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Message Publié : 11 Avr 2021 22:53 
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@Barbetorte :

1) quels sont les besoins alimentaires journaliers par homme à satisfaire ?
Je n'ai pas de réponse circonstanciée à faire sur le sujet qui est très éloigné de mon domaine de spécialité. Mais j'imagine que des réponses peuvent être trouvées sur le net concernant la nutrition minimale d'un homme engagé dans un effort physique intense dans la durée.
J'ai déjà mentionné que certains contingents devaient faire jusqu'à 600 kilomètres pour aller de leur oppidum tribal jusqu'à Bibracte (point de réunion supposé de l'armée, approximativement). Par exemple, les Armoricains, dont 20 000 sont attendus. Cela représente 17 jours de marche à raison de 35 kilomètres par jour (huit à neuf heures de marche à 4 kilomètres par heure).
Une force de cette taille engagée dans un tel effort nécessite un ravitaillement conséquent, même si on peut estimer qu'elle emporte une partie de son ravitaillement sur l'homme. Faute de stocks disponibles (soit sur charrois, soit à l'étape), le rationnement est une option pour un mouvement aussi long. Vu l'effort demandé (j'ai déjà fait des marches soutenues de soixante kilomètres dans une journée sur dix heures de marche, je n'étais plus capable de les répéter au bout de deux ou trois jours), si l'approvisionnement suit peu ou pas, la force disparaîtra en cours de route.
Une fois arrivés, ceux qui n'ont pas abandonné en cours de route par démotivation, désespoir ou blessure doivent être remis en condition plusieurs jours durant avant d'être envoyés dans une nouvelle marche de deux à trois jours (Bibracte-Alésia) et de combattre.

2) les ravitaillements disponibles dans la région d'Alésia : a priori, ils ont déjà été siphonnés par les Romains, pour leurs besoins propres et aussi pour les dénier aux Gaulois. Mais les Gaulois ont pu constituer des stocks à Bibracte. Pour une armée d'un quart de million d'hommes dont je répète qu'elle aura la particularité d'être unique dans l'Histoire, et pour encore près de deux millénaires, cela me semble toutefois impossible dans les délais impartis.

3) l'étendue de la zone d'approvisionnement : je n'en ai pas idée mais peux offrir un parallèle. Les Français ont dévasté le Palatinat à plusieurs reprises au XVIIe siècle pour en faire un espace interdit, comme un champ de mines. Une fois dévasté, les armées impériales, comprenant de 25 à 50 000 hommes, ne pouvaient plus y séjourner, encore moins s'en servir de base offensive vers l'Alsace, pendant au moins une année, faute des ressources nécessaires pour y subsister.

4) il n'y a pas de moyens de transport, les Gaulois vont à pied, éventuellement accompagnés d'un train de chariots portant leurs impedimenta. La vitesse de celui-ci oscille entre 2 et 2,5 kilomètres par heure (soit au plus 20 à 25 kilomètres par jour, ce qui porte à 24 jours la durée du trajet entre l'Armorique et Bibracte - je crois en plus que pour les bœufs il y a une exigence de repos long pour la digestion, ce qui augmente encore cette durée pratiquement).

LCL EMB

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Message Publié : 11 Avr 2021 23:49 
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Grégoire de Tours
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Il y a en ce qui me concerne un point qui m'échappe ou que je n'ai pas su relever c'est celui de savoir quand (et peut-être où) s'est tenue la fameuse assemblée des chefs allouant tant de guerriers par peuple/tribu ?.. était-ce en présence de Vercingétorix ? En début d'année -52 ? avant Gergovie ?...

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Message Publié : 12 Avr 2021 0:46 
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Karolvs a écrit :
Narduccio a écrit :
La mobilisation est possible ... Mais la question n'est même pas de dire ce ne fut pas possible plus tard, alors ça ne l'était pas à l'époque. La question est triviale : comment les nourrir le temps d'une campagne ? Comment assurer leur cohésion ? Quelle utilité de regrouper tellement d'hommes s'ils ne peuvent pas être utiles ?
Narduccio, j'ai abondamment répondu à chacune de ces questions.
Tout ce qu'on m'a opposé, c'est justement le non-argument genre "c'était pas possible à l'époque parce que ça n'a pas été possible plus tard".


Ben justement, parce que mon centre d'intérêt vient de la préhistoire, mon questionnement est inverse : à partir de quel moment cela devient possible ... Je constate que des peuples avec des moyens techniques supérieurs à ceux que disposaient César ne réussirent pas à avoir une logistique nécessaire à ce qu'il prétend avoir été la réalité. Je sais aussi qu'un grand général tel Alexandre ne lésina jamais sur la logistique. César non plus d'ailleurs. Donc, il savait sûrement ce dont étaient capables ses adversaires. Il est possible que les armées gauloises aient été séparées en 4 contingents, soit. Mais cela impose une coordination dans l'attaque qui ne sera possible qu'à partir où des moyens techniques nettement plus conséquents permirent une communication tout azimut.

