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 Sujet du message : Les Gaulois dans "Le Monde"
Message Publié : 18 Juil 2009 19:54 
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A lire toute la semaine dans Le Monde, à partir du 20 juillet, une page spéciale sur les Gaulois.

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 Sujet du message : Re: Les Gaulois dans "Le Monde"
Message Publié : 18 Juil 2009 21:21 
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J'attends l'article sur Alésia.... :mrgreen: :arrow:

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 Sujet du message : Re: Les Gaulois dans "Le Monde"
Message Publié : 19 Juil 2009 11:03 
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Jean-Pierre Vernant
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 Sujet du message : Re: Les Gaulois dans "Le Monde"
Message Publié : 20 Juil 2009 14:36 
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Premier volet:

Citer :
Vous avez dit "chevelue"? par Stéphane Foucart

La mer est d'un côté et la forêt de l'autre. Le village d'Astérix est ainsi : planté entre deux mondes sauvages et indomptés. Quoi de plus normal ? Parce qu'il est réputé primitif, le Gaulois doit vivre en harmonie avec les forces de la nature. Au contraire, les camps romains d'Aquarium, Babaorum, Laudanum et Petibonum campent leurs belles palissades sur une prairie bien dégagée...
Sur le même sujet

En quelques vignettes, René Goscinny et Albert Uderzo ont tout résumé. Aux uns, moustachus et sylvestres, la vie simple et fruste. Aux autres l'administration et l'ordre, l'organisation et la rectitude en toutes choses. Rome est déjà entrée dans la modernité que la Gaule semble s'être arrêtée à l'aube du néolithique. Pas d'élevage, pas d'agriculture. Ou si peu. Avant leurs agapes, "nos ancêtres les Gaulois " doivent s'enfoncer dans les profondeurs de la forêt pour en ramener du gibier... du sanglier, bien sûr.

"Goscinny était un génie et, à sa manière, un homme de grande érudition, une véritable "éponge", dit l'archéologue et historien Christian Goudineau, titulaire de la chaire des antiquités nationales du Collège de France. La plupart des images avec lesquelles lui et Uderzo ont imaginé "leurs" Gaulois viennent des vieux manuels scolaires et en particulier du Petit Lavisse, rédigé à la fin du XIXe siècle." Œuvre de l'historien Ernest Lavisse (1842-1922), grande figure intellectuelle de la IIIe République, le livre était destiné aux écoliers d'une dizaine d'années ; des millions d'entre eux l'ont eu entre les mains. Christian Goudineau en a exhumé quelques passages éloquents : "Le sol de la Gaule était mal cultivé. On n'y voyait presque point de routes et point de villes. La terre était presque entièrement couverte de forêts et les Gaulois, encore barbares, vivaient dans des chaumières sombres et basses, perdues au fond des bois." Déprimant tableau.

Au chapitre du dédain, Le Petit Lavisse n'a rien à envier aux Romains. Eux qui, dans les années qui suivent les campagnes de César, parlent de la "Gaule chevelue" (Gallia comata) pour évoquer le territoire conquis entre 58 et 51 avant J.-C. "L'expression concerne en réalité les populations, décrites avec un peu de mépris comme portant longs leurs cheveux, explique l'archéologue Matthieu Poux (université Lyon-II), mais il en est resté l'idée d'une terre gauloise mal défrichée, encore couverte par la forêt." Voilà comment d'un mot on fabrique une histoire. Mais c'est bien d'une fable, qu'il s'agit. Non seulement cette affaire de barbares tapis dans les forêts est démentie par nombre d'auteurs de l'Antiquité, mais les preuves accumulées par l'archéologie sont sans appel.

