Citer :
Ce problème n'intéresse que les spécialistes qui étudient l'origine des populations et celle de la civilisation égyptienne, ainsi que ceux qui étudient la zone de contact en Haute-Egypte et au Soudan entre la civilisation égyptienne et l'Afrique dite noire.
Le débat en tant que tel est intéressant à observer, puisqu'il est marqué par les processus de colonisation et de décolonisation.
Au sujet des zones de contact:
Dans les études du début du XXe siècle sur la Vallée du Nil, on croyait que les Nubiens avaient toujours été dans l'incapacité de fonder un État centralisé (puisqu'ils étaient noirs), et que la Koush du VIIIe siècle avant notre ère avait en fait été entièrement organisée par des descendants des prêtres d'Amon de Thèbes, c'est-à-dire, comme on se les représentait, des Blancs. Cette théorie était encore populaire dans les années soixante.
On disait aussi que les Nubiens de Kerma étaient incontestablement des Blancs, et que tout apport "noir" causait irrémédiablement un déclin rapide de la civilisation. Cela peut nous paraître ridicule aujourd'hui, mais cette théorie a eu des échos jusque dans les années quatre-vingts chez les anthropologues physiques (par exemple,
Billy cite les résultats des travaux de Batrawi presque sans les critiquer), étant seulement adaptée à d'autres sauces. Par exemple, on ne se livre plus vraiment à des jugements de valeur, mais on prétend que la Vallée du Nil ne s'est "négroïtisée" qu'à
l'arrivée du Groupe X pour parvenir à son état actuel. Bref, c'était dire que les Noirs n'ont ni participé à l'Égypte pharaonique, ni même à la constitution de la Nubie napatéenne et méroïtique! A priori tout est possible, mais le découpage est souvent trop précis et les références trop épurées pour que je ne puisse y voir un biais idéologique.
Dans le contexte, il est évident qu'il fallait s'attendre, entre 1950 et 1990, à une réaction sauvage des intellectuels noirs ou anticolonialistes des USA (avec les Black Studies) et de France, dont un des points d'orgue fut certainement le Colloque du Caire en 1973.
Comme on pouvait s'y attendre, Diop, Obenga et leur bande n'ont comme leurs adversaires les plus belliqueux à peu près rien prouvé, mais je leur donne au moins le mérite d'avoir mis au jour un nombre incalculable de fausses pistes (en les suivant, tels des kamikazes du savoir) et d'avoir stimulé la recherche dans plusieurs universités jusque là négligées.