Thersite a écrit :
Du nouveau Bob ?
En particulier, je suis curieux : s'ils ne proviennent pas du Bosphore comme le pensent les Grecs, d'où viennent-il, selon lui ? Et d'où provient la confusion ?
Je signale aussi un autre ouvrage sur le sujet : Askold Ivantchik,
Les Cimmériens au Proche-Orient, Orbis Biblicus et Orientalis, 1993. Pour avoir eu la chance d'assister à certaines de ses conférences quand il enseignait à Strasbourg, je peux certifier que le personnage est sérieux et très compétent, et peut-être moins médiatique que le prolifique Lebedinsky (qui doit remplir 1/10e du catalogue des éditions Errances
)
Un petit peu de nouveau oui. J'ai appris pas mal de nouvelles choses, mais rien qui ne bouleverse ce que l'on avait pu citer précédemment.
Tout d'abord je vais faire une brève présentation de l'ouvrage de Lebedinski. Tout au long de ce livre, il liste l'ensemble des théories qui ont été émises sur les Cimmériens et indiquant pour chacune d'entre elles ce qui les éléments qui les appuient et/ou les réfutent (en précisant toutes les sources utilisées, archéologiques comme écrites).
Pour pouvoir continuer cette étude il lui semble indispensable d’adhérer à la tradition antique grecque qui considère que les Cimmériens auraient une origine nord pontique et qu’ils auraient dominé aux IXe et IIXe siècles un territoire mal défini en Europe Orientale (qui plus tard appartiendra aux Scythes). Lebedinsky localise plutôt leur présence dans les steppes d’Europe orientale.
Comme on a pu le voir pour cette région, les sources écrites sont assez vagues et certains détails sont considérés comme mythiques. De ce côté là, Lebedinsky réfute certaines parties des sources grecques:
- La localisation « absolue » des Cimmériens sur le détroit de Kertch
- Le suicide des rois Cimmériens précédant l’arrivée des Scythes (Hérodote)
- La manière du remplacement des Cimmériens par les Scythes. Comme quoi les Scythes auraient trouvé un « pays » vide (Hérodote).
C’est pour cela que seules les données archéologiques pourront être « valables » pour cette première localisation. Leur histoire en Asie mineure est elle bien plus documentée par les Uratréens et les Assyriens.
D’un point de vue purement archéologique on retrouve des traces Cimmériennes dans différentes zones proches.
A l’Ouest des steppes d’Europe orientale :
Les faits relatifs aux Cimmériens dans cette région sont essentiellement d’origine archéologique. Des objets de type Cimmériens ont été retrouvés sur des sites funéraires, seuls ou en combinaison variable avec des types locaux. De part leur nature, ces objets sont la marque d’une élite guerrière. En effet des mors, des poignards et des objets de type Cimmériens ont été exhumés. Deux hypothèses se présentent alors :
- Une minorité étrangère venue des steppes de l’Est aurait réussi en certains endroits à s’assurer un rôle dirigeant ou du moins une position sociale élevée.
- Ces objets sont dus à la simple circulation de marchandises de prestiges venues de l’Est.
Les deux ne sont pas mutuellement exclusives. La première hypothèse pourrait impliquer des raids de pillage ou de conquête de la part des Cimmériens. Cela est appuyé sur le portrait qu’en ont fait les grecs (même si ceux-ci n’ont jamais eu de confrontation directe avec les Cimmériens) qui les décrivent comme un peuple de pillards nomades.
Mais il est également possible que certains groupes de Cimmériens se soient livrés au mercenariat à la faveur de chefs proto-celtes. A moins encore que cette présence ne soit due la poussée des Cimmériens par les Scythes arrivés de l’Est.
Au Nord :
D’autres traces archéologiques tendent à confirmer la présence des Cimmériens au Nord, au niveau des steppes boisées d’Ukraine. La période pré-scythe inaugure une tradition durable de relations de nature variable mais étroites entre nomades de la steppe herbeuse méridionale et leur voisins du Nord, les agriculteurs sédentaires de la steppe boisée (proto-slaves pour a majeure partie). Trois types de traces sont identifiées comme provenant des Cimmériens :
- Des objets Cimmériens dans des tombes locales.
- Des tombes attribuées aux Cimmériens et des tombes mixtes.
- La présence de fortifications au Sud du territoire.
La présence des tombes indique un signe de pénétration dans le territoire et les fortifications prouvent le danger réel que représentaient les cavaliers nomades. Les attaques Cimmériennes auraient été fréquentes au IIXe siècle.
Ces fortifications étaient situées sur des éminences naturelles faciles à défendre. Elles avaient un diamètre de 40 à 100 mètres. Le centre était vide, les habitations disposées le long du rempart de terre ou de pierre au pied duquel on trouvait un fossé. La plus grande d’entre elles était composée d’un triple rempart, ce qui indique le degré d’organisation politique engendré sous l’impulsion du danger nomade.
L’archéologie relève des traces d’incendies et de destructions ce qui indique que le danger était bien réel et difficile à contenir.
Au Sud :
Au Nord du Caucase, les Cimmériens auraient eu des relations étroites et homogènes avec les peuples déjà en place (proto-méotes). Qu’il y ait eu domination, bon voisinage ou coopération, il est certain que les rapports ont été durables et se sont traduits par des échanges culturels actifs.
En effet de nombreuses tombes ont été retrouvées mettant à jour un étonnant mix de cultures, certaines contenant même des chars de guerre. De nombreux vestiges en bronze (deuxième moitié du IXe siècle) et en fer (milieu du VIIe siècle) y ont été retrouvés Tout indique qu’une grande partie des armes, en particulier en bronze et bimétalliques, et des harnachements employés par les nomades étaient produits en Ciscaucasie (pour autant certains modèles provenaient des steppes).
Nous n’irons pas jusqu’à faire des Cimmériens une population sédentaire de Ciscaucasie, mais l’existence d’éléments culturels et peut être ethniques caucasiques au sein de l’ensemble Cimmérien n’est pas à exclure.
Vers la fin du IIXe siècle, des Cimmériens auraient traversé l’isthme caucasien vers le Sud. Le temps nécessaire à ce trajet ainsi que le nombre d’étapes ne sont pas connus. Nous savons juste que des déplacements à travers le Caucase étaient possibles via la passe de Darial.
En 714 les Cimmériens auraient établi une zone d’influence où un royaume au sud de la Transcaucasie. Les sources assyriennes et grecques le mentionnent sous le nom de Gamir. L’établissement de ce royaume est relativement récent car on en ne retrouve aucune mention avant 714 dans les sources assyriennes et urartéenes.
Il me reste maintenant a étudier plus en détails leur présence en Asie antérieure...