Bref, ma question serait : à partir de quand, et sous quelle conditions, des peuples réussirent à coordonner une action de cette envergure, et la logistique nécessaire.

Oui, réunir 260 000 personnes est du domaine du possible, vu le nombre de gaulois considérés. Mais, il faut tenir compte du fait qu'au mieux on parle d'une confédération où chaque peuple s'estime au moins égal aux autres. C'est d'ailleurs ce qui fait la faiblesse du combat de Vercingétorix, quand il se soumet, il n'y a personne pour reprendre le flambeau de la révolte. Si nous avons 260 000 personnes, est-il possible de les faire vivre dans un seul lieu à ce moment-là. Oui, cela se fait dans quelques grandes villes, mais avec une logistique continue pour rendre cela possible. Est-ce que cette logistique existe autour d’Alésia ?

Il s'agit d'une armée de secours, d'après ce qu'en dit César, elle ne prend pas le temps de s'installer, donc elle doit avoir une logistique légère. Autrement, ils auraient sécurisé l'environnement, bâti des fortins, encerclé les romains... 260 000 personnes font-elles 260 000 combattants ? Et de quelle valeur ? Voilà les questions qu'il faut se poser. Et, on en revient toujours à la même chose : il n'y a qu'un témoignage contemporain : le texte de César. De nombreux travaux ont montré ce que vaut le témoignage d'un témoin... C'est très sujet à question. Quand, en plus, il s'agit d'un homme public qui a besoin de se faire bien voir par ceux auquel il rapporte les évènements.

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Message Publié : 12 Avr 2021 11:10 
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Je pense au mot de Foch :"J'admire beaucoup moins Napoléon depuis que j'ai commandé une coalition."

En clair, dans une coalition, on n'a pas l'efficacité d'une armée unique avec un seul décideur, bien loin de là. (Napoléon s'était fait une spécialité de battre les coalisés séparément.) Et encore les armées de l'époque étaient-elles commandées, avec une structuration par les généraux, officiers et sous-officiers.

A l'époque d'Alésia, seule l'armée romaine est structurée aussi solidement. On ne peut pas attendre de l'armée de secours gauloise, peu importe ses effectifs et son état, qu'elle soit autre chose qu'une vaste cohue. Il doit bien y avoir des chefs dans chaque peuple et des chefs de village à l'échelon en dessous, ce qui permet, tout de même, de faire descendre des consignes, mais cela ne permet pas de conduire une bataille, alors que côté romain on peut prendre des décisions, les appliquer, éventuellement les modifier...

Je ne sais pas combien de Gaulois se sont présentés devant les fortifications extérieures de César, en revanche je sais qu'ils n'avaient pas la possibilité de tenter des feintes, des attaques simulées sur plusieurs points, ou simplement de tester la défense en plusieurs endroits, puis de mener une attaque majeure sur un point unique : ils n'étaient pas suffisamment encadrés pour cela.

Karolvs a écrit :
Tout ce qu'on m'a opposé, c'est justement le non-argument genre "c'était pas possible à l'époque parce que ça n'a pas été possible plus tard".

Karolvs, je trouve à la limite de la mauvaise foi ce reproche de raisonnement anachronique, ou alors vous n'avez pas compris l'idée, mais ce serait surprenant.

LCL_EMB dit qu'il faudra encore des siècles (hors peut-être l'exception romaine, justement) pour savoir recruter, solder, entraîner, déplacer, ravitailler, rassembler dans des conditions d'hygiène à peu près satisfaisantes, et enfin commander une armée de 100 000 hommes. Cela s'est fait progressivement, siècle après siècle, sur chacune de ces thématiques. A l'époque gauloise, on ne sait tout simplement pas faire ça.

On peut peut-être rassembler 100 000 hommes sur un point précis (et même cela fait débat) mais on ne sait pas en faire une armée.

Est-ce si difficile à comprendre ?

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Message Publié : 12 Avr 2021 11:32 
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Jean-Pierre Vernant
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Citer :
A l'époque d'Alésia, seule l'armée romaine est structurée aussi solidement. On ne peut pas attendre de l'armée de secours gauloise, peu importe ses effectifs et son état, qu'elle soit autre chose qu'une vaste cohue. Il doit bien y avoir des chefs dans chaque peuple et des chefs de village à l'échelon en dessous, ce qui permet, tout de même, de faire descendre des consignes, mais cela ne permet pas de conduire une bataille, alors que côté romain on peut prendre des décisions, les appliquer, éventuellement les modifier...


