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Message Publié : 31 Déc 2013 18:37 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant
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Cinéraire a écrit :
Pour en comprendre l'idée, il faut avoir assisté à l'avancée d'une ligne de CRS munis de boucliers et de l'impact physique qu'elle peut avoir sur une ligne adverse désorganisée.


C'est un très bon exemple en effet.

Citer :
Mais la ligne arme (épée-lance, quelles qu'elles soient) plus bouclier semble avoir eu un inconvénient surprenant, vu que chaque homme étant également protégé par le bouclier de son voisin les armées antiques auraient eu tendance à des mouvements de rotation.


Ce n'est pas aussi mécanique ; cela fonctionne surtout pour les phalanges grecques dont la particularité était, comme vous l'avez signalé, de protéger le compagnon d'à coté. Mais dans les autres armées, même lors de l'emploi de boucliers circulaires, ce phénomène ne se posait pas ainsi, simplement parce que chaque combattant tenait son bouclier par un seul manipule central, le rendant indépendant et surtout actif dans la bataille. On pouvait former des murs de boucliers, principalement pour absorber une charge, mais les formations n'avaient pas une cohérence aussi grande que celle des monolithes grecs. Du coté romain, surtout au Haut Empire, il faut rajouter en plus que le scutum concave protégeait essentiellement son porteur.

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Scribant reliqua potiores, aetate doctrinisque florentes. quos id, si libuerit, adgressuros, procudere linguas ad maiores moneo stilos. Amm. XXXI, 16, 9.


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Message Publié : 31 Déc 2013 18:53 
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L'exemple est bien choisi. Le contrôle de foule est une discipline extrêmement complexe où seuls les professionnels savent agir correctement. J'ai beau avoir appris des rudiments de "CRC" (Crowd and Riot Control - "contrôle de la foule et des émeutes"), je suis encore étonné par la difficulté de l'exercice, et de la discipline extrême qui est requise des forces de l'ordre.

Je maintiens que l'image qu'on en a, de ces corps-à-corps sans pitié, est essentiellement romantique, alors que, dans une mélée médiévale - ou antique ! - l'important n'était pas la virtuosité individuelle, mais la cohésion de groupe, et donc la discipline qui en est le ciment.

Hollywood et ses inspirations (notamment asiatiques : un samouraï qui trucide dix ennemis à lui seul, beurk !) sont le pire ennemi de la véracité d'une bataille rangée d'alors : triomphait la cohésion d'ensemble sur la masse, la retenue sur l'audace, la volonté de groupe sur celle de réaliser des exploits, et que de batailles ont été gagnées par une petite armée, resserrée, sur une plus grande, où fleurait bon l'indiscipline et l'initiative individuelle !

CNE503

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Message Publié : 31 Déc 2013 19:05 
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CNE503 a écrit :
L'exemple est bien choisi. Le contrôle de foule est une discipline extrêmement complexe où seuls les professionnels savent agir correctement. J'ai beau avoir appris des rudiments de "CRC" (Crowd and Riot Control - "contrôle de la foule et des émeutes"), je suis encore étonné par la difficulté de l'exercice, et de la discipline extrême qui est requise des forces de l'ordre.


Ce qui nous renseigne sur un autre élément. Dans de nombreux films on a l'impression que la vie de soldat en temps de paix se limite à faire des corvées, quelques corvées, un peu d’exercice au maniement de l'épée et c'est à peu près tout. Je pense que pour obtenir la cohésion nécessaire, il devait y avoir aussi des entrainements à la cohésion de la ligne de bataille. Entrainements sûrement moins spectaculaires que ceux qu'on voit dans les films.

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Message Publié : 31 Déc 2013 21:04 
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A mon sens, pour obtenir de la cohésion dans la ligne de bataille, il fallait de nombreuses heures d'entraînement collectif régulièrement. Notamment pour obtenir des capacités de manoeuvre. Je n'ai jamais lu ou vu dans un film que l'on rendait compte du temps et des efforts nécessaires. Alors que - le manque d'espaces d'entraînement collectif - c'est une explication satisfaisante pour justifier de l'absence d'une infanterie formée en France entre le XIVe et le XVIe siècles.