Au milieu des années 1950, un jeune archéologue et pilote amateur survole la Picardie. Roger Agache n'a d'autre but que d'observer, du ciel, la campagne de cette région qu'il aime tant. Il est né à Amiens, en 1926. De la cabine de son monomoteur, il remarque bientôt des traces dans les champs et les prairies. Tantôt claires, tantôt sombres. De grandes figures géométriques plus ou moins régulières, dues à de subtiles variations de la couleur du sol ou à des anomalies de croissance des céréales. Il prend d'innombrables clichés et, au sol, les sondages montrent que les traces claires dessinent généralement les structures de villas gallo-romaines. Quant aux lignes sombres, elles marquent l'emplacement de fossés, remblayés à de plus hautes époques, qui délimitent des sanctuaires gaulois ou encore des exploitations agricoles. Le territoire apparaît maillé de ces fermes gauloises, de leurs champs, de leurs enclos, de leurs prairies ; voilà qui laisse déjà moins de place à la forêt.

Mais ce n'est pas tout. Car le corollaire animal de la forêt, le sanglier, si cher à Obélix, est étrangement absent des restes de boucherie exhumés des sites gaulois. "On le cherche en vain, s'amuse l'archéozoologue Patrice Méniel (CNRS, université de Bourgogne). En général, les ossements de gibier représentent environ 1 % des restes animaux retrouvés. Et il s'agit alors généralement de lièvres ou de cerfs, beaucoup moins de sangliers. " D'où diable, alors, vient la légende ? "Je me suis amusé à reprendre les données d'une fouille menée au XIXe siècle, ce qui était possible puisque les ossements retrouvés avaient été conservés au Musée de Châtillon-sur-Seine (Côte-d'Or), raconte M. Méniel. Les comptes rendus mentionnaient des défenses de sanglier alors qu'il s'agit, sans aucun doute possible, de canines de cochon domestique. On avait fait une lecture orientée des découvertes, pour coller à l'image du barbare chassant dans les forêts profondes de la Gaule..."

Les palynologues, qui étudient les pollens conservés dans la stratigraphie des sites archéologiques, peuvent être plus catégoriques encore. Les récents travaux de Catherine Latour-Argant (Archeodunum) ont, par exemple, montré qu'au premier siècle avant notre ère, pendant la conquête romaine, l'étendue de la forêt dans la plaine de Vaise (près de Lyon) était sans doute inférieure au couvert forestier actuel ! "Ces résultats peuvent être extrapolés à la plupart des régions", assure Matthieu Poux. Il faut se le répéter pour y croire : la forêt gauloise n'était ni plus vaste ni plus profonde que la forêt française.

Il reste une bizarrerie là-dessous. Pourquoi le XIXe siècle s'est-il empressé de déclarer les Gaulois "nos ancêtres", sans pour autant se départir - et même en forçant le trait - de la condescendance de Rome ?

Tout commence au siècle précédent. "Dans les années 1760, un certain James McPherson prétend avoir recueilli, via les traditions orales des landes du Pays de Galles, d'Ecosse et d'Irlande, les poèmes d'un barde et grand guerrier du nom d'Ossian, qui aurait vécu au IIIe siècle, raconte Christian Goudineau. Il donne de ces prétendus fragments poétiques celtes une traduction en langue anglaise et c'est aussitôt un succès foudroyant dans toute l'Europe. De ce qu'on a appelé "l'ossianisme", avec druides, landes, forêts et tutti quanti, est né le préromantisme." Jusqu'à ce subit intérêt, les Celtes - dont les Gaulois forment, dans la terminologie romaine, le rameau continental - n'avaient guère inspiré ni les auteurs ni les historiens...

Quelques années après le "coup éditorial" de McPherson, c'est, en France, la Révolution. En 1789, dans son célèbre Qu'est ce que le tiers état ?, l'Abbé Sieyès oppose le peuple, issu des Romains et des Gaulois, à la noblesse, issue des Francs : de la France à la Gaule, un lien de filiation, encore ténu, se dessine. Vingt ans plus tard, Chateaubriand, influencé par l'ossianisme, écrit Les Martyrs, roman qui met en scène l'amour impossible entre un jeune officier romain converti au christianisme et Velléda, fille d'un grand druide d'Armorique... "Ce livre a mis l'Europe entière sous le charme de cette jeune druidesse et d'innombrables oeuvres de toute nature, plus ou moins réussies, se sont inspirées de son personnage", précise l'historien.
Sur le même sujet

