Jibe a écrit :
Précisons : ce qu'il me semble, c'est que les Celtes d'Italie du Nord se sont empilés par vagues - comme dans notre propre Gaule - sur un substrat d'autres peuples venus précédemment (les migrations laténiennes), et ne les ont pas éliminés, selon un mode de cohabitation ou d'assimilation aussi constaté à l'époque de César, par exemple avec les Boiens de Gorgobina.
Ça d’accord. De toute façon, de leur longue histoire, il n’a jamais été question autant que je m’en souvienne de massacres ni même d’exil des populations précédentes. L’assimilation me semble hors de doute et ce qui est remarquable, c’est bel et bien la rapidité et la facilité de cette celtisation (Italie du Nord ou Galatie, pour ce que je connais un petit peu). Les anciens eux-même signalent l’origine tantôt ligure, tantôt osque, tantôt étrusque de nombre de villes de Cisalpine sans jamais témoigner d’un changement brutal de population. Le prestige de la culture des nouveaux venus semble suffisante pour provoquer en un temps très court l’acculturation des populations précédentes. Si quelqu’un a des renseignement sur ce processus d’ailleurs…
Jibe a écrit :
L'ensemble des ces populations du Nord de l'Italie a été englobé par les Romains sous le nom simplificateur de "Gaulois" mais cela cachait une diversité de coutumes, d'origines et sans doute de langues.
Là par contre, je ne vois absolument pas ce qui autorise une telle vision. Etre Gaulois n’est pas génétique, mais culturel et linguistique. Diversité d’origine plus ou moins lointaine ne signifie absolument pas diversité linguistique au sein des peuples Gaulois. J’en veux pour preuve les Ligures : pour les Anciens, la langue est le principal critère ethnique. Ils signalent ainsi que les modes de vie des Ligures (ou des Vénètes, ou des peuples alpins) sont très proches voire identiques à ceux des Galli, mais qu’ils parlent une langue différente. Or apparemment, il semblerait que le Ligure soit finalement une langue celtique ou proto-celtique, d’après les dernières analyses épigraphiques et la toponymie. La différence est moins importante que ce que personnellement je pensais, et pourtant, en dépit à la fois de la forte ressemblance culturelle et de la langue relativement proche, ils sont catégorisés à part. Les Romains (et Grecs) séparent donc bien deux langues. Par conséquent, je n’ai vraiment aucune raison de penser que les Boiens ou les Insubres parlent deux langues différentes que les anciens sont incapables de dicerner. As-tu un quelconque argument, épigraphique ou autres, démontrant une quelconque variété ? Ou est-ce juste une vague impression personnelle ? Idem pour cette variété des coutumes que tu poses : quelle différence par exemple entre les Sénons et les Boiens ? La présence ou non d’importations grecques ou étrusques ne sous entend en aucune manière une variété de coutume, simplement des réseaux commerciaux différents.
Jibe a écrit :
Je ne crois pas à la vision simpliste d'un peuple en remplaçant un autre ou d'invasion de type Huns mais plutôt à la lente infiltration de petits groupes jusqu'à transformation du paysage politique et du pouvoir.
Pourtant, pour les époques historiques (à partir du IVe disons), cette réalité d’invasions massives et brutales (sans le sens de « soudain ») est parfaitement indéniable !
La grande invasion sénone des années 380 est attestée aussi bien par les sources latines que grecques et par l’archéologie. Un jour, il n’y a pas un gaulois dans le Picénum, et pouf, du jour au lendemain ils sont là. Ils déboulent en masse, bourlingue un peu dans toute l’Italie (du nord au sud, jusqu’au Bruttium) avant de porter leur choix sur la cote Adriatique.
Encore plus nette, la grande invasion balkanique des années 280-270. Les Gaulois étaient à peu près inconnus, et pouf d’un coup, voilà une invasion massive entraînant plusieurs dizaines de milliers d’hommes et leurs familles. L’exemple de la branche asiatique est encore plus net, difficile de tabler sur une lente infiltration séculaire. En 278 ils traversent les détroits, bourlinguent dans toute l’Asie Mineure et dans les années qui suivent apparaît un nouvel état (ou plutôt des nouveaux états) dans ce qui est devenu la Galatie. Une population nouvelle avec des mœurs et des modes de vie nouveau. Et pourtant, cette branche galate n’est qu’un petit reliquat de la grande expédition balkanique.
Dernier exemple, histoire de parcourir trois siècles, les Helvètes tout simplement. Là aussi, difficile de nier le caractère massif et soudain de leur migration. Du jour au lendemain, une population de plus de 350 000 âmes se mets en branle en quête de nouvelles terres.
Ce n’est que quelques exemples, ceux qui m’ont paru les plus marquants, mais d’autres pourraient être donnés (Thrace, Italie du Nord au Ve, etc. voire Cimbres et Teutons...).
Pendant trois siècles pendant lesquels nous disposons d’un peu de documentation suivie, c’est à chaque fois le même processus. Il n’est pas question de lente infiltration. Ils me font plus penser à une nuée de sauterelle qu’autre chose… Une catastrophe naturelle brutale mais surtout imprévisible (à peu près, bien sûr ; de telles migrations se préparent à l’avance et les rumeurs se propagent quelques années avant, comme pour les Helvètes ou les vagues transalpinse du IIIe en Cisalpine).