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Message Publié : 12 Mai 2008 9:18 
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Salluste
Salluste

Inscription : 11 Mai 2008 19:00
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Bonjour à tous

je suis nouveau sur ce site et crains d'être maladroit : j'en appelle à votre clémence.

Cela dit, un point me semble important : "république" est un concept moderne qui ne traduit pas "Respublica".

la "res publica" c'est le bien commun des citoyens romains - la meilleure traduction en serait sans doute l'"Etat".

A ce titre la "res publica" a existé jusqu'en 476 ap JC - Suétone, Tacite, l'histoire Auguste etc ... emploient le terme sans hésiter pour l'époque impériale...

Je pense que vous voulez parler de république comme du contraire de la Royauté (Regnum : royauté dans laquelle il n'existe pas de bien commun mais une appropriation de celui-ci par le roi).

En Français courant on parle de république pour la période de 509 à 27 mais l'expression latine serait plutôt "libera respublica".

maintenant une république n'est pas nécesairement une démocratie.

Cicéron (dans son célèbre traité "de republica") ou Polybe rappellent que la constitution rmaine est équilibrée conformément au modèle préconisé par les philosophes grecs (Aristote en particulier) entre monarchie (les magistrats), aristocratie (le sénat) et démocratie (les assemblées du peuple).

A la fin de la république, l'équilibre semble avoir été "déséquilibré" en faveur du sénat. Cette vision est illustrée notamment par le faible nombre d'"homines novi" au 1er siècle (et par une page célèbre de Salluste)...mais cela n'a pas toujours été le cas (sinon comment Marius aurait il pu être élu consul ?).

Maintenant une question : comment connaître le système politique romain ancien (disons avant la 2è guerre punique)? car nos sources sont tardives (la plus anciennes est Polybe je crois)...


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Message Publié : 13 Mai 2008 6:09 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines

Inscription : 17 Mars 2004 23:16
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Si on se réfère aux données historiques connues ainsi qu'aux analyses faites par des historiens, il faut sortir des images d'Epinal et surtout des déformations effectuées par les auteurs anciens.

Les auteurs anciens étaient tous quasiment sans exception des aristocrates partisans d'un modèle ologarchique de constitution.

Ce qu'on peut dire avec certitude, c'est qu'avant une sdérie de loi de la 2ème moitié du 2ème siècle av JC, notamment celle de Marius, le vote n'était pas secret, si bien que les électeurs étaient contrôlés et soumis aux rudes pressions des puissants aristocrates. Il est établi que des aristocrates du plus haut vol insultaient ouvertement et délibérément ce qu'ils considéréaient être la populace : Scipion Emilien au temps de sa splendeur (et son père Paullus Aemilius Capitolinus ne devait pas être en reste non plus), un Manlius Torquatus pendant la seconde guerre punique, ou encore Scipion l'africain à qui on prête des instultes envers un tribun de la plèbe (traité de "cloporte").

L'analyse des fastes consulaires et la reconstitution qui a pu être opérée (voir Muntzer qui reste une référence) ont montré que de véritables coups de force et on peut dire des mini coups d'Etat ont été opérés lors de certaines élections consulaires, notamment sous l'égide de Fabius Maximus Cunctator lors des débuts de la 2ème guerre punique où il a pu imposer l'élection de consuls et préteurs qui étaient ses alliés politiques.

Ces mêmes sources montrent que Publius Licinius Crassus Dives, collègue de Scipion l'africain au consulat en 205, a acheté l'électorat lors de son édilité de 212 en dépensant des sommes sans précédent pour les jeux qu'il revenait aux édiles d'organiser (comme César en 65) et que c'est notamment ça qui lui a permis de faire une carrière brillante et météorique.

On pourrait, si les sources n'étaient pas si pauvres, faire un constat semblable lors de la censure d'Appius Claudius Caecus à la fin du 4ème siècle.

La liste serait très longue mais la république romaine n'était en réalité guère plus vertueuse avant la 2ème guerre punique. Tout au plus n'y avait-il pas le recours massif aux violences, aux bagarres et à l'assassinat politique qu'on constate à partir des Gracques, de Saturninus

Contrairement aux images d'un âge d'or, la république romaine devait juste être mieux contrôlée par les clans aristocratiques avant la 2ème guerre punique alors qu'il était plus difficile d'en contrôler tous les éléments au 1er siècle av JC.