Ensuite ? "En 1828, Amédée Thierry (1797-1873) écrit une Histoire des Gaulois qui reprend toutes les sources antiques et fait de Vercingétorix un héros romantique : jeune, généreux, tombant avec panache sous des forces épouvantablement oppressives, poursuit M. Goudineau. Peu après, vers 1830, l'historien Henri Martin (1810-1883) invente, dans son Histoire de France, une nouvelle narration qui ne s'appuie plus sur la succession des rois et des dynasties, mais sur de grands personnages qui incarnent, à un moment donné, l'idée de la nation. Comme Jeanne d'Arc, Louis XI, etc. Et bien sûr, Vercingétorix." L'idée est géniale. "Elle produit des images d'une force considérable qui nous imprègnent encore aujourd'hui. C'est sans doute cela qui a permis l'existence de quelque chose d'aussi français que le "gaullisme"." C'est cela aussi qui fait du prince gaulois battu à Alésia une incarnation de la France.

Pendant que Vercingétorix et avec lui "nos ancêtres les Gaulois" s'installent dans les consciences, la France a les yeux tournés vers la Prusse. Dans ce qui n'est encore qu'un affrontement de nationalismes, il faut faire remonter les ancêtres de la nation le plus loin possible dans le temps. Il faut, aussi, convoquer l'histoire pour justifier l'étendue de son territoire. "Nos ancêtres" seront donc les Gaulois. Eux qui fournissent le premier héros ; eux qui vivent dans un pays dont César, lui-même, a fixé l'extrémité orientale au Rhin. Mais il y a un hic. Car si la France est la Gaule... alors elle est bâtie sur les ruines d'Alésia. Sur une déroute ! Et pour pouvoir s'en féliciter, il a bien fallu que "nos ancêtres les Gaulois" aient été inférieurs à leurs vainqueurs - qu'ils aient été des rustres, habitant dans les bois.

Pour être ancienne et légitime, la France doit être gauloise. Pour être civilisée et civilisatrice, elle doit être romaine. Gauloise et romaine. Gallo-romaine. Ce terme nous semble familier mais, rappelle M. Goudineau, "la France est le seul pays qui ait forgé cet admirable "gallo-romain" : les Espagnols ne disent pas plus "ibéro-romain" que les Allemands ne disent "germano-romain"".

Cette dualité, enseignée aux petits Français depuis leur plus jeune âge, est un legs intangible, mais cardinal. Il en découle peut-être ce sentiment diffus que d'une défaite peut naître un bien - ce fut très utile au maréchal Pétain - ou cette affinité si singulièrement française avec les perdants magnifiques, ceux qui échouent avec panache comme Vercingétorix ou... Poulidor.

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 Sujet du message : Re: Les Gaulois dans "Le Monde"
Message Publié : 20 Juil 2009 17:41 
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Plutarque
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Sincèrement et malgré le fait que certains historiens écrivent l'inverse , après avoir lu et relu moult fois la guerre des Gaules , j'ai découvert à travers César une Gaule d'une richesse incalculable .

Certes César trouvait les gaulois querelleurs et prompts à la désorganisation , ce qui était logique vu d'un oeil romain , mais pour le reste , j'avoue avoir un peu de mal à comprendre pourquoi au siècle dernier on avait aussi peu de considération pour les Gaulois .

N'avait t'on pas lu César ?

Il est vrai aussi que le modèle de civilisation à la romaine était plus clinquant .


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 Sujet du message : Re: Les Gaulois dans "Le Monde"
Message Publié : 20 Juil 2009 17:45 
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Jean-Pierre Vernant
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Je crois que c'est surtout parce que les Romains ont été vainqueur que l'on a une meilleur image d'eux... Mais dans la réalité les causes de la conquête dépendent en grande partie de cette richesse du territoire gaulois alors en plein essor et de plus en phase de construction politique... Vivant en terre Lémovice, je fus vraiment surpris en lisant un petit ouvrage sur les découverte archéologique sur l'or de ce peuple...

