Plusieurs éléments dérangeaient également chez les Chrétiens.
I. Troubles à l'ordre publics
En plus de ce qu'il a été dit, il convient de remarquer qu'ils étaient très mal connus et que plusieurs de leurs détracteurs faisaient courir des bruits inquiétants à leur encontre : la "communion par la chair et le sang" pouvait être très mal interprétée.
D'après Jacques Lacarrière dans
Les Gnostiques, il est même possible que des groupes de Gnostiques ait réellement procédé à des fêtes orgiaques au cours de laquelle des esclaves étaient saignés. Comme il était fréquent de confondre Gnostiques et Chrétiens qui se réclamaient plus ou moins des mêmes textes qui, de toutes façons, n'étaient pas fixés, il est normal que le culte ait été interdit.
Ce n'était pas la première fois que cela arrivait : en -186, avait éclaté le
scandale des Bacchanales. Venu de Grèce, le culte de Bacchus-Dinonysos s'était répandu en Italie, une religion à mystère comme il en existerait des centaines deux siècles plus tard. Les fidèles, au début uniquement les femmes, puis ensuite des deux sexes, se livraient aux cérémonies débridées associées au terme de Bacchanales. A la suite d'une affaire de moeurs, une rumeur se répandit que les cérémonies - méconnues du public, religion à mystère oblige - comprenaient des viols et des meurtres d'enfants et d'adolescents. Une répression s'abattit sur le clergé et les fidèles de cette secte, certains furent mis à mort, d'autres durent abjurer. Les exécutions furent si nombreuses que les autorités, recourant à la tradition qui donnait au "pater familias "droit de vie et de mort sur tous les membres de sa famille, remirent les femmes condamnées à leur père ou à leur mari pour qu'ils se chargent eux-mêmes de l'exécution à domicile. Il est impossible de dénombrer exactement les victimes de cette persécution sanglante qui sévissait encore en -181, soit 5 ans après le début de l'affaire. Toutes les chapelles bachiques furent rasées, toutes les installations servant aux mystères détruites. Enfin, un senatus consulte, sans supprimer le culte de Bacchus (car on ne voulait pas offenser ce dieu), le réglementa étroitement pour éviter la reconstitution du clergé.
Je viens de trouver le résumé de cette affaire
ici.
Tous les détails sont dans
Tite-Live, XXXIX, 8-22.
Ceci prouve qu'en matière de persécution religieuse, les Chrétiens n'eurent pas droit à un "traitement de faveur".
II. Philosophie non réglementaire
Une autre donnée est à prendre en compte : au fur et à mesure que l'on avance dans le temps, la pensée philosophique connaît une certaine stagnation, d'après Lucien Jerphagnon, dans
Les Divins Césars (ed. Tallandier). A quelques exceptions près, comme Plotin et Porphyre, la majeure partie des "philosophes" ne font que répéter, commenter, résumer les (déjà) Anciens comme Platon ou Aristote. La production littéraire est constituée principalement de digeste, de recueils, brefs, de "prêts-à-penser" pour les gens de la bonne société.
Or, les Chrétiens, dès qu'ils sont citoyens romains (comme Saint-Paul), reprennent les oeuvres des maîtres et les réinterprètent afin de démontrer la rationalité du christitanisme (Saint-Augustin fait abondamment appel à Platon dans sa
Cité de Dieu. Pour les philosophes de l'époque, les Chrétiens sont non seulement dangereux par le caractère absurde de leur révélation, mais également car ce sont pour eux de dangereux concurrents.
Rien d'étonnant donc à ce qu'ils déclament sans cesse contre eux, et que la jeunesse de Rome soit éduquée dans la haine des Chrétiéns.
[uIII. Message social et antimilitariste[/u]
Le Christianisme pâtissait également de son audience dans les milieux les plus défavorisés. Dans les milieux cultivés des Ier-IIe siècles après JC, c'était une croyance d'esclave porteuse de messages "subliminaux" dangereux pour l'ordre social, tel que
"Il est plus facile à un chameau de passer par le chas d'une aiguille qu'à un riche d'entrer au royaume de Dieu".
Enfin, si, au fur et à mesure qu'il se répand, le christianisme devient mieux connu et fait donc moins peur, un autre problème apparaît. Sous le Bas Empire, les légions connaissent des problèmes de recrutement et le service devient héréditaire. Or, dans l'armée, les Chrétiens se comportent en objecteurs de conscience. Les empereurs chrétiens eurent beaucoup de mal à combattre ce phénomène.
Ces trois points permettent, je pense de mieux comprendre pourquoi la nouvelle religion connut quelques difficultés avec les autorités.