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 Sujet du message : Re: Le duc de Raguse
Message Publié : 09 Nov 2012 22:10 
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Fustel de Coulanges
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dans ce cas un échange d’arguments me semble plus utile au débat qu’un expéditif bof.


Ne le prenez pas mal. Le souci ne réside pas dans votre essai d’interprétation mais bien plus dans la formule de départ des Mémoires de la comtesse de Boigne. J’ai en effet bien du mal à comprendre l’évolution politique de Napoléon à la lumière des expressions usitées, bien trop simplistes et qui pourraient faire penser que l’on puisse résumer des phases de la période napoléonienne en trois-quatre mots.

Citer :
Est-il précisé qui est désigné par le "on" qui émet "parfois" une opinion que Lentz trouve "très sévère" ?


Non, mais Lentz peut-être pensait-il à l’ouvrage de Dupont : Napoléon et la trahison des maréchaux.

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 Sujet du message : Re: Le duc de Raguse
Message Publié : 10 Nov 2012 22:05 
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Philippe de Commines
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McDonald a écrit :
Tout pour la France = Consulat ; La France et Moi = l'Empire ; Moi et la France = l'Empire après le virage autoritaire post mariage autrichien ; Moi sans la France = Napoléon après la déchéance du Sénat lorsqu'il demande aux militaires de reprendre Paris sans l'appui du Sénat, alors considéré par Marmont comme représentant la France.
Ca colle mieux ainsi ?

Pas mieux.
Ce sont les mots employés qui portent à confusion. On ne "sent" pas une "nécessité" pas plus qu'on ne "sent" une évidence.
A travers la construction de sa phrase, alors même que le temps a passé, Marmont n'est toujours pas clair. Comme ses motivations et les causes qu'il en donne.
Je n'adhère pas plus aux équations. Tout pour la France = Consulat, oui... à trois. L'Histoire nous montre cependant que ces périodes bancales voient toujours l'émergence d'une seule personne et ceci quels que soient l'époque ou le contexte. Question de timing. On pose une personne "neutre" dans un premier temps afin d'avoir suffisamment de recul pour évaluer les ralliements ; la présence de la personne "neutre" cristallise les mécontents qui se voient obligés de choisir un camp. Les mots, l'argent ou la force brute -voire les trois- font le reste.

Citer :
Le jour du sacre, c'est encore la République, sous une autre forme. L'Empire, malgré sa lente dérive autoritaire, n'a jamais été réduit à l'état de Dictature où le pays tout entier se résumerait à un seul homme.

Alors j'opte pour un compromis : "la sacrée république". J'ai du mal à imaginer des hommes tel Talleyrand ou Fouché se croire encore en République. Pour les "politiciens", la République était déjà fossoyée au moment du Consulat à vie.
Je n'emploie pas le mot dictature car la tendance est fâcheuse à se retourner simplement sur les évènements du XXème siècle dans certains pays ; ce qui bien sûr n'est pas comparable. Quoique le mensonge, l'enjolivement des faits, au final une sorte de propagande sera rondement menée et organisée. Que Bonaparte soit l'homme fort est évident, les attentats le vise preuve s'il en est que le mot République -sous lequel certains se seraient regroupés si là encore le mot n'avait pas trop été galvaudé par des exactions- n'est plus de mise. Pourtant d'autres hommes qui serviront Bonaparte empereur auraient eu la carrure d'hommes d'état mais il faut croire que la France n'était pas prête.

Citer :
Il s'agit pour eux de sauver l'Empire sans l'Empereur, avant que le Sénat ne rétablisse les Bourbons et ne sacrifie les intérêts nationnaux. C'est ce projet politique de Régence que Ney, Macdonald et Caulaincourt sont chargés de négocier avec les alliés après avoir obtenu le principe d'une abdication de Napoléon.Si ce projet présenté au Tsar échoue rapidement, c'est aussi à cause de Marmont dont le corps est passé à l'ennemi durant la nuit du 4 au 5 avril.