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 Sujet du message : Re: Les Gaulois dans "Le Monde"
Message Publié : 21 Juil 2009 13:40 
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Polybe
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La suite :

Citer :
Une certaine idée de la guerre
LE MONDE | 21.07.09 | 14h31 • Mis à jour le 21.07.09 | 14h31


La rigueur germanique aura-t-elle raison de l'audace française ?" Un journaliste de radio décrivait en ces termes, mi-juin, la compétition entre une Audi et une Peugeot engagées dans les 24 Heures du Mans. Quelques mots qu'on écoute sans qu'ils ne nous heurtent. Et pour cause : ils donnent à entendre une idée si habituelle, si consensuelle, qu'elle pourrait être inscrite au patrimoine national. Nous autres, Français, sommes une nation farouche, dit-elle en substance. Notre talent et notre intrépidité suffisent parfois à pallier notre peu d'organisation.

Sur la piste du Mans comme dans les aventures d'Astérix, la même dramaturgie est à l'oeuvre. D'un côté la "rigueur ", l'ordre des légionnaires en uniforme, de l'autre "l'audace", une somme bruyante de courages individuels, une foule désordonnée qui percute les carrés de Romains pétrifiés.

Dans l'Antiquité, les auteurs grecs et romains produisent quantité de textes sur ce thème. C'est presque un genre littéraire à part entière : force brute, folie furieuse contre violence légale et policée. L'historien grec Polybe (vers 205-126 avant J.-C.) en donne un bel exemple dans une description - de seconde main - de la bataille de Télamon, en 225 avant J.-C. "L'aspect de l'armée gauloise et le bruit qui s'y faisait glaçaient (les Romains) d'épouvante, écrit-il. Le nombre des cors et des trompettes était incalculable (...). Une chose non moins effrayante, c'était l'apparence et les mouvements des hommes nus placés au premier rang : ils étaient tous d'une force et d'une beauté extraordinaires, tous parés de colliers et de bracelets en or."

Ces descriptions sont-elles crédibles ? "La pensée antique oppose l'ordre de la civilisation au désordre de la barbarie, dit l'archéologue Michel Reddé (CNRS), coauteur des dernières fouilles d'Alésia. Il n'est pas très étonnant qu'ils mettent leurs adversaires dans la seconde catégorie !" Bien sûr, les descriptions de ces guerriers gaulois, nus sur le champ de bataille, nous évoquent des peuples encore proche de l'état de nature. Des hommes qui se jettent dans la mêlée avec une fougue animale et un équipement rudimentaire. Des hommes qui ignorent tout de l'art de la guerre.

Et pourtant ! "On sait que les Gaulois ont été des mercenaires extrêmement efficaces et professionnels, raconte l'archéologue et historien Christian Goudineau (Collège de France). Toutes les armées voulaient leur contingent de Gaulois ! Nous avons un texte qui nous dit que pour une campagne, à l'époque hellénistique, une troupe de 1 000 cavaliers et de 4 000 fantassins gaulois est payée en or, pour un montant de l'ordre de la tonne."

En bons professionnels, ils disposent de l'équipement "dernier cri" : ce sont eux qui inventent la cotte de mailles, vers le IVe siècle avant notre ère. Du coup, on comprend que la nudité sur le champ de bataille est rituelle : elle est l'apanage "des guerriers d'élite qui se placent au premier rang pour impressionner l'ennemi et montrer leur mépris de la mort", dit M. Reddé.

