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Message Publié : 03 Fév 2011 18:35 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

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mais j'aimerais justement plus de précision si possible de ces études.


C'est bien le soucis, c'est que je ne sais pas si c'est possible...

Toutes ces hypothèses ne sont que ce qu'elles sont, des hypothèses... disséminés dans beaucoup de publications parce qu'il est impossible de mener une étude spécifique sur cette question...

Pour cette période et cette région, seule l'archéologie fournit des sources, avec ses limites.... Comment savoir si un objet laténien du IVème siècle retrouvé dans le Sud de la France est un objet produit par un peuple celte local, amené ici grâce au commerce, ou produit localement par un peuple non celte par mimétisme de la culture de la Tène??? Bien sûr, on peut se faire une idée en effectuant des recoupement, des comparaisons, mais la question ne sera jamais tranchée vu le peu de source que nous possédons sur cette période.

Citer :
le temps de fabrication et donc la cherté du produit le calcul final est rapidement fait ; elle était rare.


Elle est certainement extrêmement rare à l'échelle de toute la population, mais il est également peu pertinent de la réserver à quelques aristocrates ou quelques rois. On retrouve le même problème au Moyen Age... Elle était certainement beaucoup plus répandu que ce que l'on pense, comme le casque ou l'épée, sans toutefois devenir commune.

Citer :
Il existait des rivalités aristocratiques fortes, des querelles entre peuples tendant à jouer une carte hégémonique...


Tout cela est certain!

La Gaule au premier siècle avant JC est en situation exceptionnelle de crise, politique, culturelle et militaire. César nous dépeint une Gaule où l'aristocratie guerrière est décimée par les invasions successives, où de nombreux peuples sont fragilisés par des mutations sociales et politiques, que ce soit les Arvernes qui sont en pleine transition d'une monarchie vers, selon toute vraisemblance, une olligarchie, les Eduens, décimés par les germains et en pleine crise politique, on ajoute à cela des revendications de la plèbe, plus nombreuses et plus impliquée, qui déstabilise encore les structures sociales gauloises.... César arrive sur un terrain extrêmement favorable, et, rappelons le, à l'appel de nombreux peuples gaulois menacés par une migration des Helvètes (migration totale d'ailleurs, puisqu'ils détruisent leurs réserves et leurs habitations avant de partir!) et surtout par le chef germain Arioviste. Et il est évident que certains peuples se sentaient bien plus proches des romains que de leurs voisins (les Eduens surtout, qui ne se retournent contre César seulement quand ils réalisent que leur autonomie et leur indépendance sont menacées).

Deux, trois siècles plus tôt, les gaulois étaient toujours organisés selon une société guerrière, prédatrice même (la razzia, le pillage sont les moteurs de l'économie, la guerre, une véritable profession de foi!) et la situation leur était bien plus favorable. Les peuples qui posent le plus de problèmes à César sont d'ailleurs les Belges, notamment les Nerviens, qui présentent des archaisme dans leur organisation sociale et même dans leur manière de faire la guerre.


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Message Publié : 03 Fév 2011 18:46 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant
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Inscription : 08 Juin 2009 10:56
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Merci de votre réponse. Je chercherais quelques éléments de plus dans ce sens.

Dans le cas romano-gaulois, en effet loin d'être l'opposition aussi diamétrale que l'on présenté à la fois les historiens latins et ceux du XIXe, est un contact long et avant tout marqué par un commerce très intense. Il est indéniable, au vu de la pénétration du latin que les élites se sont rapidement insérées dans le monde romain où elles pouvaient espérer de belles carrières...

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Scribant reliqua potiores, aetate doctrinisque florentes. quos id, si libuerit, adgressuros, procudere linguas ad maiores moneo stilos. Amm. XXXI, 16, 9.