Il serait intéressant de creuser auprès des mémoires suisses entre 1450 et 1550 pour savoir si l'infanterie des cantons procédait à des phases d'entraînement collectif.

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Message Publié : 02 Jan 2014 0:12 
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Pierre de L'Estoile
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vous avez du vous nourrir de la prose d'Ardant du Picq non ?

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il pleuvait, en cette Nuit de Noël 1914, où les Rois Mages apportaient des Minenwerfer


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Message Publié : 02 Jan 2014 0:50 
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Je l'ai lue en effet. Ceci dit, lui insistait sur la nécessité d'obtenir une force morale supérieure, quand moi j'insiste sur un élément dont la certitude fut plus tardive : si la discipline est la force principale des armées, seul le "drill" régulier, permanent, ad nauseam, permet d'obtenir cette cohésion qui fait tout dans une ligne de bataille, et encore bien plus que ça lors d'un corps-à-corps.

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Message Publié : 02 Jan 2014 11:46 
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Pierre de L'Estoile
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De mémoire, il écrivait que les lignes de Légion Romaine étaient constituées des jeunes recrues d'abord, et les Vétérans derrière pour en étayer la cohésion.
Autre détail, les Gaulois torse nu, comme pour se moquer de l'attirail adverse !

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Message Publié : 02 Jan 2014 12:08 
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Avant que les réformes de Marius ne modifient cet état de fait, l'infanterie légionnaire se répartissait en trois lignes : les Hastatii étaient les plus jeunes, affectés à la première ligne, les Princeps formaient la deuxième ligne, les Triarii étaient constitués de vétérans aguerris et formaient la troisième. La légion était entourée de vélites qui se chargeaient des tâches de tirailleurs.

A la fin du IIe siècle avant notre ère, cette articulation fut supprimée, et les trois catégories fondues en une seule, identique en équipement et en capacité.

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Message Publié : 02 Jan 2014 13:04 
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Pierre de L'Estoile
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dans cette vidéo extraite de la série "Rome" On assiste à une manoeuvre assez compliquée : à chaque coup de siflet du centurion on fait permuter la 1er et la 2ème ligne de manière à avoir des combattants neufs pour épuiser les gaulois qui eux attaque de façon désordonnée. C'est la que Titus Pullo n'en fait qu'à sa tête et refuse de décrocher d'ou altercation avec son supérieur hiérarchique Lucius Vorenus.
Cet extrait confirme la fusion des trois lignes de la réforme de Marius ce qui permet une fluidité au sein de la manipule.
Il illustre de façon impressionnante la discipline de groupe romaine, victorieuse de l'héroïsme individuel gaulois.
Ce qui est ettonnant c'est la vision diamètralement opposée du témoin réel des faits Jules César himself B)
CÉSAR, La guerre des Gaules, V, 44 a écrit :
Il y avait dans cette légion deux centurions, hommes du plus grand courage et qui approchaient déjà des premiers grades, T- Pullo et L- Vorénus. Il existait entre eux une continuelle rivalité, et chaque année ils se disputaient le rang avec une ardeur qui dégénérait en haine. Comme on se battait opiniâtrement près des remparts: "Qu'attends-tu, Vorénus?," dit Pullo. "Quelle plus belle occasion de prouver ton courage? Voici, voici le jour qui devra décider entre nous." À ces mots, il sort des retranchements et se précipite vers le plus épais de la mêlée. Vorénus ne peut alors se contenir, et, craignant l'opinion générale, il le suit de près.
Je vous épargne la baston qui s'ensuit. Pullo vient à son tour pour le dégager; et tous deux, sans blessure, après avoir tué plusieurs ennemis, rentrent au camp couverts de gloire. Ainsi, dans ce combat où ils luttèrent, la fortune balança leur succès, chacun d'eux défendit et sauva son rival, et l'on ne put décider qui l'avait emporté en courage.

