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 Sujet du message : La conjuration de Catilina
Message Publié : 26 Juin 2010 11:06 
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Polybe
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Salluste occupait quelle place pendant la conjuration de Catilina, qui était-il ? car je n'ai pas vraiment bien compris, qui il était pendant cet évènement.

merci d'avance

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 Sujet du message : Re: la conjuration de Catilina
Message Publié : 26 Juin 2010 23:39 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines

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A priori, Salluste n'occupait aucune place notable au moment de la conjuration de Catilina. Il était alors un jeune chevalier qui avait le début de vingtaine et qui ambitionnait de gravir les étapes du crusus honorum.


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 Sujet du message : Re: la conjuration de Catilina
Message Publié : 28 Juin 2010 8:30 
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Salluste
Salluste

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on a parfois l'impression que la conjuration de Catilina vient de nulle part et n'a pas d'impact sur la suite de l'Histoire.

Catilina est-il l'héritier de certains mouvements politiques et sociaux "révolutionnaires" (Marius, Cinna, les Gracques ?) et trouve-t-on des liens entre Catlina (ou plutôt les survivants de la conjuration) et ensuite les Césariens ?


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 Sujet du message : Re: la conjuration de Catilina
Message Publié : 28 Juin 2010 13:34 
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Jean Mabillon
Jean Mabillon

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PhP a écrit :
Catilina est-il l'héritier de certains mouvements politiques et sociaux "révolutionnaires" (Marius, Cinna, les Gracques ?) et trouve-t-on des liens entre Catlina (ou plutôt les survivants de la conjuration) et ensuite les Césariens ?


Cela serait curieux : Catilina me semble plutôt avoir été un "optimate" nostalgique de Sylla - quant à César, l'héritier de Marius, son attitude lors du procès devant le sénat relevait sans doute de la défense d'un principe classique chez les "populares" (refus de la légitimité du "senatusconsultum ultimum") plus que d'une proximité idéologique avec Catlina...

il est cependant vrai que Salluste n'est pas défavorable aux conjurés - mais ce faisant il contribue à discréditer Cicéron, bête noire (ou du moins grise) des Césariens, en mettant en lumière les faiblesses de la vieille République et la légalité douteuse des actes de l'Orateur.


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 Sujet du message : Re: la conjuration de Catilina
Message Publié : 28 Juin 2010 13:48 
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Tite-Live
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Catilina est-il l'héritier de certains mouvements politiques et sociaux "révolutionnaires" (Marius, Cinna, les Gracques ?) et trouve-t-on des liens entre Catlina (ou plutôt les survivants de la conjuration) et ensuite les Césariens ?

Pour autant que je sache, pas particulièrement, même si Clodius sut profiter de l'implication personnelle de Cicéron dans la répression de la conjuration de Catilina pour le pousser à l'exil. Il s'agissait bien davantage d'une manœuvre politique à l'encontre de son ennemi que d'une entreprise de réhabilitation de la cause des conjurés, et rien n'atteste que Clodius ait précédemment pris part à la conjuration. Il en va de même pour l'attitude de César, comme le signale Aigle.

A ce qu'il me semble, Catilina et ses alliés ne sont pas à comprendre comme des révolutionnaires en tant que tels, mais plutôt comme des déçus de la République. Souvent issus des meilleures familles de la République (un Sergius donc, un Cornelius Lentulus, un Cornelius Cethegus, un Cassius Longinus...), la plupart étaient désargentés ou peinaient à briller en politique, et leurs aînés les surpassaient. Leur conjuration n'est donc pas d'obédience popularis : elle ne s'accompagne d'aucun projet politique, sinon celui de prouver et justifier leur rang. Bref, c'est une manifestation de plus de la violence croissante qui marque la vie politique romaine au dernier siècle de la République.

Dans ses discours, Cicéron compare plus volontiers Catilina à M. Lepidus, le consul de 78 qui, briguant un second consulat et voyant ses ambitions politiques contrariées, était entré en guerre contre le Sénat (Cic., Cat., III, 24-25 par exemple). C'est plutôt à cette catégorie, rhétorique évidemment, qu'appartient donc Catilina selon l'historiographie antique : celle des traîtres à la République.


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 Sujet du message : Re: la conjuration de Catilina
Message Publié : 29 Juin 2010 6:21 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines

Inscription : 17 Mars 2004 23:16
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Quelques éléments qui ne valent pas réponse globale.