C'est bien plus compliqué que cela ; les structures socio-politiques des sociétés anciennes ne sont pas inexistantes ou primitives, sans lien, sans organisation. Au contraire même.
Je prends l'exemple germanique que je connais mieux pour expliciter (et pour ne pas trop indigner les spécialistes). Lors de la coalition des Alamans qui mène à leur défaite à Argentoratum en 357, ce sont les liens de don et contre-don qui structurent l'ensemble : Chnodomar, le chef, est désigné comme rex dans Ammien qui établit ensuite les rangs de dignité inférieure des autres chef, regulus et subregulus. En clair, le chef suprême a fait entrer dans sa clientèle des potentats régionaux qui eux-mêmes avaient dans leur dépendance d'autres chefs de moindre importance. C'est par l'extension de ces clientèles que se sont construites les grandes ligues guerrières que l'on appelle "peuples" dès le IIIe siècle. Là où on trouvait chérusques, Mattiaques, Bructères, Marses, Chamaves, Turons... au Ier siècle on trouve Francs, Alamans ("tous les hommes" littéralement)...
De ce fait les armées des peuples archaïques avaient une structure solide, sanctionnée par des liens d'homme à homme extrêmement solides, liés par des rites. Mais la faiblesse d'une telle organisation est que la durée et le théâtre d'opération est de fait limité par la "coutume". Un chef n'est pas Napoléon, il ne fait pas ce qu'il veut et les liens de vassalité impliquent que le chef suprême reste un parmi ses pairs et non un monarque tout puissant.

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Scribant reliqua potiores, aetate doctrinisque florentes. quos id, si libuerit, adgressuros, procudere linguas ad maiores moneo stilos. Amm. XXXI, 16, 9.


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Message Publié : 12 Avr 2021 12:07 
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Le problème est bien l'absence de centralisation et d'administration d'une telle coalition. Puisque le pouvoir du chef est limité par celui de ses vassaux, il lui est difficile d'imposer sa volonté et une ligne stratégique qui dépasse les intérêts conjoncturels d'une campagne. Un chef aussi prestigieux qu'Arminius ne réussira rien de bien concret malgré Teutoburgwald, et Marobod non plus alors qu'il était considéré vers 9 comme l'ennemi à abattre par les Romains qui y auraient employé des effectifs militaires colossaux - la moitié de toutes les légions disponibles - si Varus n'avait pas perdu ses trois légions.
C'est donc bien une énorme différence avec un empire romain qui est, presque avant toute chose, une administration tentaculaire, qui repose sur le recensement et les impôts, et peut donc développer une stratégie. C'est d'ailleurs la clef de sa réussite face à des ennemis qui peuvent parer les coups une fois, deux fois, mais pas dix fois de suite.
Et ce n'est pas un hasard si la véritable nemesis romaine est une autre puissance impériale capable des mêmes efforts dans la durée, en l'occurrence la Parthie puis la Perse.

En outre, ce sera encore l'énorme avantage stratégique de l'empire byzantin pendant plusieurs siècles : sa capacité à anticiper, planifier, stocker, financer lui confèrera un atout indéniable sur ses adversaires, généralement venus des steppes ou structurés en solidarités claniques/tribales (dans les Balkans). Il s'effondrera quand ses ennemis auront été capables, à leur tour, d'administrer leurs efforts dans la durée parallèlement à l'assèchement des ressources byzantines (dérèglements administratifs liés aux cabales politiques, perte de territoires riches fournissant des impôts significatifs au Basileus, etc.).

LCL EMB

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Message Publié : 12 Avr 2021 13:21 
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Philippe de Commines
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:oops: Heuh… il y a encore quelques membres du groupe de discussion qui ne m'ont pas encore tapé dessus… sont peut-être en train de ferrer leurs gourdins… j'ai peut-être le temps de répondre à Elviktor… au risque de déclencher une 2ème vague… prudence… prudence… ne pas écrire 240 000... :rool:

Elviktor a écrit :
Il y a en ce qui me concerne un point qui m'échappe ou que je n'ai pas su relever c'est celui de savoir quand (et peut-être où) s'est tenue la fameuse assemblée des chefs allouant tant de guerriers par peuple/tribu ?.. était-ce en présence de Vercingétorix ? En début d'année -52 ? avant Gergovie ?...