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Message Publié : 03 Fév 2011 23:24 
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Eginhard
Eginhard

Inscription : 18 Fév 2010 22:31
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Pardon :oops: , mais la discussion devient un peu difficile, parce qu’on mélange beaucoup de choses dans ce fil :

1- Chacun met son interprétation personnelle derrière le mot « Celtes », ce qui est normal, car le mot a de multiples acceptions possibles.
2- On ne sait pas de quelle période on parle, en passant allègrement :P de la période hallstattienne à la période romaine,
3- On ne sait pas de quelle région on parle (Gaule, péninsule ibérique, Iles britanniques, Balkans,…),
4- (Clio) On parle effectivement très peu des causes des « expansions »,

Pour permettre de reprendre le débat de façon plus claire, j’aimerais traiter ces 4 points les uns après les autres. Malgré le « pinaillage » apparent de ce qui suit, je suis obligé de rester très général en n’allant pas jusqu’au bout de toutes les subdivisions et acceptions possibles.

1- Définition de « Celtes »

On va déjà séparer les Celtes anciens (avant la période romaine), et les Celtes post-romains, et ne parler que des Celtes anciens, puisque c’est apparemment le sujet sous-tendu ici.

Les Celtes (anciens) peuvent être définis comme :

- les locuteurs de langues celtes, soit des celtophones (ces langues sont multiples),
- les porteurs d’une culture celtique : par exemple la culture laténienne , la culture hallstattienne, la culture celtibérique, la culture de Golasecca,…
- les pratiquants d’un art « celtique »,
- ceux qui se faisaient appeler Celtes,
- ceux qui s’appelaient eux-mêmes « Celtes »,
- …

Toute combinaison de ces définitions (par « et » ou « ou ») en est une autre : on peut très bien n’appeler « Celtes » que (par exemple) :
- ceux qui sont locuteurs d’une langue celte et qui sont porteurs d’une culture laténienne,
ou
- ceux qui sont locuteurs d’une langue celte ou qui sont porteurs de l’une quelconque des cultures celtes « attestées ».

Enfin, ont peut déplacer le curseur de 0 à 100 sur chacune de ces définitions, et qualifier par exemple de « Celte » tout peuple dont la majorité (> 50%) des membres parlent une langue celte.

Le nombre de définitions possibles est donc infini.

Pour simplifier, et aborder les 3 autres points qui sont beaucoup plus simples à définir, je ne prendrai en compte que 2 de ces définitions (les plus usuelles) :
- soit les locuteurs de langues celtes,
- soit les porteurs d’une culture celtique ( à définir, et encore une fois en simplifiant à l’extrême, soit par exemple la culture laténienne, soit la culture hallstattienne).

2- Définition de la période

On parlera d’une période, définie par exemple par une fourchette : VIIIème siècle av JC (cad entre -800 et -700).

3- Définition de la région

On choisira de parler d’une région, par exemple la Gaule, l’Italie du Nord, les Iles britanniques,…

4- Les causes des « expansions »

On fera la différence entre les causes (pourquoi) et les moyens (comment).
( Clio : on peut évidemment envisager bien d’autres causes que l’essor démographique ou une « catastrophe » climatique).

Pour synthétiser cet exposé rébarbatif, autant il est impossible de traiter le sujet :
« Quelles sont les causes des expansions celtes ? »,
autant on pourrait traiter, par exemple,
« Quelles sont les causes de l’expansion celtophone en Italie du Nord au Vème siècle ? », ou
« Quelles sont les causes de l’expansion de la culture laténienne dans la péninsule ibérique au IIIème siècle ? », et dans ces 2 derniers cas les réponses seront évidemment différentes.

Si personne ne m'arrête (je comprends très bien que j'em...tout le monde), je peux continuer ... demain.


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Message Publié : 04 Fév 2011 12:20 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

Inscription : 13 Avr 2006 23:08
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Citer :
Pardon , mais la discussion devient un peu difficile, parce qu’on mélange beaucoup de choses dans ce fil :


Parce que c'est une question très complexe qui demande de prendre en compte de nombreuses choses...

Citer :
Chacun met son interprétation personnelle derrière le mot « Celtes », ce qui est normal, car le mot a de multiples acceptions possibles.


Normal, car les frontières de la civilisation celtique sont très floues! Pour moi, les Celtes sont ceux qui se disent celtes (pas parce qu'un allemand ou un français mange un Mcdo qu'il se dit et qu'il est américain), et à ce propos, l'archéologie ne nous donne aucunes indications.