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Message Publié : 14 Mai 2008 20:04 
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Salluste
Salluste

Inscription : 11 Mai 2008 19:00
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Merci de ces observations

Mes réactions

1 - faisons ce que les juristes appellent un a contrario: si tite Live évoque des violences c'est qu'elles sont inhabituelles... sinon ils n'en parlerait pas !

2 - s'il y a des violences c'est que les élections ne sont pas décidées d'avance : l'allemagne d'hitler pas plus que l'URSS ne connaissaient de violences électorales !

3 - si polybe fait de la constitution romaine conforme à l'idéal d'équilibre d'Aristote la raison des succès romains c'est qu'il avait des motifs de croire et d'écrire (sous peine d'être ridicule aux yeux des contemporains) que ce modèle correspondait peu ou prou à la réalité : il n'est pas absurde de pense que lorsque la Ville était plus petite, les citoyens moins nombreux, les inégalités moins grandes, les valeurs civiques mieux ancrées... les institutions étaient peut-être plus stables et plus équilibrées !

Ceci n'est évidemment pas un point de vue définitif mais un simple avis.


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Message Publié : 14 Mai 2008 23:29 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines

Inscription : 17 Mars 2004 23:16
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Faisons aussi comme les enquêteurs et envisageons aussi les nuances. ;) Notamment, il faut bien distinguer 2 choses : les violences et les trucages qui conduisent à empêcher ce qui devrait en théorie être le libre-jeu des élections, même dans une constitution mixte à la romaine.

Ce n'est pas parce qu'il n'y avait pas le niveau de violence de la fin de la république au moment de la 2ème guerre punique que la république était vertueuse et fonctionnait conformément à la façon théorique et idéale dont elle prétendait fonctionner. On doit d'abord bien avoir présent à l'esprit que les sources antiques sont rarement des sources d'historiens avec toute la rigueur et la méthode scientifique auxquelles s'astreignent les contemporains. C'étaient avant tout des chroniqueurs qui faisaient oeuvre moraliste ou politique.

Tite-Live, notamment, s'il jouissait d'une certaine liberté de ton, était avant tout au service d'Auguste. Sa construction de l'Ab Urbe Condita (cf. l'excellent ouvrage de Bernard Mineo, Tite-Live et l'histoire romaine) s'inscrit notamment dans un schéma de reconstruction historique visant à monter en apothéose Auguste.

Quant à Polybe, n'oubliez pas qu'il prophétise la possibilité que cette "belle constitution mixte, ce modèle d'équilibre", en arrive à se dérégler. Et surtout, vous savez bien que des gens éclairés peuvent accepter la différence entre discours et réalité à compter du moment où le discours est un discours de louanges pour ne pas dire un discours de courtisan.
Même si les régimes ne sont pas comparables, est-ce que les discours panégyristes et le culte du chef dont bénéficient ou ont pu bénéficier des dictateurs ou des régimes autoritaires comme l'Irak de Saddam Hussein, la Syrie des Assad, la Corée du nord ou la Chine reflètent une réalité ?
Polybe ne s'adressait pas au peuple romain. Il s'adressait aux cercles dirigeants romains et grecs.

Et surtout, il y avait tout simplement le dessous des cartes que ces chroniqueurs, moralistes et "historiens" en herbe ignoraient ou dissimulaient délibérément : notamment le fait que la république romaine était principalement une oligarchie aristocratique dans laquelle le jeu des alliances entre grandes familles et entre clientèles était absolument prépondérant et décidait de bien des choses.

Nos historiens modernes ont su rassembler des faisceaux d'indices, démonter des falsifications délibérées dans les sources antiques, montrant comment pour certains événements, les choses s'étaient passées en réalité.

Pour une des périodes qu'on évoquait, la 2ème guerre punique, l'élection des consuls pour 215 et 214, a par exemple été reconstituée dans ses grandes lignes de manière tout à fait éclairante sur les prétendues vertus des dirigeants romains de l'époque.

On peut aussi s'interroger sur les raisons pour lesquelles, après 201, les romains n'ont plus jamais désigné de dictateur, jusqu'à ce que Sylla reconquière l'Italie et Rome les armes à la main au détriment des marianistes qui avaient le soutien populaire. Est-ce un pur hasard sans signification aucune ? Les historiens, quand ils se sont penché sur ce sujet, ont notamment apporté des réponses et mis en évidence des pratiques pas franchement orthodoxes.

