Drouet Cyril a écrit :
Tous, non. Néanmoins, le gouvernement fit tout pour que l’information se propage. Ainsi, la proclamation déliant l’armée de son serment à l’Empereur fut publiée dans le Moniteur dès le 3 avril.
J'ai un peu de mal avec le "serment". Le soldat de base, extirpé de sa campagne et bien souvent analphabète prêtait-il "serment" ou bien était-ce à partir d'un certain niveau des cadres de l'armée et en quoi tient ce "serment" ?
Accepter un poignard où il était inscrit "mon honneur est ma fidélité" vous engageait -il fut un temps- à vie à tout faire et n'importe quoi : on le verra mais ceci dans un corps bien spécifique. Le nouveau conscrit en prenant ses affaires doit-il "prêter serment" ? Attend-t-on des promotions de généraux que l'on réunit dans un lieu spécifique où l'on se contente de répéter des lignes apprises qui constitueraient un "serment", comme il est de mise pour les avocats et les médecins. Ce ne sont que des mots et les mots prêtent toujours à une compréhension personnelle.
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Les maréchaux avaient déjà commencé à grogner, mais à Fontainebleau, le 4 avril, la situation militaire et politique était des plus critiques. Pour certains, il était enfin temps de ne plus obéir.
Je sais que c'est un autre débat, mais c'est dur de constater que peut de temps encore, tous marchaient au pas. Et j'ai du mal à croire que cette grogne était le fruit d'une concertation pour le seul bien-être de la France. Dans ce cas, on aurait estimé, dès Moscou, que la France était un peu mal tant militairement que politiquement avec une personne visiblement dans l'incapacité d'une analyse ou même d'une communication quelconque avec ses maréchaux.
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Votre question peut faire penser à ce qui s’est passé à Versailles au sein du 6e corps.
Mais que risque-t-on réellement ? Souham était-il au-dessus de Lucotte ? Et comment Marmont revenu en grande hâte peut-il "remettre de l'ordre" alors qu'il est lui-même hors des clous ? Un militaire comme Souham n'a donc comme alternative que d'obéir ou risquer une éventuelle cours martiale, ou se tirer une balle dans la tête (chose qui paraît assez récurrente dans l'armée il fut un temps pour des questions "d'honneur" très "adaptables" quand ce n'est pas "adaptées"). Fontainebleau, ceci sent un peu plus le "sauve qui peut" plus que le désir franc d'épargner le sang du soldat de base et de considérer soudainement que la France est un peu "mise à mal".
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C'est ce ralliement qui ne peut constituer une trahison lorsque deux sources de pouvoir se revendiquent comme légitime.
Je comprends mieux les désertions... Si en plus il faut penser à la place de ceux qui tiennent le pays et anticiper la légitimité des pouvoirs : on verra qu'en France, on est assez "champions" dans le style.
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Marmont était lié à l’Empereur par un serment et seul l’Empereur pouvait le délier de ce serment.
Donc lors de sa présence à Fontainebleau avant l'abdication : c'est à ce moment que Marmont aurait dû se démettre ? Mais impossible puisqu'il se trouve "en guerre". Quant au serment, il faut demander audience à l'Empereur -si tant est qu'il l'est toujours franchement et pour la majorité des corps- ou alors attendre une publication au JO et se dire : "là, je peux..." mais à ce moment l'Empereur n'est plus empereur donc le serment n'a plus lieu d'être.
Comment seul un homme peut-il vous délier d'un serment ? Lors d'un serment, une parole est donnée dans un contexte bien spécial. De part et d'autre il existe un engagement mais si le plus fort -du moment- pipe les dés qui servaient antérieurement au jeu, un engagement n'a plus lieu d'être. On reprend ses billes. Ou alors il faudrait prêter des serments à répétition pour être, de chaque côté certain de l'autre. C'est franchement panurgien de "prêter serment" à 30 ans et ceci "sa vie durant". On ne peut exiger ceci d'un homme ou alors c'est par la force qui inspire une peur (la fameuse du déshonneur... très variable d'ailleurs suivant la fin des évènements) ou par un mépris total et des mots et des êtres.
L'homme d'Austerlitz a évolué et l'Empire aussi de l'intérieur en quelques années. Un serment passé en 1804 est peut être à revoir en 1809 ou 1811 car il implique l'entière adhésion d'un homme. Si la raison tire d'un côté, l'honneur de l'autre sans compter avec les craintes, l'âge, le fait de constater que l'on est plus soi-même au top, pire encore que le chef ne donne plus aucune alternative on suit soit une certaine mollesse soit avec l'idée qu'au premier "hic", on va être aux abonnés absents. Il suffit pour cela d'attendre voire de favoriser la seule issue qui vous rend une quelconque liberté à savoir le pire : que les ennemis gagnent... et vous voici délier d'un satané serment. De là à donner un petit coup à la chance d'en face...
