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 Sujet du message : Re: Le duc de Raguse
Message Publié : 15 Mars 2009 10:12 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

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A part des morts en plus, je ne vois franchement pas ce qu'une bataille de plus aurait pu apporter à la France. Faire "porter le chapeau" à Marmont, alors que les coalisés sont aux portes de Paris et que Wellington marche sur Toulouse, me semble un peu facile.
J'y vois bien plus une manière de dédouanner l'Empereur qui reste un symbole pour beaucoup, et de continuer de s'illusionner en entretenant un espoir contre toute raison.
Cette dernière attitude n'a rien d'exceptionnel, on retrouvera la même en 1870 après la chute du Second Empire, avec l'illusion que l'on peut faire une sortie victorieuse de Paris ou que la "levée en masse" permettra de repousser les Prussiens.


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 Sujet du message : Re: Le duc de Raguse
Message Publié : 18 Août 2011 22:07 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours
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Localisation : sur le cardo d'une cité de la Gaulle romaine
Petites précisions concernant le maréchal Marmont, duc de Raguse. Son impopularité est due principalement à la « défection d’Essonne » où, pour certains, il aurait trahi. D’où les mots « raguser » ou « ragusade » pour trahir et trahison employés dès 1814.
Rappelons, tout de même, que celui qui est passé avec tout le 6ème corps dans le camp de l’ennemi, c’est le général Souham dont personne ne parle, mais c’est Marmont qui porte le chapeau.
Lors de la révolution de 1830, Marmont était de service en qualité de major-général de la Garde. Il a tout fait pour éviter le massacre et ne s’est pas vraiment opposé à la rue. À ce titre, il a été remplacé par le duc d’Angoulême avec lequel il eut le lendemain une violente altercation : « Vous nous trahissez comme vous avez trahi l’autre », lui lança le dauphin ; « Prince, sans les traîtres vous n’eussiez jamais régné » aurait répondu Marmont.
Par la suite, le duc de Raguse redora son blason en réhabilitant Napoléon auprès de son fils, le duc de Reichstadt.
Mais il entacha définitivement son image en accusant, dans ses mémoires, Eugène de Beauharnais de forfaiture. Ce qui lui valut un procès post mortem qu’il perdit, ou plutôt que son éditeur Charles Perrotin (pour Robert Christophe, son fils adultérin) perdit.

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Je n'ai pas cru que tes édits pussent l'emporter sur les lois non écrites et immuables des dieux. Sophocle


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 Sujet du message : Re: Le duc de Raguse
Message Publié : 19 Sep 2012 18:05 
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Fustel de Coulanges
Fustel de Coulanges
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Citer :
Son impopularité est due principalement à la « défection d’Essonne » où, pour certains, il aurait trahi.


Pourquoi un tel conditionnel ?
La trahison de Marmont, du fait qu'il négocia avec l'ennemi la défection du corps qui lui était confié, est patente.


Citer :
S’il avait trahi, il n’occuperait pas une telle place.


"S'il avait trahi" ? Là encore la trahison de Souham ne me semble pas faire de doute au regard de son initiative mettant en marche le 6e corps.

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" Grâce aux prisonniers. Bonchamps le veut. Bonchamps l'ordonne ! " (d'Autichamp)


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 Sujet du message : Re: Le duc de Raguse
Message Publié : 29 Oct 2012 13:28 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines
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Drouet Cyril a écrit :
Pourquoi un tel conditionnel ?


Je pensais "trahison" de son engagement vis à vis de l'Empereur...
Marmont pouvait-il se permettre de n'être plus en accord avec la politique impériale. Manifestement oui et il était loin d'être le seul.
Alors comment faire à ce moment ? Sur un autre fil, j'ai lu qu'il devait être bien difficile de s'opposer à l'Empereur (pour faire court).
Etait-il possible à Marmont ou à un autre de "reprendre" ses billes et de choisir de profiter quelque peu de l'existence avant de partir fauché par un boulet ou autre ?
Pouvait-on refuser un commandement lorsque des intérêts autres étaient en jeu et même plus d'intérêt du tout vu l'évolution politique ?
Une démission est-elle possible ? Et si oui qu'avait-on à perdre ? Ce dont l'empereur avait gratifié comme titres, rentes etc ?
Je suis totalement ignorante de ce que peut faire ou non un militaire dans un cadre tel qui fait qu'au final en acceptant toute gratification pécuniaire ou autre, automatiquement on est redevable de celui qui vous a gratifié ce qui ne peut qu'entraîner des porte à faux dans ses convictions propres (un homme évolue) et à un moment ou un autre, une rupture ?
Bien sûr, il est préférable que cette rupture arrive avant l'incorporation de la personne dans un conflit mais Marmont pouvait-il refuser puisque sa ligne de défense est qu'il n'était plus en phase avec l'Empereur depuis belle lurette ?