Et en remontant plus haut, il ne faut pas diminuer l'importance et le caractère gravissime des sécessions répétées de la plèbe lors du conflit entre patriciat et plèbe.

Entendons-nous bien : la montée du niveau de violence politique à compter des Gracques est incontestable. Mais cette violence n'est jamais spontanée. Elle ne vient pas d'une base dotée d'une conscience politique de soi. Elle est toujours initiée par des sénateurs aristocrates de plus ou moins haut vol.
Cette violence a 2 causes. Certes elle résulte d'une logique de surenchère pour gagner une compétition politique.
Mais elle illustre aussi que, paradoxalement, la société romaine et ses assemblées électorales sont devenues plus fluides, plus diversifiées et moins contrôlables par les réseaux et outils traditionnels de l'aristocratie conservatrice. C'est aussi ça qui autorise les surenchères des populares.
Il n'en reste pas moins que comme vous l'énoncez, c'est évidemment la conquête et l'exploitation de l'Italie et du monde méditerranéen qui ont bouleversé les équilibres sociaux, économiques et politiques traditionnels de la cité romaine.


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Message Publié : 15 Mai 2008 8:01 
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Salluste
Salluste

Inscription : 11 Mai 2008 19:00
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Merci caesar mais vous ne répondez pas à ma remarque sur polybe me semble-t-il ...

Par ailleurs le contexte de la 2è guerre punique me semble difficilement ^tre représentatif du fonctionnement "normal" des institutions romaines ...

Par ailleurs il y aurait à faire une analyse de fond des "tendances démocratiques" (expressiond'origine non contrôlée) à Rome : le tribunat de la plèbe, les diverses assemblées (notamment les comices tributes dans lesquels le critère censitaire n'existait pas), le passage au vote secret... jusqu'à la conjuration de catilina ...


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Message Publié : 15 Mai 2008 10:34 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines

Inscription : 17 Mars 2004 23:16
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Je pensais vous avoir répondu avec ces quelques phrases.

Quant à Polybe, n'oubliez pas qu'il prophétise la possibilité que cette "belle constitution mixte, ce modèle d'équilibre", en arrive à se dérégler. Et surtout, vous savez bien que des gens éclairés peuvent accepter la différence entre discours et réalité à compter du moment où le discours est un discours de louanges pour ne pas dire un discours de courtisan.
Même si les régimes ne sont pas comparables, est-ce que les discours panégyristes et le culte du chef dont bénéficient ou ont pu bénéficier des dictateurs ou des régimes autoritaires comme l'Irak de Saddam Hussein, la Syrie des Assad, la Corée du nord ou la Chine reflètent une réalité ?
Polybe ne s'adressait pas au peuple romain. Il s'adressait aux cercles dirigeants romains et grecs.


Mais je peux compléter, notamment sur la question d'Aristote.

Franchement, je pense qu'Aristote, ce n'est pas la question.

Que pour un aristocrate grec ou romain un régime à dominante aristocratique/oligarchique soit préférable, c'est naturel. Si en plus c'est concordant avec les modèles prônés par Aristote, eh bien il ne faut pas donner plus d'importance que nécessaire à cette référence philosophique : Aristote ne fait que servir de justification à un discours qu'en termes marxistes j'appellerai un discours de classe.

Si vous m'autorisez une comparaison, c'est comme quand les partis communistes, formatés au marxisme-léninisme puis au stalinisme entendaient réaliser la dictature du prolétariat pronée par Marx. Au final, dans les régimes dits des "démocraties populaires", on voyait bien la dimension dictatoriale du pouvoir mais on voyait mal en quoi c'était le prolétariat qui exerçait cette dictature.

Par ailleurs, les romains n'ont pas attendu de découvrir Aristote pour façonner et faire évoluer leurs institutions. Et surtout, la fixation et l'évolution des institutions romaines n'ont jamais été le fruit de considérations philosophiques et n'ont jamais été fondées sur une référence au modèle aristotélicien. Elles ont toujours été le fruit de conflits politiques et de compromis politiques.

Bref, pour résumer, les alliances de familles sénatoriales consulaires et de riches chevaliers publicains qui ensemble structuraient et dominaient la vie politique romaine au temps de Polybe exerçaient leur pouvoir sans besoin de justification philosophique. C'était une logique d'autorité tenant à l'inégalité entre les ordres et les classes. D'où d'ailleurs le scandale provoqué par les discours de Carnéade lors de son passage à Rome.