Citer :
On ne sait pas de quelle région on parle (Gaule, péninsule ibérique, Iles britanniques, Balkans,…),


Citer :
On ne sait pas de quelle période on parle, en passant allègrement de la période hallstattienne à la période romaine,


En l’occurrence si, on parle d'évènements ayant eu lieu durant la transition entre les cultures de Hallstatt et celle de la Tène, vers les IVème et IIIème siècles avant JC, où l'on constate une expansion (ce n'est même pas sûr!) des celtes à ce moment là. Pour les lieux, c'est l'Europe de l'Ouest (France, Italie du Nord, Iles Brittaniques et Allemagne actuelle) et une partie de celle de l'Est, jusqu'en Grèce et même en Turquie actuelle! Cette ère géographique immense fut à une époque dominée par des peuples que l'on suppose celtiques. Mais elle recouvre également une foule de réalités différentes, d'où la complexité de la chose.

Après, même la période est floue, parce que l'on parle de peuples dont on connait très mal l'Histoire et qui ont conservé pendant longtemps des aspects semi nomades qui brouillent les cartes. Par exemple, l'invasion des Belges du Nord de la Gaule a eu lieu selon toute vraisemblance au IIème siècle av JC, et semble être une des manifestations de l'expansion celtiques. CE sont des vagues incessantes qui déferlent (ou pas.... beaucoup se sont certainement intégrées très naturellement) sur l'Europe à cette époque, et ça ne s'arrêtera pas avant le Moyen Age (les derniers étant les Vikings, les Hongrois, voir les Mongols au XIIIème siècle).

Citer :
On parle effectivement très peu des causes des « expansions »


Tout simplement parce qu'on en ignore les causes réelles, qui devaient être multiples, variables d'un endroit à un autre...

Il est impossible de donner une réponse claire et tranchée à ce sujet.


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Message Publié : 04 Fév 2011 12:58 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant
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Inscription : 08 Juin 2009 10:56
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Brennus a écrit :
Après, même la période est floue, parce que l'on parle de peuples dont on connait très mal l'Histoire et qui ont conservé pendant longtemps des aspects semi nomades qui brouillent les cartes. Par exemple, l'invasion des Belges du Nord de la Gaule a eu lieu selon toute vraisemblance au IIème siècle av JC, et semble être une des manifestations de l'expansion celtiques. CE sont des vagues incessantes qui déferlent (ou pas.... beaucoup se sont certainement intégrées très naturellement) sur l'Europe à cette époque, et ça ne s'arrêtera pas avant le Moyen Age (les derniers étant les Vikings, les Hongrois, voir les Mongols au XIIIème siècle).


Entièrement d'accord sur cette dynamique longue et complexe sur laquelle Lucien Musset avait déjà en son temps montré son inscription dans la longue durée. Le phénomène des migration reste très difficile à comprendre quant à son origine, sa motivation... Ces mouvements continuent d'ailleurs à l'époque romaine que l'on a souvent regardé un peu à tord comme une interruption dans ces mouvements ; les Romains pratiquaient une politique d'installation de peuples sur leur sol après les avoirs vaincus ou à leur demande et ce déjà sous Auguste avec les Ubiens, jusqu'à celle des Goths en 376 qui est la dernière contrôlée par l'Empire et où cela dégénère pour beaucoup à cause de certains personnages de l'administration romaine. Tout cela pour dire que les migrations "celtiques" ne sont pas un évènement isolé et exceptionnel. Il est également intéressant de noter qu'elles sont parmi les premières que l'on peut percevoir de manière historique et il est probable que ce n'étaient pas les premières...

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Message Publié : 04 Fév 2011 21:52 
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Salluste
Salluste

Inscription : 28 Jan 2011 2:34
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Est-ce que ces "invasions celtes" ne proviendraient-elles pas du fait que l'humain ne s'est réellement sédentarisé que assez tard?


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Message Publié : 05 Fév 2011 9:53 
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Eginhard
Eginhard

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Nous allons essayer justement de rendre cela moins compliqué …(ou plus complexe). :wink:

Avant de parler des causes des expansions, nous allons parler des « expansions » elles-mêmes.
Nous ne pouvons pas faire l’économie de décrire succinctement le modèle « migrationniste ».

Le modèle migrationniste ou radial

Il a été introduit à la fin du XIXème siècle, développé par Henri Hubert (1932), en vigueur chez les archéologues (français) jusqu’en 1980 et quasiment le seul, avec des variantes sur les zones celtiques et sur les dates, représenté à foison encore aujourd’hui sur Internet !

