McDonald a écrit :
Tout pour la France = Consulat ; La France et Moi = l'Empire ; Moi et la France = l'Empire après le virage autoritaire post mariage autrichien ; Moi sans la France = Napoléon après la déchéance du Sénat lorsqu'il demande aux militaires de reprendre Paris sans l'appui du Sénat, alors considéré par Marmont comme représentant la France.
Ca colle mieux ainsi ?
Pas mieux.
Ce sont les mots employés qui portent à confusion. On ne "sent" pas une "nécessité" pas plus qu'on ne "sent" une évidence.
A travers la construction de sa phrase, alors même que le temps a passé, Marmont n'est toujours pas clair. Comme ses motivations et les causes qu'il en donne.
Je n'adhère pas plus aux équations. Tout pour la France = Consulat, oui... à trois. L'Histoire nous montre cependant que ces périodes bancales voient toujours l'émergence d'une seule personne et ceci quels que soient l'époque ou le contexte. Question de timing. On pose une personne "neutre" dans un premier temps afin d'avoir suffisamment de recul pour évaluer les ralliements ; la présence de la personne "neutre" cristallise les mécontents qui se voient obligés de choisir un camp. Les mots, l'argent ou la force brute -voire les trois- font le reste.
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Le jour du sacre, c'est encore la République, sous une autre forme. L'Empire, malgré sa lente dérive autoritaire, n'a jamais été réduit à l'état de Dictature où le pays tout entier se résumerait à un seul homme.
Alors j'opte pour un compromis : "la sacrée république". J'ai du mal à imaginer des hommes tel Talleyrand ou Fouché se croire encore en République. Pour les "politiciens", la République était déjà fossoyée au moment du Consulat à vie.
Je n'emploie pas le mot dictature car la tendance est fâcheuse à se retourner simplement sur les évènements du XXème siècle dans certains pays ; ce qui bien sûr n'est pas comparable. Quoique le mensonge, l'enjolivement des faits, au final une sorte de propagande sera rondement menée et organisée. Que Bonaparte soit l'homme fort est évident, les attentats le vise preuve s'il en est que le mot République -sous lequel certains se seraient regroupés si là encore le mot n'avait pas trop été galvaudé par des exactions- n'est plus de mise. Pourtant d'autres hommes qui serviront Bonaparte empereur auraient eu la carrure d'hommes d'état mais il faut croire que la France n'était pas prête.
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Il s'agit pour eux de sauver l'Empire sans l'Empereur, avant que le Sénat ne rétablisse les Bourbons et ne sacrifie les intérêts nationnaux. C'est ce projet politique de Régence que Ney, Macdonald et Caulaincourt sont chargés de négocier avec les alliés après avoir obtenu le principe d'une abdication de Napoléon.Si ce projet présenté au Tsar échoue rapidement, c'est aussi à cause de Marmont dont le corps est passé à l'ennemi durant la nuit du 4 au 5 avril.
"Sauver l'Empire sans l'Empereur" comment un tel tour de passe peut-il être possible ? Il est vrai que l'urgence n'a rien arrangé mais j'ai quelque difficulté à imaginer une régence et encore plus de mal à voir ce projet accepté par la Prusse, l'Angleterre et la Russie. Le seul qui aurait pu en tirer bénéfice était l'Empereur d'Autriche mais là en devant s'aliéner les Bourbons. Autant dire que c'était l'impasse. Il semble que le Sénat soit d'emblée acquis aux Bourbons qui d'emblée veulent sacrifier les intérêts "nationaux". Les intérêts de qui ? Qui a intérêt à craindre le retour des Bourbons ? Le peuple dans la mesure où il lui est seriné tout et son contraire ? La bourgeoisie et la noblesse d'Empire, certainement... Pour le reste, il n'y a plus même querelle d'idéaux, Brumaire a sorti quelque peu les têtes encore dans les nuages et un Directoire bien pragmatique quant à ses intérêts qui n'avaient rien de "nationaux". Et pourtant, j'imagine qu'à ce moment l'expression fut employée...