Catilina appartenait certes au patriciat, mais à une gens de 3ème voire 4ème rang. Sauf erreur de ma part, et en ayant conscience du caractère à la fois lacunaire et parfois fallacieux des fastes consulaires, jamais vous ne trouvez un Sergius comme consul. Tout au plus trouve-t-on de rares Sergii parmi la liste des tribuns à puissance consulaire (= à l'époque où Rome n'élisait pas 2 consuls/préteurs mais un collège de 6 à 10 tribuns consulaires).

Il n'en reste pas moins qu'il en tirait la fierté d'appartenir au cercle des plus anciens "vrais" citoyens romains, les nobles plébéiens étant parfois borcardés/insultés comme de faux romains, des étrangers.

Comme il a été dit plus tôt, Catilina était un syllanien, certes plutôt de la dernière heure, mais un syllanien quand même. Pendant la guerre sociale, il a servi dans le consilium du père de Pompée et il est donc vraisemblable qu'il y a cotoyé et le jeune Pompée, et le jeune Cicéron.
D'autres liens de Catilina avec les optimates sont établis, notamment avec Quintus Lutatius Catulus, la tête de file des optimates jusqu'à 63 (Catulus, consulaire, ancien censeur et grand pontife meurt en 63).
Il avait aussi recours, comme César et comme un tas d'autres anonymes, au soutien financier de Crassus, car une large proportion des sénateurs romains était contrainte de s'endetter pour faire face aux besoins monétaires de financement des "campagnes" électorales.

Catilina a fait l'objet de poursuites par Clodius lors du procès dont il a fait l'objet en tant que gouverneur d'Afrique. Lequel Clodius a par ailleurs été parmi les jeunes nobles et chevaliers qui ont assuré la protection du consul Cicéron, lors de la crise catilinaire.
Et Cicéron a, un moment, envisagé de former un tandem électoral avec Catilina.

Publius Sylla notamment, le neveu de Sylla, dont on peut supposer qu'il était relativement proche de Crassus et de César, avait été élu consul pour 65 et vu son élection annulée. Accusé d'être membre de la conjuration de Catilina, il a été défendu par Cicéron en échange d'une très forte somme d'argent.
Publius Cornelius Lentulus Sura, qui lui avait été consul en 71 mais avait été chassé du Sénat par les consuls de 70 et avait donc du recommencer le cursus honorum jusqu'à la préture, était d'une famille de premier rang.

En 63, lors du soulèvement réel qui porte Catilina, notamment en Etrurie, on trouve beaucoup d'anciens vétérans de l'armée de Sylla qui n'ont pas réussi leur installation comme propriétaire terrien et qui ont mangé l'argent que Sylla leur avait laissé.

Quand Rome débattait d'annuler les dettes, ce n'était pas une mesure visant principalement les pauvres mais une mesure qui aurait bénéficié principalement aux gros débiteurs qu'étaient les nobles faisant une carrière politique. Pour les pauvres, la mesure phare était plutôt une remise totale ou partielle de loyers.

Enfin, la plupart du temps, les sujets de débat et de compétition électorale à Rome n'étaient pas politiques. On se battait pour son rang, sa dignité, pour soutenir ses amis et parents, pour faire battre ses ennemis.

Pour résumer, si la situation sociale était effectivement explosive au milieu des années 60, il n'y avait pas de force politique qui portait une offre politique alternative visant à promouvoir les intérêts des perdants, des petits, des "exclus" (pour employer un terme à la mode) contre ceux de la classe dominante.

Le plus vraisemblable est donc que Catilina n'a jamais été la figure romantique du révolutionnaire imaginée par une historiographie moderne qui nageait dans les débats révolutionnaires à la fin du 19ème et surtout au 20ème siècle. Juste un noble frustré dans ses ambitions et sa dignitas et qui fait le pari de renverser la table pour améliorer sa situation et se venger de ceux qui lui ont à plusieurs reprises barré l'accès au consulat par des manoeuvres judiciaires et des combinazione.
Et ce qui ne plaide pas en faveur du personnage, c'est ce manque de discernement qui lui fait tenter un coup de force alors qu'il n'a pas d'armée.


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 Sujet du message : Re: la conjuration de Catilina
Message Publié : 29 Juin 2010 8:45 
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Jean Mabillon
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Caesar Scipio a écrit :

Comme il a été dit plus tôt, Catilina était un syllanien, certes plutôt de la dernière heure, mais un syllanien quand même.