En ceci, avec les Bourbons, c'est net : on le voit avec Ney. Y avait-il eu au sein de l'armée, dans d'autres campagnes impériales, le refus de certains maréchaux de participer ? Etait-ce possible et si non, pourquoi ? Faire adhérer par la "force" ou un "chantage" en filigrane une personne qui n'est pas partante, c'est tout de même s'assurer d'un maillon faible qui craquera dès que l'occasion se présentera. Mais quelle latitude ces hommes possédaient-ils ?... Au niveau "droit" parce-que "l'honneur" et tout ce que ce style de mot peut entraîner quand la cause est creuse... On peut d'ailleurs souvent noter que plus la cause est bancale et plus on accentue le style.
Merci de votre réponse

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 Sujet du message : Re: Le duc de Raguse
Message Publié : 29 Oct 2012 19:03 
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Thucydide
Thucydide

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Dans cette situation, un militaire ne doit se poser qu'une seule question : où se trouve l'intérêt de la nation ?
Or, depuis le 1er avril 1814, la France dispose de deux gouvernements, un gouvernement Impérial à Blois et l'Empereur à Fontainebleau légitimés par la Constitution, et le gouvernement provisoire de Talleyrand à Paris légitimé par le double sénat-consulte du 1er et 3 avril. Le devoir de chaque militaire, qui appartient à lui seul, est de choisir le camp qu'il estime légitime pour représenter la nation. Qu'un militaire choisisse un camp ou un autre ne constitue pas en soit un acte de trahison mais un acte politique.

Marmont, convaincu que l’intérêt du pays réside dans la paix, décide de rallier le gouvernement provisoire. Ce choix ne peux pas être considéré comme une trahison. Par contre, c'est le second choix de Marmont qui va poser problème. Car il entre directement et secrètement en négociation avec l'ennemi, sans en recevoir le mandat du pouvoir politique. Car quelque soit le camp choisi, la guerre continue. Et dans le cadre du gouvernement provisoire, Marmont n'a pas à négocier avec l'ennemi. C'est au gouvernement de le faire, ou de lui en donner le pouvoir. Et puis dans un troisième temps, une fois l'accord trouvé, il va conduire ses troupes à Versailles sans le consentement de la troupe (en fait, c'est Souham qui va le faire malgré l'ordre contraire de Marmont, mais cela ne change pas le fait qu'au moment où Marmont négocie son traité, il prévoyait cette marche). C'est là que réside la trahison la plus grave. Car au moins une partie de la troupe sous ses ordres a visiblement choisi de se battre pour Napoléon. Marmont ne respecte pas ce choix et place ses troupes devant le fait accompli, semant pour longtemps le doute dans l'armée.
C'est à cet acte qu'est dû en grande partie les cris de "trahison !" qui raisonneront à Waterloo, dès lors que la troupe estime, à torts ou à raison, qu'une partie de ses chefs manœuvre en sous main contre leurs intérêts.
Autre élément qui accable Marmont, c'est qu'en la matière il a choisi d'agir seul, sans se concerter avec les autres maréchaux. Car le militaire, quelques que soient ses convictions politiques (qui bien sur peuvent évoluer), se doit toujours agir de manière à préserver l'unité de l'armée.

Etait-il possible pour Marmont d'agir autrement ? Difficile de se mettre à sa place, mais les faits ont démontré que cela était possible en 1814. Les maréchaux de Fontainebleau (Ney, Macdonald, Oudinot...) sont eux aussi convaincus que l'intérêt supérieur de la France exige la paix. Mais au lieu de changer de camp, ils vont forcer Napoléon à abdiquer, au moment même où Marmont négocie avec Schwarzenberg. Puis munis des pouvoirs de Napoléon, ils vont négocier l'abdication et la paix avec l'ennemi à Paris.

Concernant les gratifications, elles n'engagent nullement le militaire. Elles sont une récompense de ses services présents et passés, et non un engagement pour l'avenir (si ce n'est bien sûr, un engagement moral).

Enfin, vous affirmez que Marmont n'était plus en phase avec Napoléon "depuis belle lurette". J'ignore la durée couverte dans votre esprit par les belles lurettes, mais je vous invite à revoir le comportement de Marmont jusqu'au 31 mars, où il risque sa vie presque chaque jour pour l'Empereur. Ce n'est qu'après la capitulation de Paris et sa rencontre avec Napoléon le 1er avril qu'il s'éloigne de l'Empereur (le 1er, le 2 ou le 3 avril selon les sources).


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 Sujet du message : Re: Le duc de Raguse
Message Publié : 29 Oct 2012 19:10 
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Fustel de Coulanges
Fustel de Coulanges
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Citer :
Une démission est-elle possible ?


On peut à ce sujet citer le projet de décret en date du 20 février 1805 :
« Art. 41. En temps de guerre, aucun officier faisant partie d'une armée active ne pourra donner sa démission avant la fin de la campagne.
L'officier qui, à cette dernière époque, donnera sa démission, la remettra par écrit au commandant du corps, qui la fera parvenir, avec son avis, au général commandant la division ; celui-ci la transmettra au général en chef, qui statuera, sauf l'approbation du ministre de la guerre.