"Sauver l'Empire sans l'Empereur" comment un tel tour de passe peut-il être possible ? Il est vrai que l'urgence n'a rien arrangé mais j'ai quelque difficulté à imaginer une régence et encore plus de mal à voir ce projet accepté par la Prusse, l'Angleterre et la Russie. Le seul qui aurait pu en tirer bénéfice était l'Empereur d'Autriche mais là en devant s'aliéner les Bourbons. Autant dire que c'était l'impasse. Il semble que le Sénat soit d'emblée acquis aux Bourbons qui d'emblée veulent sacrifier les intérêts "nationaux". Les intérêts de qui ? Qui a intérêt à craindre le retour des Bourbons ? Le peuple dans la mesure où il lui est seriné tout et son contraire ? La bourgeoisie et la noblesse d'Empire, certainement... Pour le reste, il n'y a plus même querelle d'idéaux, Brumaire a sorti quelque peu les têtes encore dans les nuages et un Directoire bien pragmatique quant à ses intérêts qui n'avaient rien de "nationaux". Et pourtant, j'imagine qu'à ce moment l'expression fut employée...
Pour en revenir au sujet, si le projet a échoué c'est qu'il ne tenait pas la route. Avec ou sans l'aide de Marmont, il faut avouer que les carottes étaient à cuisson.

Citer :
c'est que tous s'illusionnent sur la Constitution promise (qui sera votée le 7 avril) et sur une paix qu'on pense honorable depuis que les coalisés ont promis une France grande et forte le 31 mars si elle abandonnait Napoléon. La Constitution et la Paix rallient ce que les militaires considèrent être les intérêts nationaux.

Ceux qui "perdent" ne trouvent jamais la paix "honorable" quel que soit le conflit. Là encore où commencerait une paix acceptable pour la France à ce moment ? Vous avouerez qu'il faut être animé d'un espoir hors du commun pour s'imaginer que les coalisés vont signer un blanc seing à une France dans l'incapacité de se gouverner. Et puis, il y a aussi des sentiments plus humains qui entrent en jeu, plus politiques aussi. "Une France grande et forte", ceci ne signifie rien : vous l'imaginez d'une manière et votre voisin d'une autre. Grande en quoi ? Pas en territoires donnés. Forte en quoi ? Incapable qu'elle est de se donner un gouvernement. Les militaires étaient à ce point aveuglés ou souhaitaient-ils l'être ? Il me semble que l'Empire était -au final- à bout de souffle, de conquêtes. Le temps jouait pour les coalisés, quid après Napoléon ? Cependant en face, les Maisons continueraient d'exister avec ce qu'elles portent de légitimité, à discuter ou non.
Je n'arrive pas à croire que de tels hommes pensaient "incroyable" ou "inadmissible" que l'on ramène la France aux frontières de 1790. Je trouve même que la France s'en sort relativement bien à Vienne. Dix années d'interminables guerres, des peuples à genoux, des économies asséchées : la France se montrera plus dure postérieurement lors de certains traités.
Au-delà du sujet qui est le duc de Raguse, c'est l'incohérence de la France face aux défaites qui me laisse vraiment perplexe, cette idée ancrée que tout doit sans doute passer par "pertes et profits" et que les acquis sont immuables. Il faut quelque peu atterrir.

Citer :
Je n'ai pas souvenir qu'aucun maréchal présent à Fontainebleau et ayant poussé Napoléon à l’abdication ait subit un traitement comparable.

C'est ceci qui est interpelant. On connait Raguse, on retient moins le nom des présents à Fontainebleau, comment ceci fut exactement présenté à l'Empereur ? Pourquoi une telle urgence ? Et surtout pourquoi nommer "abdication" ce qui semble plus une capitulation ou une reddition avec un changement incontournable de statut. Le père était déjà voué aux gémonies, il n'aurait plus manqué sans doute que de dérouler un tapis rouge au fils. Là encore, on rêve un peu. Et puis il existe tout de même un paramètre incontournable : si le peuple français ne savait ce qu'il voulait, il savait ce qu'il ne voulait plus à ce moment et l'Empire était l'image de ce qui n'était plus souhaité ni souhaitable... pour un temps.

Citer :
Or Marmont a été le seul a être considéré comme traître, non pas au seul Empereur, mais à la patrie. Parce que de fait comme de droit, il a violé le code militaire en entrant en négociation avec les troupes étrangères.

