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Message Publié : 18 Déc 2014 8:24 
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Salluste
Salluste
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Inscription : 27 Jan 2006 10:21
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Localisation : oise
Bonjour,

J'ai lu il y a peu que selon Veyne ou Nicolet (il faut que je retrouve la référence), que les romains considéraient que les cités grecques devaient leur chute à une conception trop restreinte de leur citoyenneté au sens où ils étaient très réticents à l'ouvrir aux peuples allogènes.
D'un autre côté, d'aucuns considèrent que l'empire Romain a décliné du fait d'une trop grande ouverture de leur citoyenneté aux "barbares".

Sans oublier que d'autres facteurs sont entrés en ligne de compte, j'aimerai savoir si selon vous on peut envisager la chute de ces deux grandes civilisations comme le résultat d'une "mauvaise gestion" de leur citoyenneté et de leurs vertus civiques? Ces civilisations se seraient elles maintenues si elles avaient pu trouver un "juste milieu"?

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"N'allez pas où le chemin peut mener. Allez là où il n'y a pas de chemin et laissez une trace."

Ralph Waldo Emerson


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Message Publié : 18 Déc 2014 9:28 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

Inscription : 13 Avr 2006 23:08
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Localisation : Haute-Vienne
Aucune civilisation ou société n'est éternelle.

La civilisation romaine a duré un bon paquet de temps. Les facteurs qui ont provoqué sa chute (encore que tous soit relatif, puisqu'elle est restée un repère culturel jusqu'à nos jours, il n'y a qu'à voir nos monuments néo classiques pour s'en convaincre) sont nombreux et complexe et la gestion de la citoyenneté ne me semble pas être déterminante (mais mes connaissances ont des lacunes). Il faut voir quelle définition a été appliquée à la notion de citoyenneté selon les époques: être citoyen romain sous Caracalla ne voulait pas dire la même chose que sous Auguste ou pendant la République.

L'instabilité politique, les difficultés économiques et la difficulté d'organiser l'administration pérenne d'un si vaste empire, regroupant des populations et des cultures très diversifiées, me paraissent bien plus déterminante dans la "chute" de la civilisation romaine. Et encore une fois, si politiquement l'empire romain a disparu, culturellement, il s'est transmis à travers les siècles jusqu'à nous, des "barbares" qui se sont vite convertis à la mode romaine au Haut Moyen Age à nos institutions inspirées de l'antiquité, en passant par l'Empire Carolingien, la Renaissance, la révolution française qui ont tous pris la civilisation greco romaine comme référence.


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Message Publié : 18 Déc 2014 17:15 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant
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Inscription : 08 Juin 2009 10:56
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Localisation : Limoges
Tout à fait Brennus, je rajouterais simplement que les idées de trop grande ouverture de la citoyenneté romaine aux barbares est un point de vu souvent idéologiquement orientées (je ne vous incrimine nullement, j'évoque seulement les ouvrages que j'ai pu lire) et postulent que les dits barbares se soient comportés fort mal avec l'Empire, ce qui est faux. Un personnage comme Stilichon, de part son dévouement à l'Empire pourrait servir à lui seul à doucher ce genre d'idée, mais on peut lui adjoindre une foule d'anonymes que l'on aperçoit dans les textes antiques, ces soldats engagés dans l'armée romaine et qui se battent bravement pour Rome. Il y a dans Ammien Marcellin la mention d'un tribun d'origine barbare qui meure face à l'ennemi sans fuir alors que ses troupes, débordées se débandent. Il y a chez le même auteur une critique extrêmement vive des Italiens qui, par lâcheté dit-il, préfèrent se couper le pouce que servir dans l'armée... Alors de ce point de vu l'idée d'une citoyenneté non méritoire et fondée sur le sang ne mène pas très loin.

Par ailleurs les Romains eux-mêmes se l'a sont longuement posé et on sait ce qui se produisit lors de la Guerre Sociale, sans que l'accès à la citoyenneté des Italiens n'aboutisse à ce genre de critiques. On les représente, dans un certain imaginaire, sans doute de même "race" (attention j'emploie ce terme pour accentuer l'idée ) que les Romains, ou en tout cas, plus à même de comprendre les subtilités de la citoyenneté. Le barbare c'est souvent la brute, le soldat ivrogne et violent, impropre à se couler dans un espace civique et c'est ce genre de cliché qui crée l'incompréhension. Or, depuis fort longtemps des chefs germaniques étaient élevés dans l'Empire, parfois à la cour même d'un empereur et je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de gens encore pour soutenir l'idée que la culture est liée au sang.

Par contre la question civique se pose bien, notamment dans le comportement de certains membres des élites locales qui privilégient davantage leur carrière dans les institutions étatiques que d'assumer leur rôle d'évergète local (invoquant leur ruine...). Mais s'il y a défection c'est aussi parce que l'Empire n'est plus une simple mosaïque de cités-Etat mais un Etat en structuration et de ce fait les anciens usages se sclérosent progressivement.

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Scribant reliqua potiores, aetate doctrinisque florentes. quos id, si libuerit, adgressuros, procudere linguas ad maiores moneo stilos. Amm. XXXI, 16, 9.


