Autant reprendre le texte d'Ammien qui décrit bien le caractère emporté de Julien :
[24, 7] (1) Julien tint conseil avec ses principaux officiers sur la question de savoir si l'on mettrait le siège devant Ctésiphon. L'opinion de ceux qui connaissaient la place fut que ce serait une imprudence et une faute, vu l'assiette inexpugnable de cette place, et l'attente où l'on était d'avoir bientôt Sapor sur les bras avec une puissante armée. (2) La raison dictait cet avis, qu'approuva le bon sens du prince. Il envoya seulement Arinthée, avec un détachement d'infanterie légère, dépouiller de leurs moissons et de leur bétail les riches campagnes environnantes, et donner en même temps la chasse aux ennemis éparpillés dans l'épaisseur des bois, ou cachés dans des retraites à eux seuls connues. Cette expédition eut pour résultat un butin considérable. (3) Mais l'ardeur de Julien le poussait en avant, au mépris des avis contraires. Il gourmandait ses lieutenants, qui par pusillanimité, disait-il, ou par amour du repos, osaient lui conseiller de laisser inachevée la conquête de la Perse. La résolution lui prit tout à coup de s'avancer dans les terres, et il laissa le fleuve à sa gauche, sur la foi de guides trop peu sûrs, (4) en donnant l'ordre fatal de mettre le feu à la flotte. Il ne réserva que douze des plus petits navires, destinés à jeter des ponts, et qu'il fit suivre sur des chariots. Il crut avoir agi pour le mieux en arrachant cette proie à l'ennemi, et en rendant ainsi disponibles vingt mille hommes environ que la manoeuvre ou la remorque des vaisseaux avait occupés depuis le début de la campagne. (5) Éclairé plus tard par les murmures, il reconnut enfin (ce qui n'était que trop évident) que dans le cas d'un échec la retraite vers le fleuve devenait impossible à travers ces plaines arides et ces montagnes à perte de vue. Les transfuges appliqués à la torture avouèrent dans les tourments qu'ils avaient fait de faux rapports. L'ordre alors fut donné de courir au plus vite éteindre les flammes. Mais la conflagration avait été si rapide, qu'il ne restait d'intact que les douze vaisseaux, qu'on avait pour les conserver, séparés des autres. (6) Nous nous trouvions donc très inconsidérément privés de la flotte. Mais aux yeux de Julien cet inconvénient était compensé par la faculté de concentrer l'armée, et d'opérer désormais sans division de ses forces. On avançait donc par masses compactes dans l'intérieur des terres, et partout l'on trouvait encore abondamment à subsister. (7) Les ennemis, pour nous ôter cette ressource et nous prendre par la famine, mirent le feu aux pâturages et aux moissons déjà mûres. Cet embrasement nous arrêta court, et, pour attendre qu'il eût cessé, nous contraignit de recourir à un campement provisoire. Cependant les Perses nous harcelaient sans cesse, tantôt sous la forme d'escarmouches, se dispersant dès qu'on leur faisait tête, et tantôt nous opposant des masses, afin de laisser croire que le roi les avait joints, et que c'était ce renfort qui leur donnait cette audace et cette vigueur inaccoutumées. (8) Ce fut alors que chef et soldats déplorèrent la perte de la flotte, qui leur ôtait les moyens de jeter des ponts et de prévenir les mouvements de l'ennemi, dont l'approche n'était plus annoncée que par le scintillement lointain des armures. À ces inconvénients s'en joignait un autre non moins grave: on n'entendait point parler des secours promis par Arsace, ni de l'arrivée prochaine des deux corps détachés.
A mon sens ce que Julien cherchait avant tout c'est un affrontement direct avec l'armée Perse et de rejouer la partition d'Alexandre. C'est le modèle qu'il s'est choisi, avec Marc Aurèle, et qu'il décrit longuement dans son Banquet des Césars.
_________________ Scribant reliqua potiores, aetate doctrinisque florentes. quos id, si libuerit, adgressuros, procudere linguas ad maiores moneo stilos. Amm. XXXI, 16, 9.
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