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Message Publié : 29 Juin 2005 8:15 
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Salluste
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Je ne sais pas trop si l'on dispose actuellement d'une description claire de ce que furent les "institutions politiques" en phénicie et à carthage à travers les siècles. (Je me permets de parler d'institutions politiques sachant très bien que beaucoup de juristes le contesteraient)

1- Quelles étaient ces "institutions" à la fin du 2ème millénaire av-JC? La période des juges chez les israëlites ne laisse-t-elle pas envisager une éventuelle influence de l'institution des "suffètes" (shafatt), ces juges-arbitres qui gouvernaient les cités de canaan? Y avait-il un conseil (genre sénat) ? comment en devenait-on membre (certainement pas en représentant un ensemble de familles ou une tribu, le lien tribal étant devenu lâche dans ces cités)


2- Comment expliquer la volonté des israëlites, par la suite, de désigner un Roi, "comme les autres nations". Y-a-t-il eu une mutation, durant cette même période, dans les cités de canaan vers des monarchies? Quelles ont été les raisons de cette mutation? La nécessité de faire face aux menaces des peuples de la mer avec des formes de pouvoir plus "robustes"?

3- Quelles étaient ces institutions à Carthage avant puis durant la période Héllenistique? Etait-ce une ploutocratie?


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Message Publié : 29 Juin 2005 10:24 
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Jules Michelet
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Pour les questions 1 et 2, toutes les entités politiques connues pour le Levant durant la seconde moitié du IIè millénaire sont des royaumes. Il y avait des conseils d'Anciens, mais au niveau local. D'ailleurs les Juges sont peut-être nommés ainsi, mais il s'agit quand même de chefs militaires, ayant une fonction sacrée, avec un pouvoir de justice, donc qui s'apparente fort à la royauté. Pour ce qui est de l'apparition d'un roi en Israël, c'est quelque chose de spécifique à ce pays, et je ne sais pas ce que les historiens en disent. Dans la Bible c'est la volonté du peuple, et c'est une décision assez critiquée, puisque sous la monarchie Israël s'affaiblit et se détourne de Yahweh (comme celui-ci l'avait prédit à Samuel au moment de désigner un roi).


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Message Publié : 29 Juin 2005 10:52 
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Les institutions carthaginoises nous sont relativement peu connues. Néanmoins, Aristote en donne un descriptif (plutôt enthousiaste d'ailleurs) dans sa Politique. L'organe essentiel était un "sénat" (ou "grand conseil") regroupant des membres des principales familles puniques. Au sein de ce conseil, il y avait également un organe plus restreint, le conseil des cent quatre, sorte de tribunal suprême. C'est ce dernier qui, par exemple, jugeait (et le plus souvent envoyait finir sur une croix) les généraux vaincus, accusés de ce fait de trahison. Il y avait également, héritiers des anciens rois, deux suffètes, élus pour une année, les années étant désignées comme "année du suffétat de X et Y". Ces personnages ont été trop souvent comparés aux consuls romains, dont ils étaient manifestement loin d'avoir tous les pouvoirs. Ils convoquaient et présidaient les réunions du conseil, et avaient également un rôle de juge en certaines matières. Il y avait également une assemblée du peuple, convoquée par les suffètes et appelée à ratifier les décisions du conseil ainsi qu'à désigner ces deux magistrats.

Les institutions carthaginoises semblent avoir évolué dans le temps, non pas tant au niveau de leur forme que de leur pratique. Carthage était manifestement une ploutocratie, dirigée par une oligarchie marchande. Cette dernière veillait à ce qu'aucun personnage ne prenne un trop grande importance, d'où le rôle assez limité des suffètes par rapport aux anciens rois et certains procès intentés (et se finissant là aussi le plus souvent par une crucifixion) pour accusation d'aspiration à la tyrannie. Il semble néanmoins qu'il y ait eu une évolution "démocratique" à partir de la fin de la première guerre punique, le clan des Barcas jouant de son prestige auprès du peuple afin de contrecarrer l'influence des clans rivaux (en particulier les Hannons). L'assemblée du peuple semble alors avoir été appelée à jouer un rôle plus important. Hannibal s'appuya grandement sur elle lors des réformes qu'il engagea lors de son suffétat (-196). Le prestigieux général en profitat pour diminuer l'importance des "grandes familles" en faisant passer une loi selon laquelle les juges (qui formaient un conseil à part) ne seraient plus en charge à vie et ne se succéderaient plus de façon héréditaire, mais seraient désormais élus pour une seule année. Ce faisant, il parvint à démasquer de nombreuses malversations financières. Les ennemis d'Hannibal en appelèrent à Rome qui exigea la livraison du vainqueur de Cannes. Certains auteurs estiment de plus que cette "évolution démocratique" de Carthage serait un des facteurs ayant conduit à son anéantissement, le sénat romain craignant une "contagion".