Art. 42. En temps de paix, un officier qui donnera sa démission, la remettra également au commandant du corps, qui la soumettra au général commandant la division militaire dans laquelle le corps sera stationné ; ce dernier la transmettra, avec son avis, au ministre de la guerre, qui statuera.
Dans tous les cas, l'officier démissionnaire sera tenu de rester à son poste jusqu'à la décision du ministre. Le ministre prononcera dans les trois mois.
Dans le cas de non-décision, la démission, après ce laps de temps, sera considérée comme acceptée. »




Ou encore cette réponse de Napoléon à une proposition du ministre de la guerre concernant la demande démission du capitaine Lebrun, aide de camp de Davout (17 octobre 1804) :

« Le ministre de la guerre tancera cet officier. Il lui fera connaître que ce n’est pas en temps de guerre que l’on donne sa démission ; qu’il reprenne ses fonctions ; le faire ressouvenir que, lorsqu’on est en présence de l’ennemi, il est contre l’honneur de donner sa démission. »

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 Sujet du message : Re: Le duc de Raguse
Message Publié : 29 Oct 2012 20:16 
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Eginhard
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gaete59 a écrit :
Bien sûr, il est préférable que cette rupture arrive avant l'incorporation de la personne dans un conflit mais Marmont pouvait-il refuser puisque sa ligne de défense est qu'il n'était plus en phase avec l'Empereur depuis belle lurette ?


Surtout depuis que la fortune ne sourit plus à l'Empereur, voilà de grande conviction...On ne voyait pas tous ses maréchaux s'exclamait du "despotisme" de l'"usurpateur" en 1805.

McDonald a écrit :
Dans cette situation, un militaire ne doit se poser qu'une seule question : où se trouve l'intérêt de la nation ?


Sujet à de multiples interprétations et avec ça on justifie toutes les trahisons. Tous les traîtres prétendront que c'était pour un intérêt supérieur, dans notre cas celui de la France.
Quand les ennemies de la patrie sont sur notre sol, commettent de terribles actes sur la population civile et fonce sur la capitale, j'ai du mal à penser que l'intérêt de la France était de passer à l'ennemie.


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 Sujet du message : Re: Le duc de Raguse
Message Publié : 29 Oct 2012 20:46 
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Fustel de Coulanges
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Citer :
Marmont, convaincu que l’intérêt du pays réside dans la paix, décide de rallier le gouvernement provisoire. Ce choix ne peux pas être considéré comme une trahison.


Le Sénat déliait en effet le peuple et l'armée du serment de fidélité à l'Empereur (qui venait d'être déchu du trône). C'est au nom de ce décret que Marmont entama des pourparlers de défection auprès de l'ennemi.
Cependant, il s'agit là d'un coup d'état et d'un décret inconstitutionnel. C'est en ce sens, par le fait qu'il trahit son serment (dont il ne peut être délié par le Sénat), que l'on peut considérer l'initiative de Marmont comme une trahison vis à vis de l'Empire.

Citer :
On ne voyait pas tous ses maréchaux s'exclamait du "despotisme" de l'"usurpateur" en 1805.


Deux époques. La France d'Austerlitz était puissante, dominatrice et glorieuse, celle d'avril 1814, au bord de l'abîme...

Citer :
j'ai du mal à penser que l'intérêt de la France était de passer à l'ennemie.


Marmont, si l'on s'en tient à son argumentaire, n'envisageait pas de passer dans le camp de l'ennemi mais de rester dans celui de la France ; quitter l'armée impériale avec ses troupes ayant pour dessein d'éviter la guerre civile et de stopper l'effusion du sang français.

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 Sujet du message : Re: Le duc de Raguse
Message Publié : 29 Oct 2012 21:14 
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Philippe de Commines
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Drouet Cyril a écrit :
Le Sénat déliait en effet le peuple et l'armée du serment de fidélité à l'Empereur (qui venait d'être déchu du trône). C'est au nom de ce décret que Marmont entama des pourparlers de défection auprès de l'ennemi.
Cependant, il s'agit là d'un coup d'état et d'un décret inconstitutionnel. C'est en ce sens, par le fait qu'il trahit son serment (dont il ne peut être délié par le Sénat), que l'on peut considérer l'initiative de Marmont comme une trahison vis à vis de l'Empire.

Désolée, :oops: là j'ai un peu de mal à suivre. Au départ donc, le Sénat prend l'initiative d'un décret en toute illégalité.
Mais "sur le terrain", tous sont au courant de la politique qui se fait à Paris en temps en en heure ? Hormis le cas Marmont.
Et comment certains peuvent "pousser à l'abdication" un homme qui a encore toute sa légitimité ? Alors que ces mêmes hommes quelque temps auparavant n'osaient avancer un quelconque avis sur des choix un peu ahurissants lors de la dernière campagne ?
Merci de votre réponse ou du titre d'un livre traitant du sujet, hormis encore le cas "Marmont" mais plus général.

Citer :
Marmont, si l'on s'en tient à son argumentaire, n'envisageait pas de passer dans le camp de l'ennemi mais de rester dans celui de la France ; quitter l'armée impériale avec ses troupes ayant pour dessein d'éviter la guerre civile et de stopper l'effusion du sang français.

