Les soucis commencent lors de la conquête de la Sicile ; une violente dispute éclate entre Lépide et Octave sur le controle de la province. Les soldats de Lépide le lâchent et passent à Octave. Appien, livre V :
[5,123] XIII. Avec ces nouvelles troupes, Lépide avait alors vingt-deux légions et un grand corps de cavalerie. Il était excité et pensait se rendre maître de la Sicile, en prétextant qu'il avait été le premier à envahir l'île et qu'il avait persuadé beaucoup de villes à rejoindre les triumvirs. Il envoya l'ordre aux garnisons de ces villes de ne pas admettre les émissaires d'Octave, et il occupa tous défilés. Octave arriva le jour suivant, et fit des reproches à Lépide par l'intermédiaire de ses amis : ils lui rappelèrent qu'il avait hérité de la Sicile en tant qu'allié d'Octave, et non pour s'en emparer. Lépide répondit qu'il avait été dépouillé de ses anciennes attributions, qui étaient maintenant aux mains d'Octave, et que, si ce dernier le voulait, il échangerait alors l'Afrique et la Sicile pour reprendre ses anciennes attributions. Octave en fut exaspéré. Il arriva en colère chez Lépide et lui fit des reproches sur son ingratitude. Ils se séparèrent au milieu des menaces. Ils s'entourèrent immédiatement de gardes, et les bateaux d'Octave mirent l'ancre loin du rivage, car on lui avait dit que Lépide comptait y mettre le feu.
[5,124] Les soldats étaient irrités à l'idée de s'engager dans une nouvelle guerre civile, et qu'il n'y aurait jamais de fin aux troubles. Cependant ils ne plaçaient pas sur le même pied Octave et Lépide, et cela même dans l'armée de Lépide. Ils admiraient l'énergie d'Octave et ils voyaient l'indolence de Lépide. Ils le blâmaient aussi d'avoir laissé à l'ennemi défait une part égale du pillage. Quand Octave apprit leur état d'esprit, il envoya des émissaires parmi eux pour leur faire voir secrètement où était leur intérêt. Il en convainquit un grand nombre, particulièrement ceux qui avaient servi sous Pompée et qui craignaient que les termes de leur capitulation ne soient pas acceptés si Octave ne les ratifiait pas. Tandis que Lépide, en raison de son inaptitude, ignorait ce qui se passait, Octave entra dans son camp avec un grand nombre de cavaliers, qu'il laissa à l'entrée, et entra lui-même avec quelques-uns. En s'avançant, il déclarait à ceux qu'il rencontrait que c'était à contrecoeur qu'il faisait la guerre. Ceux qui le voyaient le saluaient comme imperator. D'abord tous les partisans de Pompée qui étaient déjà convaincus, se rassemblèrent et lui demandèrent son pardon. Il leur répondit qu'il s'étonnait que ceux qui demandaient son pardon ne faisaient pas ce que leurs propres intérêts exigeait. Ils comprirent la signification de ses mots, et immédiatement saisirent leurs insignes et allèrent le rejoindre, alors que d'autres commençaient à abattre leurs tentes.
[5,125] Quand Lépide se rendit compte de ce tumulte il jaillit de sa tente en armes. Des coups furent échangés et un des écuyers d'Octave fut tué. Octave lui-même fut frappé par une arme sur son armure, mais l'arme ne pénétra pas dans son corps. Il se mit à courir et se réfugia auprès de ses cavaliers. Un détachement des gardes de Lépide se moqua de lui pendant qu'il courait. Octave en fut tellement irrité qu'il ne put se retenir de se précipiter sur lui avec ses cavaliers et de le détruire. Les officiers des autres postes de gardes offrirent leur allégeance à Octave, les uns immédiatement, les autres pendant la nuit ; certains sans y être sollicités, d'autres feignant d'être d'une certaine façon contraints par la cavalerie. Il y en eut qui résistèrent à l'assaut et qui se battirent contre les assaillants, parce que Lépide avait envoyé des renforts dans toutes les directions ; mais quand ces renforts eux-mêmes changèrent de camp, le reste de son armée (même ceux qui étaient encore bien disposés envers lui), changea de camp. Les premiers à partir furent les partisans de Pompée qui étaient encore ave lui. Ils le quittaient par détachements, les uns après les autres. Lépide en arma d'autres pour les empêcher de partir, mais ceux qu'il venait ainsi d'armer saisirent leurs étendards et passèrent chez Octave avec les autres. Lépide les menaça et les sollicita pendant leur départ. Il tenait les étendards, et disait qu'il ne les leur donnerait pas, jusqu'à ce qu'un des porte-étendards lui dise, « ou vous nous les laissez, ou vous êtes un homme mort. » Alors il prit peur et les donna.
[5,126] Les derniers à le rejoindre furent les cavaliers. Ils envoyèrent un messager à Octave pour lui demander s'ils devaient tuer Lépide, qui n'était plus leur commandant. Il répondit que non. Ainsi Lépide fut abandonné par tous les siens et privé, dans un tel moment, d'un si grand destin et d'une si grande armée. Il changea de vêtements et se rendit à la hâte chez Octave, entouré de tous ceux qui voulaient apprécier du spectacle. Octave se leva tandis qu'il approchait, l'empêcha de se jeter à ses pieds, et l'envoya à Rome dans la tenue de simple citoyen qu'il portait, privé de son commandement, mais non du sacerdoce, qu'il garda. Et ainsi cet homme, qui avait souvent commandé et été une fois triumvir, qui avait nommé des magistrats et avait proscrit tant d'hommes de son propre rang, passa le reste de sa vie comme simple citoyen, demandant des faveurs à certains procrits, qui étaient devenus magistrats à un période ultérieure.
On peut voir que l'auteur n'a pas un grand respect pour Lépide, accusé de mollesse, emploi fréquent dans ce type de cas.
_________________ Scribant reliqua potiores, aetate doctrinisque florentes. quos id, si libuerit, adgressuros, procudere linguas ad maiores moneo stilos. Amm. XXXI, 16, 9.
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