D'après César (dont chacun est conscient qu'il faut accorder peu - certains disent 0 - crédit) il y a eu 2 assemblées des chefs gaulois pendant cette longue séquence de l’année 52 (du regroupement des légions après la bataille de Lutèce à la reddition de Vercingétorix) :

Une première assemblée (VII,63) :
Jules César a écrit :
"La nouvelle de la défection des Héduens propagea la guerre. […] Les Héduens invitent Vercingétorix à venir conférer avec eux sur les moyens de faire la guerre. II se rend à leur prière ; mais ils prétendent qu'on leur défère le commandement en chef ; et comme il leur est disputé, on convoque une assemblée de toute la Gaule à Bibracte. On s'y rend en foule de toutes parts. La question est soumise aux suffrages de la multitude, et tous confirment le choix de Vercingétorix comme généralissime. On ne vit point à cette assemblée les Rèmes, les Lingons, les Trévires : les deux premiers peuples, parce qu'ils restaient fidèles aux Romains ; les Trévires, parce qu'ils étaient trop éloignés et pressés en outre par les Germains, ce qui fut cause qu'ils ne prirent aucune part à la guerre, et gardèrent la neutralité. Les Héduens souffraient vivement de se voir dépouillés du commandement ; ils déplorèrent le changement de leur fortune, et regrettèrent la bienveillance de César envers eux ; mais, comme la guerre était commencée, ils n'osèrent séparer leur cause de celle des autres Gaulois. Ce ne fut qu'à regret qu'Éporédorix et Viridomaros, jeunes gens de la plus haute espérance, obéirent à Vercingétorix.

Où s'est tenue l'assemblée ?   ?
En Bourgogne en pays éduen, plus précisément à Bibracte (Morvan)

Quand s'est tenue l'assemblée   ?
En –52. L'historien C. Goudineau propose juillet-août

Ce qui s'y est dit (selon césar), paraît à peu près clair : Au cours de cette assemblée, d'après César (on n'oublie pas que sa crédibilité est douteuse), Vercingétorix définit une tactique et définit les moyens qu'il pense nécessaires pour l'appliquer : VII,64 :
Jules César a écrit :
"… (Vercingétorix) ordonne la prompte réunion de toute la cavalerie, forte de quinze mille hommes ; et annonce "qu'il se contente de l'infanterie qu'il a déjà ; qu'il ne veut pas tenter le sort des armes en bataille rangée ; qu'avec une cavalerie nombreuse il lui sera très facile de couper les vivres aux Romains et de gêner leurs fourrageurs ; que seulement les Gaulois se résignent à détruire leurs récoltes et à incendier leurs demeures, [...] Les choses ainsi réglées, il ordonne aux Héduens et aux Ségusiaves, limitrophes de la province, de lever dix mille fantassins ; il y ajoute huit cents cavaliers. Il confie le commandement de ces troupes au frère d'Éporédorix, et lui dit de porter la guerre chez les Allobroges. D'un autre côté, il envoie les Gabales et les plus proches cantons des Arvernes, ravager le territoire des Helviens, ainsi que les Rutènes et les Cadurques celui des Volques Arécomiques. En même temps, et par des messages secrets, il sollicite les Allobroges, espérant que les ressentiments de la dernière guerre n'y étaient pas encore éteints. Il promet aux chefs de l'argent, et à la nation la souveraineté de toute la province."
En résumé :
- Les Eduens veulent le commandement, mais le vote confirme Vercingétorix dans son poste de généralissime ("imperator")
Vercingétorix ordonne :
- avec les 15 000 cavaliers et l'infanterie (nombre non précisé) qu'il a déjà et il n'en demande pas plus, Vercingétorix va harceler les "impedimenta" (la logistique) des légions. Il va éviter la bataille rangée.
- les Gaulois vont brûler leurs biens qui pourraient servir au ravitaillement des légions
- on va mettre le feu à la Province : l'Eduen Eporedorix avec 10 000 fantassins (à lever) et 800 cavaliers ira ravager le territoire des Allobroges (qu'on essaiera toutefois soudoyer pour les rallier), tandis les Gabales et les Arvernes ravageront le reste de la Province.

Une 2ème assemblée, décrite par César en VII,75 :
Jules César a écrit :
"Pendant que ces choses se passaient devant Alésia, les principaux de la Gaule, réunis en assemblée, avaient résolu, non d'appeler aux armes tous ceux qui étaient en état de les porter, comme le voulait Vercingétorix, mais d'exiger de chaque peuple un certain nombre d'hommes ; ils craignaient, dans la confusion d'une si grande multitude, de ne pouvoir ni la discipliner, ni se reconnaître, ni se nourrir. Il fut réglé que les divers états fourniraient, savoir les Héduens, avec leurs clients les Ségusiaves, les Ambivarétes, les Aulerques Brannovices, les Blannovii, trente-cinq mille hommes (...etc)"

Quand cela s'est-il passé ? Si on suit la chronologie donnée par César (?), cela s'est passé pendant que Vercingétorix était enfermé dans Alésia, après la bataille de cavalerie sur la plaine des Laumes (VII,70), après que Vercingétorix ait renvoyé ses cavaliers en leur demandant d'aller chacun dans leur pays et d'enrôler tous ceux qui sont en âge de porter les armes (VII,71), pendant que les légions accomplissaient les travaux de siège (VII,72 à 74).
L'historien C. Goudineau propose, pour l'ensemble du siège d'Alésia, la période fin août-septembre-début octobre. C'est donc dans ce créneau, qu'aurait eu cette assemblée, si on suit la chronologie de César.