Bon il y a de la propagande la dessous et il ne faut pas croire tout ce que dit Jules mais quand même : quel besoin de reconnaissance des actes individuel héroîque, ne serait-ce que pour le moral des troupes.

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Lietz her heidine man. Obar seo lidan.
Thiot urancono. Manon sundiono.
(Il permit que les païens traversassent la mer, Pour rappeler aux Francs leurs péchés)


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Message Publié : 02 Jan 2014 13:12 
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Mais l'héroïsme importe au sein de la troupe la plus disciplinée : elle aussi a besoin d'inspiration, et elle aussi doit puiser dans ses forces morales lorsque l'adversité s'abat sur elle. Pour cela, rien de mieux qu'un exemple à suivre : un officier levé qui donne ses ordres comme à la manoeuvre, la défense victorieuse d'un emblème cher, etc.
Il y a juste plus de mérite à savoir tenir son rang stoïquement, sans chercher la gloire à tout prix, que l'inverse. Une des actions les plus héroïques qu'il m'ait été donnée d'analyser, c'est la charge de la chevalerie française à Crécy en 1346, sur une position préparée hérissée de pieux et de ceps de vigne, garnie d'archers et d'hommes d'armes à pied. Il fallait un courage hors du commun pour se lancer à l'attaque. Héroïque, mais d'une stupidité sans nom, sans même laisser le temps aux arbalétriers génois d'essayer de préparer le terrain, ni obéir aux propres ordres du roi d'attendre que l'armée soit regroupée et le terrain moins détrempé.

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Message Publié : 04 Jan 2014 1:46 
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Grégoire de Tours
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Inscription : 17 Juin 2013 18:20
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Si je peux me permettre, félicitations à tous les participants pour ce remarquable sujet - particulièrement à CNE503 pour le caractère décisif de sa contribution.


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Message Publié : 04 Jan 2014 16:36 
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Thucydide
Thucydide

Inscription : 11 Fév 2010 20:13
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Pédro a écrit :
Ce n'est pas aussi mécanique ; cela fonctionne surtout pour les phalanges grecques dont la particularité était, comme vous l'avez signalé, de protéger le compagnon d'à coté. Mais dans les autres armées, même lors de l'emploi de boucliers circulaires, ce phénomène ne se posait pas ainsi, simplement parce que chaque combattant tenait son bouclier par un seul manipule central, le rendant indépendant et surtout actif dans la bataille. On pouvait former des murs de boucliers, principalement pour absorber une charge, mais les formations n'avaient pas une cohérence aussi grande que celle des monolithes grecs. Du coté romain, surtout au Haut Empire, il faut rajouter en plus que le scutum concave protégeait essentiellement son porteur.




Tout en étant entièrement d'accord avec vous, je me permets néanmoins une petite précision vu qu'il semble y avoir trois utilisations distinctes dans l'usage du bouclier. Dans l'exemple donné, il s'agissait effectivement des périodes les plus anciennes où le bouclier était tenu par un télamon à l'épaule gauche. Pour la période où le bouclier fut fixé à l'avant bras, il ne me semble pas que la technique de combat ait fondamentalement changé, ce qui n'est probablement plus le cas dans l'exemple de la seule poignée centrale que vous citez. Si le bouclier est effectivement plus mobile et peut être utilisé comme une arme offensive, son utilisation dans les poussées reste nettement plus aléatoire..


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Message Publié : 04 Jan 2014 17:41 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant
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Inscription : 08 Juin 2009 10:56
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Oui, bien que l'on puisse corriger le tir en calant la jambe derrière le bouclier et en tournant légèrement le buste. Néanmoins l'essentiel est là ; la poussée n'est pas la seule vocation de l'armée. Dans l'armée romaine de toute façon on ne perdra jamais de vue la possibilité de l'engagement d'un combattant seul voir d'une unité en ordre dispersé. Ainsi il y a nécessité de pouvoir agir individuellement.

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