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Message Publié : 18 Déc 2014 22:34 
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Tite-Live
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Inscription : 02 Déc 2011 10:16
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Qu'est-ce qui était demandé aux barbares en contrepartie de la citoyenneté ? Après la guerre sociale et après l'édit de Caracalla.

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Quidquid latine dictum sit, altum sonatur


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Message Publié : 18 Déc 2014 23:09 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant
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Cela ne s'adressait pas à ceux qu'on appelle "barbares" avec comme arrière pensée des Germains, mais d'une part des Italiens (fort divers d'ailleurs) dans le premier cas, et dans le second, l'immense majorité des habitants des terres de l'Empire de condition libre. Dans l'un comme dans l'autre il s'agissait de faire disparaître une condition d'infériorité hiérarchique par rapport aux citoyens de plein droit. Notez que les gens qui recevaient cette citoyenneté romaine ne perdaient pas pour autant leur citoyenneté de naissance, celle de leur cité, qu'elle soit Athènes, Lyon ou Pergame. On ne demandait rien en retour, on donnait un droit.

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Message Publié : 19 Déc 2014 9:03 
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Tite-Live
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Inscription : 02 Déc 2011 10:16
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Pédro a écrit :
On ne demandait rien en retour, on donnait un droit.

Rien ? Voilà le meilleur moyen pour fiche en l'air tout ce qui a été posé au départ.
Je veux dire que ne pas demander de contrepartie finit par banaliser le fait. Être citoyen n'a donc pas vraiment de valeur en soi et au moindre désagrément on finira par mordre la main qui nous nourrit. Ça c'est pour le bas peuple. Pour les places de généraux, c'est encore plus délétère car on a le vrai pouvoir entre les mains. Stilichon et les autres honnêtes sont probablement de bons apports à l'Empire mais d'autres ne l'ont pas été ( Odoacre, Alaric et tous les autres) et il ne fallait pas leur donner les commandes. Même si c'est la force des choses qui a décidé.

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Message Publié : 19 Déc 2014 9:57 
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Polybe
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Inscription : 09 Oct 2014 10:56
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Pédro a écrit :
Cela ne s'adressait pas à ceux qu'on appelle "barbares" avec comme arrière pensée des Germains, mais d'une part des Italiens (fort divers d'ailleurs) dans le premier cas, et dans le second, l'immense majorité des habitants des terres de l'Empire de condition libre. Dans l'un comme dans l'autre il s'agissait de faire disparaître une condition d'infériorité hiérarchique par rapport aux citoyens de plein droit. Notez que les gens qui recevaient cette citoyenneté romaine ne perdaient pas pour autant leur citoyenneté de naissance, celle de leur cité, qu'elle soit Athènes, Lyon ou Pergame. On ne demandait rien en retour, on donnait un droit.


Sauf erreur de ma part, les citoyens paient un impôt sur la succession. L'édit de Caracalla y trouve une motivation importante, selon Dion Cassius.


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Message Publié : 19 Déc 2014 12:11 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant
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Inscription : 08 Juin 2009 10:56
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Localisation : Limoges
furtif a écrit :
Pédro a écrit :
On ne demandait rien en retour, on donnait un droit.

Rien ? Voilà le meilleur moyen pour fiche en l'air tout ce qui a été posé au départ.
Je veux dire que ne pas demander de contrepartie finit par banaliser le fait. Être citoyen n'a donc pas vraiment de valeur en soi et au moindre désagrément on finira par mordre la main qui nous nourrit. Ça c'est pour le bas peuple. Pour les places de généraux, c'est encore plus délétère car on a le vrai pouvoir entre les mains. Stilichon et les autres honnêtes sont probablement de bons apports à l'Empire mais d'autres ne l'ont pas été ( Odoacre, Alaric et tous les autres) et il ne fallait pas leur donner les commandes. Même si c'est la force des choses qui a décidé.


Quand j'évoque l'ouverture de la citoyenneté aux Italiens par exemple on est juste après 88 avant notre ère ; si vous pensez que ce fut le début de la fin pour Rome c'est que vous avez quelques soucis quand à la réalité de l'Histoire... Même chose pour l'édit de Caracalla en 212... Bref si vous souhaitez évoquer le cas des généraux qui eurent des démêlés avec Rome autant vous le dire tout de suite, certains partis à Rome n'étaient pas tout à fait constitués de doux poètes aimables mais de gens se représentant les barbares et assimilés comme une sous-humanité indigne du moindre égard. Alaric par exemple, met le siège devant Rome pour avoir un levier afin de faire plier la cour de Ravenne et obtenir les subsides qu'il mérite au titre de son grade dans l'armée (il est quand même magister militum...) Quant à Odoacre, alors qu'il a potentiellement tout pouvoir entre ses mains ne devient pas empereur... même chose pour Arbogast qui préféra chercher un homme de paille en la personne d'Eugène. Ces hommes qui possédaient virtuellement l'autorité suprême ne se drapèrent jamais dans la pourpre et force est de constater qu'ils auraient sans doute fait de meilleurs empereurs que ceux que l'on a vu se succéder au Ve siècle... D'ailleurs pour évoquer la grande humanité des autorités romaines à l'égard des barbares pourquoi ne pas évoquer ce qu'ils firent subir aux Goths après qu'ils eurent reçu de la part de l'empereur Valens le droit de s'installer dans l'Empire : on leur donna a manger des chiens en échange d'esclaves pris dans leurs rangs. Il est certain que c'était là la meilleure façon d'intégrer ces migrants. On connait la suite et cette belle politique mena directement au désastre d'Andrinople, là où les migrations précédentes qui s'étaient accompagnées d'installation sur le sol impérial n'avaient pas suscité ce genre de problème. Ammien Marcellin lui-même n'a pas de mots assez durs pour qualifier cette gestion calamiteuse et conclu son Histoire sur les événements de 378 ; c'est assez significatif.

