un seul homme, quand bien même celui-ci serait-il un sage prenant de bonnes décisions.

A l'époque de Pro Marcello, soit après Thapsus, Cicéron, avec force éloges, exhorte César à s'atteler à la tâche qu'il (Cicéron) considère comme la plus noble, la plus fondamentale et la plus nécessaire, à savoir refonder la république sur des bases solides afin de permettre un retour à la normale, afin que la res publica puisse continuer de fonctionner y compris quand César et son "génie" ne seront plus de ce monde.

Pour Cicéron et pour la plupart des aristocrates, la seule res publica qui vaille, c'est surtout une république aristocratique dans laquelle chacun a véritablement la liberté de concourir pour les honneurs publics, le bon vieil idéal agonistique, dans laquelle il n'y a pas une figure écrasante et tutélaire qui décide de l'essentiel et du bon vouloir de laquelle dépendent les carrières.


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Message Publié : 21 Oct 2008 5:59 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines

Inscription : 17 Mars 2004 23:16
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Petit ajout pour indiquer qu'à mon avis, il peut être éclairant de raisonner a contrario en effectuant des comparaisons.

Comme évoqué plus haut, la res publica romana, ce ne sont pas seulement des institutions creuses ou un système purement théorique défini par des lois ou coutûmes disant que les 2 consuls font ceci, les 2 censeurs cela, le Sénat ceci, les tribuns de la plèbe cela, les comices centuriates ceci, le consilium plebis ou les comices tributes cela, les tribunaux permanents ceci, ...etc.
La res publica romana, c'est aussi et j'ajouterais même surtout des hommes et un principe de fonctionnement : celui de la non pérennité du pouvoir d'une personne, qui trouve corps dans le principe de l'annualité, de la collégialité et de la non-itération immédiate.

On peut dire ce qu'on veut sur Sylla, sur le fait que c'est lui qui a décidé de la guerre civile en 88 et qu'il a fixé un exemple qui allait s'avérer mortel pour la république romaine. Il n'en reste pas moins qu'au final, il a bel et bien restauré la res publica.

Impossible de dire quand Sylla a véritablement et définitivement voulu, décidé qu'il était temps de restaurer la république, mais au bout du compte il l'a fait.
Peut-être qu'il y a eu une phase aurait bien retardé l'échéance et qu'il a en partie été contraint par la pression des grandes familles aristocratiques qui souhaitaient enfin mettre un terme à sa dictature, laquelle ne permettait pas que la liberté et la compétition aristocratiques renaissent véritablement.
Peut-être, comme l'indique un Carcopino, le fait qu'à près de 60 ans il n'ait qu'un fils en bas âge l'a poussé à vouloir cette restauration plus fortement que s'il avait eu un fils de 30 ans.

Mais il n'en reste pas moins que Sylla a restauré la république et qu'il a achevé cette restauration, qu'il a donné une réelle consistance à cette restauration, non pas le jour où il a fait adopter et mettre en oeuvre ses diverses lois institutionnelles mais le jour où il s'est retiré de la vie politique pour laisser les institutions fonctionner à peu près naturellement, sans voir leur jeu foncièrement faussé par la présence d'une figure écrasante, en l'occurrence la sienne.

Car il est clair qu'un homme :
- qui avait été dictateur pendant une durée sans précédent,
- qui avait véritablement joui des pleins pouvoirs sur ses concitoyens d'une manière que Rome n'avait jamais connue depuis l'instauration de la république (et probablement avant),
- qui pouvait compter sur la fidélité de 120000 vétérans ayant servi sous ses ordres à l'occasion de la guerre civile à la grande majorité desquels il avait fait distribuer des lots de terre et une partie du butin d'Asie et du produit des confiscations de la guerre civile,
- comptant dans sa clientèle romaine 10000 affranchis libérés par lui au détriment de leurs anciens propriétaires proscrits,
aurait forcément dominé de manière écrasante la vie politique romaine, personne ne pouvant rivaliser avec lui.

En 80, à l'occasion de son 2ème consulat, ou tout début 79 (je ne sais plus exactement), le Sénat a attribué à Sylla une province pour qu'il y soit proconsul, en l'espèce celle de la Gaule Cisalpine.
Eh bien, Sylla a au final refusé de rejoindre sa province pour se retirer de la vie publique.


