L'égyptomanie a été étudiée en tant que mouvement dans les arts, mais certes beaucoup moins globalement, l'impact sur la société, etc. Contrairement à ce qui a été dit, l'égyptomanie ne vient pas des guerres Napoléoniennes. C'est dans le monde gréco-romain qu'elle puise ses sources : Hérodote, puis différents auteurs romains ont forgé l'image de l'Egypte, et le goût du monde occidental pour ce pays vu comme exotique. Même si c'est effectivement la campagne d'Egypte, puis le déchiffrement des hiéroglyphes, qui ont fait renaître ce mouvement. Mais cet intérêt pour l'Egypte à l'époque, est liée à la culture classique qu'avaient les chercheurs, ils avaient lu les auteurs Grecs et Latins, et la vision que ces chercheurs ont transmise de l'Egypte est influencée par leur culture classique.
Voici quelques commentaires d'ouvrages sur l'égyptomanie. C'est du copié-collé de mon intro de mémoire, ne faites donc pas attention au fait que celui soit accès sur la vision des relations entre Senenmout et Hatchepsout chez les modernes !
Les études sur l’égyptomanie peuvent recouper ce sujet sur certains points. L’égyptomanie est un concept décrivant la fascination pour l’Egypte antique, fascination qui prend naissance à l’époque romaine et traverse les siècles jusqu’à nos jours. Jurgis Baltrusaitis la définit comme « la légende du mythe, qui fait voir les choses où elles ne se trouvent pas » . Les études s’y intéressant se donnent comme principal objet de montrer comment à partir du XIXe siècle une véritable égyptomanie s’est développée, et comment des fantasmes se sont créés autour de l’Egypte antique. Cela rejoint le présent sujet de mémoire, car la vision des relations entre Senenmout et Hatchepsout peut être vue comme partie intégrante de ces fantasmes de l’égyptomanie. Jean-Marcel Humbert expose dans l’introduction de son ouvrage sur L’Egyptomanie dans l’art occidental une présentation générale de l’égyptomanie, et des principales phases ayant marqué le mouvement . On y apprend qu’avant 1719, l’Egypte était une « planète lointaine et inaccessible », connue par quelques récits de voyages, et qu’un intérêt s’est développé à partir du 18e siècle, par l’augmentation du nombre de voyageurs et la publication d’ouvrages présentant des antiquités égyptiennes. L’empire napoléonien a entraîné une recrudescence de l’égyptomanie. A partir de 1825, poursuit J.-M. Humbert, le grand public est touché par l’égyptomanie, le déchiffrement des hiéroglyphes entraînant un regain d’intérêt pour le pays. Au cours du XIXe siècle l’aura de mystère devient la base de l’égyptomanie, cette dernière évoluant alors vers l’étrange et le fantastique. L’auteur dit enfin que depuis 1980 on observe une recrudescence de l’égyptomanie dans tous les domaines. Il conclut cette introduction en affirmant que le « phénomène » de l’égyptomanie « prend assise sur le moindre évènement : fait divers, découverte archéologique, incident politique ou même publication d’un ouvrage ». J.-M. Humbert explique également que l’égyptomanie vise à « exploiter la naïveté et la crédulité des foules, en les attirant par le thème traité ». Cet ouvrage ne traitant pas de la littérature, ses apports se résument à des affirmations générales sur l’égyptomanie.
L’ouvrage sur l’égyptomanie dirigé par Jean-Marcel Humbert, Christiane Ziegler et Michel Pantazzi consacre une partie aux œuvres diverses concernant Cléopâtre VII, qui peut servir de point de comparaison avec les œuvres sur Hatchepsout. Les auteurs cherchent à montrer que la représentation de Cléopâtre change selon l’époque, l’auteur et la vision de la femme qui s’ensuit. Les auteurs de cet ouvrage nous exposent par exemple qu’à l’époque où les femmes dociles, faibles, humiliées, étaient appréciées par les hommes, Cléopâtre était représentée comme telle .
