Alors comme d'habitude lorsque l'on parle des gaulois, il faut garder à l'esprit que les informations que nous avons les concernant (à fortiori pour des choses comme des formations de combat qui ne laissent aucune traces archéologiques) viennent des romains et des grecs. Peut-être ont-ils plaqué des réalités qu'ils connaissaient à ce qu'ils observaient (surtout chez des "barbares").
Celui qui nous dit régulièrement que les gaulois combattaient en phalange est César dans sont récit de la guerre des Gaule. Il évoque dès la première bataille le fait que les helvètes "forment la phalange". Il décrit ensuite que le jet des pila romains "cloue" ensemble les bouclier gaulois, ces derniers étant obligés de s'en débarrasser. Si cette anecdote est vraie, cela veut dire que les gaulois se battaient en formation très serrée au point où leurs boucliers se superposaient.
Un autre récit de la Guerre des Gaules évoque une grande bataille contre les Nerviens, où ceux-ci refusant de plier, ont combattu malgré les pertes affreuses qui leur étaient infligées, et César prétend (sachant qu'il a pu affabuler, sachant qu'on se demande si pour cette bataille, il n'essaye pas de camoufler un combat qui s'est très mal déroulé, les romains accusant également de très lourdes pertes) que la masse des corps était si compacte que les deux armées se sont retrouvées à s'envoyer des javelots, n'étant plus au contact. Là encore, cela suggère des formations très compactes, où les pertes ont lieues au premier rang.
Pourtant en effet, le bouclier gaulois est plat et est tenu (comme le bouclier romain vous me direz) par un "manipule", une poignée, placée horizontalement dans la cavité formée par le "umbo", protection en métal de la main qui forme une excroissance la plupart du temps demi sphérique sur le côté extérieur du bouclier.
Cette forme suggère une utilisation dynamique du bouclier, à la fois offensive et défensive, très différente du lourd Hophlon Grec en bois et bronze (le bouclier gaulois est en bois, voir en "lammellé collé", sorte d'ancêtre du contreplaqué) ou du bouclier macédonien plus léger mais qui était destiné à être utilisé comme une sorte de rempart portatif: de façon fixe et purement défensive. Par comparaison, le bouclier romain est légèrement courbé, et était tenu probablement près du corps, mais pouvait encore avoir une utilisation mixte.
Ensuite, qu'entend-on par phalange?
La phalange "classique" est la formation des hoplites en Grèce ancienne. Elle consiste en une formation serrée de combattants lourds, qui, par le chevauchement de leurs boucliers et le resserement de leurs lances, forment une sorte de hérisson blindé à opposer à l'ennemi, et où le combattant n'a à priori qu'à se soucier de ce qui se trouve devant lui.
Puis elle devient une formation beaucoup plus rigide (mais très efficace quand elle fonctionne et est bien employée) chez les macédonien où l'ennemi est littéralement confronté à un mur de piques très longues et n'a que très très peu de chance de parvenir jusqu'à l'ennemi sans finir embroché.
Les Gaulois n'ont jamais connu des armes si longues. Les lances gauloises sont de nombreux types et certaines formes de fers de lances suggèrent également une utilisation "dynamique", et pas seulement comme une pique.
A noter également qu'au moment de la Guerre des Gaules, les Romains ont abandonné le combat en phalange (pour la formation manipulaire qui fera leur succès contre les phalanges macédonienne bien plus rigides et peu manœuvrables d'ailleurs) depuis des siècles (déjà pendant les guerres puniques, ils l'avaient quasiment abandonnée, et les carthaginois ne l'employaient que pour leurs troupes d’élite il me semble).
Donc qu'est ce que César entend par "phalange"?
Il faut savoir que TOUS les peuples de l'antiquité se battaient en formation. Foncer dans le tas individuellement sur une armée ennemie qui combat en formation s'apparente à un suicide, contrairement à ce que le cinéma et les séries télé véhiculent régulièrement.
La phalange n'est qu'une forme aboutie de ces formations très serrées où l'idée est de mutualiser ses capacités défensives et offensives pour présenter un front unis et très solide à l'adversaire (sachant que dans l'antiquité, l'absence d'étrier empêche la cavalerie d'être une arme de choc: elle ne peut encore briser les formations à quelques exceptions prêt (les cavaliers lourds des steppes par exemple, chez les Scythes). Mais même au Haut Moyen Age, les "barbares", germains notamment, puis après eux scandinaves, se battaient en formant des "murs de boucliers" qui n'étaient rien d'autre que des sortes de phalanges.