Et ce qui ne plaide pas en faveur du personnage, c'est ce manque de discernement qui lui fait tenter un coup de force alors qu'il n'a pas d'armée.


Sur le premier point (Catlina syllanien), merci de dire qui l'a dit plus tôt (en l'occurrence moi !). :wink:

Sur le second point : a-t-il pensé s'appuyer sur les vétérans de Sylla - ou sur leurs fils ?


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 Sujet du message : Re: la conjuration de Catilina
Message Publié : 29 Juin 2010 18:49 
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Philippe de Commines
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Inscription : 17 Mars 2004 23:16
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Caesar Scipio a écrit :
En 63, lors du soulèvement réel qui porte Catilina, notamment en Etrurie, on trouve beaucoup d'anciens vétérans de l'armée de Sylla qui n'ont pas réussi leur installation comme propriétaire terrien et qui ont mangé l'argent que Sylla leur avait laissé.


Oui, si vous m'avez lu. :mrgreen:


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 Sujet du message : Re: La conjuration de Catilina
Message Publié : 01 Avr 2011 9:01 
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Polybe
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Bonjour,


Je suis à la recherche d'ouvrage sur ce sujet, j'ai déjà celui de Salluste, mais je voudrais savoir quels sont les autres ouvrages de référence à ce sujet ?

Je vous remercie d'avance

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"Même en Enfer, régner est digne d'ambition ; mieux vaut régner en enfer que de servir au ciel." John Milton
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 Sujet du message : Re: La conjuration de Catilina
Message Publié : 01 Avr 2011 12:22 
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Salluste
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Inscription : 23 Juil 2010 10:45
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Citer :
je voudrais savoir quels sont les autres ouvrages de référence à ce sujet ?


Les Catilinaires, par Ciceron non ?


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 Sujet du message : Re: La conjuration de Catilina
Message Publié : 02 Avr 2011 20:09 
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Pierre de L'Estoile
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http://www.litteratureaudio.com/livre-a ... aires.html
pour se bercer avec.
Bien à vous

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 Sujet du message : Re: la conjuration de Catilina
Message Publié : 03 Avr 2011 8:35 
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Pierre de L'Estoile
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Inscription : 09 Juin 2010 14:22
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Vestitudo a écrit :
Citer :

A ce qu'il me semble, Catilina et ses alliés ne sont pas à comprendre comme des révolutionnaires en tant que tels

En effet, je crois que s’il y a quelque chose à retirer sur le long terme de cette histoire, on doit plutôt tourner le regard vers la réaction de Cicéron. Non ?
Bien à vous.

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 Sujet du message : Re: la conjuration de Catilina
Message Publié : 16 Déc 2013 14:16 
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Salluste
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Aigle a écrit :
Catilina me semble plutôt avoir été un "optimate" nostalgique de Sylla
Non, les optimates étaient les ennemis de Catilina. Cependant, il est vrai que ce combat contre l'aristocratie sénatoriale conservatrice ne l'a pas pour autant poussé dans les bras des populares. Une sorte de troisième voie en quelque sorte...


Vestitudo a écrit :
A ce qu'il me semble, Catilina et ses alliés ne sont pas à comprendre comme des révolutionnaires en tant que tels, mais plutôt comme des déçus de la République. Souvent issus des meilleures familles de la République (un Sergius donc, un Cornelius Lentulus, un Cornelius Cethegus, un Cassius Longinus...), la plupart étaient désargentés ou peinaient à briller en politique, et leurs aînés les surpassaient. Leur conjuration n'est donc pas d'obédience popularis : elle ne s'accompagne d'aucun projet politique, sinon celui de prouver et justifier leur rang. Bref, c'est une manifestation de plus de la violence croissante qui marque la vie politique romaine au dernier siècle de la République.
Dans son ouvrage certes daté (1905 !) mais toujours pertinent, Gaston Boissier étudie très bien la conjuration et la divise en deux :