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"C'était à Mégara, faubourg de Carthage, dans les jardins d'Hamilcar". Gustave Flaubert


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Message Publié : 29 Juin 2005 11:28 
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Vous pouvez trouver ici des extraits et des commentaires sur le chapitre (chapitre VIII) de la Politique consacré à Carthage : http://remacle.org/bloodwolf/philosophe ... 2.htm#VIII

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Message Publié : 30 Juin 2005 11:21 
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Salluste
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Merci à vous deux, artaxerxès et Zunkir.

Carthage
Il est vrai que les Romains n'ont laissé aucune trace de l'histoire de carthage, dommage!

Si je comprends bien et concernant les institutions politiques à Carthage, on ne peut parler de période punique authentique et de période héllenistique.

L'influence de "l'héllenisme" fut-elle limitée aux autres aspects de la culture, sans incidences notoires sur les formes du pouvoir?

Au fait, dans quelle langue fut rédigé le traité d'amitié entre Hannibal et Philippe V de Macédoine?

Hébreux vs Phénicie

Il est vrai, zunkir, que selon le récit Biblique c'est le peuple d'israël qui eut la volonté de se regrouper autour d'un Roi - comme les autres nations.

En considérant ce passage du récit biblique, est-ce qu'il n'y a pas lieu de voir en cet épisode une mutation qui a dû touché toutes les sociétés du proche-orient en cette fin du IIème Millénaire?

En plus clair, je me demande si l'invasion des peuples de la mer n'ait pas été à l'origine de ce basculement du "suffétat" (pouvoir accordé à DEUX juges élus) à une forme de monarchie, avec UN roi-général qui conduit les batailles. Forme qui dut certainement paraitre plus à-même de faire face à ce danger


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Message Publié : 30 Juin 2005 11:41 
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Jules Michelet
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Dhu Shara a écrit :
En plus clair, je me demande si l'invasion des peuples de la mer n'ait pas été à l'origine de ce basculement du "suffétat" (pouvoir accordé à DEUX juges élus) à une forme de monarchie, avec UN roi-général qui conduit les batailles. Forme qui dut certainement paraitre plus à-même de faire face à ce danger


Encore une fois, non, puisque le cas d'Israël était particulier. Les autres Etats du Proche-Orient étaient des royaumes, bien avant les invasions des Peuples de la Mer. Le roi avait déjà dans ces royaumes la fonction de représentant du dieu tutélaire - chef des armées - garant de la Justice.
Quand les Hébreux disent vouloir se donner un roi "comme les autres nations", cela veut dire comme les peuples voisins. Et d'ailleurs quand les Hébreux se donnent un roi, c'est autour de 1000, soit plus d'un siècle après la fin des invasions.


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Message Publié : 30 Juin 2005 17:14 
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Dhu Shara a écrit :
Si je comprends bien et concernant les institutions politiques à Carthage, on ne peut parler de période punique authentique et de période héllenistique.


Je crois en effet que de telles appelations seraient inapropriées. Si l'on veut découper l'histoire carthaginoise en différentes périodes, il vaut mieux s'en tenir à des critères strictement puniques.

Dhu Shara a écrit :
L'influence de "l'héllenisme" fut-elle limitée aux autres aspects de la culture, sans incidences notoires sur les formes du pouvoir?


Sur l'évolution du pouvoir, elle s'explique sans doute bien davantage par les convulsions de la société carthaginoise que par une très hypothétique influence héllénique.

L'héllénisme influença sans doute, culturellement parlant, bon nombre de "grandes familles" puniques. C'était notamment le cas des Barcas.

Il y eu de plus une influence au niveau de l'art militaire. Les armées puniques étaient essentiellement composées de mercenaires, dont un nombre non négligeable de Grecs. Lorsque les Romains débarquèrent en Afrique durant le premier conflit punique, ce fut un condottiere spartiate, Xanthippe, qui réorganisa -sur le modèle de la phalange- l'armée carthaginoise. S'ensuivirent des succès qui permirent de refouler les légions à la mer.