Mais ce que vous appelez "ses troupes" en me référent à plus haut sont mises alors en porte à faux. Elles doivent obéissance à leur hiérarchie et la hiérarchie "trahit". Vous avez cité la loi que "nul n'est sensé ignorer" ; ceci a donc du créer -au niveau des troupes- un questionnement, une scission ? Que serait-il arrivé à plusieurs soldats voulant rester fidèles à l'Empereur et refusant d'obéir à la hiérarchie ?
Ou alors un soldat se doit-il de suivre aveuglément sa hiérarchie ? Je ne parle pas du soldat de base... et encore mais il existe des grades intermédiaires.
Dans ce cas et pour faire "gros", de Gaulle était un "traitre" stricto sensu face à un gouvernement reconnu... peut importe qui reconnait... Ney est un traitre face aux Bourbons qui n'ont de légitimité -au final- que la vacance de la place et l'appui des coalisés, de l'extérieur, des ennemis de l'Empire donc de la France. :?:

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 Sujet du message : Re: Le duc de Raguse
Message Publié : 29 Oct 2012 22:14 
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Thucydide
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le bonapartiste a écrit :
j'ai du mal à penser que l'intérêt de la France était de passer à l'ennemie.

Je ne crois pas avoir écrit cela. Je suis même plutôt sûr d'avoir écrit le contraire.

Drouet Cyril a écrit :
Cependant, il s'agit là d'un coup d'état et d'un décret inconstitutionnel. C'est en ce sens, par le fait qu'il trahit son serment (dont il ne peut être délié par le Sénat), que l'on peut considérer l'initiative de Marmont comme une trahison vis à vis de l'Empire.

Vous connaissez sans doute l'argument de ceux qui affirment que la Constitution ne s'appliquait plus depuis la révocation du corps législatif, les levées en masse non ratifiées par le Sénat ou les levées d'impôts non votées par le parlement. Certes les circonstances l'exigeaient et ont obligées Napoléon à prendre des mesures illégales. Mais c'est au nom de ces mêmes circonstances exceptionnelles que le sénat vote à son tour un décret illégal.
Après, en matière de coup d'état, les votes de ceci ou cela ne signifient pas grand chose. Tout dépend de qui se rallie à tel ou tel vote. C'est ce ralliement qui ne peut constituer une trahison lorsque deux sources de pouvoir se revendiquent comme légitime. C'est au nom de ce même principe que les militaires ayant obéi à Napoléon jusqu'à son abdication totale n'ont pas été poursuivis, ou que ceux ayant obéi au Général Malet ne l'ont pas été non plus.

Et puis pour paraphraser Marmont, sans les coups d’état, l'Empereur n'eut pas régné

Drouet Cyril a écrit :
C'est au nom de ce décret que Marmont entama des pourparlers de défection auprès de l'ennemi.

Le décret ne met pas fin à la guerre et n'autorise pas Marmont à entrer en négociation. C'est là que réside la trahison.

Drouet Cyril a écrit :
Marmont, si l'on s'en tient à son argumentaire, n'envisageait pas de passer dans le camp de l'ennemi mais de rester dans celui de la France ; quitter l'armée impériale avec ses troupes ayant pour dessein d'éviter la guerre civile et de stopper l'effusion du sang français.

C'était en effet l'objectif. Mais le moyen choisi le place dans la situation d'être au pouvoir de l'ennemi. Il pouvait se retirer d'Essonne sans passer au travers des lignes ennemies. Il n'ignore pas que les coalisés ont violé la capitulation de Dantzig et de Dresde.
Il n'ignore pas non plus que par son mouvement, il met en danger les militaires français restés à Fontainebleau. Rien dans son traité avec Schwarzenberg n'interdit les coalisés de profiter du mouvement de Marmont pour attaquer Fontainebleau par surprise.


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 Sujet du message : Re: Le duc de Raguse
Message Publié : 30 Oct 2012 9:03 
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Fustel de Coulanges
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Citer :
Mais "sur le terrain", tous sont au courant de la politique qui se fait à Paris en temps en en heure ?


Tous, non. Néanmoins, le gouvernement fit tout pour que l’information se propage. Ainsi, la proclamation déliant l’armée de son serment à l’Empereur fut publiée dans le Moniteur dès le 3 avril.

Citer :
Et comment certains peuvent "pousser à l'abdication" un homme qui a encore toute sa légitimité ? Alors que ces mêmes hommes quelque temps auparavant n'osaient avancer un quelconque avis sur des choix un peu ahurissants lors de la dernière campagne ?


Les maréchaux avaient déjà commencé à grogner, mais à Fontainebleau, le 4 avril, la situation militaire et politique était des plus critiques. Pour certains, il était enfin temps de ne plus obéir.

Citer :
Que serait-il arrivé à plusieurs soldats voulant rester fidèles à l'Empereur et refusant d'obéir à la hiérarchie ?


Votre question peut faire penser à ce qui s’est passé à Versailles au sein du 6e corps. Comme déjà dit, Souham, en contradiction avec les ordres de son chef, avait pris l’initiative d’appliquer le projet de convention de défection. Afin de ne pas émouvoir la troupe, on lui avait d’abord dit que la marche en cours avait pour destination Fontainebleau, voire de marcher à l’ennemi (à noter que le général Lucotte qui n’avait pas été mis dans la confidence de la défection s’aperçut que ces mouvements étaient douteux et ordonna à sa division de ne pas suivre le reste de la troupe).
Le stratagème fut finalement éventé. Et de la grogne qui avait fait jour sur la route, éclata la révolte à Versailles. Averti, Marmont quitta alors Paris et fila vers son corps d’armée où il rétablit finalement l’ordre en stoppant la marche vers Rambouillet.