Chez les gaulois, il devait s'agir de formations similaires. Ces formations impliquent en tout cas un entraînement et une discipline importants, pour pouvoir manœuvrer ensemble et nul doute que les troupes "d'élite" (les aristocrates et leurs "ambact" et "soldures) gauloises devaient être rompues à ce genre de pratiques.
Ensuite, la guerre a largement évolué chez les Gaulois au cours de la seconde moitié du Ier millénaire avant JC. A la Tène ancienne (soit entre le Vème et le IIIème siècle), le monde Celte change. Une aristocratie guerrière se hisse à la tête de la société et les populations celtes bougent énormément (migrations vers l'Italie, l'Ouest de la Gaule, l'hispanie, Les Balkans, la Grèce, l'Asie Mineure). Les Celtes/Gaulois, notamment en Italie, se retrouvent à combattre des armées "classiques" (étrusques, romains, royaumes héllénistiques, jusqu'en perse et en Egypte comme mercennaires) et à cette époque, le mode de combat favoris du monde classique, c'est encore la phalange.
Les Celtes se vendaient également beaucoup comme mercenaires, enrichissant cette élite aristocratique (et pas que, leurs hommes également, ce qui a probablement conduit à un nivellement des hiérarchies sociales). Et ceux-ci ont probablement beaucoup ramené de techniques et d'idées nouvelles de leur expérience de mercenaires partout dans le monde gaulois (même si nul doute que des formations existaient déjà... d'ailleurs la société celte de la période du Hallstatt (période qui a précédé, du VIIIème au Vème environ) était très hellenisée, au moins pour les élites.
L'armée d'Hannibal comportait un grand nombre de Gaulois (qui ont d'ailleurs servis de chair à canon à Cannes)... et aussi l'armée de César ne l'oublions pas (bien que là, à côté des mercennaires, qui devaient être nombreux, se trouvaient des troupes envoyées par des peuples alliés).
D'une guerre "héroique", où le combattant est le noble monté sur des chars (qui restent en usage jusqu'au IIème siècle av JC sur le continent) qui rappellent un peu les combats homériques, les Celtes adoptent très vite les manières de combattre des civilisations qu'ils croisent. Au moment de la Guerre des Gaules, leur cavalerie est particulièrement réputée et servira dans les armées romaines en tant qu'auxiliaires pendant toutes les guerres civiles.
Voilà pour un résumé rapide de ce qui me vient sur la question.
Citer :
et qu'ils les utilisaient en bataille rangée de préférences à leurs longues épées mieux adaptées au combat individuel.
Effectivement l'épée gauloise est moins adaptée au combat en formation très serrée que les courtes épées grecques ou gladius romains. Rien que dégainer cette épée devait être peu commode en formation rapprochée.
Après, on constate qu'au cours de la période, l'épée gaulois s’allonge et devient moins pointue. On passe donc d'une arme d'estoc à une arme de taille, et c'est certainement lié au développement de la cavalerie.
Mais épées et lances étaient apparemment utilisées conjointement: la lance servait lors du choc, puis une fois brisée ou devenue inutile, elle était lâchée pour tirer l'épée. D'ailleurs les Gaulois portaient leur épée à droite, pour pouvoir la tirer du fourreau sans être gêné par un bouclier pressé contre l'épaule et le tronc à gauche par la poussée ennemie.
Il faut imaginer certainement des combattants se battant en formation assez souples, passant de l'une à l'autre en fonction de la situation. Telle ou telle arme est alors plus ou moins utile en fonction des circonstances.
En tous cas, par "phalanges" gauloise, il ne faut pas forcément imaginer une formation extrêmement lourde et solide comme la phalange grecque, plus une façon de se protéger mutuellement et de faire bloc quand c'est nécessaire. L'utilisation dynamique du bouclier, la longueur des lames, l'absence de protection des jambes, indiquent peut-être chez les gaulois une façon de combattre plus dynamique, plus légère, que chez les lourds combattants grecs. Mais la formation serrée devient indispensable dans certains cas, et nul doute que les Gaulois savaient et n'hésitaient pas à l'appliquer.