Je répondrai par un conseil de lecture, le Pro Milone, où il défend l'assassin de Clodius. En voici un extrait (III,7)
Citer :
Dira-t-on que Scipion l'Africain avait perdu le jugement, lorsque Carbon lui demandant en pleine assemblée ce qu'il pensait de la mort de Tib. Gracchus, il répondit à ce tribun séditieux que ce meurtre lui semblait légitime? Et comment justifier Servilius Ahala, P. Nasica, Opimius, Marius? comment absoudre le sénat entier, sous mon consulat, si l'on ne pouvait, sans offenser le ciel, ôter la vie à des scélérats? Ce n'est donc pas sans raison que dans leurs ingénieuses fictions les sages de l'antiquité nous ont transmis que, les opinions de l'Aréopage ayant été partagées, un fils qui, pour venger son père, avait tué sa mère, fut absous, non-seulement par le suffrage des hommes, mais encore par celui de la plus sage des déesses. Si les lois des Douze Tables ont voulu qu'un voleur puisse être tué impunément pendant la nuit, en quelque état qu'il se trouve; pendant le jour, lorsqu'il se défend avec une arme offensive: comment peut-on penser que l'homicide, de quelque manière qu'il ait été commis, ne puisse être pardonné, surtout quand on voit que les lois, en certaines occasions, nous présentent elles-mêmes le glaive pour en frapper un homme?
Cicéron vit à une époque violente et admet la violence lorsqu'elle constitue une légitime défense pour la cité menacée. La mort de Tiberius Gracchus constitue ici le point de rupture qui rend la violence acceptable face à certains comportements politiques. Attention au portrait trop irénique de Cicéron. Entre le Cicéron des traités (L'Orateur) et le Cicéron des plaidoiries (le Pro Murena est un modèle d'hypocrisie), il y a la différence entre la théorie et la pratique ! Il faut se défaire de l'image de "saint laïc républicain" construite au XIXe s (ce qui nous renvoie au programme de tronc commun si je peux me permettre ce
private joke). Il y a aussi un Cicéron orgueilleux, manipulateur, de mauvaise foi, même si le personnage n'est évidemment pas que ça.