Avec des variantes, ce modèle suppose un berceau originel des Celtes (linguistiquement parlant ;) ) en Europe Centrale, de l’Est de la Gaule à la Slovaquie, en passant par l’Allemagne du sud. Le passage à l’âge du fer (autour de – 800) aurait correspondu à l’installation dans ces zones de groupes hallstattiens (venant de l’Est) équipés d’une longue épée en bronze ou en fer. Ces groupes auraient introduit ou développé la métallurgie du fer ainsi que l’usage de la cavalerie.

A partir de ce berceau et approximativement à la fin du 1er âge du fer, des expansions de ces locuteurs celtes se font vers les Iles britanniques, la Gaule de l’ouest et du centre, l’Espagne, les Balkans, l’Asie Mineure, la Roumanie…

Ce modèle est très simple (ce qui a fait son succès) puisque les expansions sont quasiment toutes laténiennes. La définition de « Celtes » confond la langue et la culture : Laténiens = Celtes. De plus, comme Hérodote a situé les Celtes à la source du Danube, cette définition se confond aussi avec « ceux qui sont appelés Celtes » (voir mon post précédent).

Dans ce modèle, la question des expansions est très simple puisque la définition de « Celtes » est claire, tout le monde part de la même zone et au même moment (évidemment je simplifie un peu).

Le problème, c’est que depuis une trentaine d’années, les chercheurs n’y croient plus, et que depuis au moins 10 ans, je n’ai pas vu une seule publication défendant ce modèle (allez, il doit bien y en avoir au moins une !).

Pourquoi ce modèle a-t-il été abandonné, et quelles sont les théories actuelles ?


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Message Publié : 05 Fév 2011 10:59 
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Eginhard
Eginhard

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Pourquoi ce modèle a-t-il été abandonné, et quelles sont les théories actuelles ?

Ce modèle ne permettait pas, notamment, d’expliquer la celtisation de la péninsule ibérique et des Iles britanniques. De plus,
« Un coup fatal lui fut porté par le déchiffrement des inscriptions en caractères étrusques dans l’aire de la culture nord-italique de Golasecca qui prouva que ces inscriptions étaient rédigés dans une langue indiscutablement celtique.
Les plus anciens de ces textes étaient nettement antérieurs à l’invasion historique du début du VIème siècle av JC…. »

V. Kruta (Les Celtes – 1991 – Venise - 800 pages – article : « La redécouverte des anciens Celtes ») a été un des premiers francophones à exprimer clairement l’abandon du modèle dans un ouvrage de vulgarisation :
« … Ce furent ces derniers (textes de Golasecca) qui apportèrent récemment (années 80) un élément nouveau au dossier et obligèrent les archéologues à reconsidérer l’ensemble de la question »

V. Kruta a confirmé sa position dans « Les Celtes – 2000 et 2009).
Je ne pense pas qu’il faille citer les positions exprimées par tous les chercheurs depuis 2000, mais pour les sceptiques, voir notamment :
- La préhistoire des Celtes (Bibracte 12/2 – 2006)
- De l’âge du bronze à l’âge du fer en France et en Europe occidentale (Xème- Vème siècle av JC) (RAF – 2009).
- Celtic from the west (B. Cunliffe et J Koch – 2010).

La confirmation de l’abandon du modèle migrationniste a été renforcée par des analyses archéologiques montrant que des éléments de mobilier et hallstattiens et laténiens existaient en dehors de la zone hallstattienne-laténienne, avant le début présumé des migrations (notamment dans l’ouest de la Gaule – PY Milcent 2004/2006).

Revenons à nos fameuses expansions …

Si on prend en compte le modèle migrationniste avec un point de départ identifié (ou zone de départ, la zone hallstattienne- laténienne) et un point d’arrivée (ou zone d’arrivée, par exemple la péninsule ibérique), il est « facile » de parler de l’expansion vers la péninsule ibérique.
Si en plus on suppose qu’il y a concordance ente les identités linguistiques et culturelles des peuples ayant migré (en gros, Laténiens = Celtes), on ne se pose pas la question de savoir de quels « Celtes » nous parlons.
.. et donc on peut globalement parler des causes de ces expansions, dans les différentes directions, en étudiant essentiellement les caractéristiques historiques et archéologiques du berceau d’origine.