Pour "nos ancêtres les Gaulois", la guerre est d'autant moins synonyme d'anarchie qu'elle s'inscrit, selon l'archéologue et historien Jean-Louis Brunaux (CNRS), dans un ensemble de codes et de rites complexes. Pour en saisir quelques-uns - dans toute leur étrangeté - rien de tel que raconter une bataille. Une boucherie formidable perpétrée vers 260 avant notre ère dans le nord de la Gaule. Et ce ne sont pas des Grecs ou des Romains qui en font la relation : l'affrontement se joue entre des Armoricains - comme Astérix ! - et des Ambiens, des Gaulois belges installés depuis peu de ce côté-ci du Rhin...

Qui raconte, alors, puisque ni les uns ni les autres n'ont consigné leurs démêlés par écrit ? Ce sont les vestiges archéologiques mis au jour dans les années 1960 sur la commune de Ribemont-sur-Ancre (Somme), sur ce qui est considéré comme l'un des plus vastes sanctuaires gaulois du IIIe siècle avant J.-C. Des enclos remplis de milliers d'ossements humains, de centaines d'armes, des monnaies...

Que disent les vestiges ? Pour des questions territoriales, une grande bataille éclate entre Ambiens et Armoricains. Ces derniers sont lourdement défaits. Après l'affrontement, les Ambiens transportent les cadavres - les leurs et ceux de leurs vaincus - à quelques centaines de mètres de la plaine sur laquelle les deux tribus se sont massacrées.

Ils érigent un sanctuaire. Les corps des défunts des deux camps sont exposés dans des enclos séparés. Pendant plusieurs années, plusieurs décennies peut-être, les Ambiens reviennent au sanctuaire et accomplissent une manière de rituel commémoratif. Ils outragent les restes de leurs vaincus : ils prennent des ossements, pour les broyer, les brûler et en placent les esquilles dans des ossuaires disposés dans les coins de l'enclos...

Cité par Diodore de Sicile, Poseidonios d'Apamée (135-51 avant J.-C.) rapporte qu'"au sortir du combat, ils suspendent à l'encolure de leurs chevaux les têtes des ennemis qu'ils ont tués et les rapportent avec eux" comme trophée. Un rite guerrier qui correspond bien aux découvertes de Ribemont : malgré les centaines de cadavres entreposés et "traités" sur le sanctuaire, aucun crâne n'y a été retrouvé... Certains exégètes de l'oeuvre de Goscinny et Uderzo voient d'ailleurs dans la manie d'Obélix à collectionner les casques, une métaphore aimable de cette terrible habitude gauloise.

"Poseidonios nous dit aussi que les guerriers remettaient le corps de ceux qu'ils venaient de tuer à leur servant d'armes que celui-ci emportait en procession solennelle, explique Jean-Louis Brunaux, qui a mené les dernières fouilles sur le site. Il ne précise pas où, mais c'était sans doute dans des sanctuaires comme celui-ci."

Quant à l'étude des ossements retrouvés sur le site, menée par Jannick Ricard, légiste et praticien au CHU d'Amiens, elle en dit long sur la force physique des belligérants - certains atteignent 1,90 mètre - et sur la qualité de leurs armes. Certains os longs, fémur ou tibia, ont été tranchés net, d'un seul coup d'épée.

On comprend pourquoi à Rome, à l'époque de la République, leurs incursions en Italie suscitent une véritable terreur. Ils prennent la Ville éternelle en 389 avant notre ère et rançonnent la population. Un siècle plus tard, une coalition gauloise parvient jusque dans le nord de la Grèce : en 279 avant notre ère, crime suprême et impardonnable contre le "monde civilisé", le sanctuaire panhellénique de Delphes est mis à sac.

Reste une question. Comment pareils soldats ont-ils pu, en dépit de leur écrasante supériorité numérique, s'incliner devant Rome ? "Du IVe au Ier siècle avant notre ère, le mouvement général, en Gaule, est à une démilitarisation de la société", dit Jean-Louis Brunaux. Ceux que rencontre César dans les années 50 avant J.-C. ne sont plus les Gaulois de Télamon ou de Ribemont, qui combattent nus et s'arrachent les membres d'un seul coup d'épée. Mais il y a, aussi, des aspects bêtement techniques...