Salluste et Cicéron nous disent que Catilina prétendait soulever à la fois Rome et l'Italie. C'étaient, dans une seule conjuration, deux complots, qui n'avaient pas tout à fait le même caractère, quoique conçus dans la même pensée et conspirant au même résultat ; l'un devait grouper quelques grands seigneurs de la ville, l'autre rappelait aux armes les vieux soldats de Sylla disséminés dans les campagnes italiennes. Ils avaient chacun d'eux leur organisation distincte et leur rôle particulier, jusqu'au jour où ils devaient se réunir sous les murs de Rome pour tomber ensemble sur les aristocrates et les financiers et les brûler dans leurs palais.
Ceux de la ville étaient les plus près de Catilina, compagnons de ses plaisirs, confidents de ses projets, et ce sont certainement les premiers auxquels il a dû s'adresser quand la pensée lui est venue de tenter une aventure. Mais, d'un autre côté, nous verrons qu'au moment décisif, c'est dans les conjurés d'Italie qu'il a eu le plus de confiance ; ils ont été en somme son dernier espoir et son meilleur appui. Si l'on se fie au récit de Salluste, c'est à eux qu'il songea d'abord après l'échec de sa candidature ; "son premier soin fut de leur envoyer des armes et de l'argent qu'il emprunta sous son nom ou par le crédit de ses amis".
(…)
Il lui fallait des troupes d'un caractère particulier, prêtes à toutes les besognes. Ces troupes, il savait où les trouver ; il y avait partout, dans les provinces italiennes, et spécialement en Etrurie, d'anciens soldats de Sylla. Ils s'ennuyaient dans ces domaines qu'on leur avait donnés, ils étaient criblés de dettes, ils regrettaient leur ancien métier et au premier signe qu'on leur ferait, ils étaient prêts à reprendre les armes. C'est la première apparition des vétérans dans l'histoire de cette époque ; ils vont y tenir une plus grande place encore avec Antoine et Octave. Il n'en est pas moins vrai que c’est Catilina qui a compris le premier le genre de services qu'on pouvait leur demander. On savait bien qu'il ne manquerait pas de gens pour se joindre à eux. Partout ils allaient trouver des mécontents, des révoltés, qui s'associeraient à leur fortune : brigands, gladiateurs et pâtres. Voilà de quels éléments la petite armée de Catilina se composait. Le centre de ce mouvement militaire devait être Faesulae (aujourd'hui Fiesole), au cœur de l’Etrurie. C'est là que Catilina réunit le gros de ses troupes. Salluste prétend qu'au début, il ne comprenait que 2 000 hommes ; il ajoute, il est vrai, que ce nombre s'est vite augmenté. Cependant, il ne paraît pas croire qu’il ait jamais dépassé 10 à 12 000 hommes, puisqu'il dit que Catilina n'en forma que deux légions. Plutarque et Appien parlent de 20 000 hommes, et ce chiffre paraît assez vraisemblable quand on songe aux troupes que le gouvernement crut devoir leur opposer. C'était déjà une petite armée et destinée à s'accroître rapidement. A la vérité, le quart à peine possédait des armes véritables ; les autres se servaient de méchantes javelines, de faux ou même de bâtons durcis au feu. Mais c'étaient des soldats braves, résolus, le reste des vieilles bandes de Sylla.
(…)
Les conjurés de Rome étant plus en lumière et portant de grands noms, nous avons plus de renseignements sur eux. Quand on connaît Catilina, on n'a pas de peine à imaginer comment tant de personnages importants s'attachèrent à lui. La première conjuration, qui n'était qu'un coup de main peu préparé et mal exécuté, échoua par l'impéritie de quelques-uns et la lâcheté du plus grand nombre. Catilina n'avait rien perdu à cet échec ; au contraire, il y gagna de s'être fait mieux connaître. Parmi tous ces gens faibles, hésitants, il s'était montré vigilant, énergique, prêt à tout : c'étaient les qualités d'un chef de parti. Aussi est-il probable que tous ceux qui cherchaient fortune prirent dès lors l'habitude de se grouper autour de lui. Il s'y trouve deux anciens consuls, des préteurs, des questeurs et d'autres membres du Sénat. Ce qu'il y a de plus remarquable, c'est qu'ils appartiennent tous aux rangs les plus élevés de la société romaine. Ce sont des Cornelii, des Calpurnii, des Statilii, de proches parents de Sylla, un Cassius, un Gabinius, un Fulvius Nobilior, les gens les plus connus de Rome. On n'est pas habitué à voir tant de personnages de ce rang figurer ensemble dans un complot révolutionnaire. C'est le caractère particulier de la conjuration de Catilina ; elle est véritablement, comme l'appelle un poète de ce temps, un attentat de patriciens.