Auguste, lui, ne s'est pas retiré de la vie publique. Bien au contraire, il s'est fait conférer en permanence, certes en respectant pour la forme le principe d'un renouvellement tous les 10 ans ou tous les 5 ans ou tous les ans selon les cas, un pouvoir tout à fait exceptionnel.
Ce faisant, il a empêché la pleine restauration de la république au sens où tout le monde entendait alors une res publica.
Comment expliquer autrement les tentatives d'assassinat et les complots, dès Auguste (j'ajouterais même "surtout sous Auguste") sinon par le fait que la noblesse n'était pas dupe et ne considérait pas que le régime augustéen soit une "res publica restituta", contrairement à ce que prétendait Auguste ?

Ces complots s'expliquent par le fait qu'officiellement on a une république prétendument restituée alors qu'en réalité il y a en son sein un Princeps, un Premier Citoyen, qui contrôle tout parce qu'il se fait conférer en permanence un ensemble considérable de pouvoirs et de moyens.

Si Auguste avait voulu restaurer la république, aurait-il conservé le pouvoir jusqu'à son décès non pas à 50 ou 55 ans mais à l'âge de 76 ans, après plus de quarante années de ce qu'il faut bien appeler de facto un règne ?
A mon avis non. Quelqu'un qui ne fait pas cela après 40 ans de pouvoir absolu et qui en plus tente tout son possible pour assurer une transmission dynastique du pouvoir, ne peut pas avoir sérieusement voulu restaurer la république.

Sur le papier, il y aurait eu des moyens de restaurer véritablement une république, tout en effectuant les réformes fondamentales qui étaient indispensables pour mieux adapter les institutions romaines à leur environnement impérial.


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Message Publié : 21 Oct 2008 12:26 
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Je suis tout à fait d'accord avec cette analyse. ;)


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Message Publié : 16 Mars 2011 12:23 
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Pierre de L'Estoile
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Inscription : 09 Juin 2010 14:22
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Caesar Scipio a écrit :
Ces complots s'expliquent par le fait qu'officiellement on a une république prétendument restituée alors qu'en réalité il y a en son sein un Princeps, un Premier Citoyen, qui contrôle tout parce qu'il se fait conférer en permanence un ensemble considérable de pouvoirs et de moyens.

.

Bien sur, mais je crois que le titre de princeps plaide dans l'autre sens car à l'origine il s'agissait du premier à parler au sénat. Mais bon, ce nest qu'une question de forme... :wink:
Bien à vous

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et tout le reste n'est que littérature


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Message Publié : 16 Mars 2011 14:17 
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Jean-Pierre Vernant
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Localisation : Limoges
Auguste a justement ménagé les susceptibilités aristocratiques, tirant sans doute les leçons de l'échec de César. La République romaine est un régime fondé sur un fonctionnement assez "archaïque" et encore proche des structures typiques des peuples Indo-européens (histoire de simplifier) et dont les organes n'avaient cessé d'être adaptés pour parer aux transformations brutales des réalités de la gestion du pouvoir au file de la conquête. Les adaptations réalisées dans l'urgence (Scipion qui brigue le consulat bien avant l'âge... ce qui n'était qu'un début, les institutions étant encore bien assez fortes pour l'empêcher d'obtenir un pouvoir trop important) et celles visant à améliorer la gestion des provinces, laissent intacte un principe fondamental, comme l'a très bien rappelé Caesar Scipio, la compétition aristocratique. Ce fonctionnement est tout à fait classique et se retrouve dans la plupart des sociétés de l'époque voisine de Rome et ce même en Germanie ; les aristocrates tentent de fédérer autour d'eux des suites clientélaires les plus importantes possibles leur permettant de prendre un ascendant sur les autres. Or cette compétition amène rapidement à une inflation de certaines personnalités qui mettent de fait une grande partie des autres hors course, ou les incluant dans leur suite. Le premier et le deuxième triumvirat en sont assez symboliques ; ils rassemblent les hommes les plus puissants du temps, les rivaux en fait. Sortir de cette mécanique impliquait la naissance d'un Etat moderne dans lequel la compétition des aristocrates serait remplacée par une forme de fonctionnariat bien plus adapté à la gestion d'un espace. Ce glissement nécessaire devait amener également la récupération par l'Etat de l'essentiel de la violence sociétale à son profit. Tout cela fut mis en oeuvre par Auguste selon un modèle par contre tout à fait dans la "lignée" des évènements passés ; il est un des compétiteurs et il va réussir à imposer la genèse d'une nouvelle organisation à son seul profit amenant la naissance d'un Etat en voie de centralisation en spoliant les aristocrates de leur potentielle lutte pour la suprématie. En cela il ne peut restaurer le régime ancien qui ne peut en l'état assurer une stabilité politique au monde romain. Dans le même temps la création qu'il réalise avec prudence n'est centrée qu'autour de sa seule autorité, tout en préservant malgré tout certains aspects et fonctions de l'ancien système. Il ne supprime pas les grandes magistratures mais leur "puissance" est largement amoindrie et elles se verront progressivement concurrencées par la montée des grandes fonctions publiques.
Ce nouveau départ du monde romain se réalise donc selon moi à travers certaines permanences mais qui ne sont que des manifestations de l'identité romaine, fruit de son histoire et qu'il convenait de ne pas sacrifier, mais surtout à travers la naissance d'un Etat centralisé pacifiant l'espace public et qui dans le même temps fait disparaitre la "liberté" des aristocrates d'entrer dans une compétition pour le pouvoir ce qui a été vécu comme justement la disparition, au nom de la paix, de la liberté (je crois que c'est Tacite qui l'évoque).

