Je vais apporter mon grain de sel, afin que vous puissiez comprendre pourquoi Thersite vous dit que les interprétations d'Horappolon sont erronées, et ne correspondent pas à la mentalité égyptienne.
jpma a écrit :
Quelques oiseaux servent d'images pour les divinités: faucon (Horus, Montou), ibis (Thôt), vautour (Nekhbet), par exemple. Mais l'aigle n'en fait pas partie... d'autant que cet oiseau n'existe pas dans le bestiaire égyptien classique.
jpma a écrit :
Il n'existait pas vraiment de notion d'âme dans l'Égypte pharaonique, mais cinq éléments constitutifs de l'essence humaine: sauf erreur de ma part, ce sont le
ba, le
ka, l'ombre (
shout), le nom (
ren) et le cœur (
ib). Le
ba est le seul qui soit représenté, sous la forme d'un oiseau à tête humaine; là encore, on est bien loin d'une représentation d'aigle - ou de rapace, quel qu'il soit. Quant au cœur, il n'est pas le siège de l'âme, mais de la pensée (place qu'occupe le cerveau dans nos conceptions modernes).
jpma a écrit :
Il s'agit ici de l'Ouroboros, qui est un apport tardif à la cosmogonie égyptienne. Ce n'est pas ainsi que l'Égypte pharaonique concevait le monde. Si vous voulez avoir une représentation idéalisée du macrocosme (monde réel et univers dans sa globalité), le plus simple est de visiter un temple égyptien, en parfait état et ayant conservé toute sa décoration peinte et intacte.
Une vision moins mystique, surtout aux temps classiques (
i.e. jusqu'au Moyen Empire inclus) consiste à dépeindre le monde comme suit:
- un fleuve central, bordé d'une bande fertile sur chaque rive;
- un désert cernant chaque bande fertile;
- des chaînes de montagnes aux frontières de chaque désert;
- le ciel reposant sur les sommets des montagnes;
- les astres accrochés au firmament;
- un monde souterrain reliant les deux chaînes de montagnes;
- tout l'ensemble ceint d'un immense océan, le Noun.
jpma a écrit :
L'uraeus est un cobra femelle pouvant cracher du feu et censé détruire les ennemis du pharaon (les dieux n'arborent jamais d'uraeus, hormis Râ en sa qualité de roi des dieux, et Montou qui en possède deux), et non un basilic ayant le pouvoir de paralyser d'un regard.
Le soleil sert à écrire le mot "jour" (ou le nom du dieu Râ), ou de déterminatif du champ sémantique de certaines notions de temps, rien d'autre. L'éternité est rendu en égyptien par deux notions complémentaires: l'éternité-
djet (éternité linéaire) et l'éternité-
néhéh (éternité cyclique). La première s'écrit avec trois signes (cobra "au repos", pain rond, bande de terre), la seconde avec un à trois signes (oiseau-
néhéh, parfois accompagné de deux mèches de lin tressées - complément phonétique "héh").
jpma a écrit :
Le signe
rnpt représente une branche; de quel arbre, je ne saurais dire - il faudra que je vérifie. Il existe également un arbre (l'arbre-
iched) sur les feuilles duquel la déesse Séchat inscrit les années de règnes de rois.
L'année, quant à elle, peut parfois être dénommée en égyptien classique
rnpt (auquel cas il s'agit d'une notion générale), mais employée dans un contexte de datation, ce signe se lit
hat-sep. Ce qui peut expliquer que Horappolon ait fait la confusion avec Isis, dont le nom égyptien est
Aset - confusion qu'un Égyptien n'aurait pas faite.
jpma a écrit :
L'année était divisée dans l'Égypte ancienne en trois saisons de quatre mois chacune:
akhet (inondation),
peret (pousse des cultures),
shemou (récolte). Je ne vois donc pas ce que cette notion de "quart" vient faire ici. Une année contenait douze mois de trente jours chacun, et cinq jours épagomènes; il n'y avait ni ce "quart de jour" dont parle Horappolon, ni d'année bissextile (notion qui nous a été transmise par le calendrier de la Rome antique, notamment julien).
Pour résumer, chaque extrait d'Horappolon est bourré au mieux de contresens, au pire d'erreurs grossières. Ce qui n'a rien de surprenant puisque, comme Thersite n'a cessé de le rappeler, Horappolon vivait au Ve siècle après J.-C., à une époque où l'Égypte ancienne n'avait plus rien de pharaonique, les dominations étrangères et notamment lagide et romaine étant passées par là. Horappolon décrit sans doute des hiéroglyphes, mais il les décrit comme il les interprète: très mal.
Si vous voulez vraiment avoir une idée correcte de la façon dont les anciens Égyptiens concevaient leur univers (physique ou mental), je vous recommande la lecture de l'ouvrage d'Erik Hornung,
L'Esprit du temps des pharaons (disponible au format poche).