Maintenant que l’on ne croit plus à ce berceau d’origine, et que l’on différencie clairement les caractéristiques linguistiques et culturelles de ces « Celtes », le problème est plus compliqué, voire sans solution « unique », mais dans tous les cas on est obligé de préciser la définition de « Celtes » utilisée (linguistique, culturelle, ou autre …) et de préciser l’hypothèse de la zone de départ prise en compte.

Pour illustrer ces propos, je vais prendre un exemple.


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Message Publié : 05 Fév 2011 11:42 
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Eginhard
Eginhard

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Dans le modèle migrationniste, comme on sait d’où l’on part, la question suivante a un sens :
« Quelles sont les causes des expansions des Celtes ? » (sous-entendu, à partir de la zone hallstattienne-laténienne, et vers les VIème et Vème siècle avant JC).

H Hubert – 1932- y a d’ailleurs répondu en imaginant 3 raisons principales (résumé succinct) :

« Les mouvements de population ont été déclenché par une péjoration climatique, par une propension des peuples maîtrisant le fer à l’expansionnisme aux dépens des peuples du bronze :rool: et par un terrible remue-ménage dans les nations celtiques provoqué par d’autres migrations. »

Si on abandonne le modèle migrationniste, on a vu que la question :
« Quelles sont les causes des expansions des Celtes ? » n’a plus de sens. :

Puisque l’on différencie maintenant les aires linguistiques et culturelles, la question pourrait être remplacée par exemple par :
« Quelles sont les causes des expansions de la culture laténienne ? »
Pour répondre à cette question, il faut d’abord se poser la question : « D’où est originaire la culture laténienne ? »
Réponse : on ne sait pas (ou on ne sait plus).
En effet, PY Milcent a montré que des éléments de cette culture (notamment les épées, mais aussi les centres cultuels, …) étaient plutôt de provenance ouest-atlantique, et d’autres vraisemblablement de provenance de la zone anciennement qualifiée de zone laténienne.

La question plus précise, par exemple, « Quelles sont les causes de l’expansion de la culture laténienne vers l’ouest de la Gaule ? » n’a donc plus de sens puisque on peut supposer que c’est dans la direction opposée qu’a eu lieu cette expansion.

Par contre la question : « Quelles sont les causes de l’expansion de la culture laténienne vers la péninsule ibérique ? » garde un sens (pour l’instant), puisque on n’a pas (encore) découvert de caractéristiques laténiennes dans la péninsule ibérique avant le IVème siècle.
… mais la réponse est plus difficile qu’avant puisque l’on ne sait pas d’où l’on part : « zone de la culture laténienne », Gaule de l’ouest, ou autre ?


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Message Publié : 05 Fév 2011 13:41 
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Eginhard
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et j'ai oublié d'ajouter sur ce même exemple :
La question "Quelles sont les causes de l'expansion celte dans la péninsule ibérique ?" n'a pas de sens.
En revanche les deux questions :
"Quelles sont les causes de l'expansion des langues celtes dans la péninsule ibérique ?"
"Quelles sont les causes de l'expansion de la culture laténienne dans la péninsule ibérique ?"
ont un sens, mais elles ont des réponses très différentes, notamment parce que nous imaginons aujourd'hui pour ces expansions des périodes très éloignées l'une de l'autre.


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Message Publié : 06 Fév 2011 19:40 
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Eginhard
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Inscription : 18 Fév 2010 22:31
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Bon, assourdi par le flot des commentaires :oops: :wink: , je propose d’aborder un cas de mouvement de Celtes relativement bien étudié, la migration vers le Nord de l’Italie au Vème siècle.

Les inscriptions en « lépontique » du VII-VI-Vème siècles, et l’absence de discontinuité culturelle dans cette région, permettent de considérer que des locuteurs celtes étaient présents dans le Nord de l’Italie plus tôt, éventuellement à la fin du IIème millénaire.
Les historiens sont assez unanimes pour penser que des Celtes sont arrivés dans la vallée du Pô aux VI-Vème siècles, bien avant la prise de Rome.
Les peuples qui sont alors arrivés en Italie seraient venus de deux grandes régions :
- la région de la Marne d’une part,
- la Bohême d’autre part (Boïens).

