Wenceslas Balyre a écrit :
Et moi je pense qu'il y a décidément beaucoup de gens qui parlent d'anachronisme sans savoir ce que cela veut dire. Personne ne contesterait qu'il soit pertinent d'appliquer des concepts de la science économique à l'Antiquité pour mieux comprendre les données observables (inflation, loi de l'offre et de la demande, système des prix...). Par contre, dès qu'il s'agit d'employer des concepts de philosophie politique (état de droit, étatisme, liberté individuelle), voilà que tout à coup l'on crie à l'anachronisme, à l'erreur méthodologique, à la faute déontologique.
L'on admet qu'au temps de Titus comme celui de Jean-Michel, la raréfaction des biens entraîne une hausse de leur prix et leur abondance une baisse des prix, mais ils n'auraient pas eu la même réaction fasse à une législation garantissant la propriété et à des fluctuations de fiscalité ? L'on accepte l'idée que la société de Titus comme celle de Jean-Michel se soient prémunies contre le vol par des dispositions pénales, mais on ne saurait constater une équivalence entre l'exigence de garanties légales de Titus face au pouvoir du magistrat, et la même exigence par l'homme européen du XVIIIe siècle ?
Admettre que l'homme antique et l'homme moderne aient pu, sur un certain nombre de points, raisonner de la même manière, emprunter des sentiers logiques similaires et arriver à des conclusions identiques, et admettre que, agissant de la même manière en vertu de raisonnements et d'impulsions similaires, ils soient parvenus à des résultats semblables, ce n'est pas de l'anachronisme, c'est du bon sens.
Alors, évidémment, celui qui analyse emploie les mots qui désignent les choses dans sa propre culture pour désigner les choses similaires qu'il trouve dans d'autres. Mais se baser sur ce détail formel pour crier à l'anachronisme et estimer ainsi tout un argumentaire valablement discrédité, c'est le degré zéro de la réflexion historique, et cela ne donne vraiment pas envie de discuter plus longtemps.
D'une part vous éludez complètement les différences de culture et de mentalité des deux espaces que vous étudiez et d'autre par vous procédez à rebours de la méthode historique qui ne consiste pas à plaquer des concepts sur l'Histoire mais à en étudier les structures pour les questionner et les mettre en lumières. Vous partez du principe que les rapports sont les mêmes que ceux que vous connaissez, vous restez en surface, vous récupérez ce qui semble coller et vous estampillez ça "libéralisme" ou je ne sais quoi au mépris de toute discussion de la question. Vous n'avez visiblement pas rassemblé tous les éléments qui allaient à l'encontre de votre modèle et qui mettaient en relief les écarts importants entre vos thèses et le réel. De ce fait vous faites oeuvre d'idéologue et non d'historien. Votre démarche ne pêche pas tant pas l'emploi de concept moderne à appliquer à l'Histoire, d'autres l'ont déjà fait, mais vous, vous éludez complètement ce qui ne vous arrange pas, vous simplifiez à outrance.
Ensuite utiliser des concepts de philosophie politique et des théories économiques comme éléments devant s'articuler avec vos postulats de justesse et de vérité c'est un peu fort de café. En conséquence vous ne dites rien de moins que votre analyse et donc votre opinion est la bonne, la vraie et que tout ce qui existe d'alternative n'est qu'élucubration de gens dans l'erreur... Et ça ce n'est pas très libéral comme point de vu. Ces concepts n'ont pas la même plasticité que l'ethnologie par exemple. Ils ne font souvent que regrouper des points de vue sur les sociétés et la façon de les envisager en fonction des thèses en vogue. Ainsi une flopée de penseurs politiques auraient tout autant le droit de revisiter l'Histoire à leur sauce.
Et puis faites très attention avec ce fameux "bon sens" ; la méthode des analyses dans les différentes sciences humaines sont justement là pour tempérer les facilité d'interprétation du fameux bon sens. Il ne signifie rien à par révélez quel est votre point de vue et en quelle haute estime vous le portez.
Mais de toute façon ce qui solutionnerait toute cette discussion dont visiblement vous ne nous trouvez guère digne, serait que votre ouvrage trouve un accueil chaleureux et dithyrambique dans la communauté des historiens... enfin si vous les jugez dignes eux-aussi d'émettre un avis mesuré sur vos thèses. Alors pourquoi ne pas avoir proposé votre ouvrage chez les Presses Universitaire de France par exemple? Pourquoi ne pas avoir de préface de Jean-Michel Carrié ou de Bertrand Lançon?