Dans un ouvrage déjà ancien : "les dieux de l'ancienne Rome", de L. Preller, édité chez Perrin en 1884 (excusez du peu !), on peut lire ceci, aux pages 367 et suivantes :
"Une grande simplicité, une grande propreté, une grande pureté, voilà les points dominants du culte de Vesta : de là viennent les nombreuses purifications qu'on y faisait; de là aussi les loi stoutes particulières auxquelles étaient soumises les Vestales, chargées d'entretenir le feu sacré et de puiser l'eau nécessaire au service du temple. C'est encore au roi Numa qu'on attribue généralement l'établissement de ces Vestales. Autrefois elles étaient quatre; on en prit six à partir de Tarquin l'ancien ou de Servius Tullius, et ce chiffre resta plus tard le chiffre normal. Choisies par le Pontife Maxime, dans les meilleurs et les plus irréprochables familles de la ville, avec leurs deux parents en vie, elles restaient sous la surveillance immédiate du Pontife, qui présidait, en général, à tout le culte de Vesta. Elles étaient prises âgées de six à dix ans, et s'engageaient à un service de trente années. Sur ces trente années, elles en passaient dix dans le noviciat, dix autres à s'occuper directement du culte et le dernier tiers à instruire les novices.
Leur existence s'écoulait ainsi, au milieu de grands honners, mais aussi sous des charges fort rigoureuses. Il leur fallait jour et nuit garder le feu sacré, éviter toute souillure, rejeter toute idée de bonheur domestique, car elles ne se mariaient guère, une fois leur service expiré. Il est vrai qu'elles jouissaient de mille distinctions flatteuses, que le peuple avait pour elles un respect sans bornes, que, dans la rue, les magistrats les plus importants leur cédaient le pas; que leur seule rencontre sauvait un condamné qu'on menait au supplice; que leurs prières étaient pour tous les accusés le plus solide appui.
Mais malheur à celle qui oubliait par hasard son devoir et ses serments ! Si le feu sacré venait à s'éteindre, la Vestale coupable était frappée jusqu'au sang par le grand Pontife. Si par hasard on la surprenait dans un commerce illicite, si même elle éveillait les soupçons par une tenue trop négligée, une conduite trop libre, et si la faute était prouvée, alors la Vestale était enterrée vive et le séducteur fouetté à mort sur une place publique... Une fois éteint, le feu de Vesta ne pouvait se rallumer qu'à une source naturelle, soit par une branche d'arbre purifiée qu'on frottait jusqu'à l'enflammer, soit par la concentration des rayons du soleil. On renouvelait même ce feu tous les ans, le 1er mars, comme à Lemnos on renouvelait annuellement le feu employé dans l'île par de nouvelles flammes plus pures, cherchées à Délos. De même aussi l'eau employée au culte de Vesta devait être une eau courante, celle du Tibre ou des sources de la ville. L'eau des aqueducs était aussi formellement proscrite. Il était, de plus, défendu aux Vestales de poser à terre l'eau qu'elles apportaient au temple; aussi se servaient-elles pour cela de vases spéciaux, pointus par le fond, qu'on ne pouvait poser à terre sans que le contenu s'en épanchât; un tel vas s'appelait futile; de là homo futilis.
On célébrait en juin une fête de Vesta, avec des usages particuliers fort caractéristiques. Le 7, on ouvrait le magasin de Vesta pour nettoyer pendant quelques jours, avec le plus grand soin, tout le matériel du service. Le 9 venait la vraie fête, les Vestalia. Les matrones se rendaient, pieds nus, au temple de la déesse, pour y apporter, dans de simples plateaux, les mets qu'elles avaient coutume d'offrir, devant leur foyer domestique, aux Lares et aux Pénates. Ce jour était aussi, en souvenir du vieux temps où chacun cuisait lui-même son pain chez lui, la fête des meuniers et même de leurs ânes; ces derniers étaient couronnés de guirlandes, comme nous le montre encore une peinture retrouvée à Pompéi. Enfin, le 15 juin, on achevait le nettoyage du temple, et les fêtes finissaient."
Précédemment dans ce livre, qui date d'une certaine façon délicieusement, et a dû être complètement dépassé depuis par les recherches contemporaines (mais ne gachons pas notre plaisir), on peut lire que le culte de Vesta, étroitement lié à celui des Pénates, ne semble pas avoir été une spécificité romaine; il semblerait avoir été pratiqué à Albe (Alba Longa) et à Lavinium, dont les "antiquités sacrées ... sont encore appelées, dans une inscription du règne de Claude : sacra princippia populi romani, c'est-à-dire les objets sacrés auxquels se rattachent les traditions de l'origine de Rome et de toute la nation latine".
Voilà. Tout ceci est évidemment quelque peu suranné, mais tellement agréable à lire !
Amicalement.
_________________ "Notre époque, qui est celle des grands reniements idéologiques, est aussi pour les historiens celle des révisions minutieuses et de l'introduction de la nuance en toutes choses".
Yves Modéran
|