Les deux régions faisant partie de l’aire de la culture laténienne, et ces deux régions étant supposées être habitées par des locuteurs celtes à cette époque, les deux caractéristiques linguistiques et culturelles sont dans ce cas réunies.
Compte tenu de l’installation plus précoce de locuteurs celtes, on ne considérera pas ce mouvement comme une expansion, mais plutôt comme une migration à l’intérieur de l’aire celtique (aux deux sens du terme).

Quelles sont les causes de ces migrations ? :

La plus importante et assez bien avérée est la surpopulation des régions originaires de cette migration.
Cette raison, citée notamment par Tite-Live (Hist.5.34) et Trogue Pompée, est confirmée par l’appauvrissement des régions de la Marne et de la Bohême (B. Cunliffe et V.Kruta) à la même époque.
La surpopulation conduit donc des populations à rechercher des territoires plus riches et moins densément peuplés.
Elle peut aussi conduire certaines élites guerrières à transformer les raids, qui apportaient aux chefs richesse et honneur, en nécessité économique.

La deuxième raison citée par les auteurs anciens, Pline (Nat . Hist. 12.2.5), est l’attrait qu’exerçaient sur eux les produits méridionaux.
Cette raison paraît plausible, car des raids et des contacts commerciaux sont attestés entre cette région et les régions plus au Nord auparavant.

D’autres raisons peuvent être envisagées :

- V. Kruta imagine que ces immigrations auraient pu être suscitées ou au moins encouragées par une des forces en présence de l’échiquier politique péninsulaire.
- B. Cunliffe imagine que des installations de Celtes pourraient être dues à des recrutements de mercenaires au-delà des Alpes. Ces mercenaires, assez nombreux auraient conservé leur langue et leurs traditions.
- Les migrations de type ver sacrum.


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Message Publié : 09 Avr 2011 19:59 
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Pierre de L'Estoile
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Inscription : 09 Juin 2010 14:22
Message(s) : 2087
Si j’ai bien compris, après avoir éliminé les causes militaires –ça je le savais déjà-on a éliminé les causes migrationnistes. De toute façon, encore une fois si j’ai bien compris, la question de l’expansion de la langue celtique (vers l’Ouest en tout cas) n’a plus de sens étant donné que plusieurs « berceaux »seraient concomitants. Qu’en conclure ?
- Des évolutions linguistiques parallèles auraient débouchées sur des langues très proches (bizarre)
- On nage dans le flou artistique et on table sur de nouvelles découvertes archéologiques pour mieux comprendre
Est-ce que la situation peut se résumer ainsi ou pas du tout ?
À vous et bien à vous.

_________________
et tout le reste n'est que littérature


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Message Publié : 09 Avr 2011 19:59 
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Pierre de L'Estoile
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Inscription : 09 Juin 2010 14:22
Message(s) : 2087
Si j’ai bien compris, après avoir éliminé les causes militaires –ça je le savais déjà-on a éliminé les causes migrationnistes. De toute façon, encore une fois si j’ai bien compris, la question de l’expansion de la langue celtique (vers l’Ouest en tout cas) n’a plus de sens étant donné que plusieurs « berceaux »seraient concomitants. Qu’en conclure ?
- Des évolutions linguistiques parallèles auraient débouchées sur des langues très proches (bizarre)
- On nage dans le flou artistique et on table sur de nouvelles découvertes archéologiques pour mieux comprendre
Est-ce que la situation peut se résumer ainsi ou pas du tout ?
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Message Publié : 10 Avr 2011 11:47 
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Eginhard
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Inscription : 18 Fév 2010 22:31
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Je ne résumerais pas le sujet de cette façon.

Si l’on se concentre sur le sujet de l’expansion des langues celtiques (et non pas des différentes cultures, dont la culture laténienne), je résumerais l’état des recherches de la façon suivante :

- le modèle migrationniste, ou invasionniste, à partir de la zone Hallstatt – La Tène n’est plus en faveur (même si c’est quasiment le seul qui soit reproduit à foison sur les sites Internet). A signaler l’édition 2011 de « Les Celtes en Europe » - Editions Ouest-France, qui est à ma connaissance le premier ouvrage de « vulgarisation » qui confirme clairement l’abandon de ce modèle.