Talleyrand à Erfurt à trahi, on acte mais enfin si cette trahison avait été suivie d'une certaine remise en cause de l'Empereur face à son staff militaire, on aurait peut être été étonné de voir que certains étaient "border". La phrase de Lannes à Essling montre déjà que bon, manifestement le suivi est presque "sentimental" et tout les maréchaux sont loin d'avoir le franc parler de Lannes. Déjà l'Empereur aurait dû s'interroger, c'était tout de même les paroles d'un "ami" et puis à ce moment, il n'avait plus grand chose à gagner...
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Le décret ne met pas fin à la guerre et n'autorise pas Marmont à entrer en négociation. C'est là que réside la trahison.
J'ai l'impression qu'en France il existe 1000 façons de mettre fin à une guerre et la plus prisée semble être communément d'attendre la déculottée qui met tout le monde d'accord. Les gouvernements prennent la tangente, le sénat décrète alors que son décret ne tient pas. En d'autres temps on se baladera à Versailles ou à Bordeaux tout en étant pas "reconnus" par ceux qui sont toujours à Paris sans compter avec ceux qui ont déjà fait sécession...
Pour que l'armée acte que l'Empereur n'est plus, une fois l'abdication signée où doit aller ce fameux papier et qui doit le contresigner ?
Sans abdication... ou sans gouvernement cohérent, comment peut-on mettre fin proprement à un conflit ? A moins de se jeter dans les bras de l'envahisseur.
J'ai l'impression que même sous Napoléon, les autres pays n'ont pas ce problème ou alors il n'est pas évoqué. Il faut donc un papier, fruit d'une décision à la majorité -si tant est que tout le monde est présent- qui va ensuite dieu sait où et lorsqu'enfin toutes les corps étant d'accord, encore un papier... et quoi ? On sait bien que l'armistice est claironné mais lorsque l'on a su c'est toujours lorsque nous sommes sorti "gagnant", ceci paraît nettement plus compliqué autrement. Comme il a tout de même existé des "autrement" assez lourds de conséquences, c'est un véritable casse-tête : alors si en plus on y ajoute des serments qui tiennent pour certains d'un vieux copinage, pour d'autre l'alliance avec le "fort du moment", pour d'autre encore "un remerciement pour une dotation" en espérant de voir celle-ci augmenter à chaque bataille gagnée ; il parait évident que plus rien ne tient. Ne serait-ce que par le fait qu'un "serment" n'engage que soit mais une fois les maréchaux mariés, ayant des enfants, ajoutez à ceci que l'on est loin de l'enthousiasme de la campagne d'Italie ou autre : tous les ingrédients sont présents pour ce qu'on appelle une "trahison". Il semble que seule la "trahison" soit -si j'ose dire- légale dans le sens d'aussi bien légiférée.
On arrive donc à une question ahurissante : à partir de quand peut-on "trahir" tout en étant certain de ne pas payer le prix fort ?
Là encore, Talleyrand est un as, il faut l'avouer.
Ce genre de chose me donne du mal car en d'autres temps -je pense à l'opération Walkyrie-, je n'arrive pas à croire à la réelle volonté de soudain s'éveiller -pour certains- et s'impliquer franchement dans un désir de soudain culbuter un personnage "pour le bien du pays voire de l'humanité". Ceci sent un peu l'adaptation de la justesse de la cuisson des carottes du moment. Et c'est dommage parce-que certainement lors d'engagement tels, je ne vois de justesse que chez ceux qui dès le début on déjà "annoncé la couleur". Toutes les conspirations me semblent plus servir les intérêts de telle ou telle faction voire de tel ou tel personnage et ensuite on y accole -si c'est réussi- des phrases flambantes, si c'est raté on ressort les grands mots : trahison, déshonneur etc. Pour s'apercevoir au final que les traîtres d'il fut un temps étaient un peu visionnaires. On parle de Marmont mais que dire de Ney qui va chez les Bourbons avec des rodomontades à la Tartarin pour se jeter de nouveau dans les bras -délié de tout serment- d'une personne qui s'est mise hors la loi. Est-ce ceci l'esprit "révolutionnaire" ou est-ce simplement le fruit d'un honneur en forme de girouette ?