Revenons en 51 avant J.-C., Vercingétorix vient d'être battu à Alésia. Toute la Gaule est occupée. Toute ? Non ! Un village peuplé d'irréductibles Gaulois résiste encore et toujours à l'envahisseur. "Après Alésia, la guerre est considérée comme achevée, raconte l'archéologue Matthieu Poux (université Lyon-II). César emmène Vercingétorix à Rome et prépare son triomphe. Mais un événement imprévu survient : un peuple gaulois du Sud-Ouest, les Cadurques (qui donneront leur nom à Cahors) tente un ultime sursaut. César y envoie Caninius, l'un de ses lieutenants, pour mater la rébellion." Mais celle-ci est tenace. D'autant que les Gaulois peuvent tenir longtemps : ils disposent d'une source au pied de leur place forte. De retour en Gaule, César se rend sur place et mène le siège. "Il fait construire une grande tour en bois du haut de laquelle ses artilleurs bombardent littéralement les assiégés de projectiles, à chaque fois qu'ils vont se ravitailler en eau, raconte M. Poux. Puis il fait percer la montagne sur laquelle est juchée la ville, pour détourner la source en question. Les sapeurs romains y parviennent ; les Gaulois doivent se rendre." Le proconsul laisse la vie sauve aux insurgés. Mais leur fait couper les mains.

Au Puy d'Issolud (nom moderne d'Uxellodunum), on a retrouvé les galeries des sapeurs de César, creusées dans la roche. Les fouilles menées par Jean-Pierre Girault ont aussi permis d'exhumer d'impressionnantes quantités de projectiles. "Un détail frappant, sur les grands sites de bataille de la guerre des Gaules, est que dans le corpus des armes retrouvées, on a 90 % d'armes de jet et de projectiles romains, explique M. Poux. Des traits de catapultes, des boulets de baliste, des pointes de flèches à barbelure ou des balles de fronde en plomb qui fusent à 400 km/h et peuvent fracasser un crâne à plusieurs centaines de mètres de distance."

La victoire romaine fut-elle celle de l'artillerie et de l'art du siège ? Fut-elle banalement technologique ? Les images forgées de longue date nous ramènent plutôt à la victoire de l'ordre sur le désordre. D'où vient cette idée tenace ? "César commence La Guerre des Gaules en distinguant la Belgique, la Celtique et l'Aquitaine", dit M. Goudineau. Dans ces trois ensembles, il décrit des peuples de langues et de coutumes différentes. "Puis à mesure qu'il rédige, une sorte de nation gauloise se dégage, qui s'incarnera en la personne de Vercingétorix..."

Alors ? Alors peut-être les Gaulois - mot forgé par les Romains - n'ont-ils jamais existé en tant que tels. A dire "les Séquanes se battent contre les Arvernes" ou "les Eduens s'affrontent aux Helvètes" au lieu de dire "les Gaulois se battent entre eux", on cesserait d'associer désordre et désunion à "nos ancêtres les Gaulois". Et on cesserait de penser que les automobiles allemandes sont plus fiables que les Françaises.
A lire : "Le Dossier Vercingétorix",de Christian Goudineau, Actes Sud-Errance, 2001.
"Nos ancêtres les Gaulois" de Jean-Louis Brunaux, Seuil, 2008.


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 Sujet du message : Re: Les Gaulois dans "Le Monde"
Message Publié : 21 Juil 2009 14:18 
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Plutarque
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Jennysweet a écrit :
Une chose non moins effrayante, c'était l'apparence et les mouvements des hommes nus placés au premier rang

Ce sont les Gésates.. Si l'on en croit Polybe, ils enlevèrent leurs vêtements en signe de provocation.. La bataille de Télamon fut un combat déséspéré pour les celtes.

Jennysweet a écrit :
En bons professionnels, ils disposent de l'équipement "dernier cri" : ce sont eux qui inventent la cotte de mailles, vers le IVe siècle avant notre ère.