Ceci est acté. Manifestement l'homme ne s'en est pas plus mal porté. Lors de la seconde restauration, il sera membre de l'académie des Sciences, commissaire extraordinaire des 7ème et 19ème divisions militaires, recevra la grand croix de l'Ordre de Saint Louis et deviendra chevalier de l'Ordre du Saint-Esprit, gouverneur de Paris, ambassadeur extraordinaire en Russie à l'occasion du sacre de Nicolas Ier, membre du conseil supérieur de la guerre. Certes après 1830, la donne change.
Peut-on dire comme Napoléon à Sainte Hélène :
"La vanité a perdu le duc de Raguse... Sans sa défection les alliés étaient perdus : j'étais maître de leurs derrières et de toutes leurs ressources de guerre ; il n'en serait pas échappé un seul..."
Là encore, le mot "vanité" me semble étrangement choisi.

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"... Et si je te semble avoir agi follement, peut-être suis-je accusée de folie par un insensé." (Sophocle)


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 Sujet du message : Re: Le duc de Raguse
Message Publié : 12 Nov 2012 19:46 
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Thucydide
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gaete59 a écrit :
Vous avouerez.

Seulement en présence de mon avocat lol

gaete59 a écrit :
j'ai quelque difficulté à imaginer une régence et encore plus de mal à voir ce projet accepté par la Prusse, l'Angleterre et la Russie.

Voici qui pourrait peut être laisser libre court à votre imagination. C'est le Tsar lui même qui, lors de son arrivée à Paris le 31 mars, a proposé la Régence comme une des solutions de remplacement. Il a fait quatre propositions à Talleyrand : maintenir Napoléon sous des conditions strictes, proclamer la Régence, retour à une forme de République avec un général à sa tête (les noms de Bernadotte et d'Eugène de Beauharnais ont été avancés) et enfin les Bourbons encadrés par une Constitution.
Le roi de Prusse est plutôt favorable aux Bourbons mais sa politique consiste à s'aligner systématiquement sur tous les choix du Tsar. Il n'est donc pas un problème.
Quant aux anglais, si les Bourbons ont leur préférence, ils savent se montrer pragmatiques. A plusieurs reprises, Wellington a mis en garde les royalistes du Sud Ouest (Bordeaux en mars puis même à Toulouse début avril) leur demandant de calmer leurs ardeurs car il était encore possible que les alliés traitent avec Napoléon.
Ce n'est pas parce que le projet de Régence a échoué qu'il devait être regardé comme condamné par avance à l'échec.
Il faut bien prendre conscience que beaucoup de français, et surtout les militaires, ignorent totalement les intentions des Bourbons et leur retour reste assimilé à un retour à la monarchie absolue de 1789. Et d'un autre côté, personne n'a oublié les dangers d'un retour à l'anarchie ou à la Terreur. C'est pourquoi les Maréchaux vont, dans l'urgence, chercher une solution de rechange et seule la Régence s'impose à eux, même en dépit du bon sens.

gaete59 a écrit :
"Une France grande et forte", ceci ne signifie rien

Les mots de la déclaration du 31 mars n'ont pas été choisis au hasard. Le 9 novembre 1813 depuis Francfort, les coalisés vont secrètement, via Saint-Aignan, proposer une paix générale basée sur les limites naturelles (Rhin, Alpes, Pyrénées).
Le 1er décembre 1813, ils font une déclaration publique datée de Francfort :"[...] les souverains alliés désirent que la France soit grande, forte et heureuse, parceque la puissance grande et forte est des bases fondamentale de l'édifice social [sous entendu européen]... Les puissances confirment à l'empire rançais une étendue de territoire que n'a jamais connue la France sous ses rois; parce qu'une nation valeureuse ne déchoit pas pour avoir à son tour éprouvé des revers..."
Cette déclaration publique est largement diffusée en France et rencontre un écho favorable au point que Napoléon devra communiquer au parlement les propositions de Saint-Aignan. Ainsi s'insinue dans l'esprit français que la conservation des frontières naturelles reste possible.
Lors de l'ouverture du congrès de Chatillon en février 1814, la situation militaire ayant changée puisque les alliés sont relativement proches de Paris, ils modifient leurs conditions de paix et proposent un retour à la France de 1790. Ces négociations restent secrètes et ne sont pas rendues publiques mais se répandent dans "les milieux autorisés". A torts ou à raison, on rend Napoléon responsable de ce recul car il n'a pas accepté suffisamment tôt les propositions de Francfort.