Mais si en plus venait quelqu'un comme Polybe qui écrit à destination de ces élites dirigeantes pour leur expliquer qu'à Rome, tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes ete que leur mode de gouvernement oligarchique est un modèle d'équilibre se rapprochant le plus de l'idéal prôné par Aristote, ils ont dû avoir 2 types de réaction :
- pour les uns : "super, voici quelqu'un qui élabore un texte profond pour expliquer que les intérêts de ma classe correspondent à l'idéal de gouvernement. Décidément, ma position dans la société romaine est on ne peut plus juste et légitime."
- pour les autres, parce qu'il ne faut pas oublier que beaucoup de romains étaient très pragmatiques plutôt que manieurs de concepts : "Rien à faire. Je m'en fiche des justifications. Ca me fait bien rigoler que des philosopheux de cités soumises à Rome viennent me servir la soupe et justifier notre domination politique."


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Message Publié : 15 Mai 2008 13:02 
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Salluste
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Inscription : 11 Mai 2008 19:00
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votre réponse m'étonne car elle repose sur des présupposés curieux (ou "démodés") - à savoir que les structures sociales conditionnent non seulement les structures politiques (ce qui n'est déjà pas évident) mais aussi les travaux des historiens.

Vous semblez penser que les gens sont soit de mauvaise foi soit idiots (et donc prêts à croire des sottises évidentes) ?

Par ailleurs vous ignorez que le marketing est un élément d'analyse de l'histoire qui est tout aussi important : si polybe ou tite live veulent être lus il faut non seulement que ce qu'ils écrivent plaisent à leurs lecteurs (c'est vrai - Molière l'a dit avant moi :-) !) mais aussi que cela soit sinon vrai du moins crédible...

le culte du chef (en URSS comme sous le iiiè reich) reflètent une réalité : celle du pouvoir personnel !

Si Polybe parle de constitution équilibrée ce n'est pas seulement pour plaire au lecteur mais parce que c'est crédible : il y a à Rome des assemblées du peuple dont les règles complexes de fonctionnement et d'organisation reflètent une participation - limitée mais réelle - des Citoyens.

S'il y a des tribuns de la plèbe,des "concilia plebis", des plebiscites, des comices, des élections et des campagnes électorales ... c'est que le sénat n'est pas l'acteur exclusif de la vie politique !

Quant à penser que le cité était dans une situation de quasi-guerre civile en permanence c'est un peu rapide (sauf pour le 1er siècle) - d'ailleurs entre qui et qui ?


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Message Publié : 15 Mai 2008 19:11 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines

Inscription : 17 Mars 2004 23:16
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Encore une fois, je crois vous m'avez mal compris.

Le premier point que je m'efforce d'expliquer, c'est que Polybe n'écrivait pas pour plus de 300000 citoyens que comptait Rome au temps où Polybe a diffusé son oeuvre. Polybe écrivait pour quelques milliers de lecteurs tout au plus : les sénateurs, les chevaliers, grosso modo les gens de la 1ère classe, guère plus, soit une infime minorité de la population civique romaine.
Bref, il écrivait pour ceux à qui le système censitaire et aristocratique romain faisait une part très très dominante dans la vie politique et institutionnelle de Rome.

Je ne dis pas que tout ce qu'écrivait Polybe était faux. J'explique que ce qu'il écrit correspondait aux préjugés socio-politiques et au programme politique de toutes les aristocraties méditerranéennes. Pourquoi ? Parce que comme Paul Veyne et d'autres l'ont expliqué, dans le monde antique, la sphère sociale primait sur la sphère politique, contrairement à aujourd'hui : la citoyenneté n'effaçait pas les différences sociales et c'était le positionnement des citoyens dans l'échelle sociale qui leur donnaît plus ou moins de poids et de pouvoir dans la vie politique de la cité.

Je n'ai pas nié que la constitution romaine était mixte. Ce que je mets en revanche en avant, c'est que :
- dans cette constitution mixte, le volet aristocratique dominait très largement le volet démocratique,
- et en outre, les modalités réelles et concrètes de fonctionnement de cette constitution mixte (et notamment le jeu des factions et les manipulations conduites avec succès par les sénateurs les plus influents ou encore les structures des rapports sociaux) avaient souvent pour conséquence d'empêcher les institutions romaines de fonctionner comme elles auraient du fonctionner sur le papier.