Les celtes excellaient dans la fabrication de leurs armes, leurs épées durant la Tène I étaient si bonnes qu'elles furent adoptées par les Romains. Ils étaient aussi très bon cavaliers.. ce qui leur manquait, c'était cette cohésion que l'on peut trouver dans les armées de métier..

Jennysweet a écrit :
certains atteignent 1,90 mètre

Quelqu'un pourrait-il confirmer ? ça me semble énorme pour l'époque..

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 Sujet du message : Re: Les Gaulois dans "Le Monde"
Message Publié : 21 Juil 2009 14:29 
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Jean-Pierre Vernant
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Une taille telle me semble possible mais ce ne devait être que ponctuel, les celtes faisaient en moyenne 1,75 m je crois...

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 Sujet du message : Re: Les Gaulois dans "Le Monde"
Message Publié : 21 Juil 2009 14:35 
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Grégoire de Tours
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Brennos a écrit :
Jennysweet a écrit :
certains atteignent 1,90 mètre

Quelqu'un pourrait-il confirmer ? ça me semble énorme pour l'époque..

Ça montre juste qu'il n'y avait pas trop de pénurie de nourriture, ce qui ne me semble pas inimaginable du tout.

Par contre j'aimerais avoir plus d'informations sur la démilitarisation des gaulois entre le IV et le Ier siècle av. J.-C. : était-ce du à un courant idéologique/religieux prônant la paix, ou plus simplement à une certaine maturation politique ?

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Voltaire, 1766.


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 Sujet du message : Re: Les Gaulois dans "Le Monde"
Message Publié : 21 Juil 2009 14:41 
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Brennos a écrit :
Jennysweet a écrit :
certains atteignent 1,90 mètre

Quelqu'un pourrait-il confirmer ? ça me semble énorme pour l'époque..


A moi, il me semble que vous avez une vision erronée de nos ancêtres. On retrouve à de nombreuses périodes des hommes d'une telle taille. Ils sont assez courants pendant le mésolithique, par exemple. C'est du au fait que lors de certaines périodes clefs de l'enfance et de l'adolescence les enfants étaient très bien nourris.
Mais, dans d'autres périodes, la taille moyenne de la population diminue. Mais, il y a toujours des hommes qui atteignent une grande taille. J'insiste d'ailleurs sur le fait qu'à certaines périodes ce sont des hommes, les femmes faisant systématiquement 30 ou 50 centimètres de moins. C'est la nourriture qui explique tout cela. Les enfants de la noblesse, mieux nourris, donnent des adultes plus grands que le reste de la société. Quand à la différence hommes-femmes, elle s'explique aisément, cela veut souvent dire que les hommes, et les enfants mâles avaient le droit de manger en premiers, ensuite, les femmes pouvaient se servir (souvent, d'abord les femmes adultes, puis les fillettes). Par conséquent, les filles n'avaient pas assez de nourriture à disposition pour croitre normallement et restaient notablement plus petites.

Les différences de tailles signent donc les différences de statuts dans la société. Pour être grand, il vaut mieux être fils d'un grand propriétaire terrien que fils d'esclave ou de petit agriculteur vivant chichement sur un petit lopin de terre.

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Une théorie n'est scientifique que si elle est réfutable.
Appelez-moi Charlie


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 Sujet du message : Re: Les Gaulois dans "Le Monde"
Message Publié : 21 Juil 2009 14:52 
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Correction, il faut être un guerrier. Sur le site de Ribemont-sur-Ancre, la taille moyenne des combattants tombés au combat est de 1,75 m, les extrêmes allant de 1,65 à 1,83 m. Outre la pitence suffisante, ce qui est déterminant dans la taille des hommes est l'apport en protéine. C'est cette consommation de viande qui est générale pour les hommes adultes libres et absent de la consommation féminine. On retrouve bien sûr des taille élevé durant le paléolithique, justement à une époque où la consommation de viande était élevé. Dans la découverte récente de trois squelettes de l'époque mérovingienne à St Dizier, dont deux chefs, on s'est rendu compte que l'homme le plus âgé (la cinquantaine) souffrait d'un syndrome appelé DISH (diffuse idiopathic skeletal hypertrostosis) qui atteint souvent les hommes âgés dont la nourriture a été riche et notamment en graisse et en protéine. Cet homme mesurait 1,77 m et l'autre 1,82 m.