Aussi quand le 31 mars, après la prise de Paris, les alliés déclarent "que les conditions de paix devaient renfermer de plus fortes garanties lorsqu'il s'agissait d'enchainer l'ambition de Bonaparte, elles doivent être plus favorables lorsque, par un retour vers un gouvernement sage, la France elle-même offrira l'assurance du repos. [...] qu'ils respectent l'intégrité de l'ancienne France telle qu'elle a existé sous ses rois légitimes. Ils peuvent même faire plus, parce qu'ils professent toujours les principes que, pour le bonheur de l'Europe, il faut que la France soit grande et forte." La reprise de l'expression "grande et forte" sonne pour beaucoup à un retour proche des frontières naturelles en cas de renversement de Napoléon. Tout le monde a acté depuis longtemps la perte de Hambourg, Amsterdam, Rome ou Turin. Mais on pense encore à Bruxelles, Mayence ou Genève. N'oublions pas qu'un grand nombre de généraux et militaires de l'armée française, dont le maréchal Ney, sont nés dans les territoires de "nouvelle France".

Les frontières naturelles sont un thème centrale de la diplomatie française (bien avant la Révolution) et de la politique intérieure française. Avec la nationalisation des biens nationaux, elles sont considérées comme un acquis majeur de la Révolution, et peu sont prêts à y renoncer. Talleyrand lui même avait signalé au Tsar lors de l'entrevue d'Erfrut que la France tenait à ses frontières naturelles mais qu'elle était prête à abandonner les conquêtes de l'Empereur.

Ce que tout le monde ignore alors, c'est que Louis XVIII a déjà communiqué depuis plusieurs mois aux alliés son intention de revenir aux frontières de 1789. Non seulement cela lui permet "d'acheter" les faveurs des coalisés mais c'est que lui aussi a compris la porté révolutionnaire du symbole. Les alliés ne se feront pas prier pour récupérer ces territoires.

gaete59 a écrit :
"La vanité a perdu le duc de Raguse... Sans sa défection les alliés étaient perdus : j'étais maître de leurs derrières et de toutes leurs ressources de guerre ; il n'en serait pas échappé un seul..."
Là encore, le mot "vanité" me semble étrangement choisi.

Moi aussi je me suis souvent interrogé sur le choix de ce mot. J'en suis venu à la conclusion que, pour Napoléon, Marmont n'a agi ni par calcul politique, ni par cupidité, ni par peur mais uniquement mût par la haute idée qu'il avait de lui même.
Le 30 mars, après avoir livré la bataille de Paris, Marmont rentre à son hôtel particulier où il va passer la nuit avant d'évacuer la capitale le lendemain. Et ce soir là, le tout Paris se précipite chez lui pour le supplier de signer une capitulation pour la ville de Paris (un armistice a été signé, mais rien n'est prévu concernant la ville de Paris). Marmont rétorque qu'il n'a pas le pouvoir politique de signer une telle capitulation. Mais tous les représentants impériaux ont quitté la ville. On lui dit que lui seul en a l'autorité morale. Talleyrand fait même le déplacement en personne pour voir Marmont. Lui le petit noble de province, celui dont on a moqué l’ascension et dont le titre de Maréchal a été attribué à la seule amitié de Napoléon, on a désormais besoin de lui. Il va entrer en négociation avec le Tsar et le Roi de Prusse, via leurs représentants pour décider du sort de la ville de Paris.
Trois jours plus tard c'est de nouveau vers lui que se tourne Schwarzenberg et Talleyrand pour négocier le ralliement de l'armée française au gouvernement provisoire. Et je crois qu'à ce moment là, Marmont a tout simplement "pris le melon" et se croit devoir décider du sort de la France entière à lui seul. Convaincu d’œuvrer de façon désintéressé pour la bonne cause de la paix, il agit, seul... et se trompe.