Où cela s'est-il passé  ? César ne le dit pas. On peut seulement supposer.
Les historiens supposent que cette réunion a eu lieu à Bibracte chez les Eduens, pour 3 raisons :
- c'est là que s'est tenue la première réunion ;
- c'est sur le territoire des Eduens qu'aura lieu (selon César) le dénombrement de l'armée de secours (VII, 76)
- le territoire Eduen est limitrophe (relativement proche) de la zone de siège, et il est sûr.


Une autre assemblée a-t-elle eu lieu ?,

Des historiens et des philologues avancent l'hypothèse qu'une autre assemblée a pu avoir lieu, entre la 1ère ou la 2ème décrites par César ; ou que le débat que César place dans la 2ème assemblée, a eu lieu, en fait, dans la 1ère et en présence de Vercingétorix ; en tous cas avant le siège d'Alésia, et César aurait "remouliné" une ou plusieurs assemblées des chefs gaulois pour forger son récit et lui donner le sens qui l'arrangeait.

Cette hypothèse est plus que possible ; elle est probable. Elle est fondée sur 2 arguments principaux :
1/- des lacunes et des incohérences dans le récit de César,
2/- l'impossibilité qu'on ait pu en si peu de temps lever un si grand nombre d'hommes, les diriger sur le Morvan où César dit qu'ils ont effectivement été dénombrés, et mettre en place l'organisation nécessaire du ravitaillement d'une telle masse. Cet argument implique a contrario que cette mobilisation était possible (ce que contestent vigoureusement les logisticiens actuels, qui arguent que la mise en mouvement d'une telle masse serait impossible quel que soit le temps disponible, en raison des universelles et irréfragables lois de la logistique) à condition d'en avoir le temps.

Je n'échangerai pas sur le 2ème argument, qui a été suffisamment débattu (et moi j'ai été assez combattu :mrgreen: ).

Il pourrait être intéressant de se pencher sur le 2ème, et de "décortiquer" le texte de César pour y chercher les traces susceptibles d'étayer l'hypothèse, si ça intéresse quelqu'un.

Quoi qu'il en soit, cette hypothèse de la mobilisation générale, formulée par Vercingétorix, et revue à la baisse par l'Assemblée des chefs, avant le siège d'Alésia, soulève une question très intéressante : quelle sorte de guerre, quelle stratégie Vercingétorix voulait-il réaliser avec une si grande armée ? (quel qu'en soit le nombre, le débat sur le nombre étant épuisé).


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Message Publié : 12 Avr 2021 13:31 
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Jean-Pierre Vernant
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C'est donc bien une énorme différence avec un empire romain qui est, presque avant toute chose, une administration tentaculaire, qui repose sur le recensement et les impôts, et peut donc développer une stratégie. C'est d'ailleurs la clef de sa réussite face à des ennemis qui peuvent parer les coups une fois, deux fois, mais pas dix fois de suite.
Et ce n'est pas un hasard si la véritable nemesis romaine est une autre puissance impériale capable des mêmes efforts dans la durée, en l'occurrence la Parthie puis la Perse.


Tentaculaire, si on prend comme référence l'administration contemporaine l'empire est extrêmement décentralisé et sous administré ;). C'est une bureaucratie embryonnaire.
Pour ce qui est de la mobilisation des forces l'emoire dispose d'entre 300000 et 500000 soldats. C'est considérable, mais ces troupes sont difficiles à concentrer sans provoquer des aggressions sur les points moins defendus. Et surtout l'empire n'étant plus composé d'hommes libres en armes ses capacités à mobiliser, à piocher dans ses réserves démographiques sont bien plus limitées qu'à la fin de la république. La guerre est devenu une affaire très clausewitzienne, un caprice de prince qui n'implique plus la "nation". L'époque ma plus favorable pour Rome reste la fin de la république quand elle pioche dans son potentiel démographique tout en ayant une administration et un commandement militaire efficace.

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Message Publié : 12 Avr 2021 13:38 
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Le problème, c'est qu'absolument aucune source, même pas César, n'avance qu'elle s'est tenue avant le siège. La seule source disponible dit pendant.
C'est quand ça vous arrange, en fait, que César dit vrai ou faux... lol

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Message Publié : 12 Avr 2021 14:03 
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Pédro a écrit :
Tentaculaire, si on prend comme référence l'administration contemporaine l'empire est extrêmement décentralisé et sous administré ;). C'est une bureaucratie embryonnaire.


