Yongle a écrit :
elle peut avoir plein de motivations différentes et pourtant parfois concomitantes. Recherche de nouveaux territoires, butin amassé pour soi-même directement ou confié au chef de clan ce qui assure sa générosité future. Il me semble un peu rapide de réduire la guerre barbare à un rite de passage seulement. Je crois que vous avez voulu faire court et donc volontairement simplifier, ce qui peut se comprendre à deux heures du matin.
Bien sûr que non ; j'ai évoqué le rite de passage pour simplifier et parce que c'est très tangible, mais ce n'est pas le seul acte sacré d'une société ancienne. Les guerriers entrent dans un système par probation, mais une fois adulte ils ont une fonction guerrière qui n'exclue pas, loin s'en faut le tabou. Je vais parler des Romains parce que je les connais un peu. La prise d'armes dois se faire sur le champ de Mars, en dehors du
Pomerium après avoir déclaré officiellement la guerre en marquant son territoire de façon rituelle. On ouvre les portes du temps de Janus et les augures font des sacrifices. En guerre, l'
imperator est, en plus d'un général, un prêtre à même d'interpréter les signes propices où non. En rentrant, ils faut aux combattants respecter le
Pomerium et ne défiler dans l'enceinte. Il y a un tel hiatus avec le monde civil que ne vous avisez pas d'appeler des combattants romains quirites comme vous le feriez s'ils étaient en "civil"...
En somme la probation rituelle permet de déterminer un passage d'une condition à une autre. Celle d'adulte mâle et libre passe pas la défense de la cité, territoire... La guerre n'a donc pas une simple motivation que l'on dirait rationnelle de nos jours. Elle entraîne tout un ensemble de respect de formes religieuse, et même si le but est la plupart du temps la razzia et le butin, il n'empêche que tout cela passe par un très conséquent ensemble de rituels religieux, qui, s'affaibliront progressivement (sans disparaître totalement d'ailleurs). Et le butin amassé va lui aussi trouver une application concrète dans la vie sociale ; chez les Germains, histoire de changer un peu, cela permettait aux chefs de s'enrichir et de tisser leurs réseaux de clientèles... je vous laisse faire ce parallèle avec Rome ou les Celtes et relier cela avec les systèmes de don et contre-don. En somme la guerre n'est pas, tant qu'elle est prise dans ses structures une froide satisfaction de buts stratégiques stricto-sensu.
Yongle a écrit :
chez les femmes il y en a encore plus
Bien sûr, mais pour autant j'aimerais qu'on m'en cite qui touchent la question guerrière.
Yongle a écrit :
Pour revenir au rite de passage guerrier, je m'interroge sur la méthode. Est-ce que l'on s'en tient à une extension de l'anthropologie/ethnology pour le transposer dans le passé sur des peuples paraissant avoir une certaine proximité avec celui qu'on étudie du fait de l'absence d'État centralisé et d'une certaine propension à la guerre ? Ou bien corrobore-t-on cela par des textes d'époque ? Je suis extrêmement favorable à la mobilisation de l'anthropologie (et plus généralement au dialogue des sciences humaines comme inhumaines ) mais il faut quand même y avoir matière à…
On peut tout à fait le faire et les historiens comme les anthropologues l'ont fait et le font couramment. J'ai Maurice Godelier en tête qui prend souvent des exemples dans le monde antique pour faire des parallèles avec les peuples dits primitifs qu'il a étudié. Mais dès Salomon Reinach, à travers m'étude du tabou, on trouve ce type de parallèle. Personnellement je m'y suis essayé pour les Germains et leur pratique de la guerre entre l'époque de Tacite et celle d'Ammien. Vous pouvez suivre pas à pas, surtout dans Tacite (La Germanie) le fonctionnement des systèmes de don et contre-don, des rites de passages... Je ne prend pas le temps d'aller chercher, néanmoins ce sont des choses qui ont largement été employé dans les études sur les "Indo-Européens" comme chez Dumézil, avec les pincettes qu'il faut prendre évidemment, ou plus récemment chez Bernard Sergent. En fait ce passage par l'anthropologie me semble aussi nécessaire pour comprendre les sociétés antiques que pour le système féodal ; si vous vous lancez dans la description sans avoir en tête le don cela me semble assez compliqué.
Yongle a écrit :
Par exemple, si l'on se retrouve confronté à un peuple "premier"* chez lequel les femmes passent un rite de passage guerrier, que va-t-on dire des femmes Celtes ou plus largement Germaines ?
Personnellement je trouverais cela fascinant puisque cela serait une structure tout à fait originale et visiblement très rare. Leur rôle serait, de toute évidence, identique ou très proche de celui des hommes dans les sociétés celtiques ou germaniques. Néanmoins, et comme toujours, il faudrait une justification mythologique venant soutenir le pourquoi de femmes guerrières.
Yongle a écrit :
*C'est toujours difficile de trouver le mot juste
Surtout par ici, quand on s'échine à dire qu'il faut arrêter de traiter avec condescendance ou mépris ce type de civilisations ou peuple...