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Scribant reliqua potiores, aetate doctrinisque florentes. quos id, si libuerit, adgressuros, procudere linguas ad maiores moneo stilos. Amm. XXXI, 16, 9.


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Message Publié : 16 Mars 2011 23:01 
Auguste n'a jamais voulu rétablir la République... si ce n'est à son profit! :mrgreen: Ce qui fait qu'on aurait mieux parlé de Réprivée ;)
Le problème de la République romaine depuis son origine c'est la répartition des richesses : comment concilier une grande richesse avec un grand nombre d'habitants ? La république elle-même tire son origine de là. Les réformes n'ont jamais abouti, jusqu'à ce que les frères Gracques promettent de passer à l'acte (2°s.). Et de fait ils étaient suffisamment sérieux pour que les riches ne l'entendent pas de cette oreille, et qu'ils les fassent assassiner... De là découlent toutes les guerres intestines du 1° s., et de là découle César. Quand il apparaît que César va prendre le pouvoir, il est assassiné à son tour, les riches refusant toujours de lâcher la bride. Et il faudra encore des décennies de guerres pour que finalement Auguste s'impose par les armes. Auguste est pratique, car tout en ne touchant que modérément aux grandes fortunes romaines, il promet à la foule "du pain et des jeux", et de fait il s'attache à toujours satisfaire ces besoins, car il sait très bien que le ventre vide et l'esprit chagrin le peuple peut devenir très dangereux et déboulonner un empereur aussi puissant soit-il. Auguste a joué une partition fine toute sa vie, ce qui fait que son règne apparaîtra toujours comme un âge d'or. Ses successeurs ont eu parfois moins de chances (Néron et cie) ! Ce contrat qui lie intimement et tacitement le prince au peuple est très important ; c'est pourquoi les empereurs romains tiendront tant à construire de magnifiques bâtiments dans Rome même, à faire des distributions de blé gratuite etc... En Libye actuellement, y en a un qui fait pareil :mrgreen:, il a bien retenu la leçon.

On peut dire qu'il en a coulé du sang au cours de ce 1° siècle!


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Message Publié : 16 Mars 2011 23:17 
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Jean-Pierre Vernant
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Localisation : Limoges
C'est un peu simpliste comme raisonnement sur la question de la richesse ; la question du pouvoir est plus centrale puisque la richesse n'est qu'un moyen dans la quête de l'autorité publique. Les "riches" ont avant tout un rang à défendre, un honneur et c'est cet "honneur" que César a remis en question et qu'Auguste a préservé (en même temps au vu des proscriptions les plus ardents opposants n'étaient présents).

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Message Publié : 16 Mars 2011 23:23 
Mais leur honneur c'est la richesse. Un peu comme sous l'Ancien Régime français : qui ne peut tenir son rang déroge, et qui déroge perd son rang (perd sa noblesse).
Pédro a écrit :
c'est cet "honneur" que César a remis en question
A quoi faites-vous allusion ?


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Message Publié : 16 Mars 2011 23:53 
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Jean Froissart
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Inscription : 03 Jan 2008 23:00
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Je pense, mais Pedro répondra pour sa part, qu'il veut par là indiquer que César, aristocrate patricien politiquement marqué vers les populares, s'est volontairement démarqué des ploutocrates (tout en cependant les fréquentant et en s'alliant avec eux pour les utiliser, au premier rang desquels Crassus bien sûr).