J'entendais par rapport aux autres constructions administratives contemporaines. Il est clair qu'ils ont un avantage indéniable. Je crois que les censeurs s'abattent sur la Gaule comme la vérole sur le bas peuple dans le sillage de César (au moins dans les années qui suivent sa conquête ou la guerre civile). L'activité de Germanicus - qui est un prince de la famille impériale, et un héritier putatif de la pourpre - avant de s'assurer de la loyauté des légions de Germanie à la mort d'Auguste consistait justement à y imposer le cens.
Recensement, imposition, c'est la base pour le fonctionnement d'un État qui a l'intention de déployer une stratégie. Les Romains ont poussé très loin le principe, même si effectivement aucune comparaison n'est possible avec un État actuel.

Pédro a écrit :
Pour ce qui est de la mobilisation des forces l'empire dispose d'entre 300000 et 500000 soldats. C'est considérable, mais ces troupes sont difficiles à concentrer sans provoquer des aggressions sur les points moins defendus. Et surtout l'empire n'étant plus composé d'hommes libres en armes ses capacités à mobiliser, à piocher dans ses réserves démographiques sont bien plus limitées qu'à la fin de la république. La guerre est devenu une affaire très clausewitzienne, un caprice de prince qui n'implique plus la "nation". L'époque ma plus favorable pour Rome reste la fin de la république quand elle pioche dans son potentiel démographique tout en ayant une administration et un commandement militaire efficace.


Possible mais je ne crois pas que répondre à la grande menace illyrienne ou à la panique créée par le "furor germanicus" après Teutoburgwald étaient considérées comme un "caprice de prince". Au contraire, il apparaît évident que le princeps fait appel au patriotisme des citoyens dans ces cas-là.
En outre, et je ne pense pas que Batiste me détrompera vu son sujet de M2 (oui, j'ai lu le lien, passionnant), Rome pouvait très bien compenser par le recours aux auxilia en cas de besoin afin de gonfler son armée. Si Tibère n'a que 100 à 120 000 hommes en Illyrie, alors même que la peur a été intense, que les combats y sont rudes et la pacification difficile (elle prendra plus de trois années), c'est bien parce qu'il a été estimé qu'au-delà c'était contreproductif - pour quelle raison je l'ignore, peut-être n'est-elle que budgétaire (caisses vides = effort militaire limité) mais je ne le crois pas. Il y a un moment où même l'armée romaine, si bien organisée soit-elle, atteint le "plafond de verre" des effectifs, une ligne imaginaire au-delà de laquelle accumuler des soldats devient plus un problème qu'un avantage. Je réitère une observation constatée régulièrement au cours de pas loin de 25 années d'études en polémologie, dont je peux défendre la pertinence à la demande : jusqu'à ce que la guerre d'industrialise, Dieu est du côté des petits bataillons, pas des gros, ceux-ci posant des problèmes insolubles dans les domaines de la logistique (soutenabilité) et du commandement (cohésion, capacité à manœuvrer).

D'accord sinon sur le reste de votre message. Effectivement, les désordres de la guerre civile leur ayant suffi, les empereurs par la suite veilleront à ne pas mettre trop d'hommes sous les armes, et même les passes d'armes comme lors de l'année des quatre empereurs en 68-69 sont le fait, avant tout (pas seulement mais surtout), de soldats professionnels.

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Message Publié : 12 Avr 2021 16:05 
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Grégoire de Tours
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Karolvs a écrit :
Des historiens et des philologues avancent l'hypothèse qu'une autre assemblée a pu avoir lieu, entre la 1ère ou la 2ème décrites par César ; ou que le débat que César place dans la 2ème assemblée, a eu lieu, en fait, dans la 1ère et en présence de Vercingétorix ; en tous cas avant le siège d'Alésia, et César aurait "remouliné" une ou plusieurs assemblées des chefs gaulois pour forger son récit et lui donner le sens qui l'arrangeait.

Cette hypothèse est plus que possible ; elle est probable. Elle est fondée sur 2 arguments principaux :
1/- des lacunes et des incohérences dans le récit de César,
2/- l'impossibilité qu'on ait pu en si peu de temps lever un si grand nombre d'hommes, les diriger sur le Morvan où César dit qu'ils ont effectivement été dénombrés, et mettre en place l'organisation nécessaire du ravitaillement d'une telle masse. Cet argument implique a contrario que cette mobilisation était possible (ce que contestent vigoureusement les logisticiens actuels, qui arguent que la mise en mouvement d'une telle masse serait impossible quel que soit le temps disponible, en raison des universelles et irréfragables lois de la logistique) à condition d'en avoir le temps.

Il pourrait être intéressant de se pencher sur le 2ème, et de "décortiquer" le texte de César pour y chercher les traces susceptibles d'étayer l'hypothèse, si ça intéresse quelqu'un.