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 Sujet du message : Re: Le duc de Raguse
Message Publié : 13 Nov 2012 9:32 
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Eginhard
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Je pense qu'il n'a jamais été dans l'intention des coalisés de nous laisser les frontières naturelles, c'était de la propagande visant à destabliser le régime impérial et opposer l'Empereur et les Français. Ainsi il ne fesait pas la guerre à la France mais à Napoléon... c'est un peu trop facile.
Concernant l'attitude des maréchaux, elle est je pense l'une des causes de la défaite en poussant l'Empereur à l'armistice de pleiswitz (et aux erreurs lors des reprises des hostilités).


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 Sujet du message : Re: Le duc de Raguse
Message Publié : 14 Nov 2012 17:11 
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Philippe de Commines
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McDonald a écrit :
Ce n'est pas parce que le projet de Régence a échoué qu'il devait être regardé comme condamné par avance à l'échec. Il faut bien prendre conscience que beaucoup de français, et surtout les militaires, ignorent totalement les intentions des Bourbons et leur retour reste assimilé à un retour à la monarchie absolue de 1789.

Pour qu'il y ait régence, il faut des régents, qui ? Combien ? Comment ?
Quelle différence à ce moment entre une monarchie dont on a eu toute la révolution pour s'imprégner du fait qu'elle ne sera plus jamais "absolue" (on le verra avec 1830) et un empereur qui depuis un certain temps est bien loin d'être à l'écoute des Français ? Des militaires (on le voit avec la campagne de Russie), des diplomates et le manque récurrent d'une quelconque analyse des personnages qui lui font face. Il donne l'impression d'un automate qui s'enlise dans "sa bataille frontale" qui sera quitte à aller la chercher au pays du grand Khan. Je ne vois pas bien à quel niveau est placé la barre de l'absolutisme.

Citer :
Cette déclaration publique est largement diffusée en France et rencontre un écho favorable au point que Napoléon devra communiquer au parlement les propositions de Saint-Aignan. Ainsi s'insinue dans l'esprit français que la conservation des frontières naturelles reste possible. Lors de l'ouverture du congrès de Chatillon en février 1814, la situation militaire ayant changée puisque les alliés sont relativement proches de Paris

Il semble évident que les propositions vont être mouvantes au gré de l'avance (ou du recul) des coalisés. On propose "large" et ceci devient peau de chagrin au fur et à mesure de l'avance (idem à Yalta ou Staline est en état d'imposer au fur et à mesure de l'avance de l'Armée rouge). Les coalisés n'ont de plus aucune envie de voir une mobilisation du peuple français que la fibre révolutionnaire risquerait de chatouiller (sans les idéaux). Le problème, en France est que l'on commence à s'affoler une fois que l'on sent la lame du couteau sous la gorge : avant, personne ou des rodomontades ; après, on est près à tout accepter et remercier. Cette récurrence dans notre histoire n'a pas dû échapper aux adversaires du moment comme ceci n'échappera pas aux suivants.

Citer :
la France elle-même offrira l'assurance du repos. [...]Avec la nationalisation des biens nationaux

Nan.... lol Dans la seconde phrase on sent que là est le problème.

Citer :
Lui le petit noble de province, celui dont on a moqué l’ascension et dont le titre de Maréchal a été attribué à la seule amitié de Napoléon, on a désormais besoin de lui. Il va entrer en négociation avec le Tsar et le Roi de Prusse, via leurs représentants pour décider du sort de la ville de Paris.

Ce qui expliquerait : "... La postérité flétrira justement sa vie ; pourtant son coeur vaudra mieux que sa mémoire [...] J'ai été trahi par Marmont que je pouvais dire mon fils, mon enfant, mon ouvrage ; lui auquel je confiais mes destinées en l'envoyant à Paris au moment même où il consommait ma trahison et ma perte !"
La vanité de Marmont n'a d'égale que l'aveuglement et une certaine condescendance de Napoléon pour qui un enfant, un proche est assimilé à "un ouvrage". A Sainte Hélène il n'a toujours pas tiré la leçon des ses erreurs d'approche concernant ses semblables.