Au delà devenir citoyen c'est ensuite en assumer les devoir comme l'a noté Dovicus, ni plus ni moins.

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Message Publié : 19 Déc 2014 16:51 
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Inscription : 15 Avr 2004 22:26
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Localisation : Alsace, Zillisheim
furtif a écrit :
Pédro a écrit :
On ne demandait rien en retour, on donnait un droit.

Rien ? Voilà le meilleur moyen pour fiche en l'air tout ce qui a été posé au départ.


Enfin, pas tout à fait. La plupart des non-citoyens étaient demandeurs de cette citoyenneté. Elle apportait un prestige supplémentaire, on contribuait à l'empire et on en était membre. De plus, il y avait de légères différences sur le plan judiciaire. Et, sauf erreur de ma part, lorsqu'on l'a attribuée à tous les italiens pendant la République, cela a modifié le statu douanier des villes considérées.

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Une théorie n'est scientifique que si elle est réfutable.
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Message Publié : 23 Déc 2014 18:14 
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Pierre de L'Estoile
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Inscription : 28 Déc 2011 12:34
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Localisation : St Valery/Somme
J'ai abordé cette question dans un autre fil mais je pense qu'il est pas mal de le citer ici :
Almayrac dans Rome, du libéralisme au socialisme. La raison de sa chute a écrit :
Avec l’émergence et la généralisation progressive du Christianisme, on assiste à une redéfinition complète des notions de citoyenneté et d’extranéité. Les Chrétiens ne sont pas de ce monde (Ps 39.12) : « je suis un étranger chez toi (Dieu), un habitant comme tous mes pères ». Ce sont des pèlerins en transit de la cité terrestre (civitas terrena) vers la cité de Dieu (civitas Dei) décrite par Saint-Augustin. « Personne n’est citoyen, écrit saint Jean Chrysostome, personne n’a de cité (polis) ; car la cité est en haut ». L’accueil de l’advena, de celui qui vient ou ad-vient, est un devoir sacré, car l’étranger figure un alter Christus. Au jugement dernier, c’est à cette aune que se décidera le salut ou la damnation (cf. Matt 25.35 : « j’étais étranger et vous m’avez accueilli »).

Alors que le barbare fraichement intégré dira plutôt :
Citer :
« Francus ego cives romanus miles in armis », « Franc, je suis citoyen romain car je porte les armes en tant que soldat ».


Abandon volontaire de la citoyenneté des romains convertis au christianisme correspondant à une revendication barbare à la citoyenneté.

Sur quoi Pédro m'avait répondu :
Pédro a écrit :
Imaginer que chaque communauté ait pu avoir la moindre unanimité de pensé est un peu naïf. Tous les chrétiens n'ont pas eu les mêmes sentiments, les mêmes pratiques, les mêmes conceptions du culte, de dieu... Entre un soldat converti devant la grandeur de Constantin, un moine d'Egypte, un théologien de la trempe d'Augustin et un petit commerçant de Bretagne les divergences sont profondes et finalement leur commune appartenance au christianisme n'est guère déterminent pour les mettre tous dans un grand sac estampillé d'un sceau unique. On juge trop souvent les comportement potentiels humains à travers le prisme déformant de notre rationalité pourtant la part du paradoxe n'est pas étrangère à notre mentalité. Ainsi être chrétien et se définir comme citoyen romain n'est pas impensable vu que "tu ne tueras point" le sera avec la fonction de soldat...
L'encastellement, sans chercher l'apocalypse peut s'expliquer nettement mieux par des phénomènes de psychose dans les mentalités craignant la possible arrivée des barbares. Quand on lit les textes, même des auteurs païens, et qu'on voit avec quelle verve pathétique ils décrivent les incursions germaniques on comprend mieux quelles ont pu être les sentiments d'une population qui pourrait y être soumise.

Bref, généraliser ne mène pas bien loin et faire de la doctrine chrétienne une idéologie incompatible avec d'autres sentiments d'appartenance cause quelques soucis pour expliquer les périodes futures ; ainsi quid du gallicanisme si "les chrétiens ne sont pas de ce monde".

_________________
Lietz her heidine man. Obar seo lidan.
Thiot urancono. Manon sundiono.
(Il permit que les païens traversassent la mer, Pour rappeler aux Francs leurs péchés)


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