Bonjour Grippeminaud. Et bienvenue sur ce site. Vous me permettrez de vous faire part du plaisir que j'éprouve à voir un nouvel inscrit sur le site réserver son 1er message à la partie histoire romaine du forum et le faire sur le sujet de discussion du moment.
Vous avez bien raison. A ma connaissance, aucune source n'établit avec certitude ce qu'a fait César entre 72 et 71. On sait juste qu'il est revenu d'orient à Rome en 73 pour être intrônisé dans le collège des pontifes où il venait d'être coopté grâce aux nombreux appuis familiaux dont il bénéficiait (le consulaire Aurelius Cotta, cousin de sa mère, et aussi le consulaire Mamercus Aemilius Lepidus Livianus qui, par les femmes, était aussi apparenté à la famille de la mère de César, ainsi que Servilius Isauricus sous les ordres duquel César avait servi). La même année aussi, selon toute vraisemblance, il se fait élire tribun militaire.
Les sources ne le font ensuite réapparaître qu'en 70, en soutien de la loi sur la réforme des tribunaux/juries ainsi que sur l'aministie des anciens proscrits.
Le travail de nombreux historiens a néanmoins aussi consisté, à défaut de preuves, à émettre des hypothèses sur ces trous laissés par les sources.
Je profite de votre intervention pour répondre en écho à jibe, dont le dernier message m'avait (vous l'avez compris) amusé dans la mesure où ses propos antérieurs n'étaient pas précis et contredisaient plutôt des faits établis ou des conclusions évidentes.
Je ne pense donc pas qu'on puisse qualifier d'opportuniste ou de girouette un jeune homme de 17/18 ans qui, comme la plupart des nobles romains, est longtemps restés fidèles au pouvoir en place, n'a abandonné la cause que quand elle était perdue et s'enferrait dans une dérive extrémiste et terroriste. En 82, avec Marius le jeune et Papirius Carbo comme consuls qui se mettent à faire exécuter les nobles qui sont restés à Rome sous Cinna mais prônent un arrangement avec Sylla, il devenait évident qu'il fallait quitter un navire qui coule et dont les capitaines étaient devenus fous.
Il faut mesurer à quel point, jusqu'en 83, Sylla est un réprouvé dans la noblesse romaine. La grande majorité de cette noblesse romaine condamne le sacrilège qu'il a commis en 88 en prenant Rome par la force. Il est isolé avec quelques familles de la grande noblesse qui l'ont suivi dans en exil dans son proconsulat d'Asie. Ce qui n'empêche pas les grandes familles de la noblesse (les Valerii, les Aurelii Cottae, les Cornelii Scipiones, certains Licinii Crassi de l'autre branche que celle du futur triumvir qui, lui, était effectivement exilé) de subir et désapprouver la domination de Cinna. Pour résumer, après la mort de Cinna en 84, ce grand groupe "central" veut la réconciliation et l'apaisement. D'où le choix des consuls de 83, susceptibles de conclure un arrangement (Scipio Asiaticus notamment).
César était tellement peu girouette qu'il a refusé de divorcer quand Sylla l'a exigé. Vous conviendrez qu'il aurait été particulièrement inconséquent s'il avait été une girouette. Sylla n'est précisément ni Pompée ni Catilina qui, eux, étaient des opportunistes et qui ont combattu contre leurs anciens alliés au point de participer personnellement à leur mise à mort.
Se marier avec la petite fille des consuls de 88 (Sylla et Pompeius Rufus), ce n'est selon moi pas être une girouette mais plutôt chercher à se recentrer en prenant acte d'un mécanisme essentiel dans la politique romaine : personne ne réussit à devenir consul, dans les conditions à peu près stabilisées qui étaient celles du début des années 60, dans une posture excessivement popularis. Pour une raison simple, à savoir qu'on est élu préteur puis consul par les comices centuriates où la toute petite minorité de nobles et de citoyens riches a à elle seule une majorité écrasante.
Or si la plupart des nobles ont condamné les proscriptions, tous ont approuvé la restauration d'une république oligarchique par Sylla. Cette restauration, ils l'appelaient de leur voeu et ils voulaient assurer sa pérennité.
Il y avait donc de la place pour un réformiste, pas pour un révolutionnaire. Les hommes politiques ne sont pas forcément réformistes par opportunisme. Ils peuvent l'être par conviction profonde de ce qui est souhaitable et possible.
La suite au prochain numéro.