Citer :
C'est ce ralliement qui ne peut constituer une trahison lorsque deux sources de pouvoir se revendiquent comme légitime.


Je vois mal comment le fait de se soumettre à un sénat qui vient tout juste de mettre à bas le trône de l’Empereur ne pourrait pas être considéré comme une trahison vis-à-vis ce même empereur.
Marmont était lié à l’Empereur par un serment et seul l’Empereur pouvait le délier de ce serment.

Citer :
Le décret ne met pas fin à la guerre et n'autorise pas Marmont à entrer en négociation. C'est là que réside la trahison.


Marmont aurait donc trahit le Sénat ???
Allons, le projet de défection du duc de Raguse remplissait parfaitement les vues des sénateurs.

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 Sujet du message : Re: Le duc de Raguse
Message Publié : 31 Oct 2012 18:32 
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Philippe de Commines
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Drouet Cyril a écrit :
Tous, non. Néanmoins, le gouvernement fit tout pour que l’information se propage. Ainsi, la proclamation déliant l’armée de son serment à l’Empereur fut publiée dans le Moniteur dès le 3 avril.

J'ai un peu de mal avec le "serment". Le soldat de base, extirpé de sa campagne et bien souvent analphabète prêtait-il "serment" ou bien était-ce à partir d'un certain niveau des cadres de l'armée et en quoi tient ce "serment" ?
Accepter un poignard où il était inscrit "mon honneur est ma fidélité" vous engageait -il fut un temps- à vie à tout faire et n'importe quoi : on le verra mais ceci dans un corps bien spécifique. Le nouveau conscrit en prenant ses affaires doit-il "prêter serment" ? Attend-t-on des promotions de généraux que l'on réunit dans un lieu spécifique où l'on se contente de répéter des lignes apprises qui constitueraient un "serment", comme il est de mise pour les avocats et les médecins. Ce ne sont que des mots et les mots prêtent toujours à une compréhension personnelle.

Citer :
Les maréchaux avaient déjà commencé à grogner, mais à Fontainebleau, le 4 avril, la situation militaire et politique était des plus critiques. Pour certains, il était enfin temps de ne plus obéir.

Je sais que c'est un autre débat, mais c'est dur de constater que peut de temps encore, tous marchaient au pas. Et j'ai du mal à croire que cette grogne était le fruit d'une concertation pour le seul bien-être de la France. Dans ce cas, on aurait estimé, dès Moscou, que la France était un peu mal tant militairement que politiquement avec une personne visiblement dans l'incapacité d'une analyse ou même d'une communication quelconque avec ses maréchaux.

Citer :
Votre question peut faire penser à ce qui s’est passé à Versailles au sein du 6e corps.

Mais que risque-t-on réellement ? Souham était-il au-dessus de Lucotte ? Et comment Marmont revenu en grande hâte peut-il "remettre de l'ordre" alors qu'il est lui-même hors des clous ? Un militaire comme Souham n'a donc comme alternative que d'obéir ou risquer une éventuelle cours martiale, ou se tirer une balle dans la tête (chose qui paraît assez récurrente dans l'armée il fut un temps pour des questions "d'honneur" très "adaptables" quand ce n'est pas "adaptées"). Fontainebleau, ceci sent un peu plus le "sauve qui peut" plus que le désir franc d'épargner le sang du soldat de base et de considérer soudainement que la France est un peu "mise à mal".

Citer :
C'est ce ralliement qui ne peut constituer une trahison lorsque deux sources de pouvoir se revendiquent comme légitime.

Je comprends mieux les désertions... Si en plus il faut penser à la place de ceux qui tiennent le pays et anticiper la légitimité des pouvoirs : on verra qu'en France, on est assez "champions" dans le style.

Citer :
Marmont était lié à l’Empereur par un serment et seul l’Empereur pouvait le délier de ce serment.