Sur les tribuns de la plèbe que vous citez, l'aristocratie a rapidement trouvé le moyen de vider cette institution de son pouvoir de nuisance. Compte tenu de la collégialité régissant les règles entre les 10 tribuns, il suffisait d'avoir un tribun acquis à sa cause pour bloquer les projets législatifs des 9 autres tribuns et du concilium plebis.
C'est d'ailleurs de ça qu'a éclaté la crise du tribunat de Tiberius Gracchus. Lui a refusé de voir ces projets avorter du fait du veto d'un autre tribun et a fait destituer le tribun acquis à la cause des opposants à ses projets législatifs.

Je ne crois pas non plus avoir dit que la cité était en quasi-guerre civile permanente. En revanche, les factions aristocratiques, elles, étaient toujours en conflits politiques plus ou moins intenses. Pas seulement en temps de paix mais même au plus fort des crises traversées par la république, notamment la 2ème guerre punique mais aussi les dernières guerres contre les étrusques ou les guerres contre les samnites au cours du 4ème siècle.


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Message Publié : 15 Mai 2008 21:00 
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Salluste
Salluste

Inscription : 11 Mai 2008 19:00
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mais on progresse !!!

je vois que nous sommes d'accord sur 3 points
- la constitution romaine est bien mixte
- l'élément "démocratique" y est bien maîtrisé de sorte qu'en pratique on observe des mécanismes plutôt aristocratiques
- polybe et tite-live ne sont pas des propagandistes ...

Il y a encore entre nous des divergences sur
- le poids des tendances démocratiques dans l'évolution institutionnelle romaine (que vous tendez à minorer et moi à majorer)
- le poids des arrières-pensées "sociales" dans les raisonnements politiques, historiques ou philosophiques ...

Sur le premier point je pense que l'esprit démocratique n'était pas nul à Rome ...

Sur le dernier point, je crois que nous sommes victimes d'une déformation typique du 20è siècle qui consiste à voir dans les auteurs anciens des propagnadistes manquant de sincérité.. je crois que ce n'est pas fondé : la façon de pensée d'un rédacteur de l'Humanité des années 50 n'a rien à voir avec celle d'un homme d'Etat ou d'un philosophe ancien ...

Ils n'avaient guère de mérite car penser que le régime mixte est le meilleur est une idée banale (ou naturelle je suis neutre et ne veux employer une expression péjorative) : rare sont les esprits posés et éduqués qui croient à la légitimité de solutions radicales avant le 20è siècle ....il est aussi naturel (quand on est cultivé et éduqué) de penser que dans un régime mixte les "meilleurs" doivent avoir plus de poids que la masse ignorante et simpliste dont les aspirations fondamentale sont primitives ("panem et circenses" : ne serait-pas en définitive le voeu de la plèbe urbaine ? - c'est d'ailleurs de ce point de vue que l'Empire peut présenter un caractère populaire). donc croire dans la vertu du gouvernement des "meilleurs" ne répond pas à un intérêt mais à une certaine forme de logique (qui exclut radicalement l'idée d'égalité des droits par exemple).

franchement qui voudrait que le Gouvernement de la Cité soit confié aux meilleurs ? :-)


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Message Publié : 15 Mai 2008 23:00 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines

Inscription : 17 Mars 2004 23:16
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De mon point de vue, on ne progresse pas autant que du votre.

Polybe et Tite-Live ne se réduisent évidemment pas à des propagandistes, mais il y a une dimension de propagande dans leur oeuvre. Beaucoup plus nette chez Tite-Live que chez Polybe, pour l'évidente raison qu'au temps de Tite-Live la république romaine prétendument restaurée avait un maître qui la tenait sous tutelle grâce au corset des armées et de son gigantesque imperium proconsulaire.

Les sources romaines étaient résolument pro-aristocratiques, pro-oligarchiques.

Je crois que vous m'avez décidément mal lu puisque j'expliquait plus haut que c'est précisément l'accroissement de la fluidité et de la diversité dans le fonctionnement de la société romaine, et notamment l'affaiblissement des factions aristocratiques traditionnelles à contrôler cette société plus vaste et plus diverse, plus exigente aussi, qui explique le développement de la violence à l'initiative de certains aristocrates pour pouvoir contrôler le processus électoral ou judiciaire par d'autres moyens que les anciens moyens ayant perdu en efficacité.