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Scribant reliqua potiores, aetate doctrinisque florentes. quos id, si libuerit, adgressuros, procudere linguas ad maiores moneo stilos. Amm. XXXI, 16, 9.


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 Sujet du message : Re: Les Gaulois dans "Le Monde"
Message Publié : 21 Juil 2009 15:51 
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Plutarque
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Inscription : 26 Avr 2009 21:23
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Merci pedro, ça me rassure..
La vision que je donne de nos ancêtres n'est donc pas si érronés que ça.

J'aurais dû m'attarder sur le "certains".. c'est vrai qu'il peut toujours y avoir des exceptions à la règle..


Eneru a écrit :
Par contre j'aimerais avoir plus d'informations sur la démilitarisation des gaulois entre le IV et le Ier siècle av. J.-C. : était-ce du à un courant idéologique/religieux prônant la paix, ou plus simplement à une certaine maturation politique ?


J'aimerais en avoir aussi, car au IV siècle ainsi qu'au III ème siècle av. j.c, se trouvent l'expansion majeur des celtes via leurs différentes expéditions..

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« Enfin, Monsieur, avouez que vous, Français, vous battiez pour l'argent tandis que nous, Anglais, nous battions pour l'honneur… » Surcouf lui répondit d'un ton calme : « Certes, Monsieur, mais chacun se bat pour acquérir ce qu'il n'a pas. »


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 Sujet du message : Re: Les Gaulois dans "Le Monde"
Message Publié : 21 Juil 2009 16:04 
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Pédro a écrit :
Correction, il faut être un guerrier.


Mais, sauf erreur de ma part, pour accéder à la classe des guerriers, il faut être au moins un homme libre et posséder les moyens de se nourrir, de s'entrainer et de s'équiper. Donc, il faut que la famille possède les moyens de nourrir ses garçons avec des aliments carnés et cela tout au long de l'année. Bref, il s'agit d'une élite.

Brennos a écrit :
J'aurais dû m'attarder sur le "certains".. c'est vrai qu'il peut toujours y avoir des exceptions à la règle..

Je vous prie de m'excuser, je vous ai peut-être classé un peu vite sur la foule des gens qui croient que nos ancêtres étaient petits et que ce n'est que l'alimentation moderne qui permet d'avoir des gens grands. Or, à pool génétique commun, l'alimentation est prépondérante dans ces questions de tailles. Un régime fortement carné et sans carences allié à un bon entrainement, va donner des hommes (ou des femmes, si elles ont accès à la même alimentation) grands et forts. Mais, que l'on prive les enfants de ces hommes grands, à certains ages clefs du développement, de cette alimentation riche et vous verrez une génération d'hommes de petits tailles, voire présentant des traces de carences alimentaires. D'ailleurs, pour ceux qui se donnent la peine de regarder, ces différences de tailles sont encore perceptibles de nos jours. Des générations de petits (à cause des privations dues aux PGM et SGM) ont donné naissance à des générations de grands.

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 Sujet du message : Re: Les Gaulois dans "Le Monde"
Message Publié : 21 Juil 2009 16:51 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant
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Inscription : 08 Juin 2009 10:56
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Localisation : Limoges
C'est très clair en effet, mes grand-oncles (maternels) et mon grand-père (paternel) qui ont connu les privation alimentaires de l'immédiat après guerre (pgm) étaient de petite taille (en général autour de 1,60m) alors que mon père et moi culminons (j'adore le terme grandiloquent) à 1,75 m... C'est vraiment marrant cette disparité alimentaire.

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