Citer :
Trois jours plus tard c'est de nouveau vers lui que se tourne Schwarzenberg et Talleyrand pour négocier le ralliement de l'armée française au gouvernement provisoire. Et je crois qu'à ce moment là, Marmont a tout simplement "pris le melon" et se croit devoir décider du sort de la France entière à lui seul. Convaincu d’œuvrer de façon désintéressée pour la bonne cause de la paix, il agit, seul... et se trompe.

"Pris le melon" mais peut être aussi mal préparé à être abordé par de tels personnages (j'ignorais ce forcing) peut être faut-il y déceler une panique. Il agit seul, ne se trompe pas sur le fond mais agit comme sur une impulsion due à la lassitude, l'anxiété du poids dont soudain il se sent lesté, ne serait-ce "la rente" et le fait tout de même d'avoir laissé son assurance à un homme de son dévouement :oops: , je le verrais assez dans une irréflexion due à une pression que ne peut soutenir un militaire non rompu à des échanges face à des hommes comme Talleyrand. Il serait intéressant de connaître les échanges.
Une chose m'échappe cependant : qui va vers qui ? Est-il le premier approché par l'ennemi ou se rend-t-il à l'ennemi après échanges et quels étaient le fond de ces échanges ? Parce-qu'avec Talleyrand ceci peut passer de l'enveloppe à l'exaltation d'un devoir accompli... C'est cet argent qui se balade qui fait -pour ce qui me concerne- beaucoup de différence.

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 Sujet du message : Re: Le duc de Raguse
Message Publié : 14 Nov 2012 18:07 
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Je pense que de toutes façons il fallait bien qu'un de ses maréchaux trahisse Napoléon : comment voulez-vous que ça se termine autrement avec un entêté comme Napoléon ? Déjà Murat a déserté...

La régence, il est probable que ça n'intéresse que l'Autriche. Le tsar est hésitant, il est le seul à comprendre que la révolution a créé une spécificité française, mais il est déjà tombé à ce moment dans le sillage des pseudo-certitudes assénées par Talleyrand.

Alors, quel maréchal va craquer le premier ? En fait ils sont plusieurs à aller négocier, mais sur une base dont les alliés ne veulent déjà plus. Dans les faits, ils ont déjà renoncé à combattre. Pour Napoléon, il est bien trop tard pour que son armée puisse en imposer à l'ennemi et l'obliger à choisir la régence : les alliés sont dans Paris, que ferait-il ? Des combats de rue ?

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 Sujet du message : Re: Le duc de Raguse
Message Publié : 14 Nov 2012 18:45 
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Philippe de Commines
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Inscription : 05 Juil 2011 14:39
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pierma a écrit :
La régence, il est probable que ça n'intéresse que l'Autriche. Alors, quel maréchal va craquer le premier ? En fait ils sont plusieurs à aller négocier, mais sur une base dont les alliés ne veulent déjà plus.

Merci de cette réponse. Tout est résumé dans "Qui va craquer le premier ?".
Heureuse de lire que le tsar s'était bien rendu compte de la "spécificité française" de notre révolution. Que l'on pouvait s'en inspirer (les grandes lignes) mais que cette révolution est spécifiquement "française" avec les éternels retournements et errements propres à la France et qu'un autre pays européen ne souhaite pas un tel luxe au nom d'idéaux qui n'ont rien de bien lumineux et demandent des accordements bien pragmatiques. Je pense que le Tsar ne souhaitait pas non plus une France trop écrasée face à l'Autriche.
J'aurais tout de même été curieuse de connaître, puisqu'il fut aussi envisagé par le Tsar, ce qu'aurait pu donner une "régence" : une tutelle d'un pays ? Quel choix en France ? Comment ceci fut-il envisagé ou présenté ?

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 Sujet du message : Re: Le duc de Raguse
Message Publié : 14 Nov 2012 22:44 
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Thucydide
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gaete59 a écrit :
Pour qu'il y ait régence, il faut des régents, qui ? Combien ? Comment ?