En disant qu'à Rome, l'esprit démocratique n'était pas nul, vous m'accorderez que l'essentiel n'est pas dans cette affirmation évidemment incontestable mais dans le degré, l'importance de cet esprit. Or son importance était très faible et n'a jamais pu prendre des proportions ni trouver des appuis qui auraient permis le début de l'émergence d'un mouvement de démocratisation tel qu'Athènes en a connu non pas au temps de Clisthène mais ne serait-ce qu'au temps de Solon.

Sur la mentalité des hommes de l'antiquité, ne les faites pas non plus si fondamentalement différents ni si fondamentalement plus vertueux que les hommes d'aujourd'hui. Qu'ils aient été très attachés à des rites et à des formes particulières est incontestable. Qu'ils n'aient pas malgré tout cherché dans ce cadre à faire prévaloir leurs intérêts et à s'imposer à leurs concurrents est tout aussi incontestable. Le caractère mixte et oligarchique pondéré de la société romaine était bien plus un résultat ex-post fruit du jeu d'une concurrence assez équilibrée plutôt qu'une donnée intangible et a priori.

La guerre des Gaules de César est un modèle d'ouvrage de manipulation et de propagande. L'essentiel des faits y est vrai. La manière de les agencer, d'insister sur certains, d'en occulter d'autres n'en constitue pas moins une oeuvre d'autoédification et de propagande.

Quand Tite-Live nous explique que l'histoire de Rome était destinée à aboutir au héros sauveur qu'est Auguste, il en était certainement en partie persuadé : il n'était cependant pas aveugle sur l'écart entre la réalité et ses écrits.

Les hommes n'étaient pas moins intelligents que nous au point qu'ils n'auraient pas été capables :
- certes d'être convaincus qu'un régime mixte où dominent les "meilleurs" est la meilleure solution pour leur cité,
- mais aussi d'être bien conscients que c'est la position dans l'échelle sociale qui fait le point de vue et qu'ils se trouvaient fort heureusement du bon côté de l'échelle sociale.


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Message Publié : 16 Mai 2008 3:02 
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Salluste
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Inscription : 11 Mai 2008 19:00
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cette affaire tourne au tête-à-tête...qui risque d'aboutir stérilement

je n'ajouterais rien sinon ceci : "mais aussi d'être bien conscients que c'est la position dans l'échelle sociale qui fait le point de vue et qu'ils se trouvaient fort heureusement du bon côté de l'échelle sociale".... sincèrement une telle phrase crée un vrai problème ... Comment croire que la structure mentale d'un individu, que ces croyances, qua sa vision du monde soient conditionnées exclusivement (ou même seulement principalement) par sa "position sociale" ???, ça ne peut avoir un sens très marginal à côté de nombreux facteurs (l'âge, le sexe, les expériences de la vie, l'époque à laquelle on vit, ce que pense votre père, votre femme, votre maîtresse, votre meilleur ami , vos serviteurs, etc ...)...

Selon vous un défenseur de l'aristocratie est un aristocrate ? le défenseur de la démocratie un pauvre ?

mais dans ce cas seul le Roi va défendre la monarchie ???

si les riches d'aujourd'hui sont favorables à la démocratie c'est qu'ils sont aliénés par la force irrésistibles des classes inférieures??? ou que la démocratie n'existe pas et n'est qu'habillage formel de la dictature de la bourgeoisie ??


Pour revenir à Rome par exemple il y a clairement débat à la fin de la République entre des positions personnelles qui expriment des idéologies inconciliables au sein de la "nobilitas"
- tendance démocratique plus ou moins sincère chez catilina et salluste
- tendance monarchiste/démagogique chez César et Octave
- tendance monarchiste/aristocratique chez pompée (et sans doute Tibère personnage complexe - et peut-être Claude)
- tendance traditionnaliste chez Caton
J'hésite à classer Cicéron : mais dans le De Republica il évoque un "Rector Reipublicae" qui pourrait être une formule proche de celle de pompée mais pourrait aussi correspondre à un replâtrage de la République ancienen en renforçant l'"exécutif" au détriment des assemblées et du sénat ...mais finalement c'est un homo novus, il ne peut donc partager le point de vue de la nobilitas...A moins qu'il n'ait été aliéné par celle-ci et transformer en pantin du pouvoir esclavagiste ??


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Message Publié : 16 Mai 2008 6:39 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines

Inscription : 17 Mars 2004 23:16
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Désolé mais si vous déformez mon propos, la discussion risque effectivement d'être stérile.