Donc lors de sa présence à Fontainebleau avant l'abdication : c'est à ce moment que Marmont aurait dû se démettre ? Mais impossible puisqu'il se trouve "en guerre". Quant au serment, il faut demander audience à l'Empereur -si tant est qu'il l'est toujours franchement et pour la majorité des corps- ou alors attendre une publication au JO et se dire : "là, je peux..." mais à ce moment l'Empereur n'est plus empereur donc le serment n'a plus lieu d'être.
Comment seul un homme peut-il vous délier d'un serment ? Lors d'un serment, une parole est donnée dans un contexte bien spécial. De part et d'autre il existe un engagement mais si le plus fort -du moment- pipe les dés qui servaient antérieurement au jeu, un engagement n'a plus lieu d'être. On reprend ses billes. Ou alors il faudrait prêter des serments à répétition pour être, de chaque côté certain de l'autre. C'est franchement panurgien de "prêter serment" à 30 ans et ceci "sa vie durant". On ne peut exiger ceci d'un homme ou alors c'est par la force qui inspire une peur (la fameuse du déshonneur... très variable d'ailleurs suivant la fin des évènements) ou par un mépris total et des mots et des êtres.
L'homme d'Austerlitz a évolué et l'Empire aussi de l'intérieur en quelques années. Un serment passé en 1804 est peut être à revoir en 1809 ou 1811 car il implique l'entière adhésion d'un homme. Si la raison tire d'un côté, l'honneur de l'autre sans compter avec les craintes, l'âge, le fait de constater que l'on est plus soi-même au top, pire encore que le chef ne donne plus aucune alternative on suit soit une certaine mollesse soit avec l'idée qu'au premier "hic", on va être aux abonnés absents. Il suffit pour cela d'attendre voire de favoriser la seule issue qui vous rend une quelconque liberté à savoir le pire : que les ennemis gagnent... et vous voici délier d'un satané serment. De là à donner un petit coup à la chance d'en face...
Talleyrand à Erfurt à trahi, on acte mais enfin si cette trahison avait été suivie d'une certaine remise en cause de l'Empereur face à son staff militaire, on aurait peut être été étonné de voir que certains étaient "border". La phrase de Lannes à Essling montre déjà que bon, manifestement le suivi est presque "sentimental" et tout les maréchaux sont loin d'avoir le franc parler de Lannes. Déjà l'Empereur aurait dû s'interroger, c'était tout de même les paroles d'un "ami" et puis à ce moment, il n'avait plus grand chose à gagner...

Citer :
Le décret ne met pas fin à la guerre et n'autorise pas Marmont à entrer en négociation. C'est là que réside la trahison.

J'ai l'impression qu'en France il existe 1000 façons de mettre fin à une guerre et la plus prisée semble être communément d'attendre la déculottée qui met tout le monde d'accord. Les gouvernements prennent la tangente, le sénat décrète alors que son décret ne tient pas. En d'autres temps on se baladera à Versailles ou à Bordeaux tout en étant pas "reconnus" par ceux qui sont toujours à Paris sans compter avec ceux qui ont déjà fait sécession...
Pour que l'armée acte que l'Empereur n'est plus, une fois l'abdication signée où doit aller ce fameux papier et qui doit le contresigner ?
Sans abdication... ou sans gouvernement cohérent, comment peut-on mettre fin proprement à un conflit ? A moins de se jeter dans les bras de l'envahisseur.
J'ai l'impression que même sous Napoléon, les autres pays n'ont pas ce problème ou alors il n'est pas évoqué. Il faut donc un papier, fruit d'une décision à la majorité -si tant est que tout le monde est présent- qui va ensuite dieu sait où et lorsqu'enfin toutes les corps étant d'accord, encore un papier... et quoi ? On sait bien que l'armistice est claironné mais lorsque l'on a su c'est toujours lorsque nous sommes sorti "gagnant", ceci paraît nettement plus compliqué autrement. Comme il a tout de même existé des "autrement" assez lourds de conséquences, c'est un véritable casse-tête : alors si en plus on y ajoute des serments qui tiennent pour certains d'un vieux copinage, pour d'autre l'alliance avec le "fort du moment", pour d'autre encore "un remerciement pour une dotation" en espérant de voir celle-ci augmenter à chaque bataille gagnée ; il parait évident que plus rien ne tient. Ne serait-ce que par le fait qu'un "serment" n'engage que soit mais une fois les maréchaux mariés, ayant des enfants, ajoutez à ceci que l'on est loin de l'enthousiasme de la campagne d'Italie ou autre : tous les ingrédients sont présents pour ce qu'on appelle une "trahison". Il semble que seule la "trahison" soit -si j'ose dire- légale dans le sens d'aussi bien légiférée.
On arrive donc à une question ahurissante : à partir de quand peut-on "trahir" tout en étant certain de ne pas payer le prix fort ? 8-| Là encore, Talleyrand est un as, il faut l'avouer.
Ce genre de chose me donne du mal car en d'autres temps -je pense à l'opération Walkyrie-, je n'arrive pas à croire à la réelle volonté de soudain s'éveiller -pour certains- et s'impliquer franchement dans un désir de soudain culbuter un personnage "pour le bien du pays voire de l'humanité". Ceci sent un peu l'adaptation de la justesse de la cuisson des carottes du moment. Et c'est dommage parce-que certainement lors d'engagement tels, je ne vois de justesse que chez ceux qui dès le début on déjà "annoncé la couleur". Toutes les conspirations me semblent plus servir les intérêts de telle ou telle faction voire de tel ou tel personnage et ensuite on y accole -si c'est réussi- des phrases flambantes, si c'est raté on ressort les grands mots : trahison, déshonneur etc. Pour s'apercevoir au final que les traîtres d'il fut un temps étaient un peu visionnaires. On parle de Marmont mais que dire de Ney qui va chez les Bourbons avec des rodomontades à la Tartarin pour se jeter de nouveau dans les bras -délié de tout serment- d'une personne qui s'est mise hors la loi. Est-ce ceci l'esprit "révolutionnaire" ou est-ce simplement le fruit d'un honneur en forme de girouette ?

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"... Et si je te semble avoir agi follement, peut-être suis-je accusée de folie par un insensé." (Sophocle)


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 Sujet du message : Re: Le duc de Raguse
Message Publié : 31 Oct 2012 18:44 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 13 Mars 2010 20:44
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En résumé, trahir Napoléon ce n'est pas trahir la France mais seulement l'Empire ?