(...)
On est d'abord frappé de voir que, contrairement à ce qui était arrivé jusque-là, la politique proprement dite y tienne si peu de place. Cicéron soutient, dans un de ses moments d'optimisme, qu'après toutes les concessions que le peuple a obtenues, il n'y a rien qui puisse le séparer des hautes classes de l'Etat, qu'il ne lui reste plus rien à désirer, et qu'il n'a pas de motif de faire des révolutions nouvelles. C'est aller bien loin, d'autant mieux qu'on fait souvent des révolutions sans motif. Il est pourtant certain qu'en ce moment les graves questions de politique intérieure, pour lesquelles on avait livré tant de batailles, étaient résolues ou près de l’être. Depuis longtemps la plèbe avait conquis l’accès à toutes les fonctions publiques, et si l'aristocratie, grâce au prestige dont elle jouissait encore, continuait d'accaparer les plus hautes dignités, le succès de Marius et de Cicéron aux comices consulaires prouve qu'il n'était pas impossible de les lui arracher. A la suite de la guerre sociale, qui venait de finir, les Italiens avaient obtenu le droit de cité romaine, et les quelques pays, comme la Gaule cisalpine, qui ne le possédaient pas encore dans sa plénitude, ne devaient pas tarder à le recevoir. Le peuple était donc à demi satisfait, et il était naturel qu'il commençât à se désintéresser des questions qui passionnaient ses pères. Aussi n'en trouve-t-on aucune trace dans les programmes qu'on prête à Catilina. Il n'y est fait aucune allusion ni aux lois agraires, ni à la puissance tribunitienne, ni aux privilèges des classes, ni à des réformes dans la constitution. On ne voit pas non plus qu'il se soit abrité sous quelque grand nom populaire, comme ses prédécesseurs le faisaient volontiers. Ils y trouvaient ce double avantage d'hériter des partisans que le personnage avait laissés et de résumer tout leur programme en un seul mot.
Il avait suffi à César de dire qu'il venait venger Marius pour se trouver tout de suite à la tête d'un parti. Catilina ne semble pas s'être mis derrière personne. Qui donc en effet aurait-il choisi pour patron ? Il ne pouvait songer à Marius dont il avait si cruellement traité les derniers amis ; quant à Sylla, son ancien maître, quoique évidemment il procède de lui et s'inspire de son souvenir, il ne pouvait pas s'autoriser ouvertement de son nom, au moment même où il venait combattre cette faction aristocratique qui prétendait sauver ce qui restait de son œuvre et continuer sa politique. Que voulait-il donc faire ? Pour en être parfaitement informé, il aurait fallu se glisser, avec ceux de ses partisans dont il était le plus sûr, dans cette partie retirée de sa maison où il les réunissait, assister à cette assemblée de famille (contio domestica ), comme l'appelle Cicéron, l'entendre exposer ses plans avec cette fermeté et cette franchise auxquelles ses adversaires mêmes rendent hommage. Par malheur, nous sommes réduits à recueillir et à reproduire, en essayant de l'interpréter, ce que les écrivains de ce temps en ont pu savoir et ce qu'ils veulent bien nous en dire.


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 Sujet du message : Re: la conjuration de Catilina
Message Publié : 16 Déc 2013 14:23 
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Salluste
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Inscription : 16 Déc 2013 13:24
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Caesar Scipio a écrit :
Enfin, la plupart du temps, les sujets de débat et de compétition électorale à Rome n'étaient pas politiques. On se battait pour son rang, sa dignité, pour soutenir ses amis et parents, pour faire battre ses ennemis.
Je pense que c'est exagéré. Il y a quand même un certain nombre de grands noms qui sont morts pour leur cause : les Gracques, Saturninus et Glaucia, Livius Drusus... César a toujours été clair dans son programme politique. De l'autre côté, les optimates aussi.
Il n'y a que certains ambitieux qui ont varié au gré des circonstances : Pompée, Crassus, Cicéron...

Citer :
Pour résumer, si la situation sociale était effectivement explosive au milieu des années 60, il n'y avait pas de force politique qui portait une offre politique alternative visant à promouvoir les intérêts des perdants, des petits, des "exclus" (pour employer un terme à la mode) contre ceux de la classe dominante.
C'est pourtant l'époque de la Lex Rullia, proposition de loi agraire assez développée.


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