Pour en revenir au sujet, si le projet a échoué c'est qu'il ne tenait pas la route. Avec ou sans l'aide de Marmont, il faut avouer que les carottes étaient à cuisson.
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c'est que tous s'illusionnent sur la Constitution promise (qui sera votée le 7 avril) et sur une paix qu'on pense honorable depuis que les coalisés ont promis une France grande et forte le 31 mars si elle abandonnait Napoléon. La Constitution et la Paix rallient ce que les militaires considèrent être les intérêts nationaux.
Ceux qui "perdent" ne trouvent jamais la paix "honorable" quel que soit le conflit. Là encore où commencerait une paix acceptable pour la France à ce moment ? Vous avouerez qu'il faut être animé d'un espoir hors du commun pour s'imaginer que les coalisés vont signer un blanc seing à une France dans l'incapacité de se gouverner. Et puis, il y a aussi des sentiments plus humains qui entrent en jeu, plus politiques aussi. "Une France grande et forte", ceci ne signifie rien : vous l'imaginez d'une manière et votre voisin d'une autre. Grande en quoi ? Pas en territoires donnés. Forte en quoi ? Incapable qu'elle est de se donner un gouvernement. Les militaires étaient à ce point aveuglés ou souhaitaient-ils l'être ? Il me semble que l'Empire était -au final- à bout de souffle, de conquêtes. Le temps jouait pour les coalisés, quid après Napoléon ? Cependant en face, les Maisons continueraient d'exister avec ce qu'elles portent de légitimité, à discuter ou non.
Je n'arrive pas à croire que de tels hommes pensaient "incroyable" ou "inadmissible" que l'on ramène la France aux frontières de 1790. Je trouve même que la France s'en sort relativement bien à Vienne. Dix années d'interminables guerres, des peuples à genoux, des économies asséchées : la France se montrera plus dure postérieurement lors de certains traités.
Au-delà du sujet qui est le duc de Raguse, c'est l'incohérence de la France face aux défaites qui me laisse vraiment perplexe, cette idée ancrée que tout doit sans doute passer par "pertes et profits" et que les acquis sont immuables. Il faut quelque peu atterrir.
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Je n'ai pas souvenir qu'aucun maréchal présent à Fontainebleau et ayant poussé Napoléon à l’abdication ait subit un traitement comparable.
C'est ceci qui est interpelant. On connait Raguse, on retient moins le nom des présents à Fontainebleau, comment ceci fut exactement présenté à l'Empereur ? Pourquoi une telle urgence ? Et surtout pourquoi nommer "abdication" ce qui semble plus une capitulation ou une reddition avec un changement incontournable de statut. Le père était déjà voué aux gémonies, il n'aurait plus manqué sans doute que de dérouler un tapis rouge au fils. Là encore, on rêve un peu. Et puis il existe tout de même un paramètre incontournable : si le peuple français ne savait ce qu'il voulait, il savait ce qu'il ne voulait plus à ce moment et l'Empire était l'image de ce qui n'était plus souhaité ni souhaitable... pour un temps.
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Or Marmont a été le seul a être considéré comme traître, non pas au seul Empereur, mais à la patrie. Parce que de fait comme de droit, il a violé le code militaire en entrant en négociation avec les troupes étrangères.
Ceci est acté. Manifestement l'homme ne s'en est pas plus mal porté. Lors de la seconde restauration, il sera membre de l'académie des Sciences, commissaire extraordinaire des 7ème et 19ème divisions militaires, recevra la grand croix de l'Ordre de Saint Louis et deviendra chevalier de l'Ordre du Saint-Esprit, gouverneur de Paris, ambassadeur extraordinaire en Russie à l'occasion du sacre de Nicolas Ier, membre du conseil supérieur de la guerre. Certes après 1830, la donne change.
Peut-on dire comme Napoléon à Sainte Hélène :
"
La vanité a perdu le duc de Raguse... Sans sa défection les alliés étaient perdus : j'étais maître de leurs derrières et de toutes leurs ressources de guerre ; il n'en serait pas échappé un seul..."
Là encore, le mot "vanité" me semble étrangement choisi.