César était avant toute chose une bête politique comme il en est rarement. Il a su employer avec une rare maestria tous les atouts dont il disposait, à commencer par la noblesse de sa naissance, ses alliances familiales, mais aussi ses propres qualités de charisme et même de charme (les historiens romains ont raconté les soucis qu'il s'attira pour avoir eu trop de succès auprès de ces dames ...). De cet ensemble d'atouts, il a su si bien faire qu'il est parvenu à se faire financer par Crassus, pas exactement décrit comme un mécène de base !

Ensuite, "il n'y a de richesse que d'hommes", comme l'a écrit Jean Bodin. Et César s'est avéré être, à un âge tardif pour l'époque, l'un des plus grands généraux de l'histoire de l'europe occidentale et médittéranéenne. Mais ceci est une autre histoire ... ;)

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Message Publié : 17 Mars 2011 0:11 
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Jean-Pierre Vernant
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Inscription : 08 Juin 2009 10:56
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Localisation : Limoges
L'honneur n'est pas seulement être riche loin s'en faut ; Crassus était célèbre pour ça, et pourtant face aux conquêtes de Pompée et de César il se sentait en infériorité. La Gloria représente en quelque sorte de renom de l'homme courageux, du combattant. Elle est de même une part très importante de ce jeu du pouvoir. Les autres aristocrates moins puissants et les citoyens suivant la pyramide hiérarchiques étaient enclin à suivre un homme riche certes, mais également et surtout un grand conquérant. De plus la guerre amène à se constituer une forte armée toute dévouée. Les liens clientélaires tissaient des réseaux qui pilotaient la vie politique romaine (via parfois des combats de rue) et l'armée en était l'ultime recours. En tout cas les aristocrates n'étaient pas systématiquement des hommes riches ; leur titre leur reste même s'ils sont criblés de dette comme c'était souvent le cas à la fin de l'Ancien Régime. Par contre certains bourgeois extrêmement riches pouvaient espérer devenir noble en achetant une charge dans l'administration par exemple ; ils devenaient la noblesse de robe quand les autres étaient la prestigieuse noblesse d'épée. Dans l'Antiquité romaine il pouvait en aller de même ; des chevaliers pouvaient être très riches, ils ne pouvaient guère participer de la même manière aux affaires que les sénateurs. Ces derniers possédaient pour eux l'ancienneté de leur famille, le prestige de leurs ancêtres et parfois une "noblesse" toute particulière venant de leur vie irréprochable. Ainsi Caton d'Utique n'était pas aussi riche que Crassus, il n'avait pas accompli d'immenses conquêtes mais pourtant son poids était non négligeable de même que Cicéron.
C'est ainsi que j'entendais de manière rapide le terme complexe "d'honneur" qui se comprend plus par "statut". Les aristocrates ne pouvaient tolérer de se voir privé de leur participation à la compétition pour le pouvoir, mais aussi aux affaires avec une capacité décisionnelle supérieure. Ainsi prenez un proconsul ; dans sa province il est le maitre et le sénat n'a que peu de moyens de le brider. Sous Auguste les choses changent puisque Auguste est le référent ultime qui en nomme même directement. César, lui, les avait privé un peu de la même façon en se plaçant au dessus d'eux tous en récupérant une magistrature supérieure (la dictature) de manière "dégénérée. Son pouvoir était de plus lentement associé au pouvoir monarchique ce qui à Rome n'était jamais très bon.

Entièrement d'accord la Saussaye en particulier avec ceci ;

Citer :
Ensuite, "il n'y a de richesse que d'hommes", comme l'a écrit Jean Bodin. Et César s'est avéré être, à un âge tardif pour l'époque, l'un des plus grands généraux de l'histoire de l'europe occidentale et médittéranéenne. Mais ceci est une autre histoire ... ;)


C'est fondamental de le rappeler puisque César n'était pas du tout favorisé du point de vu de la richesse par rapport à d'autres. Il n'a pu compter qu'en partie sur sa naissance (sa famille était ancienne) et sur son talent (et bien sûr quelques liens clientélaires et familiaux). Il s'est énormément endetté pour augmenter le nombre de gens entrant dans sa dépendance et lui assurant un poids politique. La suite il ne le doit qu'à lui même.

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