Dhu Shara a écrit :
Au fait, dans quelle langue fut rédigé le traité d'amitié entre Hannibal et Philippe V de Macédoine?


Tout simplement en grec et en punique. Les divinités de chacun des signataires étaient pris à témoins par ces derniers, afin de placer sous leur patronnage la fermeté des engagements pris (lesquels, on le sait, ne furent guère suivis d'effets). Par ailleurs, Hannibal maîtrisait parfaitement le grec. Il avait eu des précepteurs héllènes.

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Message Publié : 03 Juil 2005 8:21 
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Salluste
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Encore merci pour ces précisions, Artaxerxes.

Sur le plan des relations internationales, quelles étaient les relations entre carthage et les cités phéniciennes durant la période d'occupation chaldéenne puis perse? Est ce qu'on a une idée sur l'importance du commerce (mentions sur des rapports, trouvaille archéologique de cargaison, ...) ?

Et quel rapport entretenait carthage avec Rome aux premiers temps de la république? ça sous-entend aussi ses relations avec les cités étrusques. En d'autres termes, est-ce que carthage n'aurait pas été du coté des romains (qui leur semblaient constituer un danger moindre, p-ê) pour contrecarrer la puissance étrusque.


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Message Publié : 03 Juil 2005 9:34 
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Dhu Shara a écrit :
Sur le plan des relations internationales, quelles étaient les relations entre carthage et les cités phéniciennes durant la période d'occupation chaldéenne puis perse?


Carthage était une colonie de Tyr. Elle entretenait donc avec cette dernière des rapports de colonie à métropole. Certains auteurs parlent de l'"indépendance" obtenue par Carthage au bout d'environ deux siècles. D'abord assez étroitement assujetie à Tyr, elle s'en serait émancipée grace à son propre développement commercial. Toujours grace à ce dernier, elle en aurait profité pour imposer son autorité à d'autres colonies phéniciennes (comme Lixus, actuelle Larrache, au Maroc) jusqu'alors régies par Tyr. Néanmoins les rapports entre Carthage et Tyr persistèrent, et semblent n'avoir guère été changés par les occupations assyrienne, babylonienne et perse. C'est ainsi que tous les ans, un ambassadeur sacré quittait Carthage pour se rendre à Tyr, s'y rendant dans le temple d'un dieu (Ba'al Hammon je crois), effectuant ainsi à rebours le voyage d'Elissa. L'attachement de la colonie à sa métropole se manifesta lors du siège de Tyr par Alexandre : les Carthaginois envoyèrent des navires pour évacuer une partie de la population. La rancoeur que cela aurait engendré chez le Macédonien serait une des causes selon lesquelles -d'après les projets prêtés à Alexandre)- il aurait projeté une expédition contre Carthage.

Dhu Shara a écrit :
Est ce qu'on a une idée sur l'importance du commerce (mentions sur des rapports, trouvaille archéologique de cargaison, ...) ?


Comme chez les Portugais lors des grandes découvertes, les données commerciales (notamment les itinéraires suivis) étaient "top secret) chez les navigateurs phénico-puniques. Il s'agissait de ne pas dévoiler à leurs grands concurrents grecs les routes qu'ils connaissaient. C'est ainsi que nous ne disposons d'aucun rapport. Le texte du fameux périple d'Hannon nous est connu par une copie grecque, dont l'origine est sans doute l'audace d'un Héllène ayant pu se glisser dans un temple carthaginois où était gravée cette relation. La marine carthaginoise semble avoir effectué une rotation annuelle entre les établissements puniques d'Espagne et d'Afrique du Nord d'une part, et Carthage et la Phénicie d'autre part, assurant ainsi les échanges commerciaux entre ces régions (notamment l'approvisionnement en matières premières venant d'Ibérie des Carthaginois et des Phéniciens).

Dhu Shara a écrit :
Et quel rapport entretenait carthage avec Rome aux premiers temps de la république?


Jusqu'aux années immédiatement avant le premier conflit punique, les relations punico-romaines étaient bonnes. Trois traités furent signés entre le 6ème et le 3ème siècle, régissant leurs rapports, et délimitant notamment les zones dans lesquelles leurs marines respectives pouvaient s'aventurer. Un traité d'alliance défensive fut également signé lors de l'expédition de Pyrrhos, ce dernier ayant attaqué les Puniques en Sicile avant avoir défait les Romains en Italie méridionale. Pour les relations avec les Etrusques, je ne sais plus trop...

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