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il pleuvait, en cette Nuit de Noël 1914, où les Rois Mages apportaient des Minenwerfer


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 Sujet du message : Re: Le duc de Raguse
Message Publié : 01 Nov 2012 9:29 
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Fustel de Coulanges
Fustel de Coulanges
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Inscription : 06 Fév 2004 7:08
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J'ai un peu de mal avec le "serment". Le soldat de base, extirpé de sa campagne et bien souvent analphabète prêtait-il "serment" ou bien était-ce à partir d'un certain niveau des cadres de l'armée et en quoi tient ce "serment" ?


Article 56 du senatus consulte du 28 floréal de l’an XII :
« Les titulaires des grandes dignités de l'Empire, les ministres et le secrétaire d'Etat, les grands officiers, les membres du Sénat, du Conseil d'Etat, du Corps législatif, du Tribunat, des collèges électoraux et des assemblées de canton, prêtent serment en ces termes : - " Je jure obéissance aux constitutions de l'Empire et fidélité à l'Empereur. " - Les fonctionnaires publics civils et judiciaires, et les officiers et les soldats de l'armée de terre et de mer, prêtent le même serment. »


Citer :
Mais que risque-t-on réellement ?


Gros. C’est d’ailleurs pour cela Souham prit peur lorsque Gourgaud vint à Essonne demander au chef du 6e corps de se présenter devant l’Empereur à Fontainebleau. Croyant les tractations avec l’ennemi éventées (ce qui n’était pas le cas), il opta, contre les ordres de Marmont, d’appliquer le projet de défection.


Citer :
Souham était-il au-dessus de Lucotte ?


Il commandait de 6e corps en l’absence de Marmont, il était donc le supérieur hiérarchique de Lucotte.


Citer :
Et comment Marmont revenu en grande hâte peut-il "remettre de l'ordre" alors qu'il est lui-même hors des clous ?


Voici ce qu’en dit Marmont dans ses Mémoires :
« Je mis pied à terre, et je fis former le cercle au premier groupe d'officiers que je rencontrai. Je leur demandai depuis quand ils étaient autorisés à se défier de moi. Je leur demandai si, dans les privations, ils ne m'avaient pas vu le premier à souffrir, et, dans les dangers et les périls, le premier à m'exposer. Je leur rappelai tout ce que j'avais fait pour eux et les preuves d'attachement que je leur avais données. Je parlais avec émotion, avec chaleur, avec entraînement. On avait voulu les livrer, disait-on, pour les désarmer ! Mais leur honneur et leur conservation ne m'étaient-ils pas aussi chers que mon honneur et ma vie ? N'étaient-ils pas tous ma famille, et ma famille chérie? etc., etc.
Les cœurs de ces vieux compagnons s'abandonnèrent à un mouvement de sensibilité, et je vis plusieurs de ces figures, basanées et marquées de cicatrices, se couvrir de larmes. Je fus moi-même profondément attendri.
Oh! qu'un chef digne de ses soldats, après avoir vécu avec eux dans les chances variées de la guerre, a de puissance sur leurs esprits, et qu'il est malhabile s'il la laisse échapper ! Je recommençai les mêmes discours aux divers cercles d'officiers, et je les envoyai reporter mes paroles à leurs soldats. Le corps d'armée prit les armes, et défila en criant: Vive le maréchal, vive le duc de Raguse ! et se mit en marche pour aller prendre les cantonnements que je lui avais assignés du côté dé Mantes. Je peux difficilement exprimer ma satisfaction d'avoir obtenu un succès aussi complet. C'était bien mon ouvrage, le prix d'un ascendant, mérité d'avance, sur des troupes dont je partageais depuis si longtemps les travaux. »


On peut également citer la proclamation du duc de Raguse à son corps d’armée le 5 avril :
« Soldats, depuis trois mois vous n'avez cessé de combattre, et depuis trois mois les plus glorieux succès ont couronné vos efforts ; ni les périls , ni les fatigues, ni les privations n'ont pu diminuer votre zèle, ni refroidir votre amour pour la patrie. La patrie reconnaissante vous remercie par mon organe, et vous saura gré de tout ce que vous avez fait pour elle. Mais le moment est arrivé, soldats, où la guerre que vous faisiez est devenue sans but comme sans objet ; c'est donc pour vous celui du repos. Vous êtes les soldats de la patrie ; ainsi c'est l'opinion publique que vous devez suivre, et c'est elle qui m'a ordonné de vous arracher à des dangers, désormais inutiles, pour conserver votre noble sang, que vous saurez répandre encore lorsque la voix de la pairie et l'intérêt public réclameront vos efforts. De bons cantonnements et mes soins paternels vous feront oublier bientôt, je l’espère, jusqu'aux fatigues que vous avez éprouvées. »


Citer :
Donc lors de sa présence à Fontainebleau avant l'abdication : c'est à ce moment que Marmont aurait dû se démettre ?