Vous me citez et pourtant votre commentaire semble ignorer les termes mêmes de la citation que vous faites. J'en suis donc conduit à citer votre citation de mon propos : "[u]mais aussi [/u]d'être bien conscients que c'est la position dans l'échelle sociale qui fait le point de vue et qu'ils se trouvaient fort heureusement du bon côté de l'échelle sociale".

Et en effet, je ne vois pas quoi dire de plus.

Je pense que si vous simplifiez à l'excès en faisant des hommes de l'antiquité des hommes univoques, désincarnés et forcément sincères, vous avez tort. Ces hommes, les aristocrates en tout cas plus que les autres parce qu'ils étaient instruits, étaient parfaitement capables de recul et de réflexion. Ces hommes étaient parfaitement capables d'être convaincus et aussi de voir le caractère subjectif et contingent de leur conviction.

D'ailleurs, dans leurs oeuvres, certains auteurs romains (Tacite par exemple, sauf erreur de ma part), font pour les besoins de l'oeuvre des reconstructions dans lesquelles ils se mettent à la place de l'Autre, à la place des carthaginois notamment. Et à cette occasion, ils dressent (c'est certes là un exercice de style mais incontestablement précédé d'un travail de conception/réflexion), en mettant les mots dans la bouche de l'Autre, le non-romain, un discours impitoyablement critique sur le caractère prédateur des ambitions et de la conquête romaine qui met à bas les beaux discours selon lesquels c'est la vertu romaine qui les destine à régner sur le monde.

Je ne vous suivrai donc pas sur vos considérations sur la monarchie, me contentant de réaffirmer que les historiens, qui depuis des décennies décortiquent et contre-expertisent avec d'autres sources les textes des auteurs antiques, ont démontré qu'il y avait dans ces sources des erreurs, des faits délibérément occultés ou déformés, des éléments d'apologie de telle famille ou de tel homme politique dominant alors la vie politique romaine.

Contrairement à vous, je crois que, dans la plupart des cas, les dirigeants politiques romains n'étaient guère motivés par des idéologies, ce qui ne les empêchait pas d'avoir leurs convictions morales et surtout d'estimer à un moment qu'il fallait prendre des mesures allant dans le sens de telle convition morale.

Je suis enfin étonné de votre classification, notamment quant à Cicéron.

Croyez-vous que parce que Cicéron était un homo novus, il n'était pas un aristocrate qui avait ses terres et ses esclaves ?

Dans le cas de Cicéron, être un homo novus, cela signifie seulement qu'il n'était pas un fils de sénateur et encore moins le fils d'un ancien consul ou préteur. En ce sens (le seul exact), il n'était effectivement pas membre de la nobiliitas romaine, contrairement à un rejeton des Metelli ou des Claudii.
En revanche, Cicéron était un aristocrate d'Arpinum, et ce depuis des générations. S'il a pu se lancer dans la politique à Rome, c'est parce que sa famille était la principale famille aristocratique d'Arpinum.
De même que Marius n'était pas un bouseux parti de pas grand chose, mais lui aussi un aristocrate d'Arpinum qui a pu se lancer dans la politique à Rome et non pas seulement dans son municipe natal.

Et de plus, Cicéron plus que tout autre montre, par ses écrits, qu'il faisait parfaitement la différence entre les 2 postures que je décrivais. Dans ses discours, il lui arrive de louer les noblres et vertueux citoyens des assemblées électorales. Et dans ses correspondances privées, il dit pis que pendre sur cette populace méprisable.


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Message Publié : 27 Mai 2008 13:05 
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Thucydide
Thucydide

Inscription : 25 Avr 2007 7:18
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Caesar Scipio a écrit :

Par ailleurs, les romains n'ont pas attendu de découvrir Aristote pour façonner et faire évoluer leurs institutions. Et surtout, la fixation et l'évolution des institutions romaines n'ont jamais été le fruit de considérations philosophiques et n'ont jamais été fondées sur une référence au modèle aristotélicien. Elles ont toujours été le fruit de conflits politiques et de compromis politiques.

Bref, pour résumer, les alliances de familles sénatoriales consulaires et de riches chevaliers publicains qui ensemble structuraient et dominaient la vie politique romaine au temps de Polybe exerçaient leur pouvoir sans besoin de justification philosophique. C'était une logique d'autorité tenant à l'inégalité entre les ordres et les classes. D'où d'ailleurs le scandale provoqué par les discours de Carnéade lors de son passage à Rome.