Sydney Aufrère a publié un article sur « égyptomanisme et égyptomanie » où il présente l’évolution de l’égyptomanie et ses causes. L’auteur explique ainsi que la conceptualisation de l’égyptomanie a été tardive puisqu’elle nait en 1925 sous la plume de Louis Hautecoeur . Le terme d’égyptomanie est pour lui ambiguë, car il recouvre trop de manifestations. Il est lié à la vision de l’Egypte à travers des filtres déformants que sont les idées reçues, la spéculation intellectuelle, … L’égyptomanie est un mouvement cyclique, qui se nourrit du rêve, du voyage, du romantisme des civilisations disparues, et cet engouement se traduit dans les arts mineurs et la littérature. Derrière l’Egypte des égyptologues, dit-il, il y a d’autres Egyptes, « déclinées en autant de formes accessibles à l’esprit selon les causes à servir » . L’Egypte de l’égyptomanie, même si elle suit de près ou de loin les documents de fouilles, reste « une projection de fantasmes qui tiennent à l’originaire égyptien et, probablement, à tous les souvenirs collectifs sous-jacents ancrés dans chacun d’entre nous par la littérature » . Cet article de Sydney Aufrère, s’il ne s’attarde pas sur l’égyptomanie dans les romans historiques ou sur certains aspects de l’Egypte particulièrement appréciés dans l’égyptomanie, est intéressant car il tente de comprendre d’où viennent les fantasmes de l’égyptomanie, thème auquel le présent sujet de mémoire se rattache.
Esther Wolff a soutenu une thèse sur les Egyptologies parallèles, réunissant sous ce terme les idées fantaisistes sur l’Egypte antique, présentées par leurs auteurs comme une alternative à la science égyptologique et peignant une vision déformée de l’histoire de la civilisation égyptienne pour pouvoir l’exploiter à leur guise. Elle y consacre une partie sur « l’image de l’Egypte ancienne popularisée par les romans historiques » . L’auteure indique que ces romans apparaissent au XVIIIe siècle, se développent au XIXe siècle, et deviennent un véritable phénomène littéraire après 1945. Elle explique qu’on trouve dans les romans historiques un personnage moyen devenant un agent de l’Histoire lorsque se créent des situations dramatiques où il se retrouve confronté à des bouleversements politiques, économiques, sociaux ou religieux. Le roman historique serait donc un « roman d’évasion où s’entremêle l’exotisme du lointain et la modernisation de la psychologie des personnages ». Esther Wolff soulève l’ambiguïté du terme de « roman historique » qui prétend concilier vérité historique et liberté de fiction. Elle présente ensuite l’image de l’Egypte ancienne dans ces romans historiques, nous apprenant que les thèmes principaux que l’on y retrouve sont l’époque des pyramides, la XVIIIe dynastie et le règne de Cléopâtre VII, qui sont des périodes où la civilisation égyptienne fut à son apogée. L’auteure décrit ensuite la vie du pharaon et de sa cour telle qu’elle est présentée dans ces romans, la trame que l’on retrouve habituellement mettant en avant l’absence d’héritier du trône, présentée comme une tragédie pour le royaume. Le pouvoir du pharaon y apparait tantôt absolu et sans partage, tantôt fragile et nécessitant des conseillers, notamment pour Hatchepsout. Les héros de ces romans ont de nombreuses qualités parmi lesquelles la beauté, tandis que leurs ennemis sont souvent présentés avec quelque laideur. Dans la plupart de ces romans, la seconde épouse royale est l’ennemie jurée de la reine. Esther Wolff explique que ces romans idéalisent la vie des anciens Egyptiens, et utilisent les thèmes du pouvoir, du sexe et de la richesse. Elle évoque le problème des rapports entre ces romans et l’égyptologie : le public a tendance à considérer ce qui y est dit comme la véritable histoire de l’Egypte, leurs auteurs se présentant comme égyptologues, deviennent des références aux yeux d’un grand public égyptophile, qui préfère la lecture des romans à celle « des livres de vulgarisation écrits par les égyptologues, parce qu’ils lui apparaissent compliqués et trop théoriques ». Le romancier est alors vu comme un « intermédiaire […] entre le chercheur et le public ».
Et les notes de bas de pages pour avoir les références des bouquins : Baltrusaitis, La Quête d’Isis : Introduction à l’égyptomanie, Paris, 1967, p. 14. Humbert, L’Egyptomanie dans l’art occidental, Paris, 1989, p. 8-32. Humbert, Pantazzi, Ziegler (éd.), L’Egyptomania : l’Egypte dans l’art occidental, Paris, 1994, p. 557. Aufrère, CdE 72, p. 25-40. Aufrère, CdE 72, p. 27. Aufrère, CdE 72, p. 32. Aufrère, CdE 72, p. 40. Wolff, Enquête sur les égyptologies parallèles et leur rapport avec la recherche, Strasbourg, 2005, p. 23-39.
(Bien entendu, merci de ne pas reprendre ce texte ailleurs...)
_________________ Christine "Je suis tout à l'Égypte, elle est tout pour moi" (Jean-François Champollion).
|