On ne peut pas dire que mon sujet a beaucoup de succès ! Je vais quand même le poursuivre ici, en reprenant ma communication faite sur un autre forum.
La fin de la Bretagne romaine a dû se faire en trois phases, se chevauchant par ailleurs :
1) La Bretagne évolue de plus en plus en dehors de l'Empire romain. Il faut d'abord signaler le départ de la plupart des soldats romains en 407, emmenés sur le continent par l'usurpateur Constantin III. Cela signifie que l'Empire romain n'a plus les moyens d'assurer effectivement sa domination sur la Bretagne. Les invasions germaniques du Ve siècle en Gaule ne peuvent qu'accentuer l'isolement de la Bretagne romaine. Il se produit une sécession de facto, pas en droit. La Bretagne ne déclare pas son indépendance, et les empereurs romains n'abandonnent pas formellement leur souveraineté.
2) L'administration romaine commence à se désagréger, peut-être dès le IVe siècle (Stuart Laycock). Zosime signale qu'elle cesse d'exister en 409. Pour Ken Dark, c'est l'administration centrale (diocésaine) qui aurait disparu à la suite d'une révolution sociale. Les Bretons voulaient apparemment se débarrasser de toutes les créatures installées par Constantin III, usurpateur les ayant abandonnés. L'administration romaine n'existe donc plus qu'au niveau provincial. Cela rend très difficile le rétablissement de la domination impériale, sauf intervention militaire massive. Mais les empereurs d'Occident n'en ont plus les moyens, avec les invasions germaniques sur le continent.
Cette tendance se poursuivra ensuite, les civitates bretonnes entrant en conflit l'une contre l'autre. Elle finit par déboucher sur la reconstitution des royaumes celtes préexistant à la conquête romaine, dans la seconde moitié du Ve siècle. Seule différence : il existe maintenant aussi des royaumes anglo-saxons, issus des invasions germaniques. Bien entendu, un état de guerre chronique existe entre Bretons et Anglo-Saxons. Cela ne peut qu'accélérer la désagrégation de l'administration romaine.
Pour essayer de faire une transposition à notre époque, c'est comme si l'administration centrale d'un pays comme la France cessait d'exister pour une raison ou une autre. Chaque région vit alors de manière autonome. Si les administrations régionales cessent aussi de fonctionner, nous descendons au niveau des départements, ainsi de suite. L'Allemagne a connu plus ou moins cette situation de 1945 à 1949, quand il n'existait plus de gouvernement central, seulement quatre zones d'occupation.
3) La culture romaine se maintient toutefois assez bien jusqu'à la fin du VIe siècle au moins, si j'en crois le lien signalé :
http://taigong788.skyrock.com/2548669839-Une-Bretagne-en-dehors-de-Rome.html - Elle finit toutefois par disparaitre presque complètement, suite aux bouleversements politiques des deux phases précédentes. Seuls quelques mots anglais sont d'origine romaine : "street", "mile", "wall", les terminaisons en "chester"... Le droit romain n'a plus cours non plus. Résultat étonnant après une présence qui a quand même duré quatre siècles, surtout à côté de la Gaule ou de l'Hispanie ! Cela dit, on peut penser que la Bretagne n'a été que superficiellement romanisée en dehors du bassin de Londinium (Londres).
L'isolement croissant de la Bretagne (phase 1) a dû favoriser la désagrégation de l'administration romaine (phase 2), finalement la disparition presque complète de la culture romaine (phase 3). Au cours de la phase 1, la Bretagne fait sécession de facto comme au temps de l'empire des Gaules (IIIe siècle). Au cours de la phase 2, elle sort du moule politique romain et devient en quelque sorte une "terra incognita". Au terme de la phase 3, c'est la culture romaine elle-même qui disparait presque complètement. Ces trois phases se sont bien sûr chevauchées.
D'un point de vue politique, on peut considérer que la Bretagne ne fait plus partie du monde romain au terme de la deuxième phase, donc au cours de la seconde moitié du Ve siècle. Je signale par ailleurs ce livre : "Britannia. Histoire et civilisation de la Grande-Bretagne romaine", par Patrick Galliou, éditions Errance. Il a aussi fait paraitre une étude sur "Le mur d'Hadrien", aux éditions Armeline. Ne les ayant pas encore, je ne peux en faire le compte-rendu.