Il s'agit la de la régence de Marie-Louise pour le compte du fils de Napoléon. Le fonctionnement de la Régence est alors prévu par la Constitution. C'est même à cela que se résume tout le projet des Maréchaux: conserver tous les avantages de l'Empire en changeant juste d'Empereur
J'ai d'ailleurs à ce sujet une interrogation. La constitution de 1804 réserve la Régence à un homme de plus de 25 ans. La constitution a t elle été modifiée lorsque Marie Louise a été nommée Régente à l'age de 23 ans ?

gaete59 a écrit :
Les coalisés n'ont de plus aucune envie de voir une mobilisation du peuple français que la fibre révolutionnaire risquerait de chatouiller (sans les idéaux).

Si l'argument est vrai en en novembre 1813, il l'est toujours en mai 1814. Ce qui a changé entre temps, c'est que l'armée s'est ralliée aux Bourbons sans rien négocier. La "fibre révolutionnaire" est impuissante en mai 1814. Elle ne le sera plus en mars 1815.

gaete59 a écrit :
Une chose m'échappe cependant : qui va vers qui ? Est-il le premier approché par l'ennemi ou se rend-t-il à l'ennemi après échanges et quels étaient le fond de ces échanges ? Parce-qu'avec Talleyrand ceci peut passer de l'enveloppe à l'exaltation d'un devoir accompli... C'est cet argent qui se balade qui fait -pour ce qui me concerne- beaucoup de différence.

Le 3 avril, c'est le gouvernement provisoire qui approche Marmont, via Montessuy un de ses anciens aide de camp qui lui apporte le décret de déchéance et "d'autres lettres". Suite à cet échange, Montessuy entre en contact avec Schwarzenberg qui à son tour écrit une lettre à Marmont l'invitant à rejoindre le gouvernement provisoire. Ensuite les choses sont un peu floues, les tractations ayant probablement été verbales, mais il est acquis que Marmont a répondu par écrit à Schwarzenberg le 3 avril. Le matin du 4 avril, Scharzenberg a donné des ordres à son armée pour se préparer à accueillir le corps d'armée de Marmont (à noter que le corps de Marmont est qualifié de corps ennemi).
Le 3 avril, Montessuy était également porteur d'une lettre que Marmont devait remettre au Maréchal Macdonald. On sait que ce dernier a joué un rôle majeur dans l'abdication du 4 avril a Fontainebleau.
Marmont n'est pas le premier maréchal à se rallier aux coalisés. Bernadotte et Murat l'ont fait. Mais eux avaient le titre de souverain. Augereau a été accusé d'avoir lui aussi négocié avec l'Autriche dès les derniers jours de mars, avant même l'entrée des coalisés à Paris. Je n'ai pas recherché d'éléments concernant cette accusation, qui a rencontré que peu d'écho, probablement du fait de la mort du maréchal en 1816.
Concernant la "rente" et l'échange d'argent. Il n'est pas prouvé que Marmont ait reçu de l'argent le 3 ou 4 avril et personne de sérieux n'en a même porté l'accusation à l'époque. Ce qui est sur, c'est que Marmont a touché pendant le restant de ses jours une dotation versée par l'Autriche.
L'histoire de cette dotation est intéressante. Pendant l'Empire, tous les ducs de l'Empire se voyaient reverser une pension correspondant à une partie des revenus fiscaux de leur Duché. Plus le duché est grand, plus la dotation est élevée. La dotation du duché de Raguse s'élève à environ 500 000 francs par an sous l'Empire.
En 1814, le traité de paix de Paris prévoit que les duchés situés hors de France seront confisqués par les pays ayant annexé le territoire et que donc les dotations seront supprimées, même si les titres de noblesse seront maintenus. Celle de Marmont n'échappe pas à la règle. Bien sur il conserve par ailleurs son traitement de Maréchal et ses diverses pensions liées à ses fonctions, comme tout autre militaire. Et comme tous les militaires, il voit ses revenus baisser du fait de la baisse drastique des budgets militaires.
En 1815, après Waterloo et la seconde restauration, Marmont rencontre l'Empereur d'Autriche alors à Paris pour signer le second traité de Paris. Au cours de cet échange, l'Empereur d'Autriche promet de restituer à Marmont sa dotation de Duc de Raguse. Le motif invoqué est que Marmont en tant que gouverneur de la province a fortement contribué à son développement économique. La province ayant été annexée par l'Autriche qui bénéficie désormais de ce développement, l'Empereur aurait de lui même proposé à Marmont de lui verser sa dotation en remerciement. C'est ce que Marmont rapporte dans ses mémoires. C'est évidemment un prétexte, il s'agit de récompenser sa fidélité aux Bourbons, en 1814 comme pendant les Cents-Jours.
Mais l'empereur d'Autriche parti, Marmont n'a toujours pas touché un centime. Et entre temps, Marmont divorce de sa richissime épouse, doit financer les travaux de son château de Chatillon entrepris sous l'Empire, et fini même par faire faillite suite à des investissements dans l'industrie. Ajouté à la baisse de ses salaires, Marmont est en faillite totale et doit vendre ses biens, sans parvenir à rembourser ses dettes.
En 1819, lors d'un voyage en Autriche, il obtient une entrevue avec l'Empereur d'Autriche et lui rappelle sa promesse de 1815. L'empereur d'Autriche lui verse alors une dotation de 50 000 francs annuels, plus les 5 années d’arriérés, soit dix fois moins que sous l'Empire, et insuffisante pour couvrir les dettes de Marmont.
C'est dans les années suivantes que le versement de la dotation autrichienne est connue. Lors d'un procès qui oppose Marmont à l'un de ses créanciers, les revenus du Maréchal sont dévoilés au procès et rendus publics. C'est à se moment là qu'on parlera du prix de sa trahison.