Quoi qu'il en soit, cette hypothèse de la mobilisation générale, formulée par Vercingétorix, et revue à la baisse par l'Assemblée des chefs, avant le siège d'Alésia, soulève une question très intéressante : quelle sorte de guerre, quelle stratégie Vercingétorix voulait-il réaliser avec une si grande armée ? (quel qu'en soit le nombre, le débat sur le nombre étant épuisé).


Très interessant Karolus, merci bien.
(et courage, vous avez affaire à forte opposition ;) )


LCL_EMB a écrit :
Le problème, c'est qu'absolument aucune source, même pas César, n'avance qu'elle s'est tenue avant le siège. La seule source disponible dit pendant.

Certes LCL EMB, mais comme tout ce qui nous est rapporté par cette source est à prendre avec, disons, une certaine mise en perspective et analyse critique (ce qui est exactement fait dans ce fil à propos du nombre de combattants de "l´armée de secours" gauloise - je mets armée de secours entre guillemets, car c´est encore César qui la présente ou dénomine ainsi...-) je trouve plus qu´adequat d´appliquer à l´ensemble des présentations et affirmations du texte le même traitement.
Et en ce sens, je trouve également très pertinents les arguments donnës par Karolus ci-haut.

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Message Publié : 12 Avr 2021 16:10 
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Pédro a écrit :
Tentaculaire, si on prend comme référence l'administration contemporaine l'empire est extrêmement décentralisé et sous administré ;). C'est une bureaucratie embryonnaire.

Cela restera longtemps le cas, même dans des états plus récents : Gilles Perrault, dans le "Secret du Roi", parle de la "merveilleuse maigreur" des effectifs administratifs sous Louis XV.

Il note par exemple que Sartine, alors lieutenant de police (notre actuel préfet de police) tient Paris, et le tient bien, avec les effectifs d'un commissariat de quartier. (Mais avec une foule d'indicateurs !)

Corollaire :"Epoque bénie où le fisc avait un bandeau sur les yeux", écrit-il à propos de la veuve du secrétaire du "Secret", qui multiplie auprès du roi les appels à sa générosité, se décrivant comme plongée avec ses enfants dans une misère noire - il finira par lui allouer une pension - alors que son testament, conservé aux archives, témoigne au contraire d'une certaine aisance, modérée mais solidement garantie.

Le fisc romain était-il plus performant ? (La France de Louis XV offre l'exemple d'un état pauvre dans un pays riche, je doute que Rome se soit jamais trouvé dans ce cas, sauf peut-être en périodes de troubles ?)

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Message Publié : 12 Avr 2021 17:00 
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Elviktor a écrit :
Certes LCL EMB, mais comme tout ce qui nous est rapporté par cette source est à prendre avec, disons, une certaine mise en perspective et analyse critique (ce qui est exactement fait dans ce fil à propos du nombre de combattants de "l´armée de secours" gauloise - je mets armée de secours entre guillemets, car c´est encore César qui la présente ou dénomine ainsi...-) je trouve plus qu´adequat d´appliquer à l´ensemble des présentations et affirmations du texte le même traitement.
Et en ce sens, je trouve également très pertinents les arguments donnës par Karolus ci-haut.


Mais j'en conviens sans problème. Je pointais juste le manque de cohérence à affirmer sans nuance que César dit la vérité sur les effectifs gaulois, mais la travestit sur les conférences des chefs gaulois.

Il me semble justement qu'il est intéressant de questionner ce qu'en raconte César. Tout comme il est intéressant de relativiser largement les chiffres qu'il avance par ailleurs.
En revanche, si fort que je doutasse de la véracité des éléments chiffrés de César pour les raisons invoquées plus haut, il reste la seule source commentant les évènements de la campagne, et il m'apparaît périlleux de créer ex nihilo des évènements dont il ne parle pas sans beaucoup de réserves - ce qu'a fait Karolvs, il est vrai. Il n'y a donc que des possibilités, sans que l'on ne puisse jamais, vraisemblablement, administrer la preuve de ces possibilités.

LCL EMB

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Message Publié : 12 Avr 2021 17:45 
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Philippe de Commines
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Elviktor a écrit :
Très interessant Karolus, merci bien.

De rien.
Je corrige un "lapsus clavii" qui s'est glissé dans mon message : au lieu de "Il pourrait être intéressant de se pencher sur le 2ème, et de "décortiquer" le texte de César pour y chercher les traces susceptibles d'étayer l'hypothèse", il faut lire se pencher sur le 1er (puisque je n'échangerai plus sur le 2ème).