Quand Marmont trahit son serment de fidélité à l’Empereur en négociant avec l’ennemi, il désire que l’option qu’il prend ait tout son poids. C'est-à-dire qu’il ne s’agit pas ici, pour lui, individuellement (voire avec une partie de son état-major, ce qui aurait tout de même fortement désorganiser le 6e corps, d’autant plus qu’on se trouvait ici en première ligne), seulement d’abandonner l’armée, mais bien d’entraîner tout un corps de troupe et de priver tout bonnement l’Empereur de son avant-garde, rendant du coup la position de ce dernier encore plus critique et le pousser, face au fait accompli, à l’abdication.


Citer :
Comment seul un homme peut-il vous délier d'un serment ?


C’est le principe des serment de fidélité faits à un seul homme, en l’occurrence ici : l’Empereur.


Citer :
De part et d'autre il existe un engagement mais si le plus fort -du moment- pipe les dés qui servaient antérieurement au jeu, un engagement n'a plus lieu d'être.


C’est ce que le Sénat a voulu établir dans les considérants précédant le décret de déchéance.


Citer :
En résumé, trahir Napoléon ce n'est pas trahir la France mais seulement l'Empire ?


Etre infidèle à l’Empereur ou désobéir aux constitutions de l’Empire est bien plus facilement démontrable qu’une trahison vis-à-vis de la France ; concept qui m’apparaît bien plus nébuleux et sujet à bien des considérations d’ordre subjectif.
Ainsi, pour certains, Marmont trahissant l’Empereur, trahissait la patrie, alors que pour d’autres, il la défendait du mieux qu’il pouvait…
A ce sujet, on peut se souvenir de ceci :
« Dans les crises politiques, le plus difficile pour un honnête homme n'est pas de faire son devoir, mais de le connaître. »

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" Grâce aux prisonniers. Bonchamps le veut. Bonchamps l'ordonne ! " (d'Autichamp)


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 Sujet du message : Re: Le duc de Raguse
Message Publié : 01 Nov 2012 12:14 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines
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Inscription : 05 Juil 2011 14:39
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Drouet Cyril a écrit :
Article 56 du senatus consulte du 28 floréal de l’an XII :
« Les titulaires des grandes dignités de l'Empire, les ministres et le secrétaire d'Etat, les grands officiers, les membres du Sénat, du Conseil d'Etat, du Corps législatif, du Tribunat, des collèges électoraux et des assemblées de canton, prêtent serment en ces termes : - " Je jure obéissance aux constitutions de l'Empire et fidélité à l'Empereur. " - Les fonctionnaires publics civils et judiciaires, et les officiers et les soldats de l'armée de terre et de mer, prêtent le même serment. »

Ce serment ne correspond pas du tout à ce que j'imaginais. Ce n'est pas un serment en soi, c'est accepter en prenant une place au sein de structures définies un devoir. Je pensais à des mots plus pompeux et ronflants dans l'élan d'une vénération bien enchaînante.

Citer :
C’est d’ailleurs pour cela Souham prit peur lorsque Gourgaud vint à Essonne demander au chef du 6e corps de se présenter devant l’Empereur à Fontainebleau. Croyant les tractations avec l’ennemi éventées (ce qui n’était pas le cas), il opta, contre les ordres de Marmont, d’appliquer le projet de défection.

Je connaissais l'épisode mais je pensais que c'était Marmont qui avait pris peur devant un message de l'Empereur qui souhaitait simplement avoir autour de lui certains chefs d'armée, sans doute pour une sorte de carnet de route. Ignorant que d'autres avaient aussi été invités -Gourgaud s'étant montré très succint- Marmont aurait eu peur. Le retour de Gourgaud vers Souham -étant intrigué des mouvements de troupes- aurait incité Souham à une interrogation profonde quant à la marche à suivre.

Citer :
On peut également citer la proclamation du duc de Raguse à son corps d’armée le 5 avril :
« Soldats, depuis trois mois vous n'avez cessé de combattre, et depuis trois mois les plus glorieux succès ont couronné vos efforts ; ni les périls , ni les fatigues, ni les privations n'ont pu diminuer votre zèle, ni refroidir votre amour pour la patrie. La patrie reconnaissante vous remercie par mon organe, et vous saura gré de tout ce que vous avez fait pour elle. Mais le moment est arrivé, soldats, où la guerre que vous faisiez est devenue sans but comme sans objet

Ce texte est plus profond.

Citer :
mais bien d’entraîner tout un corps de troupe et de priver tout bonnement l’Empereur de son avant-garde, rendant du coup la position de ce dernier encore plus critique et le pousser, face au fait accompli, à l’abdication.

C'est pour ceci qu'un officier devrait avoir le droit de se démettre avant d'arriver à cette limite. Dûment remplacé, la troupe n'aurait pas été quelque peu prise en otage entre le devoir et la raison.

Citer :
Ainsi, pour certains, Marmont trahissant l’Empereur, trahissait la patrie, alors que pour d’autres, il la défendait du mieux qu’il pouvait…

Là est toute la force de Napoléon : arriver à incarner la "patrie". C'est fort car ceci biaise ensuite toute démarche.

Citer :
« Dans les crises politiques, le plus difficile pour un honnête homme n'est pas de faire son devoir, mais de le connaître. »

Très belle phrase à méditer, merci.

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"... Et si je te semble avoir agi follement, peut-être suis-je accusée de folie par un insensé." (Sophocle)


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