pierma a écrit :
Je pense que de toutes façons il fallait bien qu'un de ses maréchaux trahisse Napoléon : comment voulez-vous que ça se termine autrement avec un entêté comme Napoléon ? Déjà Murat a déserté...

C'est là le problème. Il fallait bien lâcher Napoléon, mais rien n'obligeait un maréchal à agir seul et à engager toute la France avec lui. Les maréchaux de Fontainebleau ont eux aussi voulu lâcher Napoléon mais ont agi collectivement après s'être concertés. Et ils ont jugés plus convenable de d'abord négocier avec Napoléon son abdication avant d'aller négocier avec les armées étrangères.


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 Sujet du message : Re: Le duc de Raguse
Message Publié : 15 Nov 2012 11:52 
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La constitution a t elle été modifiée lorsque Marie Louise a été nommée Régente à l'age de 23 ans ?


Oui, par le senatus consulte du 5 février 1813.

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 Sujet du message : Re: Le duc de Raguse
Message Publié : 15 Nov 2012 15:58 
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Drouet Cyril a écrit :
Citer :
La constitution a t elle été modifiée lorsque Marie Louise a été nommée Régente à l'age de 23 ans ?


Oui, par le senatus consulte du 5 février 1813.

Intéressant. On dirait que Napoléon commençait à envisager certaines éventualités désagréables. ça coïncide avec le début de la campagne de France, non ?

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 Sujet du message : Re: Le duc de Raguse
Message Publié : 15 Nov 2012 21:41 
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Bernadotte et Murat l'ont fait.


A la différence que l’un était délié de ses serments vis-à-vis de l’Empereur et pas l’autre.


Citer :
Augereau a été accusé d'avoir lui aussi négocié avec l'Autriche dès les derniers jours de mars, avant même l'entrée des coalisés à Paris. Je n'ai pas recherché d'éléments concernant cette accusation, qui a rencontré que peu d'écho, probablement du fait de la mort du maréchal en 1816.


Un mot de Zins dans son très bon 1814 L’armée de Lyon ultime espoir de Napoléon :
« Nous n’avons trouvé aucun élément étayant l’hypothèse d’une possible trahison du maréchal. »


Citer :
On dirait que Napoléon commençait à envisager certaines éventualités désagréables.


Disons que l’Empereur, échaudé par l’affaire Malet et à la veille d’aller reprendre la tête de l'armée loin de la capitale, désirait renforcer sa dynastie sur le plan constitutionnel.

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