Mais si en plus venait quelqu'un comme Polybe qui écrit à destination de ces élites dirigeantes pour leur expliquer qu'à Rome, tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes ete que leur mode de gouvernement oligarchique est un modèle d'équilibre se rapprochant le plus de l'idéal prôné par Aristote, ils ont dû avoir 2 types de réaction :
- pour les uns : "super, voici quelqu'un qui élabore un texte profond pour expliquer que les intérêts de ma classe correspondent à l'idéal de gouvernement. Décidément, ma position dans la société romaine est on ne peut plus juste et légitime."
- pour les autres, parce qu'il ne faut pas oublier que beaucoup de romains étaient très pragmatiques plutôt que manieurs de concepts : "Rien à faire. Je m'en fiche des justifications. Ca me fait bien rigoler que des philosopheux de cités soumises à Rome viennent me servir la soupe et justifier notre domination politique."


En fait, la république romaine, repose sur un principe simple celui de l'égalité géométrique. Ce modèle est théorique et est d'essence philosophique. Il est en fait d'origine pythagoricienne. Or, ces considérations philosophiques ont trouvé un terrain pratique à l'intérieur même des institutions romaines. En ce sens, les classes censitaires sont tout à fait représentatives de cette mise en pratique. On est très clairement dans un rapport défini par Max Weber comme celui de sociation, c'est à dire des liens qui sont tournés vers un objectif et fondés sur un compromis d'intérêts. Ici, les personnes qui ont le plus de devoirs sont aussi celles qui ont le plus de droits. C'est sur cette base qu'il faut comprendre la République romaine.

De ce fait, au moment où Polybe rédige ces lignes, l'hellénisme ainsi que ces conceptions et ces pratiques étaient déjà présents dans les institutions romaines. Polybe ne fait que rappeler des choses déjà existantes et mises à mal par les tenants de la vieille morale romaine et les nouveaux qui veulent accéder au pouvoir.


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Message Publié : 27 Mai 2008 13:38 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines

Inscription : 17 Mars 2004 23:16
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Oui, à ceci près qu'il faut se garder d'une erreur chronologique qui constituerait un contresens profond.

La pratique et les phénomènes humains ont toujours précédé la formulation réfléchie et argumentée des concepts par les philosophes.

- De même qu'au 19ème siècle les ouvriers n'ont pas attendu que Marx édite ses ouvrages pour aspirer par eux-mêmes à une amélioration de leurs conditions de travail et de vie,
- De même que les populations opprimées de l'antiquité n'ont pas attendu que des religions de salut formulent un message d'espérance pour aspirer par elles-mêmes à se libérer des injustices et des opressions,

De même dans l'antiquité, les aristocraties méditerranéennes n'ont pas attendu de connaître Pythagore pour mettre en place des régimes dans lesquels les plus nobles et les plus riches disposaient d'un pouvoir prépondérant, et les simples citoyens (l'étaient-ils déjà dès l'origine ? on en doute) au service desquels les aristocrates avaient besoin de recourir pour former des contingents de soldats n'ont pas attendu les philosophes pour exiger des droits et pouvoirs politiques en contrepartie de leur service militaire.

Les anglo-saxons ont inventé le fameux "no taxation without representation".

2000 et quelques années plus tôt, le monde grec mais aussi plus largement le monde méditerranéen, en tout cas le monde des cités aurait pu formuler un "pas de service militaire sans participation aux décisions de la cité". D'où le rôle du peuple dans les assemblées électorales et législatives.


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Message Publié : 27 Mai 2008 14:15 
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Thucydide
Thucydide

Inscription : 25 Avr 2007 7:18
Message(s) : 34
Caesar Scipio a écrit :

La pratique et les phénomènes humains ont toujours précédé la formulation réfléchie et argumentée des concepts par les philosophes.


Soit, même si je pense que l'on retombe dans la question de la poule et de l'oeuf.

Citer :
De même dans l'antiquité, les aristocraties méditerranéennes n'ont pas attendu de connaître Pythagore pour mettre en place des régimes dans lesquels les plus nobles et les plus riches disposaient d'un pouvoir prépondérant, et les simples citoyens (l'étaient-ils déjà dès l'origine ? on en doute) au service desquels les aristocrates avaient besoin de recourir pour former des contingents de soldats n'ont pas attendu les philosophes pour exiger des droits et pouvoirs politiques en contrepartie de leur service militaire.


Sauf que je te parle là d'une institution particulière, à un moment donné, qui a subi l'influence directe de l'hellénisme et du pythagorisme...


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