- Cela ne veut pas dire que l’on a abandonné les migrations pour expliquer l’expansion des langues celtiques. C’est encore le modèle adopté pour expliquer les dernières expansions des aires celtophones aux temps « historiques », par exemple l’expansion dans le nord de l’Italie (voir message précédent) ou celui des Galates en Asie mineure.
Aux siècles précédents, disons avant le Vème siècle av JC, les migrations font partie des hypothèses possibles pour expliquer l’expansion des langues celtiques. Le problème est que nous ne savons pas à partir de quelle zone et quand. (Quand on parle de migrations, on pense à des mouvements de populations importants).

Les autres hypothèses sont : acculturation liée à des échanges commerciaux, foisonnement de petits mouvements de populations, …

- L’hypothèse de plusieurs berceaux d’émergence des langues celtiques n’est pas vraiment en faveur non plus, même si elle ne peut pas être formellement rejetée. On peut même facilement imaginer qu’à partir d’une langue proto-celtique déjà différenciée des autres langues indo-européennes, les différentes langues celtiques se soient différenciées les unes des autres à partir de différents foyers.

- Le modèle migrationniste évoqué précédemment étant abandonné, il existe effectivement maintenant un flou important pour expliquer l’expansion des langues celtiques, et « chacun y va de son modèle », mais il n’y a pas de consensus sur un nouveau modèle. Un des derniers modèles est celui de B Cunliffe et J Koch, et le modèle voisin de P Brun, qui imagine une expansion des langues celtiques à partir de la façade atlantique au IIIème millénaire, liée à l’expansion de la culture campaniforme. Mais ce modèle est très contesté…

- Je suis sceptique sur la possibilité que des recherches archéologiques puissent permettre de résoudre ce problème. En effet ces recherches permettront certainement d’avancer sur une meilleure connaissance des l’expansion des cultures (laténienne ou autres), mais en l’absence de découvertes de traces d’écriture, on ne saura pas identifier avec certitude la cohérence entre culture et langue.


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Message Publié : 19 Mai 2012 19:58 
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Polybe
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Inscription : 13 Mai 2012 21:57
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Diviacus a écrit :
Si on compare les Grandes Migrations du Vème siècle aux (éventuelles) migrations laténiennes, on peut penser que ces dernières ont été plus faciles, car plus de 5 siècles avant :

- la densité de population était moindre,
- l’urbanisation était beaucoup plus faible,
- il n’y avait sans doute pas de grande armée constituée, ou facile et rapide à constituer pour se défendre,
ce qui ferait que ces migrations ont rencontré moins de résistance.

Les peuples ligures ou basques-aquitains, sans doute mieux organisés, ont peut-être de ce point de vue mieux résisté et ne se sont pas laissé celtiser aussi facilement (voire pas du tout).

de plus il serait bien de consulter les cieux pour se faire une idée, je veux dire les phénomènes météorologiques, parce qu'à lire certains commentaires j'ai la sensation que l'activité principale ou le sport était la guerre, mais il fallait bien vivre entre deux guerres et peut être était ce le problème qui pouvait amener les guerres ou les pillages. Si des peuples d'agriculteur se déplacent, et Steinbeck ne me démentira pas, c'est qu'ils sont mus par une nécessité vitale surtout si cela coûte. D'autre par l'agriculture avait des rendement très bas à l'époque et ne permettait pas une grande densité de population et des revers climatiques répété ou des phénomènes tel les criquets ou les chamignons et autres parasites...ou encore des maladies infectieuses pouvaient désorganiser des société pacifique et transformer ces membres en pillards. Possible que certaines sociétés comme les aquitains, les ligures ou les basques, à condition qu'elles aient existé en ces lieux à l'époque, auraient été mieux défendues et adapté mais dans ce cas ne devrait on pas retrouver des fortifications , des armes plus sophistiquées et des bourg plus important ? et j'en reviens aussi à la constitution de véritables petites armées capables d'assurer la sécurité, sinon à moins que ces derniers eux mêmes furent des pillards ayant réussi?


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