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Message Publié : 12 Avr 2021 18:30 
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Jean-Pierre Vernant
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Citer :
J'entendais par rapport aux autres constructions administratives contemporaines. Il est clair qu'ils ont un avantage indéniable. Je crois que les censeurs s'abattent sur la Gaule comme la vérole sur le bas peuple dans le sillage de César (au moins dans les années qui suivent sa conquête ou la guerre civile). L'activité de Germanicus - qui est un prince de la famille impériale, et un héritier putatif de la pourpre - avant de s'assurer de la loyauté des légions de Germanie à la mort d'Auguste consistait justement à y imposer le cens.
Recensement, imposition, c'est la base pour le fonctionnement d'un État qui a l'intention de déployer une stratégie. Les Romains ont poussé très loin le principe, même si effectivement aucune comparaison n'est possible avec un État actuel.


Bien entendu, c'était un simple rappel pour la clarté général du propos ; j'ai gardé un vif souvenir d'un intervenant qui décrivait l'Empire romain tardif et sa bureaucratie comme une annexe de la dictature totalitaire soviétique avec le plus grand sérieux. ;)

Citer :
Possible mais je ne crois pas que répondre à la grande menace illyrienne ou à la panique créée par le "furor germanicus" après Teutoburgwald étaient considérées comme un "caprice de prince". Au contraire, il apparaît évident que le princeps fait appel au patriotisme des citoyens dans ces cas-là.
En outre, et je ne pense pas que Batiste me détrompera vu son sujet de M2 (oui, j'ai lu le lien, passionnant), Rome pouvait très bien compenser par le recours aux auxilia en cas de besoin afin de gonfler son armée. Si Tibère n'a que 100 à 120 000 hommes en Illyrie, alors même que la peur a été intense, que les combats y sont rudes et la pacification difficile (elle prendra plus de trois années), c'est bien parce qu'il a été estimé qu'au-delà c'était contreproductif - pour quelle raison je l'ignore, peut-être n'est-elle que budgétaire (caisses vides = effort militaire limité) mais je ne le crois pas. Il y a un moment où même l'armée romaine, si bien organisée soit-elle, atteint le "plafond de verre" des effectifs, une ligne imaginaire au-delà de laquelle accumuler des soldats devient plus un problème qu'un avantage.


Ici c'était surtout pour reprendre les catégories de Clausewitz. Mais si cet appel peut fonctionner à l'époque d'Auguste il est clairement moins opérant au IVe siècle. Il s'est passé quelque chose d'important avec la professionnalisation. L'Empire n'est plus à même de faire appel à des citoyens soldats et à jouer de son avantage démographique considérable. Mais oui, Rome a toujours joué du recrutement d'auxiliaires pour compenser ses besoins en soldats ou parfois en tactiques (cavalerie notamment). Cela rejoint le point de vue d'Ibn Khaldoun dont je parlais plus haut ; perte du potentiel militaire du centre déplacé vers la périphérie.

Pour ce qui est des rassemblements d'effectifs en un point donné je n'ai pas d'exemples supérieurs à ces chiffres. Cela devait être probablement effectivement le maximum à concentrer en un endroit donné.

Citer :
Je réitère une observation constatée régulièrement au cours de pas loin de 25 années d'études en polémologie, dont je peux défendre la pertinence à la demande : jusqu'à ce que la guerre d'industrialise, Dieu est du côté des petits bataillons, pas des gros, ceux-ci posant des problèmes insolubles dans les domaines de la logistique (soutenabilité) et du commandement (cohésion, capacité à manœuvrer).


D'ailleurs c'est la solution choisie par les Romains au moment de la crise du IIIe siècle ; la grosse légion vole en éclat et on multiplie les vexiliations jusqu'à entériner la fragmentation des anciennes unités et se concentrer sur des unités de environ 1000 hommes.

Pierma a écrit :
Le fisc romain était-il plus performant ? (La France de Louis XV offre l'exemple d'un état pauvre dans un pays riche, je doute que Rome se soit jamais trouvé dans ce cas, sauf peut-être en périodes de troubles ?)


Je ne connais pas bien le système fiscal romain ; à l'époque tardive l'impôt est devenu une capitation due par les cités en fonction du nombre théorique d'habitants. Il paraît avoir lourdement pesé sur les collectivités les plus frappées par les attaques barbares, notamment en Gaule du Nord où Julien leur fait grâce des retards de versement. En clair le fisc romain me semble avoir été efficace et relativement bien ordonné. Par ailleurs se greffait là dessus l'annone permettant certes de nourrir Rome mais surtout l'armée : une logistique hallucinante permettant de faire converger le ravitaillement de près d'un demi million de soldats sur les frontières, c'est à dire loin des zones de ravitaillement... Bref, si cela vous intéresse Jean Michel Carrié à travaillé là-dessus, moi cela n'a jamais vraiment réussi à m'intéresser.

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Scribant reliqua potiores, aetate doctrinisque florentes. quos id, si libuerit, adgressuros, procudere linguas ad maiores moneo stilos. Amm. XXXI, 16, 9.


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