Ethelbert a écrit :
Une influence sur l'idéologie guerrière ? À quel niveau ?
Pour ce qui concerne les Hyksôs, je n'ai pas accès à de la bibliographie, qui du reste est souvent assez spéculative vu qu'on dispose de très peu de choses sur cette période. D'où mon emploi du conditionnel ... Bon, on peut dire qu'en ayant apporté le char en Egypte, les Hyksôs sont d'une certaine manière responsables de l'apparition de la figure répandue au Nouvel Empire du pharaon sur son char. Mais ils sont surtout à l'origine d'une dynamique qui aboutit à une "militarisation" d'une partie de l'élite égyptienne, due à l'ouverture de ce royaume vers l'Asie, où se déroulent de nombreux conflits.
Cet "âge militaire" a été mis en évidence dans les recherches récentes d'Anthony J. Spalinger (
War in Ancient Egypt: The New Kingdom, 2004 ; un résumé des grandes idées de l'auteur se trouve dans son article pour le
Companion of the Ancient Near East édité par Daniel C. Snell en 2005). Elles concernent en fait le Nouvel Empire, à partir de la 18e dynastie : l'auteur analyse la formation d'une classe proprement militaire dans la haute administration égyptienne et jusque dans la famille royale, alors que précédemment les chefs militaires étaient issus de l'administration civile ; cela aboutirait sous la 19e dynastie à une vraie césure entre une classe militaire et une classe intellectuelle. A partir de Amenhotep II, on voit bien l'influence du Proche-Orient sur ces évolutions, avec notamment l'adoption de divinités comme Astarté, Reshep, ou Ba'al, qui ont un caractère guerrier. Ces dernières divinités sont déjà introduites par les Hyksôs (Ba'al étant identifié à Seth, qui est le grand dieu des Hyksôs).
Chercher une influence hyksôs est de toute manière complexifié par le fait que à partir de la domination de ce peuple les contacts de l'Egypte avec l'Asie sont importants, et que le passage de populations entre les deux continue après la défaite hyksôs, donc identifier la part des Hyksôs dans cela est complexe, puis qu'ils sont très mal documentés, et surtout que leur nature exacte est très mal connue.
Bon, il faut évidemment relativiser les évolutions au niveau idéologique : militarisation certes, mais dans le fond la place que se donne le pharaon dans l'ordre du monde reste identique, et la tradition égyptienne ancienne est peu modifiée. Les pharaons gardent leur aspect dominateur à l'intérieur de leur royaume, quitte à être plus modestes, par pragmatisme, dans leurs rapports avec les autres grandes puissances du Proche-Orient. Je vous renvoie sur ce sujet à l'excellent ouvrage de Mario Liverani,
Prestige and Interest, International Relations in the Ancient Near East, 1600-1100 Bc, Rome, 1990.